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    CONSEILDE LEUROPE

    COUNCILOF EUROPE

    COUR EUROPENNE DES DROITS DE LHOMME

    EUROPEAN COURT OF HUMAN RIGHTS

    COUR (CHAMBRE)

    AFFAIRE WINTERWERP c. PAYS-BAS

    (Requte no 6301/73)

    ARRT

    STRASBOURG

    24 octobre 1979

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    CONSEILDE LEUROPE COUNCILOF EUROPE

    COUR EUROPENNE DES DROITS DE LHOMME

    EUROPEAN COURT OF HUMAN RIGHTS

    En laffaire Winterwerp,

    La Cour europenne des Droits de lHomme, constitue, conformment larticle 43 (art. 43) de la Convention de sauvegarde des Droits de lHomme

    ("la Convention") et aux dispositions pertinentes de son rglement, en unechambre compose des juges dont le nom suit:

    Mme H. PEDERSEN,prsidente,MM. G. WIARDA,

    D. EVRIGENIS,P.-H. TEITGEN,G. LAGERGREN,L. LIESCH,F. GLCKL,

    ainsi que de MM. M.-A. EISSEN,greffier, et H. PETZOLD,greffier adjoint,Aprs avoir dlibr en chambre du conseil 29 novembre 1978, puis les 25

    et 26 septembre 1979,Rend larrt que voici, adopt cette dernire date:

    PROCEDURE

    1. Laffaire Winterwerp a t dfre la Cour par la Commissioneuropenne des Droits de lHomme ("la Commission") et le gouvernement duRoyaume des Pays-Bas ("le Gouvernement"). A son origine se trouve unerequte dirige contre cet tat et dont un ressortissant nerlandais, M. Frits

    Winterwerp, avait en 1972 saisi la Commission en vertu de larticle 25 (art.25) de la Convention.

    2. La demande de la Commission, qui saccompagnait du rapport prvu larticle 31 (art. 31) de la Convention, et la requte du Gouvernement, quirenvoyait larticle 48 (art. 48), ont t dposes au greffe de la Cour dans ledlai de trois mois fix par les articles 32 paras. 1 et 47 (art. 32-1, art. 47), la

    premire le 9 mars 1978, la seconde le 21 avril. Elles ont pour objet dobtenirune dcision de la Cour sur le point de savoir si les faits de la cause rvlentou non, de la part de ltat dfendeur, un manquement aux obligations lui

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    incombant daprs les articles 5 par. 1, 5 par. 4 et 6 par. 1 (art. 5-1, art. 5-4,art. 6-1) de la Convention.

    3. La Chambre de sept juges constituer comprenait de plein droit M. G.Wiarda, juge lu de nationalit nerlandaise (article 43 de la Convention) (art.43), et M. G. Balladore Pallieri, prsident de la Cour (article 21 par. 3b) durglement). Le 11 mars 1978, en prsence du greffier adjoint, le prsident dela Cour a dsign par tirage au sort les cinq autres membres, savoir Mme H.Pedersen, Mme D. Bindschedler-Robert, M.D. Evrigenis, M.L. Liesch etM.F. Glckl (article 43 in fine de la Convention et article 21 par. 4 durglement) (art. 43). Par la suite, Mme Bindschedler-Robert a t dispensede siger (4 juillet 1978) et M. Balladore Pallieri empch de participer lexamen de laffaire (25 septembre 1979); les ont remplacs les deux

    premiers supplants, MM. Lagergren et Teitgen (articles 22 par. 1 et 24 paras.

    1 et 4 du rglement).M. Balladore Pallieri puis, partir du 25 septembre 1979, Mme Pedersen

    ont assum la prsidence de la Chambre (article 21 par. 5 du rglement).4. Par lintermdiaire du greffier adjoint, le prsident de la Chambre a

    recueilli lopinion de lagent du Gouvernement, de mme que celle desdlgus de la Commission, au sujet de la procdure suivre. Le 19 mai, il adcid que lagent prsenterait un mmoire avant le 1er aot 1978 et que lesdlgus auraient la facult dy rpondre par crit dans un dlai de deux mois compter de la date laquelle le greffier le leur aurait communiqu.

    Le greffe a reu le mmoire du Gouvernement le 24 juillet 1978. Le 18septembre, le secrtaire de la Commission a inform le greffier que lesdlgus nentendaient pas en dposer un de leur ct.

    5. Le 6 octobre, le prsident de la Chambre a fix louverture de laprocdure orale au 28 novembre, aprs avoir consult agent duGouvernement et dlgus de la Commission par lintermdiaire du greffier.Le 21 octobre, il a invit le Gouvernement produire un document qui est

    parvenu au greffe le 10 novembre.6. Les audiences se sont droules en public le 28 novembre, au Palais des

    Droits de lHomme Strasbourg. La Cour avait tenu immdiatementauparavant une brve runion consacre leur prparation.

    Ont comparu:

    - pour le Gouvernement:Mlle F.Y. VANDERWAL, jurisconsulte adjointau ministre des affaires trangres, agent,

    M. E.A. DROOGLEEVER FORTUIJN, Landsadvocaat,M. L.A. GEELHOED, fonctionnaire

    au ministre de la justice, conseils;- pour la Commission:M. J.E.S. FAWCETT, dlgu principal,M. C.H.J. POLAK, dlgu,Me J.H.A. VAN LOON, qui avait reprsent

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    le requrant devant la Commission, assistant les dlgusen vertu de larticle 29 par. 1, deuxime phrase, du

    rglement de la Cour.La Cour a ou en leurs dclarations, ainsi quen leurs rponses ses

    questions, Mlle van der Wal, M. Droogleever Fortuijn et M. Geelhoed pour leGouvernement, M. Fawcett et Me Van Loon pour la Commission.

    7. Sur une suggestion du dlgu principal, le prsident de la Chambre naprononc que la clture provisoire des dbats pour donner la Commission lapossibilit de prsenter, dans un dlai de deux semaines, une dclarationcrite du gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et dIrlande du

    Nord sur linterprtation de larticle 5 par. 4 (art. 5-4). Au cours du mois denovembre, ledit gouvernement et le greffier avaient chang plusieurs lettres ce sujet.

    Le 15 dcembre 1978, le prsident a prorog le dlai mentionn plus hautjusquau 5 janvier 1979, la demande de la Commission. Cette dernire adpos au greffe la dclaration crite du gouvernement du Royaume-Uni le 9

    janvier; ses dlgus ont indiqu en mme temps quils navaient pasdobservations formuler pour leur propre compte. Le 2 fvrier, le greffier areu de lagent du gouvernement nerlandais une lettre lui faisant savoir quecelui-ci nestimait pas ncessaire de sexprimer sur les problmes soulevsdans la dclaration prcite.

    8. Le 27 dcembre 1978, Me Van Loon a communiqu la Cour desdocuments quil avait mentionns lors des audiences.

    9. La Chambre a rendu dfinitive la clture des dbats le 26 septembre1979.

    FAITS

    10. M. Frits Winterwerp vit aux Pays-Bas. En 1956, il contracta unmariage dont naquirent plusieurs enfants. En 1968, il fut plac dans un hpital

    psychiatrique sur lordre du maire de sa commune, titre de mesuredurgence. Six semaines plus tard, on linterna dans le mme hpital lademande de sa femme, en vertu dune autorisation de la justice de paix(kantongerecht) de son lieu de rsidence. Toujours sur linitiative de sonpouse, puis sur celle du procureur (officier van justitie), lautorisation a trenouvele chaque anne par le tribunal darrondissement (arrondissements-rechtbank) la lumire de rapports du mdecin traitant.

    Le requrant sen prend la procdure suivie son gard. Il se plaintnotamment de navoir jamais t entendu par les diverses juridictions, denavoir pas reu notification des dcisions le concernant, de navoir bnficidaucune assistance juridique et de navoir pu contester les rapports

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    mdicaux. Il slve aussi contre le sort rserv ses demandesdlargissement et contre la perte de sa capacit civile.

    A. La lgislation nerlandaise en matire dinternement des alins

    11. Linternement des alins obit une loi du 27 avril 1884 sur lecontrle des malades mentaux par ltat (wet van 27 april 1884, Stb 96, totregeling van het Staatstoezicht op krankzinnigen). Communment appele loisur les malades mentaux (krankzinnigenwet), elle a t amende diffrentesfois, en dernier lieu par une loi du 28 aot 1970 entre en vigueur le 15 mai1972, donc quelque temps aprs le premier internement de lintress. Le

    parlement nerlandais se trouve saisi dun projet de loi tendant une refontecomplte du systme.

    La loi sur les malades mentaux se divise en cinq chapitres principaux.Trois surtout dentre eux entrent en ligne de compte en lespce. Le premier atrait ladmission et au sjour dans les hpitaux psychiatriques, le deuximeaux congs et aux librations, le troisime ladministration des biens des

    personnes admises dans ces tablissements.La loi ne dfinit pas les "malades mentaux", mais indique les motifs de

    placement de telles personnes dans un asile (voir les paragraphes ci-aprs).Daprs les pices du dossier, la pratique gnrale des juridictionsnerlandaises consiste autoriser linternement de ceux-l seuls que la natureou la gravit de leurs troubles mentaux rendent dangereux pour eux-mmes

    ou autrui.(i) Procdure dinternement en cas durgence

    12. Sil y a urgence, le maire a comptence pour prescrire ladmissionforce dun "malade mental" dans un hpital psychiatrique.

    Jusquen 1972, il ne lui fallait consulter au pralable un mdecin que si lescirconstances sy prtaient; sa dcision valait pour trois semaines, mais le

    procureur pouvait abrger ou prolonger ce dlai (article 14 de la loi).La loi de 1970 a beaucoup modifi cette procdure, abrogeant larticle 14

    pour y substituer les articles 35 b et 35 j. Dsormais, le maire recueilledabord lavis dun psychiatre ou, si la chose ne se rvle pas possible, dun

    autre mdecin. Ds quil a ordonn un internement, il informe le procureur etlui envoie les dclarations mdicales sur lesquelles il sest fond. A son tourle procureur les communique, au plus tard le lendemain, au prsident dutribunal darrondissement en requrant, le cas chant, le maintien delinternement. Le maintien, sil intervient, vaut pour trois semaines, mais le

    prsident peut le renouveler pour une seconde priode de mme dure, aprsquoi sapplique la procdure relative aux demandes dautorisationdinternement provisoire (paragraphes 13 15 ci-dessous).

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    (ii) Autorisation dinternement provisoire

    13. Sauf dans les cas durgence mentionns plus haut, nul ne doit tre

    priv de sa libert pour maladie mentale ou folie quen vertu duneautorisation judiciaire dinternement provisoire.

    Le juge de paix (kantonrechter) peut en dcerner une la demande(verzoek) soit dun proche parent ou alli majeurs, du conjoint ou dureprsentant lgal, introduite par crit dans lintrt de lordre public ou de la

    personne en cause (article 12 de la loi), soit dun majeur estimant que sonpropre tat exige un traitement appropri (article 15). De son ct, leprsident du tribunal darrondissement a qualit pour dlivrer pareilleautorisation sur requte (requisitoir) du procureur (article 13).

    Daprs larticle 16 de la loi, la demande ou requte saccompagne dunedclaration rdige au maximum sept jours auparavant par un docteur habilit exercer aux Pays-Bas et non rattach ltablissement o lon veut internerle patient. La dclaration doit faire ressortir que ce dernier "se trouve dans untat de dmence (toestand van krankzinnigheid) et que son traitement dans unasile est ncessaire ou souhaitable". La demande peut aussi, mais il sagit ldune simple facult, signaler des circonstances et documents rvlant plusclairement cet tat.

    Depuis lentre en vigueur de la loi de 1970, ladite dclaration mane dunpsychiatre qui ne traite pas lui-mme le malade; elle prcise dans la mesuredu possible, motifs lappui, si ltat de lintress rend laudition de celui-ci

    par le juge absurde ou mdicalement contre-indique. Sil le peut, le

    psychiatre consulte au pralable le mdecin de famille.14. Le juge autorise linternement provisoire si la dclaration mdicale,seule ou combine avec les circonstances relates, prouve suffisance lancessit ou opportunit dun traitement dans un asile (article 17 par. 1 de laloi).

    Jusquen 1972, la loi nimposait aucune formalit pour lexamen de lademande ou requte. Aux termes de larticle 17 en vigueur lpoque desfaits de la cause, le juge avait comptence pour entendre dabord la personnedont linternement tait sollicit. La loi modificative prcite ly obligedsormais sauf si, la lumire de la dclaration mdicale, une telle auditionlui semble absurde ou mdicalement contre-indique; il peut, doffice ou la

    demande de lintresse, adjoindre celui-ci un conseil juridique (article 17par. 3). Il se renseigne autant que possible auprs de lauteur de la demandeou requte mentionnes aux articles 12 et 13 ainsi que de certaines autres

    personnes (article 17 par. 4). Il demeure habilit convoquer des tmoins etexperts (article 17 par. 5); sil lestime souhaitable, il peut inviter comparatre devant lui quiconque a demand linternement en vertu delarticle 12 (article 17 par. 6).

    15. Lautorisation dinternement provisoire nest susceptible daucunrecours, ni du reste signifie lintress (article 17); elle vaut pour six mois(article 22).

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    Comme lautorisation dinternement (paragraphes 16 et 17 ci-dessous),elle permet la dtention plus quelle ne lordonne et il peut lui arriver de ne

    pas recevoir excution. Dans le cas dun individu non encore hospitalis,ladmission dans un asile ou autre tablissement spcialis doit avoir lieusous quinzaine, sur production de lautorisation judiciaire (articles 17 et 18).Inform par le juge ou le procureur, le maire la porte la connaissance des

    parents ou allis les plus proches, du conjoint ou du reprsentant lgal (article19). La dclaration mdicale ayant servi de base la dcision du juge estcommunique au mdecin traitant de ltablissement, lequel consigne sesconstatations dans un registre, dabord quotidiennement puis, pass les quinze

    premiers jours, sur une base hebdomadaire pendant six mois et mensuelle parla suite (article 20).

    Deux semaines au plus tard aprs ladmission, le docteur charg du

    traitement adresse au procureur de larrondissement o se trouve lasile unedclaration motive sur ltat mental du patient et sur la ncessit ouopportunit de prolonger le sjour dans un asile (article 21).

    (iii) Autorisation dinternement

    16. Dans le dlai de six mois compter de la dlivrance de lautorisationdinternement provisoire, une nouvelle demande ou requte tendant aumaintien du patient en asile pour une priode maximale dun an peut treadresse au tribunal darrondissement; elle saccompagne dune copie desannotations du mdecin responsable et dune dclaration motive de ce

    dernier sur la ncessit ou opportunit de prolonger le traitement dans un asile(article 22).Point nest besoin daviser lintress de la demande ou requte ni de

    linstance la concernant.17. Le tribunal darrondissement statue (article 23). Hormis lobligation

    dentendre le procureur, il na pas observer des rgles fixes de procdure. Ilpeut recueillir des tmoignages ou dautres preuves, our le malade, luiaccorder une assistance juridique et consulter des experts, mais rien ne lyastreint. Le patient demeure dans ltablissement pendant lexamen delaffaire, sil le faut plus de six mois aprs lautorisation initiale.

    Non susceptible de recours, la dcision nest ni prononce en public ni

    signifie lintress. La pratique laisse la direction de lhpital le soindapprcier si et quand pareille communication se justifie mdicalement.En matire civile, le tribunal darrondissement sige dordinaire en une

    chambre dau moins trois juges (article 49 par. 1 de la loi sur lorganisationjudiciaire). Toutefois, celle-ci peut renvoyer une chambre juge unique(enkelvoudige kamer) les causes qui lui semblent sy prter (article 288 b) ducode de procdure civile). Chaque tribunal darrondissement possde son

    propre rglement intrieur (reglement van orde), approuv par un arrt royalsur avis de la Cour suprme (Hoge Raad). Tel quil sappliquait lpoqueconsidre (paragraphes 25 et 26 ci-dessous), celui du tribunal

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    se trouve saisi daucune demande de prolongation, ordonne llargissement moins que pareille mesure ne lui semble dangereuse pour lordre public la

    lumire dune dclaration crite et motive du mdecin-chef; dans cettedernire hypothse, il requiert le tribunal dautoriser la prolongation delinternement (article 31).

    (vi) Internement et capacit civile

    21. Tout individu majeur effectivement plac dans un hpitalpsychiatrique perd de plein droit la capacit dadministrer son patrimoine(article 32). Partant, les contrats conclus par lui aprs son internement sontnuls et il ne peut valablement oprer un transfert de proprit ni grer sescomptes en banque. Il ne recouvre cette capacit quune fois officiellementlargi mais non, par exemple, lorsquon lui octroie un cong.

    A la demande de lune des personnes habilites solliciter linternement,ou sur requte du procureur, le tribunal darrondissement peut, sil lestimencessaire ou souhaitable, nommer un administrateur provisoire (provisioneel

    bewindsvoerder) tout individu intern dans un asile (article 33). En outre, largle gnrale de larticle 378 du code civil lui permet de dsigner uncurateur quiconque, priv ou non de sa libert, nest plus apte, pour causede troubles mentaux ou de dipsomanie, diriger ses propres affaires.

    (vii) Le projet de loi soumis au parlement

    22. Le projet de loi a pour but densemble damliorer le sort du patient: il

    cherche renforcer les garanties de procdure dont sentoure la dtention et laisser plus de libert dans lasile.Le critre justifiant linternement serait dsormais que lindividu en cause

    reprsente, en raison de son tat mental, "un danger pour lui-mme, pour destiers ou pour la scurit des personnes et des biens en gnral". Parmi lesautres modifications notables figureraient les suivantes: la chambre jugeunique du tribunal darrondissement constituerait tous les stades la

    juridiction comptente; lautorisation dinternement provisoire ne vaudraitque pour trois semaines; avant de dcerner une autorisation, ou de statuer surune demande dlargissement, le tribunal entendrait en principe lintress; ilne pourrait dcider de se passer de cette audition quen une seule occasion,

    lexamen de la demande ou requte tendant la premire autorisationdinternement, cest--dire trois semaines aprs la dlivrance de lautorisation

    provisoire; il aurait lobligation daccorder une assistance juridique lintress si celui-ci la sollicitait; un recours souvrirait contre lesautorisations dinternement; ladmission dans un hpital psychiatriquenentranerait pas automatiquement la perte de la capacit civile.

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    B. Les circonstances de lespce

    23. Du 28 mars au 12 septembre 1967, M. Winterwerp reut de son pleingr un traitement dans un hpital psychiatrique; quelque temps auparavant, ilavait apparemment subi de graves lsions au cerveau lors dun accident. Le17 mai 1968 il fut plac lasile "Zon en Schild" ("Soleil et Bouclier"), Amersfoort, sur lordre du maire de cette ville et conformment la

    procdure durgence que prvoyait lpoque larticle 14 de la loi sur lesmalades mentaux (paragraphe 12 ci-dessus). La dcision se fondait sur ce quele requrant avait vol des documents dans les registres dtat civil de lacommune, que la police lavait incarcr et quon lavait trouv nu sur un litdune cellule du commissariat. Le procureur prolongea le dlai de dtentionainsi que ly habilitait le paragraphe 3 de larticle 14.

    24. Le 24 juin 1968, pendant la dure de validit de cette mesure"durgence", Mme Winterwerp sollicita auprs de la justice de paixdAmersfoort, sur un formulaire type, linternement provisoire de son maridans ltablissement "Zon en Schild", dans lintrt de lordre public commede son poux.

    A la demande se trouvait jointe une dclaration mdicale, date du 20 juin,du gnraliste qui avait ce jour-l examin pour la premire fois le patient.Elle relevait que ce dernier avait t intern en 1966 pour "tentative demeurtre" et quil avait suivi un traitement psychiatrique en 1967. Elle ajoutaitquil sagissait d"un schizode souffrant dides imaginaires et utopiques","se dtruisant depuis assez longtemps lui-mme ainsi que sa famille" et"inconscient de son tat maladif". Elle concluait que "pour linstant" il ne

    pouvait point "aller librement dans la socit".Sappuyant sur ce document, le juge de paix fit droit la demande le 24

    juin et autorisa linternement provisoire du requrant sans user au pralablede son pouvoir de lentendre ou de consulter un expert.

    25. Le 1er novembre 1968, Mme Winterwerp invita le tribunaldarrondissement dUtrecht autoriser linternement de son mari pour un an.

    Sa demande saccompagnait des annotations quotidiennes ethebdomadaires du mdecin traitant et de la dclaration relative la ncessitou opportunit de continuer le traitement lasile.

    A la lumire de ces pices, la chambre juge unique comptente en lamatire dcerna lautorisation le 23 dcembre 1968.26. Le 16 dcembre 1969, la demande de la femme du requrant et sur la

    base des annotations mensuelles du mdecin traitant comme de sadclaration, identique celle de lanne prcdente, ladite chambre autorisa la

    prolongation de linternement "pour un an au besoin" compter du 23dcembre 1969.

    Le 6 aot 1970, lintress fut transfr au "Rijks Psychiatrisch Inrichting"("tablissement psychiatrique de ltat") dEindhoven, ville plus loigne du

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    domicile de son pouse laquelle il avait pu jusque-l rendre plusieursvisites.

    27. Le 14 dcembre 1970, le procureur de Bois-le-Duc requit lerenouvellement de lautorisation pour un an; il se fondait sur les annotationsmensuelles des mdecins traitants successifs et dune dclaration de celuidEindhoven, ainsi libelle:

    "Le patient souffre dune maladie mentale: psychopathe, revendicateur etcomploteur, tendance paranode, trs peu digne de confiance, donne des signes dedmence se traduisant [...] par un effacement affectif; tendance gocentrique; a besoindun contrle strict et de soins particuliers. Il faut considrer comme ncessaire la

    poursuite du traitement en asile."

    Le 7 janvier 1971, soit deux semaines aprs larrive chance delautorisation antrieure, la premire chambre ordinaire du tribunaldarrondissement de Bois-le-Duc autorisa linternement pour un an de plus.

    28. Les 21 dcembre 1971, 15 dcembre 1972 et 14 dcembre 1973, lemme tribunal renouvela derechef lautorisation pour un an la requte du

    procureur et en sappuyant sur les annotations mensuelles et sur dautresdclarations, identiques, du mdecin traitant qui avait pourtant chang dans lecourant de 1972. Les 19 dcembre 1974 et 15 dcembre 1975, il dfraencore des requtes semblables du procureur. Le plus rcent renouvellementdautorisation signal la Cour remonte dcembre 1977.

    29. Bien quassez sommaires, les annotations mdicales communiqueschaque anne aux tribunaux indiquaient que le requrant montrait desractions schizophrnes et paranoaques, navait aucune conscience de sontat pathologique et avait plusieurs fois commis des actes assez graves sansen mesurer les consquences. On y lit, par exemple, que pour raliser des

    projets chimriques il se rendit ltranger avec les conomies de sa familleet se trouva vite dmuni, sans comprendre ltat dabandon dans lequel illaissait les siens ni sa propre dpendance lgard des autorits consulairesqui durent lassister puis le rapatrier.

    30. En fvrier 1969, M. Winterwerp avait adress la direction delhpital une premire demande dlargissement conformment larticle 29de la loi (paragraphe 20 ci-dessus). Elle la transmit au procureur qui sontour la porta devant le tribunal darrondissement, lequel la rejeta aprs avoir

    ou le requrant lasile.Une deuxime demande fut transmise par la direction au procureur en avril1971, avec un avis ngatif. Aprs avoir entendu M. Winterwerp, il la repoussaen vertu du paragraphe 3 de larticle 29, sans en saisir le tribunal. Unetroisime demande, introduite en juillet 1972, subit le mme sort.

    Le 20 fvrier 1973, lintress en prsenta une nouvelle la direction du"Rijks Psychiatrisch Inrichting". Le mdecin-directeur la transmit le 26 avril1973 au procureur avec ses observations qui peuvent se rsumer ainsi: le

    patient souffrait dune psychose paranoaque se prtant bien un traitementpsychopharmacologique, mais au cours de congs antrieurs il avait nglig

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    dabsorber ses pilules de sorte quil avait fallu le rintgrer aprs rechute; onsemployait la rinsrer progressivement dans la socit et il passait la nuit

    lextrieur; vu les checs du pass, le librer naurait gure eu de sens. Surla base de cette opinion, et aprs avoir entendu le requrant, le procureurrejeta aussi cette demande sans la dfrer au tribunal darrondissement; il eninforma M. Winterwerp le 17 mai 1973.

    Dans ses quatre demandes dlargissement, lintress se bornait affirmer quil tait sain desprit, quon lavait accus tort de dlits et quilne constituait pas un danger pour lui-mme ou autrui. Si le procureur ne porta

    pas les trois dernires dentre elles devant le tribunal darrondissement cestquil estimait manifestement impossible dy satisfaire.

    31. De temps en temps, le requrant a bnfici de congs de duresdiverses. A quatre reprises au moins - pendant neuf mois en 1974, quatre en

    1976-1977, un puis deux et demi en 1978 - on la laiss loger hors delhpital titre dessai. Chaque fois, on a d ly enfermer derechef. Plusieursraisons se dgagent des pices: il navait pas suivi le traitement prescrit; unesalet rpugnante rgnait dans sa chambre; tout rcemment, il a fracass unefentre en Allemagne o il errait au hasard.

    32. Par son internement dans un hpital psychiatrique, M. Winterwerp aperdu de plein droit de la capacit de grer ses biens (article 32 de la loi,paragraphe 21 ci-dessus). On ne lui a pas dsign dadministrateur provisoire(article 33) et ses affaires semblent avoir t diriges dabord par son pouse.Le 11 aot 1971, le tribunal darrondissement a nomm un curateur (article378 du code civil); celui-ci na jamais demand llargissement de lintress.

    PROCEDURE DEVANT LA COMMISSION

    33. Dans sa requte du 13 dcembre 1972 la Commission, M.Winterwerp se plaignait de se trouver arbitrairement priv de sa libert et denavoir t ni entendu par un tribunal ni inform des diffrentes dcisions quiavaient prolong son internement.

    La Commission a retenu la requte le 30 septembre 1975, prcisant quellelavait tudie "sous langle de larticle 5 (art. 5) de la Convention".

    Pendant lexamen du fond du litige, lavocat du requrant a introduit ungrief supplmentaire: la perte automatique, par son client, de la capacit degrer son patrimoine impliquerait une dcision "sur ses droits et obligationsde caractre civil", laquelle aurait eu lieu sans procdure judiciaire vritable;il y aurait donc eu manquement aux exigences de larticle 6 par. 1 (art. 6-1).

    34. Dans son rapport du 15 dcembre 1977, la Commission unanimeconclut lexistence dune violation de larticle 5 par. 4 (art. 5-4), mais nonde larticle 5 par. 1 (art. 5-1). Dautre part, elle estime ne pas devoir se

    prononcer sur la mconnaissance allgue de larticle 6 par. 1 (art. 6-1) car

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    "cette question (...) concerne des faits distincts de ceux initialement soumis son examen et na pas fait lobjet devant elle dune argumentation

    dveloppe".

    EN DROIT

    I. SUR LA VIOLATION ALLEGUEE DE LARTICLE 5 PAR. 1 (art. 5-1)

    35. Le requrant se trouve sans conteste priv de sa libert depuis 1968, quelques interruptions prs, en vertu de la loi sur les dficients mentaux

    (paragraphes 23 31 ci-dessus). Il se prtend victime dune violation delarticle 5 par. 1 (art. 5-1) qui, dans la mesure o il joue un rle en lespce,se lit ainsi:

    "Toute personne a droit la libert et la sret. Nul ne peut tre priv de sa libert,sauf dans les cas suivants et selon les voies lgales:

    (...)

    e) sil sagit de la dtention rgulire (...) dun alin (...);

    (...)."

    A. "Dtention rgulire dun alin"

    36. M. Winterwerp affirme dabord que sa privation de libert neremplissait pas les conditions dcoulant des mots "dtention rgulire dunalin". Ni le Gouvernement ni la Commission ne souscrivent cette thse.

    37. La Convention ne prcise pas ce quil faut entendre par "alin". Ceterme ne se prte pas une interprtation dfinitive: comme lont soulignCommission, Gouvernement et requrant, son sens ne cesse dvoluer avecles progrs de la recherche psychiatrique, la souplesse croissante dutraitement et les changements dattitude de la communaut envers lesmaladies mentales, notamment dans la mesure o se rpand une plus grandecomprhension des problmes des patients.

    En tout cas, on ne saurait videmment considrer que lalina e) delarticle 5 par. 1 (art. 5-1-e) autorise dtenir quelquun du seul fait que sesides ou son comportement scartent des normes prdominant dans unesocit donne. Lopinion contraire ne se concilierait pas avec le texte delarticle 5 par. 1 (art. 5-1) qui dresse une liste limitative (arrt Engel et autresdu 8 juin 1976, srie A no 22, p. 24, par. 57; arrt Irlande contre Royaume-Uni du 18 janvier 1978, srie A no 25, p. 74, par. 194) dexceptions appellant

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    une interprtation troite (voir, mutatis mutandis, larrt Klass et autres du 6septembre 1978, srie A no 28, p. 21, par. 42, et larrt Sunday Times du 26

    avril 1979, srie A no 30, p. 41, par. 65). Elle ne cadrerait pas davantage avecle but et lobjet de cette disposition: assurer que nul ne soit arbitrairementdpouill de sa libert (arrt Lawless du 1er juillet 1961, srie A no 3, p. 52;arrt Engel et autres, prcit, p. 25, par. 58). Elle mconnatrait de surcrotlimportance du droit la libert dans une socit dmocratique (arrt DeWilde, Ooms et Versyp du 18 juin 1971, srie A no 12, p. 36, par. 65; arrtEngel et autres, prcit, p. 35, par. 82 in fine).

    38. Pas plus que la Convention ne le fait pour les "alins", la lgislationnerlandaise ne dfinit les "malades mentaux" (krankzinnige); elle indiquecependant les motifs de placement de telles personnes dans un hpital

    psychiatrique (paragraphe 11 ci-dessus). Ainsi, un "malade mental" peut faire

    lobjet dune demande dinternement provisoire dans son propre intrt oudans celui de lordre public; une dclaration mdicale doit attester quil "setrouve dans un tat de dmence et que son traitement dans un asile estncessaire ou souhaitable" (articles 12 et 16 de la loi, paragraphe 13 ci-dessus). Sil estime la chose suffisamment tablie, le juge de paix ordonnelinternement provisoire (article 17 de la loi, paragraphe 14 ci-dessus). Demme une demande dinternement, sur laquelle statue le tribunaldarrondissement, doit saccompagner dune dclaration motive du mdecinresponsable, certifiant la ncessit ou opportunit de prolonger le traitementdu patient dans un asile (articles 22 et 23 de la loi, paragraphes 16 et 17 ci-dessus). En outre, daprs les pices du dossier la pratique gnrale des

    juridictions nerlandaises consiste autoriser linternement de ceux-l seulsque la nature ou la gravit de leurs troubles mentaux rendent dangereux poureux-mmes ou autrui; le projet de loi en instance parle de "danger pour[lintress], pour des tiers ou pour la scurit des personnes et des biens engnral" (paragraphes 11 et 22 ci-dessus).

    Eu gard cette pratique, la lgislation en vigueur ne parat aucunementincompatible avec le sens quil faut attribuer au mot "alin" dans le contextede la Convention. La Cour considre donc quun individu dtenu en vertu dela loi nerlandaise sur les malades mentaux tombe, en principe, sous le coupde larticle 5 par. 1 e) (art. 5-1-e).

    39. La "rgularit" de la dtention au regard de larticle 5 par. 1 e) (art. 5-1-e) constitue le deuxime problme examiner. Elle suppose dabord laconformit au droit interne mais aussi, larticle 18 (art. 18) le confirme, au butdes restrictions autorises par larticle 5 par. 1 e) (art. 5-1-e); elle doitmarquer tant ladoption que lexcution de la mesure privative de libert(arrt Engel et autres, prcit, p. 28, par. 68 in fine).

    Au sujet de la confirmit au droit interne, la Cour souligne que ladjectif"rgulier" englobe la fois la procdure et le fond. Un certain chevauchementexiste donc entre lui et lexigence gnrale nonce au dbut de larticle 5

    par. 1 e) (art. 5-1-e): le respect des "voies lgales" (paragraphe 45 ci-dessous).

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    En vrit, ces deux expressions refltent limportance de la finalit sous-jacente larticle 5 par. 1 (art. 5-1) (paragraphe 37 ci-dessus): dans une

    socit dmocratique adhrant la prminence du droit (arrt Golder du 21fvrier 1975, srie A no 18, pp. 16-17, par. 34; arrt Klass et autres, prcit, p.25, par. 55), une dtention arbitraire ne peut jamais passer pour "rgulire".

    La Commission insiste de son ct sur la ncessit de labsencedarbitraire; elle en dduit quon ne saurait interner quelquun comme"alin" sans des preuves mdicales rvlant chez lui un tat mental propre

    justifier une hospitalisation force (paragraphe 76 du rapport). Requrant etGouvernement mettent une opinion analogue.

    La Cour souscrit pleinement cette thse. A ses yeux, pour priverlintress de sa libert on doit, sauf dans cas durgence, avoir tabli son"alination" de manire probante. La nature mme de ce quil faut dmontrer

    devant lautorit nationale comptente un trouble mental rel - appelle uneexpertise mdicale objective. En outre, le trouble doit revtir un caractre ouune ampleur lgitimant linternement. Qui plus est, ce dernier ne peut se

    prolonger valablement sans la persistance de pareil trouble (voir, mutatismutandis, larrt Stgmller du 10 novembre 1969, srie A no 9, pp. 39-40,

    par. 4, et larrt De Wilde, Ooms et Versyp, prcit, p. 43, par. 82).40. La Cour a sans nul doute comptence pour sassurer de la "rgularit"

    de la dtention (arrt Engel et autres, prcit, p. 29, par. 69). Daprs M.Winterwerp, des vices de procdure ont rendu irrgulire ladoption de troisdes ordres dinternement litigieux. La Cour examine ces allgations plus loin,conjointement avec le problme trs voisin du respect des "voies lgales"(paragraphes 44 50). Pour le moment, il suffit dajouter ceci: il y a lieu dereconnatre aux autorits nationales un certain pouvoir discrtionnaire quandelles se prononcent sur linternement dun individu comme "alin", car illeur incombe au premier chef dapprcier les preuves produites devant ellesdans un cas donn; la tche de la Cour consiste contrler leurs dcisionssous langle de la Convention (voir notamment, mutatis mutandis, larrtHandyside du 7 dcembre 1976, srie A no 24, pp. 22 et 23, paras. 48 et 50,larrt Klass et autres, prcit, p. 23, par. 49, et larrt Sunday Times, prcit,

    p. 36, par. 59).41. En lespce, les preuves mdicales prsentes aux tribunaux relevaient

    en substance que le requrant montrait des ractions schizophrnes etparanoaques, navait pas conscience de son tat pathologique et avaitplusieurs fois commis des actes assez graves sans en mesurer lesconsquences. En outre, diffrents essais tendant sa rintgration graduelledans la socit ont chou (paragraphes 24, 27, 29 et 30 ci-dessus).

    42. M. Winterwerp conteste les rapports mdicaux, non satisfaisants selonlui aux fins de larticle 5 par. 1 e) (art. 5-1-e). Il se demande de surcrot si ladcision initiale du maire se fondait sur des preuves psychiatriques.

    Pour la Cour, les circonstances qui menrent cette dcision en mai 1968(paragraphe 23 ci-dessus) taient propres justifier un internement

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    "durgence" du type prvu lpoque par larticle 14 de la loi nerlandaise. Sila ncessit de prolonger un tel internement durant non moins de six semaines

    peut inspirer des hsitations, ce dlai na pas t excessif au point dentranerl"irrgularit" de la dtention. Malgr les critiques du requrant, la Cour naaucune raison de douter de lobjectivit et de la solidit des preuvesmdicales sur la base desquelles les tribunaux nerlandais, partir de juin1968, ont autoris linternement de celui-ci comme alin. Elle ne dispose pasdavantage dindices daprs lesquels la privation de libert incrimine aurait

    poursuivi un but illicite.43. La Cour conclut donc que linternement de M. Winterwerp a constitu,

    pendant chacune de ses diverses phases, "la dtention rgulire dun alin",au sens de larticle 5 par. 1 e) (art. 5-1-e).

    B. "Selon les voies lgales"

    44. Le requrant affirme que sa privation de libert na pas eu lieu "selonles voies lgales". Cette expression impliquerait le respect de certains

    principes lmentaires de procdure judiciaire, par exemple informerlintress, lentendre, lui offrir un moyen de participer linstance et dy

    jouir dune aide juridique. Or ils nauraient pas t observs en lespce.Le Gouvernement rpond que la procdure prvue en la matire par la loi

    nerlandaise remplit coup sr les conditions pouvant dcouler cet gard delarticle 5 par. 1 (art. 5-1), car elle assure un contrle priodique par un juge

    indpendant qui sappuie, pour statuer, sur des dclarations mdicales.Daprs la Commission, larticle 5 par. 1 e) (art. 5-1-e) se borne exigerdes rapports mdicaux; pour le surplus, il renvoie au droit interne sansimposer de garanties minimales de procdure.

    45. Quant elle, la Cour estime que les mots "selon les voies lgales" serfrent pour lessentiel la lgislation nationale; ils consacrent la ncessitde suivre la procdure fixe par celle-ci.

    Toutefois, il faut que le droit interne se conforme lui-mme laConvention, y compris les principes gnraux noncs ou impliqus par elle.A la base du membre de phrase prcit se trouve la notion de procdurequitable et adquate, lide que toute mesure privative de libert doit maner

    dune autorit qualifie, tre excute par une telle autorit et ne pas revtirun caractre arbitraire. La loi nerlandaise sur les malades mentaux(paragraphes 11 20 ci-dessus) satisfait cette obligation.

    46. La Cour a comptence pour rechercher si la procdure prescrite parcette loi a t observe dans le cas du requrant (voir, par exemple, larrt DeWilde, Ooms et Versyp, prcit, pp. 38-39, paras. 69-70, et larrt Engel etautres, prcit, p. 28, par. 68 in fine). Sil ne lui appartient pas dordinaire devrifier le respect du droit interne par les autorits nationales (arrt Ringeisendu 16 juillet 1971, srie A no 13, p. 40, par. 97), il en va autrement dans lesmatires o la Convention renvoie directement ce droit, comme ici: en ces

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    matires, la mconnaissance du droit interne entrane celle de la Convention,de sorte que la Cour peut et doit exercer un certain contrle (dcision de la

    Commission sur la recevabilit de la requte no 1169/61, X. contreRpublique fdrale dAllemagne, Annuaire de la Convention, vol. 6, pp.521-591, la p. 589).

    Cependant, lconomie du systme de sauvegarde instaur par laConvention assigne des limites lampleur de ce contrle. Il incombe au

    premier chef aux autorits nationales, notamment aux tribunaux, dinterprteret appliquer le droit interne, mme dans les domaines o la Convention sen"approprie" les normes: par la force des choses, elles sont spcialementqualifies pour trancher les questions surgissant cet gard (dcision prcitede la Commission, ibidem; voir aussi, mutatis mutandis, le paragraphe 40 ci-dessus).

    47. Selon M. Winterwerp, les autorisations dinternement dlivres contrelui prsentaient des vices de forme sur deux points.

    48. Tout dabord, celles que la chambre juge unique du tribunaldarrondissement dUtrecht a prononces les 23 dcembre 1968 et 16dcembre 1969 (paragraphes 25 et 26 ci-dessus) auraient t "irrgulires" endroit nerlandais. En attribuant une telle chambre toutes les affaires relevantdes articles 22 24 de la loi sur les malades mentaux, le rglement intrieurde ce tribunal enfreindrait larticle 288b) du code de procdure civile quisubordonne la dcision expresse dune chambre dau moins trois juges,dans chaque cas despce, la saisine de la chambre juge unique (paragraphe17 ci-dessus).

    Le Gouvernement conteste cette interprtation en se fondant sur dautrestextes de droit nerlandais.

    Quant la Commission elle considre que "les autorisations dinternementne sont pas trangres la comptence de la chambre juge unique"(paragraphe 80 in fine du rapport).

    La Cour constate que la solution adopte en lespce par le tribunaldarrondissement dUtrecht dcoulait de son rglement intrieur, approuv

    par un arrt royal sur avis du Hoge Raad (paragraphe 17 ci-dessus). Laconformit de ce rglement au code de procdure civile pose en droitnerlandais un problme qui, faute de jurisprudence du Hoge Raad, semble

    prter encore controverse. Dans ces conditions, la Cour na pas de raisonssuffisantes de conclure que le tribunal darrondissement dUtrecht na pas agi"selon les voies lgales".

    49. Second vice de forme allgu par le requrant: lautorisationdinternement du 16 dcembre 1969 avait dj expir quand le tribunalrgional de Bois-le-Duc la renouvele le 7 janvier 1971 (paragraphe 27 ci-dessus). Il en rsulterait une double consquence: linternement aurait tirrgulier dans la mesure o il a continu au-del du terme; de son ct,lordre du 7 janvier 1971 aurait enfreint la loi parce que tardif.

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    Le Gouvernement rpond que si le procureur a requis la prorogation delinternement, lautorisation antrieure reste valable jusqu la dcision du

    tribunal. En son article 24, la loi sur les malades mentaux exige que le dptde pareille requte ait lieu peu avant larrive chance de lautorisation

    prcdente, mais elle ne prcise nullement quand doit statuer le tribunalrgional (paragraphe 18 ci-dessus). En loccurrence, le parquet a prsentladite requte le 14 dcembre 1970, donc en temps voulu (paragraphe 27 ci-dessus).

    La Cour accepte lexplication de caractre gnral fournie par leGouvernement. Quant aux circonstances de la cause, on ne saurait considrerque le retard observ ait entran une privation arbitraire de libert:lintervalle de deux semaines entre expiration et renouvellement delautorisation ne peut en aucune manire passer pour draisonnable ou

    excessif.50. En rsum, la dtention du requrant a eu lieu "selon les voies lgales".

    C. Le droit prtendu un traitement

    51. M. Winterwerp avance que larticle 5 par. 1 e) (art. 5-1-e) implique,pour un individu intern comme "alin", le droit un traitement adquatlassurant de ne pas demeurer dtenu au-del du strict ncessaire. Or, dansson propre cas, les rencontres avec un psychiatre auraient t trop rares et

    brves et les mdicaments administrs auraient consist outre mesure en

    tranquillisants.Le Gouvernement conteste avec force ces allgations.La Cour estime, avec la Commission, que le droit dun patient un

    traitement adapt son tat ne saurait se dduire en tant que tel de larticle 5par. 1 e) (art. 5-1-e). En outre, lexamen du dossier ne rvle cet gard lamconnaissance daucune autre clause de la Convention.

    D. Conclusion

    52. La Cour conclut donc labsence de violation de larticle 5 par. 1 (art.5-1).

    II. SUR LA VIOLATION ALLEGUEE DE LARTICLE 5 PAR. 4 (art. 5-4)

    53. Le requrant invoque ainsi le paragraphe 4 de larticle 5 (art. 5-4),ainsi libell:

    "Toute personne prive de sa libert par arrestation ou dtention a le droitdintroduire un recours devant un tribunal, afin quil statue bref dlai sur la lgalitde sa dtention et ordonne sa libration si la dtention est illgale."

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    Il incombe la Cour dexaminer ce grief bien quelle nait relev aucuneinfraction au paragraphe 1 (art. 5-1) (arrt De Wilde, Ooms et Versyp,

    prcit, pp. 39-40, par. 73).

    A. Sur la dcision initiale dinternement prise par le maire et les

    autorisations ultrieures dlivres par le juge de paix et le tribunal

    darrondissement

    54. M. Winterwerp a dabord t dtenu, du 17 mai au 24 juin 1968, sur labase dune dcision du maire dAmersfoort. Prise au titre de la procduredurgence que prvoyait lpoque larticle 14 de la loi sur les maladesmentaux, elle valait pour trois semaines mais le procureur prorogea ce dlai(paragraphe 23 ci-dessus).

    Linternement subsquent du requrant, lui, ne rsultait pas dun acteadministratif: conformment aux articles 17, 23 et 24 de la loi, lautorisationdinternement provisoire du 24 juin 1968 provenait du juge de paixdAmersfoort; lautorisation dinternement du 23 dcembre 1968, du tribunaldarrondissement dUtrecht; les autorisations postrieures, des tribunauxdarrondissement de cette ville et de Bois-le-Duc (paragraphes 24-28 ci-dessus).

    55. Dans son arrt De Wilde, Ooms et Versyp du 18 juin 1971, prcit, laCour a relev (p. 40, par. 76):

    "Si la dcision privative de libert mane dun organe administratif, larticle 5 par. 4

    (art. 5-4) astreint (...) les tats ouvrir au dtenu un recours auprs dun tribunal, maisrien nindique quil en aille de mme quand elle est rendue par un tribunal statuant lissue dune procdure judiciaire. Dans cette dernire hypothse, le contrle voulu parlarticle 5 par. 4 (art. 5-4) se trouve incorpor la dcision (...)."

    Sappuyant sur sa propre jurisprudence, la Commission estime que cetteconclusion ne peut valoir telle quelle pour linternement dune personnecomme "alin", du moins lorsquil est prononc pour une dureindtermine (paragraphe 95 du rapport).

    Les motifs justifiant lorigine pareil internement, le prsent arrt la djnot, peuvent cesser dexister (paragraphe 39 in fine ci-dessus). Partant, onmconnatrait le but et lobjet de larticle 5 (art. 5) (paragraphe 37 ci-dessus)

    si lon interprtait le paragraphe 4 (art. 5-4), lu dans son contexte, commeexemptant en loccurrence la dtention de tout contrle ultrieur de lgalitpour peu quun tribunal ait pris la dcision initiale. Par nature, la privation delibert dont il sagit parat appeler la possibilit de semblable contrle, exercer des intervalles raisonnables. Cependant, la Commission le souligneau paragraphe 95 de son rapport, il est superflu dapprofondir la questionavant davoir tabli si les dcisions relatives M. Winterwerp ont bien t

    prises "recours devant un tribunal" ("proceedings [before] a court") au sens delarticle 5 par. 4 (art. 5-4).

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    56. Ni le bourgmestre, qui prit la dcision initiale, ni le procureur, qui enprolongea la dure de validit, ne peuvent passer pour prsenter les traits

    distinctifs dun "tribunal". En revanche le juge de paix et les tribunauxdarrondissement, qui prononcrent les diverses autorisations dinternement,constituent sans nul doute des "tribunaux" du point de vue organique: ils sont"indpendants de lexcutif comme des parties" au litige (arrt De Wilde,Ooms et Versyp, prcit, p. 41, par. 77).

    57. Toutefois, larticle 5 par. 4 (art. 5-4) ne se contente de linterventiondun tel organe que si "la procdure suivie" revt "un caractre judiciaire etdonne lindividu en cause des garanties adaptes la nature de la privationde libert dont il se plaint"; pour dterminer "si une procdure offre desgaranties suffisantes, il faut avoir gard la nature particulire descirconstances dans lesquelles elle se droule" (mme arrt, pp. 41 et 42,

    paras. 76 in fine et 78).Ainsi que le Gouvernement le souligne bon escient, la "dtention dun

    alin" (article 5 par. 1 e)) (art. 5-1-e) forme une catgorie spcifique.58. Aux yeux de la Commission, le noyau irrductible dune procdure

    judiciaire consiste en pareil cas dans le droit, pour lintress, de prsenter sesmoyens et de contredire les constatations mdicales et sociales invoques enfaveur de sa dtention (paragraphe 102 du rapport). Daprs les dlgus, lalgislation nerlandaise enfreint larticle 5 par. 4 (art. 5-4) en accordant cetgard au juge un pouvoir discrtionnaire.

    Le requrant souscrit en substance au raisonnement de la Commission. Ilajoute que vu la situation propre aux alins, larticle 5 par. 4 (art. 5-4)implique pour eux le droit une assistance juridique.

    59. Selon le Gouvernement, larticle 5 par. 4 (art. 5-4) noblige pas untribunal entendre en personne un individu que son tat mental, tabli sur la

    base dun avis mdical objectif, rend incapable de toute dclaration utile enjustice. Or les preuves mdicales objectives fournies au fil des ans auxjuridictions nerlandaises montreraient quil en allait ainsi de M. Winterwerp.

    Le systme de la loi sur les malades mentaux offrirait des garantiessuffisantes. Le contrle incomberait un tribunal indpendant, ayant pleinelatitude pour examiner le fond de chaque affaire. Il revtirait en outre uncaractre permanent: au moins une fois lan, un tribunal statue sur la ncessit

    de prolonger la dtention. De son ct le procureur, charg par la loi dassurerque nul ne se trouve illgalement intern dans un hpital psychiatrique,jouerait un rle important de surveillance. Enfin, les attestations et rapportsmdicaux exigs aux divers stades obiraient des rgles prcises destines

    protger le patient.60. La Cour ne partage pas lopinion du Gouvernement.Certes, les instances judiciaires relevant de larticle 5 par. 4 (art. 5-4) ne

    doivent pas toujours saccompagner de garanties identiques celles quelarticle 6 par. 1 (art. 6-1) prescrit pour les litiges civils ou pnaux (arrt DeWilde, Ooms et Versyp, prcit, p. 42, par. 78 in fine). Encore faut-il que

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    lintress ait accs un tribunal et loccasion dtre entendu lui-mme ou, aubesoin, moyennant une certaine forme de reprsentation, sans quoi il ne jouira

    pas des "garanties fondamentales de procdure appliques en matire deprivation de libert" (mme arrt, p. 41, par. 76). Les maladies mentalespeuvent amener restreindre ou modifier ce droit dans ses conditionsdexercice (voir, pour larticle 6 par. 1 (art. 6-1), larrt Golder, prcit, p. 19,

    par. 39), mais elles ne sauraient justifier une atteinte son essence mme. Envrit, des garanties spciales de procdure peuvent simposer pour protgerceux qui, en raison de leurs troubles mentaux, ne sont pas entirementcapables dagir pour leur propre compte.

    61. Tels quils se lisaient lpoque, les articles 17, 23 et 24 de la loi surles malades mentaux nastreignaient ni le juge de paix ni le tribunaldarrondissement laudition de quelquun dont on sollicitait linternement

    (paragraphes 14, 17 et 18 ci-dessus).En loccurrence, le requrant ne fut jamais associ, en personne ou par le

    truchement dun reprsentant, aux procdures qui conduisirent aux diversesautorisations dinternement dcernes contre lui: on ne le renseigna pas surleur droulement ni sur leur rsultat; les tribunaux ne lentendirent pas et ilneut pas loccasion de plaider sa cause.

    Sur ce point capital, les garanties voulues par larticle 5 par. 4 (art. 5-4) dela Convention lui ont manqu en droit et en pratique. Malgr quelques aspects

    judiciaires, la procdure suivie par le juge de paix et le tribunaldarrondissement pour lexamen des demandes dinternement ne lui a pasassur le "droit dintroduire un recours devant un tribunal", au sens de cetexte (paragraphe 57 ci-dessus). Sans nullement sous-estimer la valeur desnombreuses garanties offertes par la loi sur les malades mentaux, la Courconsidre que ladite procdure ne rpondait pas aux exigences de larticle 5

    par. 4 (art. 5-4).

    B. Sur les demandes dlargissement du requrant

    62. Le Gouvernement insiste juste titre sur la ncessit dune vue globaledu systme de la loi sur les malades mentaux. Il reste donc rechercher si la

    procdure rgissant les demandes dlargissement (article 29 de la loi,

    paragraphe 20 ci-dessus) comble les lacunes que la Cour vient de constater.63. Si larticle 29 de la loi permet lintress de rclamer un contrle desa dtention, la demande dlargissement ne dbouche pas forcment sur le

    jugement dun tribunal. Elle est adresse la direction de lasile qui, en casdavis mdical ngatif, la communique au procureur. Celui-ci en saisit alorsen principe le tribunal darrondissement, mais il ny est pas tenu danscertaines hypothses, en particulier sil lui semble manifestement impossibledy rserver une suite favorable. Or sa dcision ne saurait en aucune manire

    passer pour maner dun tribunal aux fins de larticle 5 par. 4 (art. 5-4) de laConvention. Sans doute des limitations de la frquence de pareilles demandes

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    peuvent-elles, selon les circonstances, constituer des restrictions lgitimes laccs des alins aux tribunaux (paragraphe 60 ci-dessus). Nanmoins, en

    refusant de dfrer au tribunal darrondissement une demande, parce quellelui parat videmment mal fonde, le procureur ne se borne pas restreindrele droit une procdure judiciaire tel que le consacre larticle 5 par. 4 (art. 5-4): il le supprime en ralit.

    De son ct le tribunal darrondissement, quant il se trouve appel statuer, apprcie sa guise lopportunit dour le dtenu. Un tel pouvoirnassure pas les garanties fondamentales de procdure observer en matirede privation de libert (paragraphes 60 et 61 ci-dessus).

    64. M. Winterwerp fut entendu en fvrier 1969 par le tribunaldarrondissement lors de lexamen de sa premire demande (paragraphe 30ci-dessus, premier alina). Dans cette mesure, il a joui dun recours devant un

    tribunal pour contester la lgalit de son internement.Ses demandes ultrieures davril 1971, juillet 1972 et fvrier 1973, au

    contraire, ne furent pas transmises au tribunal darrondissement: le procureurles rejeta comme voues lchec (paragraphe 30 ci-dessus, deuxime ettroisime alinas). Il se pronona chaque fois aprs audition du requrant etses dcisions peuvent bien avoir t justifies sur la base des lments quil

    possdait, mais on ne saurait les qualifier de dcisions prises par un "tribunal"au sens de larticle 5 par. 4 (art. 5-4).

    C. Sur la circonstance que le requrant naurait pas cherch se faire

    reprsenter par un homme de loi

    65. Au paragraphe 11 b) de son mmoire, le Gouvernement dclare quunepersonne ayant "de bonnes et srieuses raisons de nier la lgalit de sadtention" peut, daprs la lgislation nerlandaise, les faire exposer autribunal par un dfenseur. Maintes occasions de consulter un avocat de sonchoix se seraient offertes M. Winterwerp, surtout durant ses divers congshors de lasile. Comme il naurait apparemment jamais essay de sadresseraux tribunaux par lintermdiaire dun homme de loi, lors de lexamen

    priodique de son internement comme pour ltude de ses demandesdlargissement, on ne saurait prtendre, selon le Gouvernement, quil se soit

    vu refuser "le droit dintroduire un recours", tel que le garantit larticle 5 par.4 (art. 5-4).66. La Cour ne souscrit pas cette thse. Le bnfice de la procdure

    voulue par larticle 5 par. 4 (art. 5-4) ne dpend pas de lexistence de "bonneset srieuses raisons de nier la lgalit [dune] dtention", car il sagit

    prcisment du problme sur lequel doit statuer la juridiction interne. Enoutre, larticle 5 par. 4 (art. 5-4) nexige pas que les individus placs soussurveillance titre d"alins" sefforcent eux-mmes, avant de recourir untribunal, de trouver un homme de loi pour les reprsenter.

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    On peut donc prtendre que faut davoir aucun moment charg un avocatde le reprsenter, le requrant a nglig de se prvaloir du droit reconnu

    larticle 5 par. 4 (art. 5-4); en ralit il la bel et bien invoqu en rclamant quatre reprises un contrle de la lgalit de son internement (paragraphe 64ci-dessus).

    D. Conclusion

    67. En rsum, les diverses dcisions qui ordonnrent ou autorisrent ladtention de M. Winterwerp manaient, selon le cas, dorganes ne prsentant

    pas les traits distinctifs dun "tribunal" ou noffrant pas les garanties deprocdure judiciaire exiges par larticle 5 par. 4 (art. 5-4); lintress na pasdavantage eu accs un "tribunal", ni joui de ces garanties, lors de lexamende ses demandes dlargissement lexception de la premire, que le tribunaldarrondissement rejeta en fvrier 1969. Il a subi, par consquent, uneviolation de larticle 5 par. 4 (art. 5-4).

    68. A la lumire de cette conclusion, la Cour ne croit pas ncessaire detrancher un problme soulev en lespce: le contrle de "lgalit" impos parlarticle 5 par. 4 (art. 5-4) porte-t-il non seulement sur la rgularit formellede la procdure suivie, mais aussi sur la justification matrielle de la privationde libert? Commission, gouvernement nerlandais et requrant se

    prononcent en faveur de cette dernire interprtation (paragraphes 46, 62 et88 91 du rapport), mais le gouvernement du Royaume-Uni la combat dans

    sons mmorandum du 9 janvier 1979 (paragraphe 7 ci-dessus). Quoi quil ensoit, la lgislation nerlandaise ne limite pas ltendue du contrle.

    III. SUR LA VIOLATION ALLEGUEE DE LARTICLE 6 PAR. 1 (art. 6-1)

    69. Le requrant avance un troisime grief, "subsidiaire, bien que li" auxautres. Dans la mesure o sa dtention la automatiquement dpouill de lacapacit de grer son patrimoine, il y aurait eu "dcision" sur "ses droits etobligations de caractre civil" sans les garanties de procdure judiciaire

    prescrites par larticle 6 par. 1 (art. 6-1), aux termes duquel

    "Toute personne a droit ce que sa cause soit entendue quitablement,

    publiquement et dans un dlai raisonnable, par un tribunal indpendant et impartial,tabli par la loi, qui dcidera, soit des contestations sur ses droits et obligations decaractre civil, soit du bien-fond de toute accusation en matire pnale dirige contreelle. Le jugement doit tre rendu publiquement, mais laccs de la salle daudience

    peut tre interdit la presse et au public pendant la totalit ou une partie du procsdans lintrt de la moralit, de lordre public ou de la scurit nationale dans unesocit dmocratique lorsque les intrts des mineurs ou la protection de la vie privedes parties au procs lexigent, ou dans la mesure juge strictement ncessaire par letribunal, lorsque dans des circonstances spciales la publicit serait de nature porteratteinte aux intrts de la justice."

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    70. La Commission estime ne pas devoir exprimer davis sur la question:celle-ci concernerait "des faits distincts" de ceux dont elle se trouvait saisie

    lorigine et naurait pas donn lieu devant elle "une argumentationdveloppe" (paragraphe 116 du rapport).

    Il faut ds lors rechercher si la Cour peut, elle, se prononcer sur laviolation allgue de larticle 6 (art. 6).

    71. Dans son arrt du 18 janvier 1978 en laffaire Irlande contre Royaume-Uni (srie A no 25, p. 63, par. 157), la Cour a dfini de la sorte ltendue de sacomptence contentieuse:

    "Une dcision de recevabilit rendue par la Commission fixe lobjet du litige dfr la Cour. Cest seulement lintrieur du cadre ainsi trac que celle-ci (...) peutconnatre de toutes les questions de fait ou de droit surgissant en cours dinstance(...)."

    En retenant, le 30 dcembre 1975, la requte de M. Winterwerp, laCommission a spcifi quelle lavait tudie "sous langle de larticle 5 (art.5) de la Convention" (paragraphe 33 ci-dessus). Tout en expliquant pourquoielle navait pas cru "ncessaire ou souhaitable" de soccuper du grief relatif larticle 6 (art. 6) au cours de lexamen au fond, ses dlgus ont prcis laudience quun problme lui paraissait bien pouvoir se poser ici.

    72. La Cour commence par constater que le Gouvernement na jamaisinvoqu devant la Commission (arrt De Wilde, Ooms et Versyp, prcit, p.30, par. 54), ni du reste devant elle-mme, aucune exception prliminaire surle point considr.

    Il existe en outre une connexit manifeste entre ledit grief, quoique M.Winterwerp ne lait pas formul dans sa requte la Commission, et ceux quiy figuraient. Pendant la procdure sur la recevabilit, lintress, nonreprsent lpoque par un avocat, sattaquait sa privation de libert: ilsestimait en dtention arbitraire et se plaignait de navoir t ni entendu parun juge, ni inform des diverses dcisions prolongeant son internement(paragraphe 33 ci-dessus). La question nouvelle souleve par Me Van Loondevant la Commission, sur le terrain de larticle 6 (art. 6) et au stade delexamen au fond, avait trait une consquence juridique rsultantautomatiquement de linternement forc dans un hpital psychiatrique (article32 de la loi sur les malades mentaux, paragraphe 21 ci-dessus). Elle se

    rattache ainsi troitement aux faits qui constituaient lobjet des griefsprimitifs de M. Winterwerp, dclars recevables par la Commission (voir,mutatis mutandis, larrt Delcourt du 17 janvier 1970, srie A no 11, p. 20,

    par. 40).La Cour a donc comptence pour la trancher.73. Le Gouvernement doute de lapplicabilit de larticle 6 (art. 6) en

    lespce. Il incline penser quil sagit dun problme de statut plutt que dedroits et obligations de caractre civil comme tels.

    La Cour ne partage pas cette opinion. La capacit de grer en personne sonpatrimoine comprend lexercice de droits privs et, partant, touche des

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    "droits et obligations de caractre civil" au sens de larticle 6 par. 1 (art. 6-1)(arrt Knig du 28 juin 1978, srie A no 27, p. 32, par. 95). Lter M.

    Winterwerp quivalait "dcider" de pareils droits et obligations.74. Le requrant a perdu cette capacit par son internement dans un asile

    (paragraphe 32 ci-dessus).En ce qui concerne la dtention "durgence" ordonne lorigine par le

    maire (paragraphes 12 et 23 ci-dessus), aucun tribunal navait videmmententendu la cause dans les conditions prvues larticle 6 par. 1 (art. 6-1) de laConvention.

    Les priodes ultrieures dinternement, elles, ont t autorises desintervalles rguliers par le juge de paix dAmersfoort, puis par les tribunauxdarrondissement dUtrecht et Bois-le-Duc. Toutefois, le prsent arrt a djsignal certains aspects de la procdure suivie en ces occasions, notamment la

    circonstance que ni en droit ni en pratique M. Winterterp na pu se faireentendre, lui-mme ou par le truchement dun reprsentant (paragraphe 61 ci-dessus). Qui plus est, cette procdure ne portait que sur la privation de libertdu requrant. En consquence, on ne saurait considrer quelle ait englob unexamen "quitable", au regard de larticle 6 par. 1 (art. 6-1), de la question desa capacit civile.

    75. Le Gouvernement sappuie sur un argument dordre gnral pourplaider labsence dinfraction larticle 6 par. 1 (art. 6-1): les clauses de la loisur les malades mentaux sauvegarderaient les droits de caractre civil delalin dtenu qui, en raison mme de son tat mental dment tabli, aurait

    besoin dtre protg contre sa propre inaptitude diriger ses affaires.La Cour ne souscrit pas cette thse. De quelque manire quil se justifie

    de retirer un alin la capacit dadministrer ses biens, le respect desgaranties de larticle 6 par. 1 (art. 6-1) ne sen impose pas moins. Lesmaladies mentales, on la relev plus haut dans le contexte de larticle 5 par. 4(art. 5-4) (paragraphes 60 et 63), peuvent rendre lgitimes certaineslimitations de lexercice du "droit un tribunal", mais non labsence totale dece droit tel que le consacre larticle 6 par. 1 (art. 6-1) (arrt Golder, prcit,

    pp. 18 et 19, paras. 36, 38 et 39).76. Il y a donc eu violation de larticle 6 par. 1 (art. 6-1).

    IV. SUR LAPPLICATION DE LARTICLE 50 (art. 50)

    77. A laudience lavocat du requrant a suggr, en guise de satisfactionquitable, un programme en cinq points consistant pour lessentiel donner son client le bnfice dune post-cure, sous le contrle du service

    psychiatrique social, avec lassurance de garanties compltes de procdure ence qui concerne la dlivrance des autorisations annuelles de prolongation etlexamen des demandes dlargissement. Il na rien rclam au titre dedommages matriels, ni recherch loctroi dune indemnit pour prjudicemoral.

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    Sans entrer dans les dtails, les dlgus de la Commission ont exprimlopinion quil sagissait l dun systme quitable de rparation aux fins de

    larticle 50 (art. 50).Quant au Gouvernement, il a rserv sa position.78. Bien que souleve en vertu de larticle 47 bis du rglement, la question

    de lapplication de larticle 50 (art. 50) de la Convention ne se trouve ds lorspas en tat. En consquence, la Cour doit la rserver et dterminer laprocdure ultrieure, en tenant compte de lhypothse dun accord entre tatdfendeur et requrant (article 50 paras. 3 et 5 du rglement).

    PAR CES MOTIFS LA COUR, A LUNANIMITE

    1. Dit quil ny a pas eu violation de larticle 5 par. 1 (art. 5-1);

    2. Dit quil y a eu violation de larticle 5 par. 4 (art. 5-4);

    3. Dit quelle a comptence pour statuer sur le grief relatif larticle 6 par. 1(art. 6-1);

    4. Dit quil y a eu violation de cette clause;

    5. Dit que la question de lapplication de larticle 50 (art. 50) ne se trouve pas

    en tat;

    en consquence,

    a) la rserve en entier;

    b) invite la Commission lui prsenter, dans le dlai de deux mois compterdu prononc du prsent arrt, ses observations sur cette question etnotamment lui donner connaissance de tout rglement auquelGouvernement et requrant auront pu aboutir;

    c) rserve la procdure ultrieure.

    Rendu en franais et en anglais, le texte anglais faisant foi, au Palais desDroits de lHomme Strasbourg, le vingt-quatre octobre mil neuf centsoixante-dix-neuf.

    Helga PEDERSENPrsidente

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    Marc-Andr EISSENGreffier

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