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Sylvain Auroux Actes de pensée et actes linguistiques dans la grammaire générale In: Histoire Épistémologie Langage. Tome 8, fascicule 2, 1986. pp. 105-120. Abstract ABSTRACT : In so far as general grammar belongs to the class of language-translation theories, it does not have a semantic theory that enables it to define enunciative phenomena. However, it has made possible various analyses of the phenomena, either by referring to acts of thought (Port-Royal), or by using the indication of the act of speech (Beauzée), or by reducing the assertion to the linguistic act of pronunciation (Condillac). But, because it is unable to conceive self-reference, it cannot define the concept of performaticity. Résumé RÉSUMÉ : Appartenant à la classe des théories du langage-traduction, la grammaire générale ne dispose pas d'une théorie sémantique qui lui permette de définir les phénomènes énonciatifs. Elle a permis cependant une large gamme d'analyses de ces phénomènes/soit en partant des actes de pensée (Port-Royal), soit en utilisant le repère de l'acte de parole (Beauzée), soit en réduisant l'affirmation à l'acte linguistique de la prononciation (Condillac). Faute de pouvoir comprendre la sui-référence, elle ne peut toutefois pas dégager le concept de performativité. Citer ce document / Cite this document : Auroux Sylvain. Actes de pensée et actes linguistiques dans la grammaire générale. In: Histoire Épistémologie Langage. Tome 8, fascicule 2, 1986. pp. 105-120. doi : 10.3406/hel.1986.2226 http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/hel_0750-8069_1986_num_8_2_2226

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Sylvain Auroux

Actes de pensée et actes linguistiques dans la grammairegénéraleIn: Histoire Épistémologie Langage. Tome 8, fascicule 2, 1986. pp. 105-120.

AbstractABSTRACT : In so far as general grammar belongs to the class of language-translation theories, it does not have a semantictheory that enables it to define enunciative phenomena. However, it has made possible various analyses of the phenomena,either by referring to acts of thought (Port-Royal), or by using the indication of the act of speech (Beauzée), or by reducing theassertion to the linguistic act of pronunciation (Condillac). But, because it is unable to conceive self-reference, it cannot define theconcept of performaticity.

RésuméRÉSUMÉ : Appartenant à la classe des théories du langage-traduction, la grammaire générale ne dispose pas d'une théoriesémantique qui lui permette de définir les phénomènes énonciatifs. Elle a permis cependant une large gamme d'analyses de cesphénomènes/soit en partant des actes de pensée (Port-Royal), soit en utilisant le repère de l'acte de parole (Beauzée), soit enréduisant l'affirmation à l'acte linguistique de la prononciation (Condillac). Faute de pouvoir comprendre la sui-référence, elle nepeut toutefois pas dégager le concept de performativité.

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Auroux Sylvain. Actes de pensée et actes linguistiques dans la grammaire générale. In: Histoire Épistémologie Langage. Tome8, fascicule 2, 1986. pp. 105-120.

doi : 10.3406/hel.1986.2226

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/hel_0750-8069_1986_num_8_2_2226

Histoire Épistémologie Langage VHI-2 (1986) 105

ACTES DE PENSEE ET ACTES

LINGUISTIQUES DANS LA GRAMMAIRE

GÉNÉRALE

Sylvain AUROUX

ABSTRACT : In so far as general grammar belongs to the class of language-translation theories, it does not have a semantic theory that enables it to define enunciative phenomena. However, it has made possible various analyses of the phenomena, either by referring to acts of thought (Port-Royal), or by using the indication of the act of speech (Beauzée), or by reducing the assertion to the linguistic act of pronunciation (Condillac). But, because it is unable to conceive self-reference, it cannot define the concept of performaticity.

RÉSUMÉ : Appartenant à la classe des théories du langage-traduction, la grammaire générale ne dispose pas d'une théorie sémantique qui lui permette de définir les phénomènes énonciatifs. Elle a permis cependant une large gamme d'analyses de ces phénomènes/soit en partant des actes de pensée (Port-Royal), soit en utilisant le repère de l'acte de parole (Beauzée), soit en réduisant l'affirmation à l'acte linguistique de la prononciation (Condillac). Faute de pouvoir comprendre la sui-référence, elle ne peut toutefois pas dégager le concept de performativité.

Les théories classiques du langage appartiennent à la classe des théories du langage-traduction, c'est-à-dire pour lesquelles la séquence linguistique est avant tout Yimage d'une séquence de pensée. Ce qui les distingue généralement des théories traditionnelles du même type (cf. Aristote, Int. 16a 4-5), c'est le rôle de la

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subjectivité. On peut ramener la notion de subjectivité à trois conditions : 1) penser est le fait d'un individu hic et nunc; 2) l'esprit correspond à un certain nombre de facultés individuelles (notamment la volonté) qui interviennent dans son fonctionnement représentatif; 3) les représentations de la pensée n'ont aucune communauté de nature avec le monde qu'elles représentent.

Le fait que le langage soit l'image de la pensée peut se traduire de multiples façons : a) on met simplement en correspondance deux suites d'éléments, qui même si elles ont des modes de réalisation différents (l'une est simultanée, l'autre est successive), d'une part se correspondent terme à terme, d'autre part sont conçues comme la description d'un état; b) les séquences sont envisagées comme des processus ou comme comportant des processus, c'est-à-dire des actes du sujet pensant et/ou parlant.

Dans cette dernière hypothèse, il convient encore de faire des distinctions. On peut avoir quatre cas : i) certains éléments de l'énoncé sont des images de certains actes de pensée ; ii) les actes de pensée définissent des propriétés des séquences linguistiques sans qu'ils y soient nécessairement marqués ; iii) l'acte locutoire est un paramètre pour définir la signification de certains éléments de la séquence linguistique (par exemple temps verbal, pronoms personnels) ; iv) l'acte locutoire donne naissance à des actes impossibles sans lui. Il est évident que les cas (ii) à (iv) mettent en difficulté l'hypothèse du langage-traduction.

On peut difficilement considérer que les théories du type (a), ont quelque chose d'intéressant à dire sur renonciation. C'est avec les théories de type (b) que les théories linguistiques commencent à accorder de l'intérêt aux phénomènes énonciatifs. Dans la grammaire générale cet intérêt correspond d'abord à la théorie du verbe et sa fonction assertive. Il est par là-même lié au transfert des concepts logiques dans le champ de la grammaire, en particulier à la définition de la phrase (ou proposition) comme signifiant un jugement. Cette définition n'a été que peu utilisée par les grammairiens antérieurs (Padley 1985:299-300).

Toute théorie du jugement - qu'elle soit grammaticale ou logique - ne prend pas nécessairement en considération les paramètres énonciatifs. Pour qu'elle le fasse, il semblerait que la clause (2) du subjectivisme joue un rôle important, dans la mesure où elle ôte aux valeurs de vérité une dépendance exclusive à l'égard

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des contenus représentatifs. Ainsi pour Descartes « la volonté est autant requise que l'entendement pour juger ; elle a plus d'étendue que lui, et est cause de nos erreurs » (Principes de la philosophie, 1 644, § 34-35). Leibniz, à l'inverse, restera dans une théorie de type (a), par refus du subjectivisme : « Errorum omnium origo eadem est, suo quodam modo, quae errorum calculi ratio apud Arithmeticos obser- vatur » (Animadversiones in Cartesium, ad locum).

Les théories classiques du verbe (cf. Delesalle/Désirat 1981, Auroux 1984) ont pour caractéristique générale de soutenir la décomposition canonique en /être + participe présent/ (théorie du verbe substantif). Elles offrent un choix entre trois valeurs (non exclusives) du verbe substantif, et donc du fonctionnement propositionnel : les deux valeurs que Benveniste (1966:154), probablement inspiré par la grammaire classique, nomme cohesive et assertive, et une valeur existentielle. Je pense qu'on peut retrouver la source de ces trois valeurs chez Aristote (respective^ ment Int : 16b22, 17al7, 21b8). Encore faut-il pour obtenir une théorie qui touche à renonciation, que certains éléments de l'énoncé canonique soient interprétés comme signifiant des actes. Là encore il y a une longue tradition que Nuchelmans fait remonter d'une part à l'interprétation médiévale (xiiic siècle) des syncatégo- rématiques (1983:101 s.) par l'opposition exercitus VS affectas (1), d'autre part au cartésianisme. La meilleure preuve de ce dernier point est que la Logica fundamenta suis, a quitus hactenus collàpsa fuerunt, restituta (1662) de A. Geulinx, fortement influencé par Descartes, distingue les mots (nota) qui expriment la réalisation d'un acte (signum actus ut exerdti). Quant à la fonction cohesive du verbe, Padley (1985:305-7) a montré qu'elle apparaissait chez Campanella (1638), Scaliger (1540), Caramuel (1654), Dalgarno (1661) et Wilkins (1668). Le courant de pensée qui s'inaugure avec Port-Royal me paraît apporter une discussion systématique de certains phénomènes énonciatif s, en particulier l'affirmation. Il ne s'agit évidemment pas de théorie de renonciation au sens moderne, en particulier parce que ces théories se répartissent sur le spectre (i-iv), et que de surcroît, les théories de type (iii) semblent indépendantes des autres, ce qui est évidemment très paradoxal à nos yeux modernes. Je prendrai trois exemples pour illustrer cette répartition : Port-Royal, Beauzée (en m'appuyant sur la dernière forme de la théorie dans l'Encyclopédie Méthodique 1782-1786), et Condillac (1775).

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La théorie de Port-Royal est bien connue (cf. Chevalier 1968:506-516; Dominicy 1977, 1984:161 ; Le Goffic 1978; Auroux 1982:40 ; Pariente 1983:57). Pour les Messieurs le principal usage du verbe est de signifier l'affirmation {Gram. XIII) - fonction qui ne se distingue pas de sa fonction cohesive (« le verbe de lui-même ne devrait point avoir d'autre usage que de marquer la liaison ») - et, accessoirement, d'autres actes de l'esprit qui permettent d'analyser modes et modalités. Les Messieurs distinguent parfaitement le sujet de l'énoncé et celui de renonciation, et, malgré l'ambiguité terminologique, l'affirmation et l'assertion :

Quand je dis, Petrus affirmât, affirmât est la même chose que est affirmons; et alors est marque mon affirmation, ou le jugement que je fais touchant Pierre, et affirmons l'affirmation que je conçois et que j'attribue à Pierre. Le verbe nego, au contraire, contient une affirmation et une négation, pour la même raison.

S'il est probablement correct de voir dans un tel passage l'ancêtre de Xhypothèse performative (pour des raisons peut-être différentes de Meunier 1978:91), il est totalement erroné de voir dans l'assertion chez Port-Royal un performatif (comme par ex. Swiggers 1981:362). Le verbe /être/ est tout simplement le signe d'un acte de pensée, et c'est à la troisième personne du singulier du présent qu'il incarne au mieux cette valeur. Si le sujet de l'énoncé se distingue du sujet de renonciation, c'est parce que le premier est le sujet de la pensée et le second le sujet pensant. Nous sommes donc dans le cas d'une théorie des actes dépensée (Auroux 1979:91-96), c'est-à-dire de type (i). Ces actes ne sont pas nécessairement marqués dans l'énoncé. Ainsi le même énoncé peut être une relative determinative ou explicative {Logique IL VI), une principale ou une incidente (Logique II.VIII), selon l'intention de celui qui parle. La théorie de l'assertion n'est donc que l'un des éléments d'une théorie générale des actes de pensée, qui gouverne l'interprétation des échanges linguistiques, réglant en particulier, certains phénomènes d'équivocité et d'ambiguité référentielle, ou permettant le traitement des indéfinis (Ducrot 1970:93). Par rapport à renonciation, c'est donc globalement une théorie de type (ii). Dominicy (1984:97-145) et Pariente (1985:349) sont parfaitement fondés d'y voir une pragmatique générale. Dans la mesure où tout se passe dans la pensée, il ne s'agit pas exactement

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de théorie énonciative; il serait plus exact d'employer un qualificatif comme énonçoïde. On peut en mesurer l'originalité par rapport - sinon par opposition - à la philosophie transcendantale, qui, par un enfermement exclusif dans la pensée, me semble n'avoir aucun caractère énonçoïde (voir note 8). Kant transformera le cogito cartésien, en un Je pense, un sujet transcendantal qui accompagne toute pensée («Das ich denke, muss aile meine Vorstellungen begleiten kônnen», Krit. R.V., Trans. Deduk., 2te Aufl., § 16). Il est clair que pour Port-Royal la conscience accompagne toute activité de l'esprit ; mais Je pense ne saurait être conçu comme une hyperphrase dominant toute énonciation, puisque justement ce que je pense n'est pas toujours dit. De î'augustinisme il reste que la pensée transcende tout langage, et que le sujet pensant - le seul qui puisse parler - demeure indéfiniment en retrait de renonciation.

Si par bien des aspects - notamment son rationalisme - Beauzée est le plus cartésien des grammairiens français, sa théorie du jugement est anti-cartésienne, parce qu'elle ne respecte pas la clause (2) du subjectivisme. C'est la valeur existentielle du verbe qui en devient le caractère distinctif; il signifie «l'idée d'une existence intellectuelle sous une relation à une modification» (E.M., art. verbe, t. 3:621). Tout énoncé complet possède une valeur de vérité (cf. E.M., art. mode, t. 2:554 : « les modes personnels (...) servent à énoncer des propositions») indépendante de toute intervention du sujet parlant ou pensant. « Si un être a véritablement en soi la relation sous laquelle il existe dans notre esprit, nous avons une connaissance vraie » ; sinon elle est fausse « mais vraie ou fausse la connaissance est un jugement » (EM., art. proposition, t. 3:242). Beauzée rompt par là avec la théorie aristotélicienne - reprise par Port-Royal et Dumarsais - pour qui la proposition susceptible d'être vraie ou fausse» n'est qu'un mode d'énonciation parmi d'autres, comme la prière ou l'ordre. Les modalités ne sont pour lui que des déterminations supplémentaires du jugement porteur de vérité ; ainsi par exemple « l'impératif (...) ajoute < à l'expression de l'existence d'un sujet > l'idée accessoire de la volonté de celui qui parle » (EM., art. mode, t. 2:555).

On peut trouver à ce refus d'une théorie énonçoïde, des raisons qui tiennent à l'établissement d'une frontière entre logique et grammaire ; cette dernière n'aurait pas à s'occuper des valeurs de vérité. C'est ainsi que le choix des formes temporelles « dépend

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de la vérité des positions du sujet, < c'est-à-dire ce dont on parle, S.A. > et d'aucune loi de grammaire ; et c'est pour cela que, dans l'analyse d'une phrase, le grammairien n'est point tenu de rendre compte pourquoi le verbe y est à tel ou tel temps » {ibid., 554). S'il refuse l'action du sujet pensant ou parlant dans la valeur des jugements, Beauzée intègre à son analyse, accessoirement, l'inten- tionalité (« les modes semblent tenir (...) aux vues de celui qui parle», ibid.) et, plus généralement, le paramètre constitué par l'acte de parole. Autrement dit, il conjoint une théorie de type (a) avec une théorie de (iii). Cette position est nécessairement ambiguë. Comme tous les classiques, Beauzée admet que le contenu de pensée correspond à des opérations intellectuelles qui l'élaborent. L'idée d'une nature commune (signifiée par un substantif) doit être déterminée par celle d'une propriété (signifiée par un épithète) qui définit sa latitude d'étendue; pour obtenir un jugement il faut encore définir les individus auxquels on applique actuellement cette idée, c'est le rôle dans la phrase des articles (cf. Joly 1980:25). Comment cette opération de référenciation pourrait-elle ne pas être discursive, et le langage demeurer le simple tableau d'une pensée définie avant renonciation? Le problème essentiel est celui du statut de l'acte de parole.

L'acte de parole possède d'abord en lui-même la valeur de l'affirmation. La thèse n'est pas clairement exprimée, mais elle sert explicitement à réfuter que le seul verbe puisse posséder cette valeur. « L'affirmation est un acte propre à celui qui parle, par conséquent l'idée signifiée par le verbe ne peut pas être l'affirmation puisqu'il se rapporte à ce dont on parle » (EM., art. verbe, t. 3:622). L'affirmation étant la simple position de la signification de chaque mot, « elle se manifeste assez par l'acte même de la parole, sans avoir besoin d'un mot particulier pour devenir sensible » (ibid.). Si on admet que le schéma d'un acte illocutoire a la forme suivante : « pour faire Y, il faut dire X », alors Beauzée paraît bien avoir une théorie illocutoire de l'affirmation. Cela ne me semble guère aller au-delà de l'apparence : d'abord l'acte de parole exprime l'affirmation, il n'est jamais dit que l'affirmation s'y réduise ; ensuite, en l'absence d'une opposition à d'autres types d'acte, l'affirmation serait, au plus, confondue avec la locution.

L'acte de parole est également un paramètre pour déterminer la valeur de certains éléments de l'énoncé. Il permet de définir l'actualité, l'antériorité ou la postériorité de l'existence du sujet

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exprimée dans les formes temporelles (ces coordonnées diffèrent des valeurs passé, présent, futur ; cf. Auroux 1982:195-197 ; 1986). Il est essentiel à la signification des pronoms, qui expriment des « sujets déterminés par l'idée précise d'une relation personnelle à l'acte de la parole » {JEM., art. pronom, t. 3:230), selon une définition qui semble bien venir de Priscien et que l'abbé Girard utilisait dès 1747. Je crois que l'ordre des éléments de cette définition est important : on a d'abord l'énoncé et son sujet, puis en troisième lieu la possibilité d'identifier ce sujet par sa relation personnelle à renonciation. Pour parler en termes modernes, le repérage initial se fait d'abord à partir des éléments de l'énoncé (du jugement) et ensuite seulement à partir de la situation d'énonciation. Cette conception, dont nous avons montré ailleurs (Auroux 1986) le fonctionnement pour la théorie des temps, est totalement homogène avec le refus des théories énonçoïdes. Si le sujet de l'énoncia- tion intervient dans l'énoncé, c'est en quelque sorte cet énoncé à la fois comme structure universelle et comme événement dans le monde qui lui assigne sa place. La pensée qu'exprime exactement le langage se déroule dans un esprit individuel, mais en vertu d'idées universelles qui en sont le point de départ. Beauzée prend en quelque sorte les rapports entre l'énoncé et renonciation à peu près dans l'ordre inverse où nous les ferions intervenir dans une théorie contemporaine de renonciation (cf. par exemple, Culioli 1985:74).

C'est une position qu'il maintient avec une grande rigueur dans l'analyse des modalités de phrase. On a vu comment l'impératif était conçu comme une modification de la prédication. Le problème n'est pas tout à fait aussi simple. L'équivalent subjonctif pour les formes qui font défaut, en particulier la troisième personne, suppose l'ellipse d'une hyperphrase (ex. : /(je veux) qu'il lise/ ; EM., t. 2:307-308). C'est une solution que Beauzée généralise, par exemple, dans le cas de l'interrogation et de l'optatif; il semble revenir à la théorie classique des actes de pensée. « Une proposition optative est celle qui énonce un souhait, un désir vif» (EM., t. 2:709). L'article optatif de l'Encyclopédie renvoie explicitement à l'article optation, laquelle est une figure de pensée. Pour l'interrogation, «une phrasé est interrogative, lorsqu'elle indique, de la part de celui qui parle, une question plutôt qu'une assertion » (EM., t. 2:345). Les mots interrogatifs supposent l'ellipse d'un antécédent « qui est le complément d'un verbe aussi sous-entendu, qui exprimerait directement l'interrogation, s'il était

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énoncé » (EM., t. 2:346). L'encyclopédiste a toutefois une position très remarquable qui consiste à noter que la restitution de ITtyperphrase détruit la modalité (2). Là où on substitue l'indicatif à l'impératif «on fait disparaître le sens accessoire impératif» (EM., t. 2:306). Une proposition optative « ne s'énonce que sous une forme elliptique » (EM., t. 2:709) ; si on restitue /je souhaite que/, « les propositions ne sont plus optatives, quoiqu'elles expriment encore le désir; elles ne sont qu' 'expositives » (ibid.). Si Beauzée reprend la forme des théories classiques qui rattachent les modalités de phrase à un acte de pensée, c'est-à-dire plus ou moins à une hyperphrase, il en subvertit totalement l'esprit. La marque de la modalité c'est l'ellipse, pas l'hyperphrase. L'expression directe de la signification qui correspond à la modalité (par ex. : le désir) est un jugement comme les autres. Autrement dit les énoncés ne sont pas dominés par un performatif explicite sous-entendu, parce qu'il n'y a pas de performatif explicite, pas plus qu'il n'y a de sujet qui façonne l'énoncé par des opérations énonciatives initiales. L'obligation de l'ellipse implique qu'il n'y ait pas non plus de performatif primaire. C'est par l'effacement d'un énoncé primitif totalement représentatif que naît dans un énoncé résultant, qui n'est pas synonyme avec le premier, la possibilité de voir s'exprimer en tant que telles « les vues de celui qui parle ».

Parmi toutes les théories classiques, celle de Condillac est particulièrement intéressante, parce que dérivant tout langage du langage d'action, elle définit le langage comme un acte avant même de le définir comme une représentation. Dès le départ, nous sommes dans une théorie de type (iv). Les conséquences de cette position deviennent essentielles avec le nominalisme de la seconde philosophie, inaugurée dans la Grammaire (1775). Le chapitre IV de la première partie, en particulier, a fait buter les interprètes (voir par exemple Auroux 1979 : 84, 88 et les hésitations de Pariente 1982). Condillac y montre que les signes artificiels (c'est-à-dire linguistiques) sont nécessaires pour décomposer les opérations de l'âme, et que le jugement peut être considéré comme perception ou comme affirmation, lesquelles ne sont de la part de l'esprit qu'une même opération. La thèse de l'identité entre perception et affirmation est d'autant plus obscure que génétiquement la première apparaît avant l'autre.

Il n'y a dans l'esprit que des idées ; /sabre/ et /grand/ selon l'exemple de l'auteur. Je perçois qu'un arbre est grand quand j'ai

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la perception de ces deux idées; la perception est totalement interne à l'esprit. Il y a affirmation quand «l'idée de grandeur convient à l'idée d'arbre indépendamment de notre perception » ; une proposition signifie que la grandeur appartient réellement à l'arbre. Autrement dit, l'affirmation est une opération référentielle qui renvoie au monde externe. Elle est rendue possible par le langage, qui permet d'analyser la perception : « l'affirmation est, en quelque sorte, moins dans votre esprit que dans les mots qui prononcent les rapports que vous percevez» (éd. Le Roy, t. 1 : 437-438). On n'est pas très loin de Hobbes (3). Le chapitre XIII de la première partie, consacrée au verbe reprendra la même analyse et les mêmes exemples {ibid. 456). Le verbe substantif /être/ y est crédité de trois fonctions : une fonction assertive qui tient à sa prononciation et d'où découle la référenciation externe, une fonction cohesive et une fonction existentielle. Les deux dernières sont confondues, car le verbe exprime la coexistence dans l'esprit du sujet et de l'attribut ; il en résulte que la fonction existentielle n'est pas référentielle ; elle correspond à ce que Beauzée nommait l'existence intellectuelle (« II ne faut pas confondre le verbe substantif avec le verbe être pris dans le sens d'exister », c'est-à-dire qui prédique l'existence réelle, cf. Le Roy, t. 1 : 457). La fonction cohesive et la fonction assertive sont distinctes, comme le montre la conception de la négation : « lorsqu'on a dit que le verbe signifie la coexistence, une proposition est affirmative, si elle affirme que le sujet et l'attribut coexistent ; et elle est négative, si elle affirme qu'ils ne coexistent pas » {ibid. : 456).

L'originalité de Condillac consiste à soutenir non pas la conception selon laquelle le verbe substantif signifie l'acte de l'esprit qu'est l'affirmation, mais que l'affirmation réside dans la. prononciation du verbe substantif. Autrement dit, il n'y a pas d'acte de l'esprit qui soit une affirmation, c'est un acte de langage^ qui n'ajoute rien au contenu représentatif de la perception. Il en résulte un embryon de théorie illocutoire, qu'on repère par exemple dans le traitement des modalités de phrase. « Je fais affirme, fais commande » (Le Roy, t. 1 : 472). Dans la dernière phrase « l'affirmation disparaît, et la coexistence de l'attribut avec le sujet, n'est plus énoncée que comme pouvant ou devant être une suite de mon commandement - cet accessoire, substitué au premier, a fait donner à cette forme le nom de mode impératif » (ibid.). Il convient cependant d'analyser plus précisément ces actes de langage.

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Pour Condillac, parler consiste à faire avec les mots autre chose que simplement représenter ou communiquer ses idées : il en vient même à définir les classes de mots à partir de ce qu'on peut faire avec chacune :

II ne faut pas que des substantifs pour nommer tous les objets dont nous pouvons parler ; il ne faut que des adjectifs pour en exprimer toutes les qualités; il ne faut que des prépositions pour en indiquer les rapports ; enfin, il ne faut que le seul verbe être pour prononcer tous nos jugements < Je souligne S.A. > .

La distinction entre indiquer et prononcer est particulièrement importante ; elle éclaire la relation privilégiée que le langage, dans la seconde philosophie de Condillac, possède avec la référenciation. L'opposition apparaît dans la Grammaire à propos des prépositions, qui ne font qu'indiquer les termes du rapport qu'elles expriment. Condillac réinterprète la théorie de Beauzée selon laquelle les prépositions signifient un rapport avec « abstraction des termes antécédents et conséquents », théorie qui gommait totalement la référenciation. Mais l'opposition est surtout thémati- sée dans la Langue des Calculs (éd. posthume, 1798). On peut exprimer la différence entre deux nombres de deux manières (Le. 139-140) en la prononçant (je dis /huit/) ou en l'indiquant (je dis /seize moins huit/). Dans cet exemple la référence de ce qu'on prononce coïncide avec celle de ce qu'on indique ; mais en algèbre on ne saurait prononcer, on ne peut qu'indiquer, car les signes sont indéterminés (Le. : 295) et n'ont donc pas de signification. Parce qu'il est action, le langage déborde ce que l'esprit seul peut représenter, c'est-à-dire percevoir ; il permet de penser ce qui n'a pas d'idée et n'est pas même nommable, par exemple les nombres irrationnels qui exigeraient de recourir à l'infini ou la valeur d'une variable lorsqu'elle demeure indéterminée.

Pour évaluer cette théorie des actes linguistiques, il faut évidemment la confronter à la question des performatij s. On trouve dans le Dictionnaire des synonymes (rédigé à Paris entre 1758 et 1767) des définitions claires pour les verbes performatifs. « Dénommer est nommer quelqu'un par son nom dans un acte» (art. nommer). « On demande en adressant la parole pour obtenir une réponse » (art. demander). La promesse est un « acte ou discours par lequel on assure qu'on fera une chose » (art. promesse). Jurer

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signifie notamment « faire un jurement ». Certains verbes peuvent désigner deux actes linguistiques différents : « nommer c'est donner un nom à une chose ou dire celui qu'elle a» (art. nommer). Ce que nous avons appelé « verbes performatifs » sont des verbes qui signifient une action accomplie en parlant. Condillac y est sans doute plus sensible qu'un autre à cause de la place des actes linguistiques dans sa dernière théorie de la connaissance. Mais il ne s'intéresse jamais à leur valeur proprement performative; jamais il ne note que si je dis x, alors je fais ce que signifie x. Les verbes performatifs sont appréhendés par le fait qu'ils signifient un acte linguistique, jamais par leur fonction dans les énoncés performatifs. Cela est particulièrement vrai de « prononcer » ; le Dictionnaire des synonymes, probablement rédigé avant que le thème ne devienne central dans la Grammaire, renvoie ce mot à « articuler » et « déclamer » (cf. Pariente 1982 : 260), autrement dit à la sermo corporis de Cicéron et à son origine rhétorique (4). Si l'acte linguistique qui consiste à prononcer est la clé de voûte de la théorie cognitive, l'énoncé performatif «je prononce» n'a pas de statut dans la théorie linguistique. Il y a là une situation générale pour la pensée classique, qui coïncide avec l'interprétation constative que nous avons vu un Beauzée attribuer à «je souhaite » (voir supra).

Je crois que cette situation historique est un argument supplémentaire pour ceux (par ex. Ducrot) qui soutiennent que la présence d'un verbe performatif n'est ni nécessaire ni suffisante à la formulation d'un énoncé performatif (cf. Dobrovie-Sorin 1985 : 29-40). La performativité réside dans la sui-référence de certains énoncés, non dans le sens des performatifs. Or la sui-référence est le phénomène dont la conception sépare la grammaire classique et les théories modernes de renonciation. On le voit par exemple sur le traitement des pronoms personnels que fournit Beauzée. Si la sui-référence était envisagée, on ne pourrait mettre sur le même plan les deux premières personnes et la troisième. On le voit chez Condillac dans la constitution des repères temporels. Certes «l'époque actuelle (...) est le moment où nous parlons» (Le Roy, t. 1 : 468), mais « si nous voulions le borner à cet instant, il nous échapperait à mesure que nous parlons » {ibid. : 477). Le présent se dissout selon les vieux paradoxes, parce qu'il est recherché dans le temps objectif, pour lequel l'énoncé n'est qu'un événement qui

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s'évanouit. L'interprétation objective est toujours préférée au retour sur soi. Ainsi, Condillac considère-t-til l'impératif comme un futur, parce qu'on ne peut obéir «que postérieurement au commandement » (ibid, : 472). Cela est encore plus apparent dans la définition des indexicaux : « ici se dit d'un lieu où l'on est, ou d'un temps présent, par opposition à un lieu ou un temps éloigné » (Diet. Syn.). Dans la conception du langage-traduction, qui reste le cœur de la pensée classique - même si Port-Royal et Condillac la débordent symétriquement -la sui-référence est inconcevable. Signifier, c'est être le signe d'une idée. «Je» peut bien être appréhendé en relation avec l'acte de parole, sa signification sera « celui qui parle » et non « la personne qui dit "je" ». Les classiques n'ont pas su affirmer le caractère absolument singulier et indépassable de Vid et maintenant que définit en s'auto-signifiant l'acte de parole. Hegel aura beau jeu de critiquer la certitude sensible à partir de l'idée superficielle que les indexicaux ne peuvent avoir de stable qu'un sens universel. « En disant ceci, ici, maintenant, ou un être singulier, je dis tous les ceci, les ici, les maintenant, les êtres singuliers. De même lorsque je dis moi, ce moi singulier-ci, je dis en général tous les moi » (Phénoménologie de l'Esprit (1807), trad. Hyppolite, 1939 : 90). Il tirera simplement les conséquences d'une théorie de la signification que même les sensualistes n'ont pas su amender.

Il y a incontestablement dans la grammaire générale une approche des phénomènes énonciatifs. En se concentrant sur la question de l'assertion, cette approche demeure principalement philosophique : dans renonciation ce qui est en question, ce sont les rapports du langage à la pensée. Les prises de position philosophique paraissent antérieures à l'analyse des phénomènes. Les sensualistes sont plus tentés que les rationalistes d'initialiser les repérages de l'énoncé sur Y hic et nunc du sujet parlant.

Au tournant du xixe siècle, on semble assister à une stabilisation thématique qui dépasse les options philosophiques. Lorsque W. von Humboldt, par exemple, écrit en français sa fameuse Lettre à A. Remusat (1827), on retrouve une conception de renonciation (cf. Chevalier 1979 : 111) tout à fait proche, y compris dans le vocabulaire, de ce que nous avons rencontré chez Condillac :

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Prononcer un verbe comme liaison de la proposition, et comme devant indiquer un rapport grammatical, c'est appliquer réellement l'attribut du sujet, c'est poser (par l'acte intellectuel qui constitue le langage) le sujet comme existant ou agissant d'une manière déterminée (éditions Ducros, Bordeaux, 1969 : 75).

Le passage, il est vrai, ne ligure pas dans la version allemande (5). Humboldt utilise le thème de la référenciation externe par l'acte d'affirmation (ail. Aussage), pour soutenir l'idée que le langage est susceptible de prendre la place du monde réel (6), c'est-à-dire pour présenter la première version de l'idéalisme linguistique (sur ce concept voir Anscombre 1976). En tout état de cause le développement de la grammaire comparée et son orientation morphologique, vont refouler hors de son champ, jusqu'au dernier tiers du xixe siècle, ce genre de considération.

Il serait absurde de voir dans les auteurs que nous venons d'analyser des précurseurs du développement contemporain d'une théorie généralisée de renonciation (7). Il se trouve simplement que la forme théorique à laquelle ils participaient leur donnait les moyens et les motifs de s'intéresser à certains des phénomènes (pas à tous, par ex. le style indirect manque) de renonciation. De ce point de vue, ils sont certainement les « ancêtres » du type d'analyse que l'on verra naître (renaître?) avec Bréal et Guillaume, puis s'affirmer avec Benveniste (8). Mais une chose est certaine - si notre analyse concernant la carence de la performativité est exacte -ils n'avaient pas les moyens d'aller beaucoup au-delà de ce qu'ils ont fait sans bouleverser la structure théorique de la grammaire générale. La révolution énonciative que nous vivons depuis une vingtaine d'années est une révolution sans précédent dans l'histoire de nos conceptions sémantiques.

NOTES

(1) La situation est assez compliquée puisque la distinction de Port-Royal entre mots signifiant les objets de nos pensées vs mots signifiant les manières de nos pensées viendrait, elle, de la distinction traditionnelle significare per modum conceptus vs significare per modum affecttu (Nuchelmans 1983 : 105).

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(2) Ce qui revient à dire qu'un énoncé à hypeiphrase et un impératif (par exemple) ne sont jamais synonymes; pour une argumentation moderne en faveur de cette thèse, cf. Dobrovie-Sorin 1985 : 38 s.

(3) Cf. De Copore 1.3.7. ; voir Nuchelmans 1983 : 126 s., en particulier pour un commentaire de la thèse : «veritas enim in dicto, non in re consistit», et pour la synonymie proposUio/enuntiatum, pronuntiatum/dictum.

(4) Cela n'implique nullement que des auteurs ne perçoivent pas le changement de sens. A côté d'une définition banale, l'article prononcer de EM. note : < Ce verbe a encore d'autres acceptions. On dit, il faut que le prêtre prononce les paroles sacramentelles. Il y a en toute langue des mots qu'un écrit d'une façon et qu'on prononce d'une autre. Il a prononcé, il n'y a plus à en revenir. L'Église a prononcé. La Sorbonne a prononcé. Le président a prononcé cette sentence. Je n'ose prononcer sur une affaire aussi délicate. Le discours a été prononcé devant le roi » (Anonyme).

(5) Ueber den Grammatischen Bau der Chinesischen Sprache (1826), voir par exemple, W. von Humboldt Ueber der Sprache, Ausgewahlte Schriften (J. Trabant, éd.), Mûnchen : DTV, 1985 : 89-103.

(6) < Dadurch liegt in der Sprache eine ûrsprungliche, und sich von da aus weiter verbreitende Prosopopoe, indem ein idéales Wesen, das Wort, als Subject gedacht, handelnd oder leidend dargestellet, und eine im Innern der Seele vorgehenden Handlung, die Aussage im Urtheil ûber einen Gegenstand, diesem Gegenstand âusserlich, als Eigenschaft, beigelegt wird » (Le. note précédente, 91-92). La version française diffère sensiblement ; à partir de < und eine im Innern... », on a une phrase indépendante : < L'action intérieure par laquelle on forme un jugement, est rapportée à l'objet sur lequel on prononce » (I.e., 70).

(7) < Enoncer, c'est construire un espace, orienter, déterminer, établir un réseau de valeurs référentielles, bref un système de repérage » (Culioli 1973 : 52).

(8) Nous n'avons pas d'idée claire du rôle qu'a pu jouer la philosophie transcendantale dans le développement des théories de renonciation. Elle aurait pu assurer jusqu'à Husserl (cf. les Recherches logiques, 1901) en passant par Brentano et Meinong, un support idéaliste aux théories énonçoïdes, puisqu'elle soutient que sans activité synthétique du sujet, il n'y aurait pas de pensée. Cette activité synthétique est également soutenue, par l'idéalisme absolu ; cf. Hegel, Le, 53 : « Ordinairement le sujet est d'abord posé en fondement comme le Soi objectif et fixe ; de là, le mouvement nécessaire passe à la multiple variété des déterminations ou des prédicats ; à ce moment entre en jeu à la place de ce sujet le moi qui sait lui-même ; il est le lieu des prédicats et le sujet qui les soutient » < je souligne S.A. > . Il me semble que l'idéalisme doit bloquer quelque part la reconnaissance d'un statut primordial au sujet énonciateur, qui ne peut être, pour lui, qu'un sujet empirique.

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Janvier 1986 CNRS/Paris 7 UA 381 adresse de l'auteur : 30, avenue de la Résistance 93100 Montreuil France