1 JOURNAL - idhae.org (Third Section) TELFNER v. AUSTRIA 00033501/96 20/03/2001 PRESUMPTION OF...

56
1 JOURNAL INSTITUT DES DROITS-DE-L’HOMME - HUMAN RIGHTS INSTITUTE DES DROITS MARS 2001 DEL’HOMME 03/2001 "... today's human rights violations are the causes of tomorrow's conflicts." Mary Robinson SOMMAIRE – SUMMARY La Chronique du procès équitable PRESOMPTION D'INNOCENCE Violation article 6 § 2 - TELFNER C. AUTRICHE 20/03/2001...............................2 La constatation par le procureur de la péremption d’une licence de débit de boissons ne décide pas d’un droit aux fins de l’article 6 § 1 KERVOÊLEN c. FRANCE 27/03/2001 Non-violation . 6-1 et 13............3 APPRECIATION DU DELAI RAISONNABLE Désintérêt du requérant MARCOTRIGIANO c. ITALIE (N° 2) 01/03/2001....................................................6 EXPULSION TRAITEMENT INHUMAIN DOUGOZ c. GRÈCE 6.3.2001 ......................7 HILAL c. ROYAUME-UNI 6.3.2001.........10 VIE ; OBLIGATIONS POSITIVES ; TRAITEMENT INHUMAIN et DEGRADANT ; BERKTAY c. TURQUIE 01/03/2001....................................................13 Article 5-4 : CONTROLE PAR UN TRIBUNAL ; GARANTIES PROCEDURALES DE CONTROLE D.N. c. SUISSE 29/03/2001.........................19 DUREE DE LA DETENTION PROVISOIRE (NON) BOUCHET c. FRANCE 20/03/2001..................................23 Les hauts dignitaires de la RDA devant la Cour européenne des droits de l’homme : Il n’y a pas eu violation de l’article 7 § 1 (pas de peine sans loi) et pas de discrimination contraire à l’article 14 (interdiction de discrimination) combiné avec l’article 7 STRELETZ, KESSLER et KRENZ c. ALLEMAGNE et K.-H. W. c. ALLEMAGNE (deux arrêts) 22.3.2001.....26 LIBERTE D’EXPRESSION : « Le fait d’exiger que les journalistes se distancient du contenu d’une citation qui pourrait insulter des tiers ou porter atteinte à leur honneur ne se concilie pas avec le rôle de la presse d’informer sur des faits ou des opinions et des idées qui ont cours à un moment donné.» THOMA c. LUXEMBOURG 29.3.2001.........................30 DROIT DE PROPRIETE Calcul de l'indemnité d’expropriation - retard de paiement, durée excessive de la procédure , préjudice matériel ou moral souffert en raison de la privation d’une propriété MALAMA c. GRÈCE 01/03/2001 ......................................35 TOUS LES ARRETS DE LA COUR EUROPEENNE DES DROITS DE L’HOMME MARS 2001............................37 AVOCATS EN PERIL ARGENTINE : Carlos Varela , Diego Lavado, Alejandro Acosta, avocats spécialisés dans la défense des droits humains ....................................................................51 BOLIVIE Waldo Albarracín, Président de l'Assemblée Permanente des Droits de l'Homme de Bolivie (APDHB) ..................53 VIENT DE PARAITRE : International and European Instruments par Christine Van Den Wyngaert.....................................55

Transcript of 1 JOURNAL - idhae.org (Third Section) TELFNER v. AUSTRIA 00033501/96 20/03/2001 PRESUMPTION OF...

1

JOURNAL INSTITUT DES DROITS-DE-L’HOMME - HUMAN RIGHTS INSTITUTE

DES DROITS MARS 2001

DEL’HOMME 03/2001

"... today's human rights violations are the causes of tomorrow's conflicts." Mary Robinson

SOMMAIRE – SUMMARY La Chronique du procès équitable

PRESOMPTION D'INNOCENCE Violation article 6 § 2 - TELFNER C. AUTRICHE 20/03/2001...............................2 La constatation par le procureur de la péremption d’une licence de débit de boissons ne décide pas d’un droit aux fins de l’article 6 § 1 KERVOÊLEN c. FRANCE 27/03/2001 Non-violation . 6-1 et 13............3 APPRECIATION DU DELAI RAISONNABLE Désintérêt du requérant MARCOTRIGIANO c. ITALIE (N° 2) 01/03/2001....................................................6 EXPULSION TRAITEMENT INHUMAIN DOUGOZ c. GRÈCE 6.3.2001......................7 HILAL c. ROYAUME-UNI 6.3.2001.........10 VIE ; OBLIGATIONS POSITIVES ; TRAITEMENT INHUMAIN et DEGRADANT ; BERKTAY c. TURQUIE 01/03/2001....................................................13 Article 5-4 : CONTROLE PAR UN TRIBUNAL ; GARANTIES PROCEDURALES DE CONTROLE D.N. c. SUISSE 29/03/2001.........................19 DUREE DE LA DETENTION PROVISOIRE (NON) BOUCHET c. FRANCE 20/03/2001..................................23 Les hauts dignitaires de la RDA devant la Cour européenne des droits de l’homme : Il n’y a pas eu violation de l’article 7 § 1 (pas de peine sans loi) et pas de discrimination contraire à l’article 14 (interdiction de discrimination) combiné avec l’article 7

STRELETZ, KESSLER et KRENZ c. ALLEMAGNE et K.-H. W. c. ALLEMAGNE (deux arrêts) 22.3.2001.....26 LIBERTE D’EXPRESSION : « Le fait d’exiger que les journalistes se distancient du contenu d’une citation qui pourrait insulter des tiers ou porter atteinte à leur honneur ne se concilie pas avec le rôle de la presse d’informer sur des faits ou des opinions et des idées qui ont cours à un moment donné.» THOMA c. LUXEMBOURG 29.3.2001.........................30 DROIT DE PROPRIETE Calcul de l'indemnité d’expropriation - retard de paiement, durée excessive de la procédure , préjudice matériel ou moral souffert en raison de la privation d’une propriété MALAMA c. GRÈCE 01/03/2001......................................35 TOUS LES ARRETS DE LA COUR EUROPEENNE DES DROITS DE L’HOMME MARS 2001............................37

AVOCATS EN PERIL ARGENTINE : Carlos Varela , Diego Lavado, Alejandro Acosta, avocats spécialisés dans la défense des droits humains ....................................................................51 BOLIVIE Waldo Albarracín, Président de l'Assemblée Permanente des Droits de l'Homme de Bolivie (APDHB) ..................53 VIENT DE PARAITRE : International and European Instruments par Christine Van Den Wyngaert.....................................55

LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME N° 27 – MARS 2001

2

PRESOMPTION D'INNOCENCE - PRESUMPTION OF INNOCENCE

L’article 6 § 2 implique notamment que lors de l’accomplissement de leurs devoirs,

les membres d’une juridiction n’adoptent pas au départ l’idée préconçue que l’accusé est coupable des faits qui lui

sont reprochés. Le fardeau de la preuve pèse sur l’accusation

et tout doute doit profiter à l’accusé. Il s’ensuit qu’il y a atteinte à la présomption d’innocence lorsque la charge de la preuve est transférée de l’accusation à la défense.

Article 6 § 2 requires, inter alia, that when carrying out their duties, the members of a court should not start with the preconceived idea that the accused has committed the offence charged;

the burden of proof is on the prosecution, and any doubt should benefit the accused

Thus, the presumption of innocence will be infringed where the burden of proof is shifted

from the prosecution to the defence. TELFNER C. AUTRICHE 20/03/2001

VIOLATION ARTICLE 6 § 2 Condamné pour coups et blessures volontaires après avoir provoqué un accident de la route, Thomas Telfner alléguait devant la Cour européenne des Droits de l'Homme que, dans la procédure pénale dirigée contre lui, les tribunaux avaient méconnu la présomption d’innocence garantie par l’article 6 § 2. La Cour relève que tant le tribunal de district que le tribunal régional ayant connu de la cause se sont fondés sur un rapport de police indiquant que M. Telfner était le principal utilisateur de la voiture impliquée dans l’accident et qu’il n’était pas à son domicile la nuit où celui-ci avait eu lieu, mais que la victime n’avait pu identifier le conducteur du véhicule, ni même dire s’il s’agissait d’un homme ou d’une femme ; elle note par ailleurs que le tribunal régional a constaté que la voiture concernée était également utilisée par la sœur du requérant. En invitant ce dernier à fournir une explication, les tribunaux ont transféré la charge de la preuve de l’accusation à la défense. Le tribunal de district et le tribunal régional ont également spéculé, en l’absence de la moindre preuve à cet égard, sur la question de savoir si le requérant se trouvait sous l’emprise de l’alcool, circonstance qui n’était pas directement pertinente pour les infractions dont l’intéressé était accusé. Cela a contribué à donner l’impression que les tribunaux avaient un avis préconçu sur la question de la culpabilité ou de l’innocence du requérant.

Telfner c. Autriche Violation article 6 § 2 ( Unanimité) Cour (troisième section) TELFNER c. AUTRICHE n°00033501/96 20/03/2001 PRESOMPTION D'INNOCENCE Violation de l'art. 6-2 ; Dommage matériel - demande rejetée ; Préjudice moral 20,000 ATS Jurisprudence : Arrêt Salabiaku c. France du 7 octobre 1988, série A n° 141-A, pp. 15-16, § 28 ; Arrêt Barberà, Messegué et Jabardo c. Espagne du 6 décembre 1988, série A n° 146, pp. 31 et 33, §§ 67-68 et 77 ; Arrêt John Murray c. Royaume-Uni du 8 février 1996, Recueil des arrêts et décisions 1996-I, pp. 49-52, §§ 45-54 (L’arrêt n’existe qu’en anglais.) Thomas Telfner, an Austrian national convicted of causing injury by negligence after a road traffic accident, complained that, in the criminal proceedings against him, the courts failed to respect the presumption of innocence guaranteed by Article 6 § 2 of the Convention. The Court’s assessment : « [...]15. The Court recalls that, as a general rule, it is for the national courts to assess the evidence before them, while it is for the Court to ascertain that the proceedings considered as a whole were fair, which in case of criminal proceedings includes the observance of the presumption of innocence. Article 6 § 2 requires, inter alia, that when carrying out their duties, the members of a court should not start with the preconceived idea that the accused has committed the offence charged; the burden of proof is on the prosecution, and any doubt should benefit the accused (see the Barberà, Messegué and Jabardo v. Spain judgment of 6 December 1988, Series A no. 146, pp. 31 and 33, §§ 67-68 and 77). Thus, the presumption of innocence will be infringed where the burden of proof is shifted from the prosecution to the defence (see the John Murray v. the United Kingdom judgment of 8 February 1996, Reports of Judgments and Decisions 1996-I, p. 52, § 54). 16. It is true, as the Government pointed out, that legal presumptions are not in principle incompatible with Article 6 (see for instance the Salabiaku v. France judgment of 7 October 1988, Series A no. 141-A, pp. 15-16, § 28); nor is the drawing of inferences from the accused’s silence (see the John Murray judgment, cited above, pp. 49-52, §§ 45-54). 17. However, the present case does not concern the application of a legal presumption of fact or law, nor is the Court convinced by the Government’s argument that the domestic courts

LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME N° 27 – MARS 2001 3

could legitimately draw inferences from the applicant’s silence. The Court recalls that the above-mentioned John Murray judgment concerned a case in which the law allowed for the drawing of common-sense inferences from the accused’s silence, where the prosecution had established a case against him, which called for an explanation. Considering that the evidence adduced at the trial constituted a formidable case against the applicant, the Court found that the drawing of such inferences, which was moreover subject to important procedural safeguards, did not violate Article 6 in the circumstances of the case (ibid.). The Court considers that the drawing of inferences from an accused’s silence may also be permissible in a system like the Austrian one where the courts freely evaluate the evidence before them, provided that the evidence adduced is such that the only common-sense inference to be drawn from the accused’s silence is that he had no answer to the case against him. 18. In the present case, both the District Court and the Regional Court relied in essence on a report of the local police station that the applicant was the main user of the car and had not been home on the night of the accident. However, the Court cannot find that these elements of evidence, which were moreover not corroborated by evidence taken at the trial in an adversarial manner, constituted a case against the applicant which would have called for an explanation from his part. In this context, the Court notes, in particular, that the victim of the accident had not been able to identify the driver, nor even to say whether the driver had been male or female, and that the Regional Court, after supplementing the proceedings, found that the car in question was also used by the applicant’s sister. In requiring the applicant to provide an explanation although they had not been able to establish a convincing prima facie case against him, the courts shifted the burden of proof from the prosecution to the defence. 19. In addition, the Court notes that both the District Court and the Regional Court speculated about the possibility of the applicant having been under the influence of alcohol which was, as they admitted themselves, not supported by any evidence. Although such speculation was not directly relevant to establishing the elements of the offence with which the applicant had been charged, it contributes to the impression that the courts had a preconceived view of the applicant’s guilt. » violation of Article 6 § 2 of the Convention.

Court (Third Section) TELFNER v. AUSTRIA 00033501/96 20/03/2001 PRESUMPTION OF INNOCENCE Violation of Art. 6-2 ; Pecuniary damage - claim dismissed ; Non-pecuniary damage - financial award Jurisprudence Salabiaku v. France judgment of 7 October 1988, Series A no. 141-A, pp. 15-16, § 28 ; Barberà, Messegué and Jabardo v. Spain judgment of 6 December 1988, Series A no. 146, pp. 31 and 33, §§ 67-68 and 77 ; John Murray v. the United Kingdom judgment of 8 February 1996, Reports of Judgments and Decisions 1996-I, pp. 49-52, §§ 45-54

DECISION SUR DES DROITS ET OBLIGATIONS DE CARACTERE CIVIL

La simple constatation par le procureur de la péremption d’une licence de débit de boissons qui fait suite à la cessation d’exploitation de

celui-ci ne décide pas du droit de la requérante au maintien de sa licence, aux fins de l’article 6

§ 1. KERVOÊLEN c. FRANCE 27/03/2001

Non-violation de l'art. 6-1 ; Non-violation de l'art. 13

[Ressortissante française, Marjanic Kervoëlen se plaignait, sur les terrains des articles 6 § 1 (accès à un tribunal) et 13 (droit à un recours effectif), de l’absence de voies de recours pour contester la déclaration de péremption de sa licence de débit de boissons. Dans l’arrêt Tre Traktörer AB c. Suède (arrêt du 7 juillet 1989, série A n° 159, § 43), la Cour avait considéré qu’une licence de débit de boissons « avait attribué à la requérante – sauf révocation – un « droit » sous la forme de la faculté de vendre des boissons alcoolisées (...) selon les modalités précisées par elle et par la loi de 1977 » qui définit les conditions du retrait de pareille licence prononcé par une autorité administrative (voir § 39). Le Gouvernement soutenait que la liquidation judiciaire de la société de la requérante fut notamment prononcée en raison du montant du passif alors même qu’à l’époque celle-ci ne s’était pas vu opposer la péremption de sa licence. Par conséquent, l’existence de la licence dont bénéficiait la requérante avait été sans incidence sur l’impossibilité constatée par les tribunaux de continuer à exploiter l’hostellerie. La Cour opère une différence entre l’affaire Tre Traktörer AB, qui concernait le retrait d’une telle licence et les faits de l’espèce qui concernent la péremption d’une licence de débit de boissons qui fait suite à la cessation d’exploitation de celle-ci. Ainsi, et

LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME N° 27 – MARS 2001 4

avec le Gouvernement, elle estime devoir s’interroger sur le point de savoir si la « procédure » ayant abouti à la péremption de la licence a emporté « décision » au sens de l’article 6 § 1 de la Convention sur le droit en question (voir, mutatis mutandis, l’arrêt Fayed c. Royaume-Uni du 21 septembre 1994, série A n° 294-B, p. 46-47, §§ 58 à 61). Tout en relevant que les dispositions de l’article L. 44 du code des débits de boissons, édictant que tout débit de boissons qui a cessé d’exister depuis plus de trois ans (un an avant la loi de 1995) est considéré comme supprimé et ne peut plus être transmis, ménage en la matière une large liberté d’appréciation, la Cour observe de la pratique, telle qu’elle résulte du cas d’espèce, que la péremption de la licence n’est pas prononcée par une décision d’une autorité administrative ou judiciaire mais qu’elle s’impose parce que résultant d’une constatation de fait. En effet, c’est après une enquête de la gendarmerie nationale que la péremption a été signifiée à l’intéressée, l’enquête ayant eu pour finalité de vérifier l’effectivité de l’exploitation de sa licence, et cette signification n’est entachée d’aucune appréciation mais se borne à constater la cessation d’exploitation et la suppression consécutive de ladite licence. La Cour voit dans ce système une différence avec l’affaire Tre Traktörer AB précitée, où il s’agissait d’une décision administrative de retrait de licence dont le titulaire ne pouvait pas contester la légalité devant un juge. La Cour constate enfin que l’intéressée avait reçu du procureur de la République des avertissements lui signifiant que sa licence avait expiré, et que si elle se remettait à vendre de l’alcool elle s’exposerait à des poursuites. Compte tenu de ces éléments, les communications du procureur en date des 3 septembre et 4 octobre 1996 ne peuvent être analysées comme des « décisions », mais comme de simples avertissements, mettant l’exploitant en garde sur les risques d’une réouverture du débit, en connaissance de cause, qui constituerait une ouverture illicite susceptible d’être sanctionnée en application de l’article L. 42 du code des débits de boissons. La Cour juge que ces avertissements n’ont pas emporté « décision » au sens de la Convention, la simple constatation par le procureur de la péremption de la licence de la requérante ne pouvant passer pour avoir « décidé » du droit de la requérante au maintien de sa licence, aux fins de l’article 6 § 1. La Cour en conclut que la cause de la requérante n’était pas de nature à

faire jouer l’article 6 § 1.. Par six voix contre une, la Cour conclut à l’inapplicabilité des articles 6 § 1 et 13 de la Convention. (L’arrêt n’existe qu’en français.)] Cour (troisième section) KERVOÊLEN c. FRANCE n°00035585/97 27/03/2001 DECIDER ; DROITS ET OBLIGATIONS DE CARACTERE CIVIL ; GRIEF DEFENDABLE Non-violation de l'art. 6-1 ; Non-violation de l'art. 13 Opinions séparées Loucaides (dissidente) Droit en cause Code des débits de boissons, article L. 44 Jurisprudence : Arrêt Tre Traktörer AB c. Suède du 7 juillet 1989, série A n° 159, § 39, § 43 ; Arrêt Fayed c. Royaume-Uni du 21 septembre 1994, série A n° 294-B, pp. 46-47, §§ 58 à 61 SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION 23. La requérante dénonce l’absence de contrôle de légalité de la péremption de sa licence et invoque l’article 6 § 1 de la Convention ... 24. La requérante attribue la responsabilité de sa baisse d’activité professionnelle aux nuisances provoquées par la station d’épuration et considère que cette circonstance constituait un cas de force majeure –expliquant la quasi-cessation de l’exploitation – et devant la prémunir de la péremption de sa licence de débit de boissons. 25. De l’avis du Gouvernement, aucune « contestation » au sens de l’article 6 de la Convention n’a pu surgir dans la présente espèce, s’agissant d’une simple constatation de la péremption d’une licence. Il fait valoir que la requérante proteste contre la constatation de ladite péremption par le procureur de la République et de l’avertissement donné par ce dernier sur les risques de poursuite pénale si elle continuait à exploiter son débit de boissons : il ne s’agirait pas d’une décision juridictionnelle interdisant à la requérante d’exploiter sa licence mais bien d’un simple avertissement. La seule procédure au sens de la jurisprudence des organes de la Convention qui pourrait conduire à l’applicabilité de l’article 6 est celle qui se serait déroulée devant le tribunal correctionnel pour apprécier les éléments de fait et de droit ayant conduit à la péremption de la licence et donc à l’ouverture illicite ou non du débit de boissons. Ainsi, la simple constatation de fait de la péremption ne lierait pas l’autorité judiciaire appelée éventuellement à statuer ultérieurement. Faisant référence à l’arrêt Van Marle et autres c. Pays-Bas du 26 juin 1986 (série A n° 101, p. 12, § 36), le Gouvernement en conclut que la constatation de la péremption par le procureur de

LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME N° 27 – MARS 2001 5

la République « s’éloigne tant de la tâche normale d’un juge que les garanties de l’article 6 ne sauraient viser des différends sur pareille matière ». 26. A supposer même qu’il y ait une contestation, le Gouvernement considère que l’issue de la procédure en question n’était pas déterminante pour le droit en cause. En effet, depuis la liquidation judiciaire de la SCI du domaine de Keraven prononcée en 1996 (confirmée par la cour d’appel le 2 juillet 1997), la requérante n’exploite plus « l’hostellerie » pour laquelle elle avait acquis la licence de débit de boissons et, à la différence de l’affaire Tre Traktörer AB c. Suède (arrêt du 7 juillet 1989, série A n° 159, § 43), on ne peut donc considérer que la péremption de la licence « eut des incidences négatives sur le fonds de commerce et la valeur du restaurant ». Le Gouvernement soutient que la liquidation judiciaire de la société de la requérante fut notamment prononcée en raison du montant du passif alors même qu’à l’époque celle-ci ne s’était pas vu opposer la péremption de sa licence. Par conséquent, l’existence de la licence dont bénéficiait la requérante fut sans incidence sur l’impossibilité constatée par les tribunaux de continuer à exploiter l’hostellerie. 27. La Cour rappelle que dans l’arrêt Tre Traktörer AB c. Suède précité, elle a considéré qu’une licence de débit de boissons « avait attribué à la requérante – sauf révocation – un « droit » sous la forme de la faculté de vendre des boissons alcoolisées (...) selon les modalités précisées par elle et par la loi de 1977 » qui définit les conditions du retrait de pareille licence prononcé par une autorité administrative (voir § 39). La Cour constate qu’à la différence de l’affaire Tre Traktörer AB, les faits de l’espèce concernent la péremption d’une licence de débit de boissons – qui fait suite à la cessation d’exploitation de celle-ci – et non le retrait d’une telle licence. Ainsi, et avec le Gouvernement, la Cour estime devoir s’interroger sur le point de savoir si la « procédure » ayant abouti à la péremption de la licence a emporté « décision » au sens de l’article 6 § 1 de la Convention sur le droit en question (voir, mutatis mutandis, l’arrêt Fayed c. Royaume-Uni du 21 septembre 1994, série A n° 294-B, p. 46-47, §§ 58 à 61). 28. La Cour relève qu’aux termes de l’article L. 44 du code des débits de boissons, tout débit de boissons qui a cessé d’exister depuis plus de trois ans (un an avant la loi de 1995) est considéré comme supprimé et ne peut plus être transmis. Tout en relevant que cette législation ménage en la matière une large liberté d’appréciation, la

Cour observe de la pratique, telle qu’elle résulte du cas d’espèce, que la péremption de la licence n’est pas prononcée par une décision d’une autorité administrative ou judiciaire mais qu’elle s’impose car résulte d’une constatation de fait. En effet, c’est après une enquête de la gendarmerie nationale que la péremption a été signifiée à l’intéressée, l’enquête ayant eu pour finalité de vérifier l’effectivité de l’exploitation de sa licence, et cette signification n’est entachée d’aucune appréciation mais se borne à constater la cessation d’exploitation et la suppression consécutive de ladite licence. La Cour voit dans ce système une différence avec l’affaire Tre Traktörer AB précitée, où il s’agissait d’une décision administrative de retrait de licence dont le titulaire ne pouvait pas contester la légalité devant un juge. 29. Compte tenu de ces éléments, les communications du procureur en date des 3 septembre et 4 octobre 1996 ne peuvent être analysées comme des « décisions », mais comme de simples avertissements, mettant l’exploitant en garde sur les risques d’une réouverture du débit, en connaissance de cause, qui constituerait une ouverture illicite susceptible d’être sanctionnée en application de l’article L. 42 du code des débits de boissons. 30. Eu égard à ce qui précède, la simple constatation par le procureur de la péremption de la licence de la requérante ne saurait passer pour avoir « décidé » du droit de la requérante au maintien de sa licence, aux fins de l’article 6 § 1. La Cour en conclut que la cause de la requérante n’était pas de nature à faire jouer l’article 6 § 1. L’ OPINION DISSIDENTE DE M. LE JUGE LOUCAIDES : « Je suis en désaccord avec la majorité en l’espèce. Son arrêt se fonde essentiellement sur le motif que voici : la péremption de la licence de débit de boissons dont la requérante était titulaire ne résulta pas d’une décision administration ou judiciaire, mais d’une constatation de fait qui, de par la loi, entraînait la péremption de la licence. A mon sens, dans toutes les affaires comme celle-ci où le constat de fait à prendre en compte prête à contestation et où un autre constat (ou d’autres constats) conduisant à des conclusions juridiques différentes, soit par suite d’une interprétation différente des mêmes faits et de leurs effets juridiques soit grâce à une instruction plus complète, est (sont) parfaitement défendable(s), pareille distinction ne devrait nullement jouer. En l’occurrence, l’acquisition de sa licence donnait à la requérante un « droit » de vendre des boissons alcoolisées (arrêt Traktörer AB du

LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME N° 27 – MARS 2001 6

7 juillet 1989, série A n° 159, p. 17, § 39) en vertu de la législation applicable. L’article L44 du code des débits de boissons dispose que tout débit de boissons qui a cessé d’exister depuis plus d’un an (trois ans depuis la loi de 1995) est considéré comme supprimé. Toutefois, d’après la jurisprudence, l’ouverture temporaire d’un débit de boissons ou un cas de force majeure peuvent permettre de suspendre ou d’éviter la péremption de la licence. Une enquête à laquelle les gendarmes procédèrent sur les instructions du procureur de la République avait abouti à la constatation de fait que la requérante n’exploitait plus effectivement sa licence depuis 1993, sauf une fois par mois, et c’est pourquoi la licence fut considérée comme périmée. La requérante s’éleva contre cette constatation au motif que c’était en réalité une grave nuisance causée par une station d’épuration qui l’avait empêchée d’exploiter sa licence. Elle invoqua à ce titre la force majeure et elle demanda que la constatation relative à la péremption de sa licence fût reconsidérée. Le procureur de la République confirma alors à l’intéressée la situation qui lui avait été notifiée et l’informa que si elle continuait à exploiter sa licence, elle commettrait un délit passible de poursuites correctionnelles. J’estime que dans les circonstances de l’espèce, il existait une contestation réelle sur le droit de la requérante d’exploiter sa licence, contestation qui découlait d’une divergence de vues entre la requérante et les autorités quant à l’interprétation à donner à la situation de fait pertinente et à ses conséquences juridiques. Cette contestation avait trait aux droits de caractère civil de la requérante. A la lumière des faits de la cause, la requérante devait selon moi avoir accès à une voie de recours judiciaire, en vertu de l’article 6 de la Convention, sous forme d’un jugement déclaratoire ou autre qui eût décidé de la constatation ou de l’interprétation à déduire de la situation de fait pertinente et qui serait déterminante pour les droits juridiques de la requérante au regard de la législation applicable. Or l’intéressée ne disposait pas d’une telle voie de recours. La proposition selon laquelle la requérante pouvait continuer à exploiter sa licence et voir alors une juridiction répressive décider a posteriori de ses droits dans le cadre de poursuites correctionnelles dirigées contre elle pour avoir exploité son débit de boissons n’évoque pas, je pense, une possibilité équivalant au recours judiciaire que l’article 6 de la Convention envisage. C’est pourquoi je conclus à la violation de l’article 6 de la Convention. »

APPRECIATION DU DELAI RAISONNABLE

« Eu égard au fait que deux juridictions eurent à connaître de l'affaire, à l’enjeu du litige et au désintérêt du requérant, la durée

globale de la procédure litigieuse ne se révèle pas suffisamment importante pour

que l'on puisse conclure à une apparence de violation de l'article 6 § «1 »

MARCOTRIGIANO c. ITALIE (N° 2) 01/03/2001

[ Une diligence particulière s’impose pour le contentieux du travail ( affaire « congelée »(sic) en raison de la mutation du juge pendant deux ans et huit mois : eu égard au fait que deux juridictions eurent à connaître de l'affaire, à l’enjeu du litige et au désintérêt du requérant, la durée globale de la procédure litigieuse ne se révèle pas suffisamment importante pour que l'on puisse conclure à une apparence de violation de l'article 6 § 1 ] Extraits de l’arrêt de la Cour : « 13. La Cour rappelle que selon sa jurisprudence constante, le caractère raisonnable de la durée d'une procédure doit s'apprécier suivant les circonstances de la cause et à l'aide des critères suivants : la complexité de l'affaire, le comportement des parties et le comportement des autorités saisies de l'affaire (voir arrêt Vernillo c. France du 20 février 1991, série A n° 198, p. 12, § 30) et que « seules les lenteurs imputables à l'Etat peuvent amener à conclure à l'inobservation du délai raisonnable » (voir, entre autres, arrêt H. c. France du 24 octobre 1989, série A n° 162, p. 21, § 55). 14. La Cour note également qu’une diligence particulière s’impose pour le contentieux du travail. L’Italie l’a d’ailleurs reconnu en révisant, en 1973, la procédure spéciale établie en la matière et en adoptant, en 1990, des mesures urgentes destinées à accélérer la marche des instances (voir arrêt Ruotolo c. Italie du 27 février 1992, série A n° 230-D du 27 février 1992,

série A n° 230-D, p. 39, § 17). 15. La Cour relève des délais imputables aux autorités judiciaires. Notamment, du 28 juin 1994 au 27 février 1997, l’affaire fut congelée en raison de la mutation du juge, soit presque deux ans et huit mois. 16. Elle constate toutefois que le temps effectivement consacré à l'examen de l'affaire a été d’environ trois ans et sept mois en première instance et d’un peu plus d’un an et sept mois

LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME N° 27 – MARS 2001 7

pour l’appel. La durée effective globale a donc été d’un peu plus de cinq ans et deux mois pour deux instances. 17. En outre, la Cour observe que la procédure interne a eu pour objet la reconnaissance d’un droit au maintien du bénéfice des réductions de tarifs sur les titres de voyage en train. En plus, la Cour constate que le requérant, en signant le 1er mars 1999 une déclaration par laquelle il renonçait à reprendre la procédure devant le juge d’instance territorialement compétent, a de ce fait démontré son désintérêt pour la suite du litige. 18. Partant, la Cour considère que, eu égard au fait que deux juridictions eurent à connaître de l'affaire, à l’enjeu du litige et au désintérêt du requérant, la durée globale de la procédure litigieuse ne se révèle pas suffisamment importante pour que l'on puisse conclure à une apparence de violation de l'article 6 § 1 de la Convention (voir G. c. Italie du 27 février 1992, série A n° 228-F, p. 68, § 18, Cormio c. Italie du 27 février 1992 série A n° 228-I, p. 94, § 17, Cesarini c. Italie du 12 octobre 1992, série A n° 245-B, p. 26, § 20, Mirandola c. Italie (déc.), n° 45877/99, 7.9.1999, et De Simone c. Italie (déc.), n° 40403/98, 21.9.1999). » (pas de violation de l’article 6 § 1). Cour quatrième section) MARCOTRIGIANO c. ITALIE (N° 2) n°00047783/99 01/03/2001 (DELAI RAISONNABLE ; PROCEDURE CIVILE ) (un peu plus de cinq ans et cinq mois pour deux instances) Non-violation de l'art. 6-1 Jurisprudence Arrêt Cesarini c. Italie du 12 octobre 1992, série A n° 245-B, p. 26, § 20 ; Arrêt Cormio c. Italie du 27 février 1992 série A n° 228-I, p. 94, § 17 ; Arrêt G. c. Italie du 27 février 1992, série A n° 228-F, p. 68, § 18 ; Arrêt H. c. France du 24 octobre 1989, série A n° 162, p. 21, § 55 ; Arrêt Ruotolo c. Italie du 27 février 1992, série A n° 230-D, p. 39, § 17 ; Arrêt Vernillo c. France du 20 février 1991, série A n° 198, p. 12, § 30 ; De Simone c. Italie (déc.), n° 40403/98, 21.9.1999 ; Mirandola c. Italie (déc.), n° 45877/99, 7.9.1999

TRAITEMENT INHUMAIN ; ARRESTATION OU DETENTION

REGULIERES ; VOIES LEGALES ; EXPULSION

DOUGOZ c. GRÈCE 6.3.2001

[According to the Convention organs' case-law, ill-treatment must attain a minimum level of

severity if it is to fall within the scope of Article 3 (Ireland v. the United Kingdom judgment of 18 January 1978, Series A no. 25, p. 65, § 162). The same holds true insofar as degrading treatment is concerned (Costello-Roberts v. the United Kingdom, Series A no. 247-C, p. 59, § 30). The assessment of this minimum level of severity is relative; it depends on all the circumstances of the case, such as the duration of the treatment, its physical and mental effects and, in some cases, the sex, age and state of health of the victim (see the above-mentioned Ireland v. the United Kingdom and Costello-Roberts v. the United Kingdom judgments, loc. cit.). When assessing conditions of detention, account has to be taken of the cumulative effects of these conditions, as well as of specific allegations made by the applicant. Violation of Article 3 of the Convention (applicant's allegations corroborated by the conclusions of the CPT report of 29 November 1994 regarding the Police Headquarters in Alexandras Avenue.) DOUGOZ v. GREECE n° 00040907/98 06/03/2001 DEGRADING TREATMENT ; APPLICANT'S ALLEGATIONS CORROBORATED BY THE CONCLUSIONS OF THE CPT REPORT ; LAWFUL ARREST OR DETENTION ; PROCEDURE PRESCRIBED BY LAW ; EXPULSION Violation of Art. 3 ; Violation of Art. 5-1 ; Violation of Art. 5-4 ] Condamné par contumace à la peine capitale en Syrie, Mohamed Dougoz, ressortissant syrien, a fuit en Grèce. Les autorités grecques lui avaient accordé le statut de réfugié.où il fut par la suite arrêté et condamné à plusieurs reprises à des peines d’emprisonnement, notamment pour des infractions à la législation sur les stupéfiants. En juin 1997, alors qu’il purgeait une peine de prison, il demanda à être renvoyé en Syrie, prétendant avoir bénéficié d’une commutation de la peine capitale.. En juillet 1997, à la suite d’une décision ordonnant sa mise en liberté conditionnelle et son expulsion vers la Syrie, il fut libéré et placé sous écrou extraditionnel. Il fut détenu pendant plusieurs mois au commissariat de Drapetzona où, selon lui, il fut confiné dans une cellule surpeuplée et sale, dépourvue de tout matériel de couchage et d’installations sanitaires suffisantes. L’eau chaude était rare et il n’y avait aucun débouché sur l’extérieur permettant de laisser entrer de l’air frais et la lumière du jour ; de même, il n’y avait pas de cour permettant aux détenus de prendre de l’exercice. En avril 1998, le

LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME N° 27 – MARS 2001 8

requérant fut transféré à la direction générale de la police, dans l’avenue Alexandras, où, d’après l’intéressé, les conditions étaient similaires à celles qui régnaient au commissariat de Drapetzona, si ce n’est que des ouvertures laissaient entrer de l’air et la lumière du jour dans les cellules, et qu’il y avait de l’eau chaude en quantité suffisante. Il y demeura jusqu’au 3 décembre 1998, date de son expulsion vers la Syrie. Le 2 février 1998, le requérant demanda la levée de l’ordonnance d’expulsion. Les tribunaux le déboutèrent, faisant valoir qu’il avait affirmé ne plus être l’objet de persécutions en Syrie ; cependant, aucune décision expresse ne fut prise sur la légalité de son maintien en détention. Invoquant les articles 3 et 5 §§ 1 et 4 de la Convention européenne des Droits de l’Homme, le requérant se plaint des conditions, de la légalité et de la durée de sa détention, ainsi que de l’absence de tout recours effectif en droit interne qui lui aurait permis de contester la légalité de sa détention. Décision de la Cour Article 3 de la Convention La Cour relève que les allégations du requérant sont corroborées par les conclusions du rapport du Comité européen pour la prévention de la torture (CPT), publié le 29 novembre 1994, concernant la direction générale de la police, dans l’avenue Alexandras. Le rapport souligne que la capacité d’accueil des cellules et le régime carcéral sont impropres à des périodes de détention de plus de quelques jours, alors que les cellules sont manifestement surpeuplées et les conditions sanitaires épouvantables. Bien que le CPT n’ait pas à cette occasion visité le commissariat de Drapetzona, la Cour relève que le Gouvernement avait alors affirmé que les conditions de détention dans les locaux de l’avenue Alexandras étaient les mêmes qu’à Drapetzona. La Cour note également que le CPT a effectué une deuxième visite à la direction générale de la police de l’avenue Alexandras et s’est rendu au centre de détention de Drapetzona en 1999. A la lumière de ces éléments, la Cour estime que les conditions de détention du requérant à la direction générale de la police, dans l’avenue Alexandras, et au centre de détention de Drapetzona, notamment la surpopulation importante et l’absence de lits et de matériel de couchage, s’analysent en un traitement dégradant contraire à l’article 3. Article 5 § 1 Quant à la « légalité » de la détention du requérant au regard de l’article 5 § 1, la Cour constate

qu’aux termes de l’article 27 § 6 de la loi n° 1975/1991, un étranger peut être détenu sous réserve qu’il fasse l’objet d’une ordonnance administrative d’expulsion émanant du ministère de l’Ordre public et dont l’exécution est pendante, et qu’on estime que l’intéressé représente un danger pour l’ordre public ou qu’il pourrait tenter de se soustraire à la justice. Toutefois, l’expulsion du requérant a été ordonnée par une décision judiciaire, et non par une décision administrative, et nul n’a prétendu qu’il représentait un danger pour l’ordre public ou qu’il risquait de tenter de se soustraire à la justice. La Cour prend note par ailleurs de l’avis émis le 1er avril 1993 par le procureur adjoint près la Cour de cassation, selon lequel une décision ministérielle (n° 4803/13/7A/18-26.6.92) sur la détention de personnes faisant l’objet de décisions administratives d’expulsion s’appliquait par analogie dans les cas d’expulsion ordonnées par les tribunaux. Toutefois, la Cour estime que l’avis d’un procureur de rang élevé ne constitue pas une « loi » de qualité « suffisante » au sens de sa jurisprudence. Conclusion : violation de l’article 5 § 1. Article 5 § 4 La Cour estime que les demandes de libération présentées par le requérant aux ministres de la Justice et de l’Ordre public les 28 novembre 1997 et 26 juillet 1998 ne sauraient être tenues pour des recours effectifs, puisque les ministres pouvaient décider de les rejeter ou de les laisser sans réponse. Par ailleurs, dans sa décision du 11 mai 1998, la chambre d’accusation du tribunal correctionnel du Pirée, siégeant à huis clos, n’a pas statué sur le grief du requérant concernant sa détention. Dès lors, l’ordre juridique interne n’a offert au requérant aucune possibilité d’obtenir une décision d’une juridiction nationale sur la légalité de sa détention sous écrou extraditionnel, au mépris de l’article 5 § 4. Conclusion : violation de l’article 5 § 4. Cour (troisième section) DOUGOZ c. GRECE n°00040907/98 06/03/2001 TRAITEMENT INHUMAIN ; ARRESTATION OU DETENTION REGULIERES ; VOIES LEGALES ; EXPULSION Violation de l'art. 3 ; Violation de l'art. 5-1 ; Violation de l'art. 5-4 ; Dommage matériel - demande rejetée ; 5 000 000 GRD pour préjudice moral et remboursement partiel frais et dépens Jurisprudence : Arrêt Amuur c. France du 25 juin 1996, Recueil des arrêts et décisions 1996-III, § 50 ; Arrêt Chahal c. Royaume-Uni du 15 novembre 1996, Recueil 1996-V, § 118, § 127 ; Arrêt Costello-Roberts c. Royaume-Uni, série A

LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME N° 27 – MARS 2001 9

n° 247-C, p. 59, § 30 ; Affaire Grecque, Annuaire n° 12, 1969 ; Arrêt Irlande c. Royaume-Uni du 18 janvier 1978, série A n° 25, p. 65, § 162 Mohamed Dougoz, a Syrian national, was allegedly sentenced to death in absentia in Syria. He had fled to Greece, where he was arrested and sentenced to imprisonment on several occasions, notably for drug-related offences. While in Greece, he was granted refugee status. In June 1997, while serving a prison sentence, he asked to be sent back to Syria and claimed that he had been granted a reprieve there. In July 1997, following a decision ordering his release on licence and his expulsion to Syria, he was released and placed in police detention pending his expulsion. He was held for several months at the Drapetsona Police Station, where, he alleged, he was confined in an overcrowded and dirty cell with insufficient sanitary and sleeping facilities, scarce hot water, no fresh air or natural daylight and no yard in which to exercise. In April 1998, he was transferred to the Police Headquarters in Alexandras Avenue where, he claimed, conditions were similar to those in the Drapetsona detention centre, although there was natural light and air in the cells and adequate hot water. He remained there until 3 December 1998, the date of his expulsion to Syria. On 2 February 1998 he applied for the expulsion order to be lifted. His application was refused, on the ground that he had previously claimed he was no longer subject to persecution in Syria, but no express ruling was made on the lawfulness of his continued detention. Relying on Articles 3 and 5 §§ 1 and 4 of the European Convention on Human Rights, the applicant complained about the conditions, lawfulness and length of his detention and the lack of available remedies under domestic law to challenge the lawfulness of his detention. The Court’s assessment : « 44. The Court recalls that, according to the Convention organs' case-law, ill-treatment must attain a minimum level of severity if it is to fall within the scope of Article 3 (Ireland v. the United Kingdom judgment of 18 January 1978, Series A no. 25, p. 65, § 162). The same holds true insofar as degrading treatment is concerned (Costello-Roberts v. the United Kingdom, Series A no. 247-C, p. 59, § 30). The assessment of this minimum level of severity is relative; it depends on all the circumstances of the case, such as the duration of the treatment, its physical and mental effects and, in some cases, the sex, age and state of health of the victim (see the above-mentioned Ireland v. the

United Kingdom and Costello-Roberts v. the United Kingdom judgments, loc. cit.). 45. In the present case the Court notes that the applicant was first held for several months at the Drapetsona Police Station, which is a detention centre for persons held under Aliens legislation. He alleges, inter alia, that he was confined in an overcrowded and dirty cell with insufficient sanitary and sleeping facilities, scarce hot water, no fresh air or natural daylight and no yard in which to exercise. It was even impossible for him to read a book because his cell was so overcrowded. In April 1998 he was transferred to the Police Headquarters in Alexandras Avenue, where conditions were similar to those in Drapetsona and where he was detained until 3 December 1998, the date of his expulsion to Syria. The Court observes that the Government did not deny the applicant's allegations concerning overcrowding and a lack of beds or bedding. 46. The Court considers that conditions of detention may sometimes amount to inhuman or degrading treatment. In the Greek case (Yearbook of the European Convention on Human Rights no. 12, 1969), the Commission reached this conclusion regarding overcrowding and inadequate facilities for heating, sanitation, sleeping arrangements, food, recreation and contacts with the outside world. When assessing conditions of detention, account has to be taken of the cumulative effects of these conditions, as well as of specific allegations made by the applicant. In the present case, although the Court has not conducted an on-site visit, it notes that the applicant's allegations are corroborated by the conclusions of the CPT report of 29 November 1994 regarding the Police Headquarters in Alexandras Avenue. In its report the CPT stressed that the cellular accommodation and detention regime in that place were quite unsuitable for a period in excess of a few days, the occupancy levels being grossly excessive and the sanitary facilities appalling. Although the CPT had not visited the Drapetsona detention centre at that time, the Court notes that the Government had described the conditions in Alexandras as being the same as in Drapetsona, and the applicant himself conceded that the former were slightly better with natural light, air in the cells and adequate hot water. 47. Furthermore, the Court does not lose sight of the fact that in 1997 the CPT visited both the Alexandras Police Headquarters and the Drapetsona detention centre and felt it necessary to renew its visit to both places in 1999. The applicant was detained in the interim from July 1997 to December 1998.

LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME N° 27 – MARS 2001 10

48. In the light of the above, the Court considers that the conditions of detention of the applicant in the Alexandras Police Headquarters and the Drapetsona detention centre, in particular the serious overcrowding and absence of sleeping facilities, combined with the inordinate length of the period during which he was detained in such conditions, amounted to degrading treatment contrary to Article 3 » (violation of Article 3 of the Convention.)

HILAL c. ROYAUME-UNI 6.3.2001

Said Mohammed Hilal, ressortissant tanzanien de Pemba, île située au nord de Zanzibar, sollicita l’asile au Royaume-Uni le 9 février 1995. Sa demande fut rejetée au motif qu’elle manquait de crédibilité et que les réponses fournies par lui au cours de son entretien présentaient des incohérences sur le plan des faits. Les recours intentés par l’intéressé furent vains. M. Hilal affirmait qu’avant de quitter son pays il était un membre actif du Front Civique Uni (CUF), parti d’opposition. En août 1994, il aurait été détenu et torturé au poste de police de Madema (Zanzibar) pendant trois mois à cause de son engagement au sein du CUF. On l’aurait à différents reprises enfermé pendant plusieurs jours dans une cellule pleine d’eau froide, on l’aurait suspendu par les pieds jusqu’à ce que son nez saigne et on lui aurait administré des décharges électriques. M. Hilal affirmait que son expulsion vers la Tanzanie lui ferait courir le risque d’être torturé ou de subir des traitements inhumains ou dégradants, d’être jugé de manière inéquitable et de ne disposer d’aucun recours effectif pour se faire état de ses griefs. Il invoquait les articles 3, 6, 8 et 13 de la Convention. Résumé de l’arrêt de la Cour Article 3 La Cour juge que le requérant et son frère ont été détenus au motif qu’ils s’étaient affiliés au CUF, que le requérant a subi des sévices pendant sa détention, qu’il a notamment été suspendu par les pieds, ce qui lui a causé de graves hémorragies nasales, et que le dossier médical ainsi que le certificat de décès de son frère indiquent que celui-ci est décédé après sa détention, ce qui n’est pas incompatible avec l’allégation du requérant selon laquelle son frère a subi des sévices en prison. Des rapports rédigés au sujet de la Tanzanie montrent que les membres du CUF sont toujours

bel et bien persécutés, que le bilan du gouvernement en matière de protection des droits de l’homme laisse nettement à désirer, que la police se livre à des exécutions sommaires et maltraite les suspects, que les conditions de détention demeurent rudes et potentiellement mortelles et que les détentions arbitraires et prolongées demeurent légion. La Cour rejette l’argument du gouvernement britannique selon lequel, à supposer même que le requérant coure des risques à Zanzibar, il pourrait vivre sur la partie continentale de la Tanzanie, où la situation en matière des droits de l’homme serait plus satisfaisante. La Cour relève l’existence sur le continent de problèmes endémiques concernant la protection des droits de l’homme, les mauvais traitements et les coups infligés aux détenus par les policiers, les conditions inhumaines et dégradantes de détention dans les prisons, où les détenus sont mal nourris et mal soignés, à un point tel que leur vie s’en trouve menacée, les liens institutionnels entre la police sur la partie continentale de la Tanzanie et Zanzibar, et la possibilité d’une extradition entre la Tanzanie et Zanzibar. La Cour juge que l’expulsion du requérant vers la Tanzanie violerait l’article 3, dès lors qu’elle reviendrait à exposer l’intéressé à un risque sérieux d’être torturé ou d’être soumis à des traitements inhumains ou dégradants. Article 13 Considérant que le grief du requérant a été examiné en substance par la Cour d’appel, qui avait le pouvoir d’accorder à l’intéressé ce qu’il sollicitait, la Cour conclut à l’absence de violation de l’article 13. A l’unanimité, la Cour conclut : • à une violation potentielle de l’article 3 (interdiction de la torture et des traitements et peines inhumains ou dégradants) de la Convention européennes des Droits de l’Homme ; • à la non-violation de l’article 13 (droit à un recours effectif) ; • à l’absence de questions distinctes sur le terrain des articles 6 (droit à un procès équitable) et 8 (droit au respect de la vie privée). Cour (troisième section) HILAL c. ROYAUME-UNI n°00045276/99 06/03/2001 TRAITEMENT INHUMAIN ; RECOURS EFFECTIF Violation de l'art. 3 ; Non-violation de l'art. 13 ; Préjudice moral - constat de violation suffisant ; Remboursement frais et dépens12 583 GBP, à minorer des 5 100 francs français déjà versés par la voie d’assistance judiciaire. Jurisprudence : Arrêt Ahmed c. Autriche du 17 décembre 1996, Recueil des arrêts et décisions (Recueil), 1996-VI, §§ 38-39 ; Arrêt

LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME N° 27 – MARS 2001 11

Aksoy c. Turquie du 18 décembre 1996, Recueil 1996-VI, p. 2286, § 95 ; Arrêt Aydin c. Turquie du 25 septembre 1997, Recueil 1997-VI, pp. 1895-1896, § 103 ; Arrêt Boyle et Rice c. Royaume-Uni du 27 avril 1988, série A n° 131, p. 23, § 52 ; Arrêt Chahal c. Royaume-Uni du 15 novembre 1996, Recueil 1996-V, p. 1853, §§ 73-74, p. 1861, § 104 ; Arrêt D. c. Royaume-Uni du 2 mai 1997, Recueil 1997-III, pp. 797-798, §§ 70-71 ; Arrêt H.L.R. c. France du 29 avril 1997, Recueil 1997-III, p. 758, § 37 ; Arrêt Ilhan c. Turquie [GC], n° 22277/93, CEDH 2000-VII, 27.06.00 ; Arrêt Kaya c. Turquie du 19 février 1998, Recueil 1998-I, pp. 329-30, § 106, p. 330, § 107 ; Arrêt Soering c. Royaume-Uni du 7 juillet 1989, série A n° 161, pp. 47-48, §§ 121-124 ; Arrêt Vilvarajah et autres c. Royaume-Uni du 30 octobre 1991, série A n° 215, p. 36, § 107, p. 39, § 123. (L’arrêt n’est disponible qu’en anglais). B. The Court’s assessment 59. The Court recalls at the outset that Contracting States have the right, as a matter of well-established international law and subject to their treaty obligations including the Convention, to control the entry, residence and expulsion of aliens. However, in exercising their right to expel such aliens, Contracting States must have regard to Article 3 of the Convention which enshrines one of the fundamental values of democratic societies. The expulsion of an alien may give rise to an issue under this provision where substantial grounds have been shown for believing that the person in question, if expelled, would face a real risk of being subjected to treatment contrary to Article 3 in the receiving country. In such circumstances, Article 3 implies an obligation not to expel the individual to that country (e.g. the Ahmed v. Austria judgment of 17 December 1996, Reports of Judgments and Decisions 1996-VI, §§ 38-39, and the Chahal v. the United Kingdom judgment of 15 November 1996, Reports 1996-V, §§ 73-74). 60. In determining whether it has been shown that the applicant runs a real risk, if deported to Tanzania, of suffering treatment proscribed by Article 3, the Court will assess the issue in the light of all the material placed before it, or, if necessary, material obtained proprio motu (see the Vilvarajah and Others v. the United Kingdom judgment of 30 October 1991, Series A no. 215, p. 36, § 107, and the HLR v. France judgment of 29 April 1997, Reports 1997-III, p. 758, § 37). Ill-treatment must also attain a minimum level of severity if it is to fall within the scope of Article 3, which assessment is relative, depending on all the circumstances of the case.

61. The Court recalls that the applicant arrived in the United Kingdom from Tanzania on 9 February 1995, where he claimed asylum. In the domestic procedures concerning his asylum application, his claim was based on his membership of the CUF, an opposition party in Tanzania and the fact that he had been detained and tortured in Zanzibar prior to his departure. He also claimed that his brother had been detained and had died due to ill-treatment and that the authorities were accusing him of tarnishing Tanzania’s good name, increasing the risk that he would be detained and ill-treated on his return. 62. The Government have urged the Court to be cautious in taking a different view of the applicant’s claims than the Special Adjudicator who heard him give evidence and found him lacking in credibility. The Court notes however that the Special Adjudicator’s decision relied, inter alia, on a lack of substantiating evidence. Since that decision, the applicant has produced further documentation. Furthermore, while this material was looked at by the Secretary of State and by the courts in the judicial review proceedings, they did not reach any findings of fact in that regard but arrived at their decisions on a different basis – namely, that even if the allegations were true, the applicant could live safely in mainland Tanzania, the “internal flight” solution. 63. The Court has examined the materials provided by the applicant and the assessment of them by the various domestic authorities. It finds no basis to reject them as forged or fabricated. The applicant has provided an opinion from the Professor of Social Anthropology at All Souls College, Oxford, that they are genuine. Though the Government have expressed doubts on the authenticity of the medical report, they have not provided any evidence to substantiate these doubts or to contradict the opinion provided by the applicant. Nor did they provide an opportunity for the report and the way in which the applicant obtained it to be tested in a procedure before the Special Adjudicator. 64. The Court accepts that the applicant was arrested and detained because he was a member of the CUF opposition party and had provided them with financial support. It also finds that he was ill-treated during that detention by, inter alia, being suspended upside down, which caused him severe haemorrhaging through the nose. In the light of the medical record of the hospital which treated him, the apparent failure of the applicant to mention torture at his first immigration interview becomes less significant and his explanation to the Special Adjudicator – that he

LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME N° 27 – MARS 2001 12

did not think he had to give all the details until the full interview a month later – becomes far less incredible. While it is correct that the medical notes and death certificate of his brother do not indicate that torture or ill-treatment was a contributory factor in his death, they did give further corroboration to the applicant’s account which the Special Adjudicator had found so lacking in substantiation. They showed that his brother, who was also a CUF supporter, had been detained in prison and that he had been taken to hospital from the prison where he died. This is not inconsistent with the applicant’s allegation that his brother had been ill-treated in prison. 65. The question remains whether, having sought asylum abroad, the applicant is at risk of ill-treatment if he returns home. The Government have queried the authenticity of the police summons, pointing out that it was dated 25 November 1995, while the package to his parents intercepted by the authorities was sent on 27 November 1995. It may be observed however that the Special Adjudicator’s summary of the applicant’s evidence referred to his claim that his parents had not been receiving any of his letters. Nevertheless, his only proof of postage related to a registered package with money concerning which he had entered into correspondence with the Royal Mail. He provided this correspondence to prove that his mail had been interfered with; it does not appear from the documents that he claimed that it was from interception of this particular item that the police first knew that he was in the United Kingdom. His account is therefore not inconsistent on this point. 66. The Court recalls that the applicant’s wife, who has now also claimed asylum in the United Kingdom, informed the immigration officer in her interview that the police came to her house on a number of occasions looking for her husband and making threats. This is consistent with the information provided about the situation in Pemba and Zanzibar, where CUF members have in the past suffered serious harassment, arbitrary detention, torture and ill-treatment by the authorities (paragraphs 38-46 above). This involves ordinary members of the CUF and not only its leaders or high profile activists. The situation has improved to some extent, but the latest reports throw doubt on the seriousness of reform efforts and refer to continued problems faced by CUF members (paragraph 46). The Court concludes that the applicant would be at risk on return to Zanzibar of being arrested, detained and suffering a recurrence of ill-treatment.

67. The Government rely on the “internal flight” option, arguing that even assuming that the applicant was at risk in Zanzibar, the situation in mainland Tanzania was more secure. The documents provided by the parties indicate that human rights infringements were more prevalent in Zanzibar and that CUF members there suffered more serious persecution (paragraphs 47-49 above). It nonetheless appears that the situation in mainland Tanzania is far from satisfactory and discloses a long-term, endemic situation of human rights problems. Reports refer in general terms to police in Tanzania ill-treating and beating detainees (paragraph 46) and to members of the Zanzibari CCM visiting the mainland to harass CUF supporters sheltering there (paragraph 49). Conditions in the prisons on the mainland are described as inhuman and degrading, with inadequate food and medical treatment leading to life-threatening conditions (paragraphs 44 and 46). The police in mainland Tanzania may be regarded as linked institutionally to the police in Zanzibar as part of the Union and cannot be relied on as a safeguard against arbitrary action (cf. the Chahal case, cited above, p. 1861, § 104, where the applicant Sikh was at particular risk of ill-treatment within the Punjab but could not be considered as safe elsewhere in India as the police in other areas were also reported to be involved in serious human rights violations). There is also the possibility of extradition between Tanzania and Zanzibar (see the Special Adjudicator’s decision cited at paragraph 33 above and the report cited at paragraph 48). 68. The Court is not persuaded therefore that the internal flight option offers a reliable guarantee against the risk of ill-treatment. It concludes that the applicant’s deportation to Tanzania would breach Article 3 as he would face a serious risk of being subjected there to torture or inhuman and degrading treatment. 69. The applicant’s complaints concerning the remedies available to him in respect of the breach of Article 3 fall, in the circumstances of this case, to be examined under Article 13 of the Convention (see the Ilhan v. Turkey judgment [GC], no. 22277/93, ECHR 2000-VII, 27.06.00). III. ALLEGED VIOLATION OF ARTICLE 13 OF THE CONVENTION B. The Court’s assessment 75. The Court reiterates that Article 13 of the Convention guarantees the availability at the national level of a remedy to enforce the substance of the Convention rights and freedoms in whatever form they might happen to be secured in the domestic legal order. The effect of Article

LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME N° 27 – MARS 2001 13

13 is thus to require the provision of a domestic remedy to deal with the substance of an “arguable complaint” under the Convention and to grant appropriate relief, although Contracting States are afforded some discretion as to the manner in which they conform to their Convention obligations under this provision. The scope of the obligation under Article 13 varies depending on the nature of the applicant’s complaint under the Convention. Nevertheless, the remedy required by Article 13 must be “effective” in practice as well as in law. In particular, its exercise must not be unjustifiably hindered by the acts or omissions of the authorities of the respondent State (see the Aksoy v. Turkey judgment of 18 December 1996, Reports 1996-VI, p. 2286, § 95; the Aydin v. Turkey judgment of 25 September 1997, Reports 1997-VI, pp. 1895-96, § 103; the Kaya v. Turkey judgment of 19 February 1998, Reports 1998-I, pp. 329-30, § 106). 76. On the basis of the evidence adduced in the present case, the Court finds that the applicant’s claim that he risked inhuman and degrading treatment contrary to Article 3 of the Convention if expelled to Tanzania is “arguable” for the purposes of Article 13 (see the Boyle and Rice v. the United Kingdom judgment of 27 April 1988, Series A no. 131, p. 23, § 52, and the Kaya v. Turkey judgment, cited above, p. 330, § 107). The Court has therefore examined whether he had available to him an effective remedy against the threatened expulsion. 77. In its Vilvarajah and Others v. the United Kingdom judgment (cited above, p. 39, § 123) and its Soering v. the United Kingdom judgment of 7 July 1989 (Series A no. 161, pp. 47-48, §§ 121-24), the Court considered judicial review proceedings to be an effective remedy in relation to the complaints raised under Article 3 in the contexts of deportation and extradition. It was satisfied that English courts could effectively control the legality of executive discretion on substantive and procedural grounds and quash decisions as appropriate. It was also accepted that a court effecting judicial review would have power to quash a decision to expel or deport an individual to a country where it was established that there was a serious risk of inhuman or degrading treatment, on the ground that in all the circumstances of the case the decision was one that no reasonable Secretary of State could take. This view was followed in the more recent judgment of D. v. the United Kingdom (cited above, pp. 797-98, §§ 70-71). 78. While the applicant argued that the courts in judicial review applications will not reach findings of fact for themselves on disputed issues,

the Court is satisfied that the domestic courts give careful scrutiny to claims that an expulsion would expose an applicant to the risk of inhuman and degrading treatment. The Court is not convinced that the fact that this scrutiny takes place against the background of the criteria applied in judicial review of administrative decisions, namely, rationality and perverseness, deprives the procedure of its effectiveness. The substance of the applicant’s complaint was examined by the Court of Appeal, and it had the power to afford him the relief he sought. The fact that it did not do so is not a material consideration since the effectiveness of a remedy for the purposes of Article 13 does not depend on the certainty of a favourable outcome for an applicant (see the Vilvarajah and Others judgment, loc. cit., p. 39, § 122). 79. The Court concludes therefore that the applicant had available to him an effective remedy in relation to his complaints under Article 3 of the Convention concerning the risk of ill-treatment on expulsion to Tanzania. » (no breach of Article 13.) Court (Third Section) HILAL v. THE UNITED KINGDOM INHUMAN TREATMENT ; EFFECTIVE REMEDY Violation of Art. 3 ; No violation of Art. 13 ; Non-pecuniary damage - finding of violation sufficient ; Costs and expenses award 12 583 GBP less 5,100 French francs Jurisprudence Ahmed v. Austria judgment of 17 December 1996, Reports of Judgments and Decisions (Reports), 1996-VI, §§ 38-39 ; Aksoy v. Turkey judgment of 18 December 1996, Reports 1996-VI, p. 2286, § 95 ; Aydin v. Turkey judgment of 25 September 1997, Reports 1997-VI, pp. 1895-1896, § 103 ; Boyle and Rice v. the United Kingdom judgment of 27 April 1988, Series A no. 131, p. 23, § 52 ; Chahal v. the United Kingdom judgment of 15 November 1996, Reports 1996-V, p. 1853, §§ 73-74, p. 1861, § 104 ; D. v. the United Kingdom judgment of 2 May 1997, Reports 1997-III, pp. 797-798, §§ 70-71 ; H.L.R. v. France judgment of 29 April 1997, Reports 1997-III, p. 758, § 37 ; Ilhan v. Turkey judgment [GC], no. 22277/93, ECHR 2000-VII, 27.06.00 ; Kaya v. Turkey judgment of 19 February 1998, Reports 1998-I, pp. 329-330, § 106, p. 330, § 107 ; Soering v. the United Kingdom judgment of 7 July 1989, Series A no. 161, pp. 47-48, §§ 121-124 ; Vilvarajah and Others v. the United Kingdom judgment of 30 October 1991, Series A no 215, p. 36, § 107 and p. 39, § 122.Sources externes US Department of State Reports on Tanzania, 1997, 1998 and 1999 ;

LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME N° 27 – MARS 2001 14

Amnesty International Annual Reports 1997, 1998 and 1999

PRIVATION DE LIBERTE ; VIE ; ABSOLUMENT NECESSAIRE ;

OBLIGATIONS POSITIVES ; TRAITEMENT INHUMAIN ;

TRAITEMENT DEGRADANT ; ARRESTATION OU DETENTION

REGULIERES BERKTAY c. TURQUIE 1.3.2001

[RAPPEL : Article 2 : L’article 2, qui garantit le droit à la vie et définit les circonstances dans lesquelles il peut être légitime d’infliger la mort, se place parmi les articles primordiaux de la Convention et ne souffre aucune dérogation. Avec l’article 3, il consacre l’une des valeurs fondamentales des sociétés démocratiques qui forment le Conseil de l’Europe. Les circonstances dans lesquelles il peut être légitime d’infliger la mort doivent dès lors s’interpréter strictement. L’objet et le but de la Convention, instrument de protection des êtres humains, requièrent également que l’article 2 soit interprété et appliqué d’une manière qui en rende les exigences concrètes et effectives (arrêt McCann et autres c. Royaume-Uni du 27 septembre 1995, série A n° 324, §§ 146-147). Pris dans son ensemble, le texte de l’article 2 démontre qu’il ne vise pas uniquement l’homicide intentionnel mais également les situations où un usage légitime de la force peut conduire à donner la mort de façon involontaire. Le caractère délibéré ou intentionnel du recours à la force meurtrière n’est toutefois qu’un élément parmi d’autres à prendre en compte dans l’appréciation de la nécessité de cette mesure. Tout recours à la force doit être rendu « absolument nécessaire » pour atteindre l’un des objectifs mentionnés aux alinéas a) à c). L’emploi des termes « absolument nécessaire » indique qu’il faut appliquer un critère de nécessité plus strict et impérieux que celui normalement employé pour déterminer si l’intervention de l’Etat est « nécessaire dans une société démocratique », au sens du paragraphe 2 des articles 8 à 11 de la Convention. En conséquence, la force utilisée doit être strictement proportionnée aux buts légitimes susvisés (arrêt McCann précité, §§ 148-149).

L’obligation positive que la première phrase de l’article 2 § 1 impose à l’Etat est de : protéger la vie de l’individu contre les tiers ou contre le risque de maladie. Ce n’est que dans des circonstances exceptionnelles que des sévices corporels infligés par des agents de l’Etat peuvent s’analyser en une violation de l’article 2 de la Convention lorsqu’il n’y a pas décès de la victime. La responsabilité pénale des personnes qui ont recouru à la force est certes étrangère à la procédure au titre de la Convention (arrêt McCann précité, § 173), mais il n’en reste pas moins que le degré et le type de force utilisée, de même que l’intention ou le but non équivoque sous-jacents à l’usage de la force peuvent, parmi d’autres éléments, être pertinents pour l’appréciation du point de savoir si, dans un cas donné, les actes d’agents de l’Etat responsables de l’infliction de blessures n’ayant pas entraîné la mort peuvent être considérés comme incompatibles avec l’objet et le but de l’article 2 de la Convention. Dans pratiquement tous les cas, lorsqu’une personne est agressée ou maltraitée par des policiers ou des militaires, ses griefs doivent être examinés plutôt sous l’angle de l’article 3 de la Convention (voir Ýlhan c. Turquie [GC], n° 22277/93, § 76, CEDH 2000). L’article 3 de la Convention consacre l’une des valeurs fondamentales des sociétés démocratiques. Même dans les circonstances les plus difficiles, telle la lutte contre le terrorisme et le crime organisé, la Convention prohibe en termes absolus la torture et les peines ou traitements inhumains ou dégradants. L’article 3 ne prévoit pas de restrictions, en quoi il contraste avec la majorité des clauses normatives de la Convention et des Protocoles nos 1 et 4, et d’après l’article 15 § 2, il ne souffre nulle dérogation, même en cas de danger public menaçant la vie de la nation (arrêts Selmouni c. France [GC], n° 25803/94, § 95, CEDH 1999-V ; et Assenov et autres c. Bulgarie du 28 octobre 1998, Recueil 1998-VIII, p. 3288, § 93). Un mauvais traitement doit atteindre un minimum de gravité pour tomber sous le coup de l’article 3. L’appréciation de ce minimum est relative par essence ; elle dépend de l’ensemble des données de la cause, et notamment de la durée du traitement, de ses effets physiques et mentaux ainsi que, parfois, du sexe, de l’âge et de l’état de santé de la victime.

LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME N° 27 – MARS 2001 15

Lorsqu’un individu se trouve privé de sa liberté, l’utilisation à son égard de la force physique alors qu’elle n’est pas rendue strictement nécessaire par son comportement porte atteinte à la dignité humaine et constitue, en principe, une violation du droit garanti par l’article 3 (arrêts Tekin c. Turquie du 9 juin 1998, Recueil 1998-IV, pp. 1517-1518, §§ 52 et 53, et Assenov et autres précité, p. 3288, § 94). Un traitement peut être estimé à la fois « inhumain », notamment pour avoir été appliqué avec préméditation pendant des heures et avoir causé sinon de véritables lésions, du moins de vives souffrances physiques et morales, et « dégradant » parce que de nature à créer en ses victimes des sentiments de peur, d’angoisse et d’infériorité propres à les humilier et à les avilir. Pour qu’une peine ou le traitement dont elle s’accompagne soient « inhumains » ou « dégradants », la souffrance ou l’humiliation doivent en tout cas aller au-delà de celles que comporte inévitablement une forme donnée de traitement ou de peine légitime. La question de savoir si le traitement avait pour but d’humilier ou de rabaisser la victime est un autre élément à prendre en compte (voir, par exemple, V. c. Royaume-Uni [GC], n° 24888/94, § 71, CEDH 1999-IX, et Raninen c. Finlande du 16 décembre 1997, Recueil 1997-VIII, pp. 2821-2822, § 55). L’absence d’un tel but ne saurait toutefois exclure de façon définitive un constat de violation de l’article 3. Les allégations de mauvais traitement doivent être étayées par des éléments de preuve appropriés (voir, mutatis mutandis, l’arrêt Klaas précité, p. 17, § 30). Pour l’établissement des faits allégués, la Cour se sert du critère de la preuve « au-delà de tout doute raisonnable » ; une telle preuve peut néanmoins résulter d’un faisceau d’indices, ou de présomptions non réfutées, suffisamment graves, précises et concordantes (arrêt Irlande c. Royaume-Uni précité, p. 65, § 161 in fine). Les autorités ont obligation de rendre compte du sort des individus placés sous leur contrôle, et de l’ensemble des éléments soumis à son appréciation. les nécessités de l’enquête et les indéniables difficultés de la lutte contre la criminalité, notamment en matière de terrorisme, ne sauraient conduire à limiter la protection due à l’intégrité physique de la personne (arrêt Tomasi précité, p. 42, § 115).

En recherchant si une peine ou un traitement est « dégradant » au sens de l’article 3, la Cour examine si le but était d’humilier et de rabaisser l’intéressé – une humiliation et un avilissement atteignant un minimum de gravité – et si, considérée dans ses effets, la mesure a ou non atteint la personnalité de celui-ci d’une manière incompatible avec l’article 3 (voir l’arrêt Albert et Le Compte c. Belgique du 10 février 1983, série A n° 58, p. 13, § 22). A cet égard, le caractère public de la sanction ou du traitement peut constituer un élément pertinent. Mais il faut rappeler en même temps que l’absence de publicité n’empêche pas nécessairement une peine déterminée d’entrer dans cette catégorie ; il peut fort bien suffire que la victime soit humiliée à ses propres yeux, même si elle ne l’est pas à ceux d’autrui (voir l’arrêt Tyrer c. Royaume-Uni du 25 avril 1978, série A n° 26, p. 16, § 32). Absence d’enquête effective : Une violation procédurale de l’article 3 en raison du caractère inadéquat des investigations menées par les autorités au sujet des allégations du requérant selon lesquelles il avait subi de graves sévices aux mains de la police Assenov c. Bulgarie du 28 octobre 1998 suscité (§§ 102-103). Faute d’une enquête officielle effective, l’interdiction légale générale de la torture et des peines et traitements inhumains ou dégradants serait inefficace (voir également Labita c. Italie [GC], n° 26772/95, § 131, CEDH 2000-IV). La question de savoir s’il est approprié ou nécessaire, dans une affaire donnée, de constater une violation procédurale de l’article 3 dépendrait des circonstances particulières de l’espèce (arrêt Ilhan précité, §§ 92-93). Un grief se caractérise par les faits qu’il dénonce et non par les simples moyens ou arguments de droit invoqués (voir l’arrêt Guerra et autres c. Italie du 19 février 1998, Recueil 1998-I, p. 223, § 44). Article 13 de la convention : L’article 13 de la Convention garantit l’existence en droit interne d’un recours permettant de s’y prévaloir des droits et libertés de la Convention tels qu’ils peuvent s’y trouver consacrés. Cette disposition a donc pour conséquence d’exiger un recours interne habilitant l’instance nationale compétente à connaître du contenu d’un « grief défendable »

LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME N° 27 – MARS 2001 16

fondé sur la Convention et d’offrir le redressement approprié, même si les Etats contractants jouissent d’une certaine marge d’appréciation quant à la manière de se conformer aux obligations que leur fait cette disposition. La portée de l’obligation découlant de l’article 13 varie en fonction de la nature du grief que le requérant fonde sur la Convention. Toutefois, le recours exigé par l’article 13 doit être « effectif » en pratique comme en droit, en ce sens particulièrement que son exercice ne doit pas être entravé de manière injustifiée par les actes ou omissions des autorités de l’Etat défendeur (arrêts Aksoy c. Turquie du 18 décembre 1996, Recueil 1996-VI, p. 2286, § 95, Aydin précité, pp. 1895-1896, § 103, et Kaya c. Turquie du 19 février 1998, Recueil 1998-I, pp. 329-330, § 106). Lorsqu’un individu formule une allégation défendable de sévices graves subis alors qu’il se trouve dans les mains d’agents de l’Etat, la notion de « recours effectif » implique, outre le versement d’une indemnité là où il échet, des investigations approfondies et effectives propres à conduire à l’identification et à la punition des responsables et comportant un accès effectif du plaignant à la procédure d’enquête (arrêt Tekin précité, § 66). Article 5 § 1 de la Convention : L’importance fondamentale des garanties figurant à l’article 5 et visant au respect du droit des individus, dans une démocratie, d’être à l’abri d’une détention arbitraire opérée par les autorités. Toute privation de liberté doit observer les normes de fond comme de procédure de la législation nationale mais doit également se conformer au but même de l’article 5 : protéger l’individu contre l’arbitraire (voir, parmi maints autres, l’arrêt Chahal c. Royaume-Uni du 15 novembre 1996, Recueil 1996-V, p. 1864, § 118). Atteste de l’importance de la protection accordée à l’individu contre l’arbitraire le fait que l’article 5 § 1 dresse la liste exhaustive des circonstances dans lesquelles les individus peuvent être légalement privés de leur liberté, étant bien entendu que ces circonstances appellent une interprétation étroite puisqu’il s’agit d’exceptions à une garantie fondamentale de la liberté individuelle (voir, mutatis mutandis, l’arrêt Quinn c. France du 22 mars 1995, série A n° 311, p. 17, § 42). Les auteurs de la Convention ont renforcé la protection de l’individu contre une privation

arbitraire de sa liberté par un ensemble de droits matériels conçus pour réduire au minimum le risque d’arbitraire en prévoyant que l’acte de privation de liberté est susceptible d’un contrôle juridictionnel indépendant et engagera la responsabilité des autorités. Les exigences de l’article 5 §§ 3 et 4, qui met l’accent sur la rapidité et le contrôle juridictionnel, revêt une importance particulière à cet égard. Une prompte intervention judiciaire peut conduire à la détection et à la prévention de mesures présentant une menace pour la vie ou de sévices graves transgressant les garanties fondamentales énoncées aux articles 2 et 3 de la Convention (voir, mutatis mutandis, l’arrêt Aksoy précité, p. 2282, § 76). Sont en jeu ici la protection de la liberté physique des individus ainsi que la sûreté de la personne dans une situation qui, faute de garanties, pourrait saper la prééminence du droit et soustraire les détenus à l’empire des formes les plus rudimentaires de protection juridique. La « plausibilité » des soupçons sur lesquels doit se fonder une arrestation constitue un élément essentiel de la protection offerte par l’article 5 § 1 c) contre les privations de liberté arbitraires. L’existence de soupçons plausibles présuppose celle de faits ou renseignements propres à persuader un observateur objectif que l’individu en cause peut avoir accompli l’infraction. Il incombe au gouvernement défendeur de lui fournir au moins certains faits ou renseignements propres à la convaincre qu’il existait des motifs plausibles de soupçonner la personne arrêtée d’avoir commis l’infraction alléguée (voir, notamment, l’arrêt Fox, Campbell et Hartley c. Royaume-Uni du 30 août 1990, série A n° 182, p. 16, § 32). Par ailleurs, n’ayant pas fourni, hormis le procès-verbal d’arrestation, d’autres indices sur lesquels reposaient les soupçons dirigés contre l’intéressé, les explications du Gouvernement ne remplissent pas les conditions minimales de l’article 5 § 1 c). violation de l’article 5 § 1 de la Convention. Article 34 (ancien article 25) de la convention Pour que le mécanisme de recours individuel instauré par l’ancien article 25 soit efficace, il est de la plus haute importance que les requérants, déclarés ou potentiels, soient libres de communiquer avec les institutions de la Convention, sans que les autorités ne les

LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME N° 27 – MARS 2001 17

pressent en aucune manière de retirer ou modifier leurs griefs. A cet égard, le terme « presser » vise non seulement la coercition directe et les actes flagrants d’intimidation, mais aussi les actes ou contacts indirects et de mauvais aloi tendant à dissuader les requérants, ou à les décourager de se prévaloir du recours qu’offre la Convention. En outre, pour déterminer si des contacts entre les autorités et un requérant constituent des pratiques inacceptables du point de vue de l’ancien article 25 § 1, il faut tenir compte des circonstances particulières de la cause. A ce propos, il faut envisager la vulnérabilité du plaignant et le risque que les autorités l’influencent. Dans des affaires antérieures, la Cour a tenu compte de la vulnérabilité des villageois requérants et de ce que, dans le Sud-Est de la Turquie, porter plainte contre les autorités pouvait fort bien susciter une crainte légitime de représailles, et estimé qu’interroger des requérants sur leur requête à la Commission constituait une forme de pression illicite et inacceptable qui entravait le droit de recours individuel, au mépris de l’ancien article 25 de la Convention (Tanrýkulu c. Turquie [GC], n° 23763/94, § 101, CEDH 1999-IV).] . Le 3 février 1993, Devrim Berktay fut arrêté et interrogé dans les locaux de la direction de la sûreté. Les policiers l’emmenèrent ensuite à son domicile pour y effectuer une perquisition. Là, il tomba du balcon et se blessa grièvement. Devrim Berktay alléguait qu’il avait été poussé du balcon de son domicile par des policiers, alors que ceux-ci prétendent que l’intéressé a sauté tout seul. Il soutenait en outre que les policiers l’avaient arbitrairement privé de sa liberté et que ceux-ci avaient mis sa vie en péril en retardant délibérément son père en exigeant, avant de l’emmener dans un centre sanitaire pour une tomographie ainsi que l’avait recommandé le médecin qui l’avait examiné après sa chute, qu’il fasse une déposition sur ces événements. Le requérant se plaint que les policiers ont alors mis sa vie en danger. Son père, Hüseyin Bertktay, premier requérant se plaignait d’avoir été contraint par la police de signer un procès-verbal incriminant son fils pour pouvoir l’emmener recevoir des soins médicaux d’urgence ainsi que de la perquisition effectuée à son domicile Les requérants invoquaient les articles 2, 3 (interdiction des traitements inhumains ou dégradants), 5 (droit à la liberté et à la sûreté), 13

(droit à un recours effectif), ainsi que l’article 1 du Protocole n° 1 et l’article 34 (droit de recours individuel). Résumé de l’arrêt rendu par une chambre composée de sept juges (Antonio Pastor Ridruejo (Espagnol), président, Appréciation des faits par la Cour Il y a controverse entre les parties sur les faits de la présente espèce, particulièrement en ce qui concerne les événements du 3 février 1993, lorsque le second requérant, Devrim Berktay, fut appréhendé par la police puis emmené à son domicile pour une perquisition et lors de laquelle il fut grièvement blessé suite à une chute du balcon. Conformément à l’ancien article 28 § 1 a) de la Convention, la Commission a mené une enquête avec l’assistance des parties et a recueilli des documents écrits ainsi que des dépositions orales. L’arrestation et la détention du second requérant : La Cour est d’avis que les éléments de preuve dont elle dispose permettent de conclure que le second requérant était sous le contrôle de cinq policiers et privé de sa liberté pendant la perquisition à son domicile. La prétendue agression sur la personne du second requérant : La Cour constate que le second requérant a été emmené sur le balcon par les policiers pour y chercher un document et qu’il se trouvait sous leur contrôle au moment de l’incident qui lui a causé de graves blessures. Article 2 de la Convention Quant à la chute du balcon du second requérant et au transport au centre sanitaire pour une tomographie : Eu égard aux circonstances de l’espèce, la Cour n’est pas persuadée que les agissements des policiers, lors de la perquisition effectuée au domicile des requérants à une période où le second requérant était sous leur contrôle, était d’une nature ou d’un degré propres à emporter la violation de l’article 2 de la Convention. Par ailleurs, aucune question distincte ne se pose dans ce contexte en ce qui concerne le manque de promptitude allégué dans l’administration à l’intéressé des soins médicaux nécessaires. En conclusion, il n’y a pas eu violation de l’article 2 de la Convention quant à la force utilisée à l’encontre du second requérant lors de la perquisition à son domicile. Quant aux obligations positives et procédurales découlant de l’article 2 de la Convention :

LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME N° 27 – MARS 2001 18

A la lumière de sa conclusion ci-dessus et eu égard aux faits de la présente espèce, la Cour estime ne pas avoir à se pencher sur les allégations formulées sous l’angle de l’article 2 de la Convention et aux termes desquelles les autorités ont manqué à leur obligation de protéger le droit à la vie du second requérant ou de mener une enquête effective au sujet de l’usage de la force. Article 3 de la Convention concernant le second requérant Le second requérant, âgé de dix-sept ans à l’époque des faits, a été arrêté le 3 février 1993 vers 15 h 30 et placé en garde à vue dans les locaux de la police. Il ressort des éléments du dossier qu’une équipe de quatre policiers s’était rendue à son domicile vers 17 h 30 pour y effectuer une perquisition et qu’une autre équipe de quatre policiers avait emmené l’intéressé sur les lieux vers 19 heures pour qu’il leur montrât un document à infraction. Le procès-verbal de perquisition et d’incident établi par les huit policiers a fait état de ce qu’ayant voulu chercher ledit document parmi les journaux entassés dans un coin du balcon, Devrim Berktay avait ouvert la porte du balcon et s’était jeté par-dessus la balustrade. La Cour tient à souligner que les personnes en garde à vue sont en situation de vulnérabilité et les autorités ont le devoir de les protéger. Un Etat est moralement responsable de toute personne en détention, car cette dernière est entièrement aux mains des fonctionnaires de police. Lorsque les événements en cause, dans leur totalité ou pour une large part, sont connus exclusivement des autorités, comme dans le cas des personnes soumises à leur contrôle en garde à vue, toute blessure survenue pendant cette période donne lieu à de fortes présomptions de fait. Il incombe au Gouvernement de produire des preuves établissant des faits qui font peser un doute sur le récit de la victime. La Cour souligne que l’acquittement des policiers au pénal ne dégage pas l’Etat défendeur de sa responsabilité au regard de la Convention. Il appartenait donc au Gouvernement de fournir une explication plausible sur l’origine des blessures du second requérant. Or le Gouvernement ne fait que renvoyer à l’issue de la procédure pénale interne, où un poids décisif a été attaché aux explications des policiers selon lesquelles le second requérant se serait jeté du balcon. Rappelant l’obligation pour les autorités de rendre compte des individus placés sous leur contrôle, et de l’ensemble des éléments soumis à son appréciation, la Cour estime donc que dans les circonstances de la cause l’Etat défendeur porte la

responsabilité des blessures causées par la chute du second requérant alors qu’il se trouvait sous le contrôle de six policiers. Elle rappelle que les nécessités de l’enquête et les indéniables difficultés de la lutte contre la criminalité, notamment en matière de terrorisme, ne sauraient conduire à limiter la protection due à l’intégrité physique de la personne. La Cour conclut qu’il y a eu violation de l’article 3 de la Convention. Article 3 de la Convention concernant le premier requérant La Cour relève que le premier requérant se prétend lui-même victime d’un traitement inhumain et dégradant en raison de la détresse et l’angoisse qu’il a ressenties suite aux agissements des policiers qui l’ont forcé à se rendre au commissariat de police de Yeniºehir pour signer une déposition qu’ils avaient préparée bien qu’il ait insisté sur la nécessité de conduire son fils, grièvement blessé, au centre sanitaire pour une tomographie. Examinant les circonstances de la cause dans leur ensemble, la Cour n’estime pas établi que le traitement en cause ait atteint le degré minimum de gravité requis par l’article 3 de la Convention. Partant, il n’y a pas eu violation de cette disposition en ce qui concerne le premier requérant. En ce qui concerne l’absence alléguée d’une enquête effective La Cour estime qu’il convient d’examiner le grief en question sous l’angle de l’article 13 de la Convention. Elle souligne à cet égard que, maîtresse de la qualification juridique des faits de la cause, elle ne se considère pas comme liée par celle que leur attribuent les requérants ou les gouvernements. En vertu du principe jura novit curia, elle a étudié d’office plus d’un grief sous l’angle d’un article ou paragraphe que n’avaient pas invoqué les comparants. Article 5 de la Convention concernant le second requérant Se référant à ses considérations sur l’appréciation des preuves relatives à l’arrestation et la détention du second requérant, la Cour relève que les éléments du dossier n’autorisent pas à conclure à l’existence de soupçons plausibles. Par ailleurs, n’ayant pas fourni, hormis le procès-verbal d’arrestation, d’autres indices sur lesquels reposaient les soupçons dirigés contre l’intéressé, les explications du Gouvernement ne remplissent pas les conditions minimales de l’article 5 § 1 c). Dans ces conditions, la Cour n’estime pas que la privation de liberté infligée à Devrim Berktay lors de la perquisition à son domicile ait été « une détention régulière » mise en œuvre parce qu’il y avait « des raisons plausibles de soupçonner que

LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME N° 27 – MARS 2001 19

[l’intéressé avait] commis une infraction ». Partant, il y eu en l’espèce violation de l’article 5 § 1 de la Convention. Article 13 de la Convention La Cour a constaté que toutes les versions de l’incident produites par les policiers divergeaient sur des détails importants. Nonobstant ces éléments troublants, le tribunal n’entreprit aucune investigation de son côté. Il ne s’évertua pas davantage à entendre tous les policiers ainsi que la version de l’incident des plaignants mais s’appuya entièrement sur les explications verbales de trois policiers et, tout en relevant que le deuxième requérant était dans les mains des prévenus juste avant sa chute, sans donner d’autres précisions, acquitta ces derniers au motif du manque de lien de causalité entre leur comportement et les blessures du deuxième requérant. Ainsi, indépendamment du fait qu’ils auraient ou non réussi à convaincre le tribunal que la police avait commis une faute en l’occurrence, les requérants avaient droit à ce que la police expliquât ses actions et ses omissions au cours d’une procédure contradictoire. En conséquence, la Cour estime que les requérants ont été privés d’un recours effectif quant à leurs allégations à l’encontre des policiers, de façon à répondre aux exigences de l’article 13. Partant, il y a eu violation de l’article 13 de la Convention. Ancien article 25 de la Convention A la lumière des éléments dont elle dispose, la Cour estime que les faits ne sont pas suffisamment établis pour lui permettre de conclure que les autorités de l’Etat défendeur ont intimidé ou harcelé les requérants dans des circonstances destinées à les pousser à retirer ou modifier leur requête ou à les entraver de toute autre manière dans l’exercice du droit de recours individuel. En conséquence, il n’y a pas eu violation de l’ancien article 25 de la Convention. Cour (quatrième section) BERKTAY c. TURQUIE n°00022493/93 01/03/2001 PRIVATION DE LIBERTE ; VIE ; ABSOLUMENT NECESSAIRE ; OBLIGATIONS POSITIVES ; TRAITEMENT INHUMAIN ; TRAITEMENT DEGRADANT ; RECOURS EFFECTIF ; GRIEF DEFENDABLE ; ARRESTATION OU DETENTION REGULIERES ; RAISONS PLAUSIBLES DE SOUPCONNER ; VOIES LEGALES ; ENTRAVER L'EXERCICE DU DROIT DE RECOURS Exception préliminaire rejetée (non-épuisement) ; Non-violation de l'art. 2 ; Violation de l'art. 3 en ce qui concerne le second requérant ; Non-violation de l'art. 3 en ce qui concerne le

premier requérant ; Violation de l'art. 13 ; Violation de l'art. 5-1 ; Non-violation de l'art. 34 (ancien art. 25-1) ; Dommage matériel - demande rejetée ; Préjudice moral - réparation pécuniaire : GBP 55 000 à Devrim Berktay pour dommage corporel et moral, GBP 2 500 à Hüseyin Berktay pour dommage moral Remboursement partiel frais et dépens GBP 12 000 pour les deux requérants, moins 26 636 francs français versés par le Conseil de l’Europe au titre de l’assistance judiciaire. Opinions séparées Gölcüklü (partiellement dissidente) Jurisprudence Arrêt Aksoy c. Turquie du 18 décembre 1996, Recueil 1996-VI, p. 2282, § 76, p. 2286, § 95 ; Arrêt Albert et Le Compte c. Belgique du 10 février 1983, série A n° 58, p. 13, § 22 ; Arrêt Assenov et autres c. Bulgarie du 28 octobre 1998, Recueil 1998-VIII, § 93, § 94, §§ 102-103 ; Arrêt Aydin c. Turquie du 25 septembre 1997, Recueil 1997-VI, p. 1885, § 58, pp. 1895-1896, § 103 ; Arrêt Barberà, Messegué et Jabardo c. Espagne du 13 juin 1994 (article 50), série A n° 285-C, pp. 57-58, §§ 16-20 ; Arrêt Boyle et Rice c. Royaume-Uni du 27 avril 1988, série A n° 131, p. 23, § 52 ; Arrêt Chahal c. Royaume-Uni du 15 novembre 1996, Recueil 1996-V, p. 1864, § 118 ; Arrêt Fox, Campbell et Hartley c. Royaume-Uni du 30 août 1990, série A n° 182, p. 16, § 32 ; Arrêt Guerra et autres c. Italie du 19 février 1998, Recueil 1998-I, p. 223, § 44 ; Arrêt Ilhan c. Turquie [GC], n° 22277/93, § 76, §§ 92-93, § 97, CEDH 2000 ; Arrêt Irlande c. Royaume-Uni du 18 janvier 1978, série A n° 25, p. 65, § 161 ; Arrêt Kaya c. Turquie du 19 février 1998, Recueil 1998-I, pp. 329-330, § 106.

Article 5-4 : CONTROLE PAR UN TRIBUNAL ; GARANTIES

PROCEDURALES DE CONTROLE D.N. c. SUISSE 29/03/2001

D.N., une ressortissante suisse née en 1964, requérante, fut internée dans une clinique psychiatrique à trois reprises en 1994. En décembre 1994, elle demanda en vain à la Commission des recours administratifs du canton de Saint-Gall à pouvoir sortir de la clinique psychiatrique. Elle allèguait que R.W., qui fut désigné comme juge rapporteur dans sa cause, n’était pas impartial puisqu’avant sa désignation en cette qualité il avait déjà formulé un avis aux termes duquel la requérante ne devait pas être libérée. La Cour européenne des Droits de l’Homme relève que lorsque la requérante comparut devant la Commission des recours

LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME N° 27 – MARS 2001 20

administratifs le 28 décembre 1994 RW avait déjà dit à deux reprises qu’il conclurait au rejet de la demande. La Cour estime que cette situation a fait naître chez la requérante des craintes légitimes que R.W. n’examinât point sa cause avec l’impartialité requise. Dès lors que R.W. était le seul expert psychiatre parmi les juges et la seule personne à l’avoir entendue, la requérante pouvait légitimement craindre que son avis pesât d’un poids particulier. La Cour considère que, prises dans leur ensemble, ces circonstances étaient objectivement de nature à justifier l’appréhension de la requérante que R.W. n’eût pas l’impartialité requise au moment de siéger en tant que juge au sein de la Commission des recours administratifs. La Cour conclut, par 12 voix contre 5, qu’il y a eu violation de l’article 5 § 4 (droit à la liberté et à la sûreté) de la Convention européenne des Droits de l’Homme. . Frais et dépens :La Cour, conformément à sa jurisprudence, recherche si les dont le remboursement est réclamé ont été réellement exposés pour prévenir ou redresser la situation jugée constitutive d’une violation de la Convention, s’ils correspondaient à une nécessité et s’ils sont raisonnables quant à leur taux (voir, par exemple, l’arrêt Nilsen et Johnsen c. Norvège [GC], n° 23118/93, § 62, CEDH 1999-VIII). (L’arrêt existe en français et en anglais.) D.N. c. Suisse (requête n° 27154/95) Violation article 5 § 4 Cour (Grande chambre) D.N. c. SUISSE n°00027154/95 29/03/2001 Article 5-4 : CONTROLE PAR UN TRIBUNAL ; GARANTIES PROCEDURALES DE CONTROLE Violation de l'art. 5-4 ; Préjudice : 3 000 francs suisses (CHF) pour dommage moral et 3 500 CHF pour frais et dépens. Opinions séparées Wildhaber, Türmen, Butkevych, Baka et Botoucharova (opinion dissidente) Droit en cause Article 397e § 5 du code civil Arrêts du Tribunal fédéral de 1984 (ATF 110 II 122), 1992 (ATF 118 II 253), 1993 (ATF 119 Ia 260 et 119 II 319) Article 6 du règlement de procédure de la Commission des recours administratifs du canton de Saint-Gall Jurisprudence : Arrêt Castillo Algar c. Espagne du 28 octobre 1998, Recueil des arrêts et décisions 1998-VIII, p. 3116, §§ 43 et suiv. ; Arrêt De Wilde, Ooms et Versyp c. Belgique du 18 juin 1970, série A n° 12, pp. 41-42, § 78 ; Arrêt de Haan c. Pays-Bas du 26 août 1997, Recueil 1997-IV, pp. 1392-93, § 51 ; Arrêt Hauschildt c. Danemark du 24 mai 1989, série A n° 154, p. 21, § 47 et § 48 ; Arrêt Niedbala c. Pologne, n° 27915/95, § 66, 4 juillet 2000, non

publié ; Arrêt Nilsen et Johnsen c. Norvège [GC], n° 23118/93, § 62, CEDH 1999-VIII ; Arrêt Piersack c. Belgique du 1 octobre 1982, série A n° 53, p. 15, § 30 (d) ; Arrêt Stallinger et Kuso c. Autriche du 23 avril 1997, Recueil 1997-II, p. 677, § 37 ; Arrêt Weeks c. Royaume-Uni du 2 mars 1987, série A n° 114, p. 30, § 61 ; Arrêt X c. Royaume-Uni du 5 novembre 1981, série A n° 46, p. 23, § 53 B. L’appréciation de la Cour « [...] « 39. Aucune des parties ne conteste que la Commission des recours administratifs qui se prononça sur la demande de la requérante tendant à sa libération de la clinique psychiatrique constituait en principe un « tribunal », au sens de l’article 5 § 4 de la Convention, qui avait compétence pour « statuer » sur la « légalité » de la détention et ordonner la libération de l’intéressée en cas de détention illégale (arrêt Weeks c. Royaume-Uni du 2 mars 1987, série A n° 114, p. 30, § 61). Il est vrai qu’outre deux juristes la Commission des recours administratifs comportait en l’occurrence trois juges spécialisés, au nombre desquels figurait le psychiatre R.W., désigné comme rapporteur. Toutefois, différents moyens de s’acquitter de leurs engagements au titre de l’article 5 § 4 de la Convention s’offrent aux Etats contractants, et il n’entre pas dans les attributions de la Cour de rechercher en quoi consisterait, en la matière, le système de contrôle juridictionnel le meilleur ou le plus adéquat (arrêt X c. Royaume-Uni, précité, p. 23, § 53). 40. En l’espèce, toutefois, la requérante conteste l’impartialité de R.W., qui en sa qualité de juge rapporteur avait été invité à émettre un avis d’expert concernant son état de santé. Le Gouvernement soutient qu’il a été parfaitement satisfait aux exigences de l’article 5 § 4 de la Convention, dans la mesure où la procédure suivie devant la Commission des recours administratifs était adaptée à la forme particulière de détention en cause. 41. D’après la jurisprudence de la Cour, si la procédure au titre de l’article 5 § 4 ne doit pas toujours s’accompagner de garanties identiques à celles que l’article 6 § 1 prescrit pour les procès civils ou pénaux, il faut qu’elle revête un caractère juridictionnel et offre des garanties appropriées au type de privation de liberté en question (Niedbala c. Pologne, n° 27915/95, § 66, 4 juillet 2000, non publié). 42. Certes, l’article 5 § 4 de la Convention, qui consacre le droit « d’introduire un recours devant un tribunal », n’exige pas explicitement que ce tribunal soit indépendant et impartial, et il diffère

LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME N° 27 – MARS 2001 21

donc de l’article 6 § 1, qui parle notamment d’un « tribunal indépendant et impartial ». Toutefois, la Cour a jugé que l’indépendance représente l’un des éléments constitutifs les plus importants de la notion de « tribunal » que l’on trouve dans plusieurs articles de la Convention (arrêt De Wilde, Ooms et Versyp c. Belgique du 18 juin 1970, série A n° 12, pp. 41-42, § 78). La Cour estime qu’il serait inconcevable que l’article 5 § 4 de la Convention, qui peut concerner des questions aussi sensibles que la privation de sa liberté d’un « aliéné », au sens de l’article 5 § 1 e), n’envisage pas également comme condition fondamentale l’impartialité du tribunal en question. 43. En l’espèce, la requérante affirme que R.W. avait une opinion préconçue lorsqu’il se prononça, avec les quatre autres membres de la Commission des recours administratifs, sur sa demande de libération de la clinique psychiatrique. Elle souligne notamment que R.W. l’avait entendue et s’était exprimé avant l’audience sur son état de santé et sur ce qu’il proposerait à la Commission de recours. 44. Se penchant sur l’impartialité de R.W. dans l’exercice de ses fonctions de juge rapporteur, la Cour rappelle que l’impartialité doit s’apprécier selon une démarche subjective, essayant de déterminer la conviction personnelle de tel juge en telle occasion, et selon une démarche objective, amenant à s’assurer qu’il offrait des garanties suffisantes pour exclure tout doute légitime à cet égard (voir, entre autres, l’arrêt Castillo Algar c. Espagne du 28 octobre 1998, Recueil des arrêts et décisions 1998-VIII, p. 3116, §§ 43 et suiv.). 45. L’impartialité personnelle d’un juge se présume jusqu’à la preuve du contraire, non rapportée en l’espèce (arrêt Hauschildt c. Danemark du 24 mai 1989, série A n° 154, p. 21, § 47). 46. En ce qui concerne le critère objectif, il s’agit de déterminer si, indépendamment de la conduite personnelle du juge, il existe certains faits vérifiables de nature à soulever des doutes quant à son impartialité. Il y a notamment lieu de tenir compte à cet égard de l’organisation interne de la juridiction concernée, étant entendu que le simple fait que des fonctionnaires siègent à raison de leur expérience particulière ne saurait rendre sujettes à caution l’indépendance et l’impartialité du tribunal (arrêts Piersack c. Belgique du 1er octobre 1982, série A n° 53, p. 15, § 30 d), et Stallinger et Kuso c. Autriche du 23 avril 1997, Recueil 1997-II, p. 677, § 37). En la matière, même les apparences peuvent revêtir de l’importance. Il y va de la confiance que les

tribunaux d’une société démocratique se doivent d’inspirer aux justiciables, et notamment aux parties en litige. Doit ainsi se récuser tout juge dont on peut légitimement craindre un manque d’impartialité. Pour se prononcer sur l’existence dans une affaire donnée d’une raison légitime de redouter chez un juge un défaut d’impartialité, l’optique des parties concernées entre en ligne de compte, mais ne joue pas un rôle décisif. L’élément déterminant consiste à savoir si les appréhensions en question peuvent passer pour objectivement justifiées (voir, mutatis mutandis, l’arrêt Hauschildt précité, p. 21, § 48). 47. Le Gouvernement fait observer que la requérante a omis de contester dans la procédure interne l’indépendance et l’impartialité de R.W. La Cour note toutefois que la requérante précisait dans sa demande de libération du 1er décembre 1994 qu’elle souhaitait que l’expert qui serait chargé de l’examiner n’agît point en qualité de juge spécialisé de la Commission des recours administratifs. 48. La Cour a eu égard à l’étendue et à la nature du rôle joué par R.W. Comme le Gouvernement l’a souligné, R.W. n’a exercé qu’une seule et même fonction tout au long de la procédure. Il a agi comme juge rapporteur, désigné pour examiner de manière approfondie, évaluer et commenter l’état de santé de la requérante, afin de pouvoir décider de l’opportunité de mettre fin à son internement psychiatrique. 49. Tant le Gouvernement que les membres dissidents de la Commission font observer de surcroît que les actes litigieux de R.W. sont typiques des fonctions d’un juge rapporteur et que la désignation de R.W. en cette qualité était logique, eu égard à ses connaissances spécialisées. De surcroît, les actes en question pourraient se comparer à ceux des délégués de l’ancienne Commission qui émettaient une proposition après avoir mené une enquête en application de l’ancien article 28 a) de la Convention. 50. La Cour a distingué les actes suivants, accomplis par R.W. en sa qualité de juge rapporteur. Premièrement, le 15 décembre 1994, l’intéressé procéda à une audition de la requérante au terme de laquelle il conclut qu’il « propose[rait] à la Commission de recours de rejeter l’action ». Ensuite, le 23 décembre 1994, il remit son rapport d’expert sur l’état de santé de la requérante ; il y déclarait « recommande[r] d’écarter l’action si l’état de santé de la requérante ne s’amélior[ait] pas nettement [avant] la date de l’audience ». Cinq jours plus tard, le 28 décembre 1994, la Commission des recours administratifs tint une audience au cours

LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME N° 27 – MARS 2001 22

de laquelle la requérante et d’autres personnes furent entendues ; l’ensemble des juges étaient présents, y compris R.W. Enfin, toujours le 28 décembre, la Commission des recours administratifs rendit sa décision, fruit du travail de l’ensemble des juges, y compris R.W. 51. Au vu de ces divers actes, la Cour estime que la présente espèce se distingue d’une procédure où un juge rapporteur est en mesure, après l’audience et pendant les délibérations du tribunal, d’examiner et de commenter les preuves spécialisées, par exemple les avis d’expert présentés au tribunal par un spécialiste extérieur. La situation diffère également de celle qui caractérisait les délégués de l’ancienne Commission qui, lorsqu’ils effectuaient une enquête, ne pouvaient informer les parties des propositions qu’ils pourraient faire ultérieurement devant la Commission, puisque celle-ci siégeait à huis clos (ancien article 33 de la Convention). 52. De fait, s’il est dans l’ordre des choses qu’un expert désigné par un tribunal communique son avis d’expert avec ses conclusions tant au tribunal qu’aux parties à la procédure, il est inhabituel qu’un juge expert se forge son opinion et la divulgue aux parties avant l’audience, comme cela s’est produit en l’espèce. 53. Il est vrai que, d’après la jurisprudence du Tribunal fédéral, la situation d’un expert consulté dans une procédure relative à un internement psychiatrique diffère substantiellement de celle d’un expert commis dans une procédure d’administration de la preuve (paragraphe 26 ci-dessus). La Cour estime toutefois que dans l’une comme dans l’autre procédure les experts ne sont désignés que pour assister le tribunal en lui fournissant des avis éclairés grâce à leurs connaissances spécialisées, sans avoir de fonctions juridictionnelles. Il incombe au tribunal concerné et à ses juges d’apprécier ces avis d’expert, avec l’ensemble des autres informations et preuves pertinentes. La question de l’impartialité au regard du critère objectif se pose si le tribunal est appelé à évaluer des preuves précédemment livrées par l’un de ses juges sous la forme d’un avis d’expert. Aussi la Cour doit-elle se pencher sur les craintes que la requérante a pu éprouver à cet égard au cours de la procédure. 54. Lorsque l’intéressée assista à l’audience devant la Commission des recours administratifs le 28 décembre 1994, R.W. avait déjà formulé à deux reprises – oralement, à l’issue de l’audition du 15 décembre, puis, par écrit, dans son rapport du 23 décembre – sa conclusion selon laquelle, eu égard au résultat de l’examen psychiatrique, il

proposerait à la Commission des recours administratifs de rejeter la demande de libération formée par la requérante. La Cour estime que cette situation a fait légitimement redouter à la requérante que, compte tenu de sa position dans la procédure, R.W. eût une opinion préconçue relativement à sa demande de libération et que, de ce fait, il n’examinât point sa cause avec l’impartialité requise (voir, mutatis mutandis, l’arrêt de Haan c. Pays-Bas du 26 août 1997, Recueil 1997-IV, pp. 1392-1393, § 51). 55. Les appréhensions de la requérante ne pouvaient qu’être renforcées par la position occupée par R.W. au sein de la Commission des recours administratifs, où il était à la fois le seul expert psychiatre et l’unique personne à avoir entendu la requérante. Celle-ci pouvait légitimement craindre que l’avis de R.W. pesât d’un poids particulier dans la prise de décision. 56. La Cour estime que, considérées globalement, ces circonstances sont objectivement de nature à justifier les craintes nourries par la requérante quant à l’impartialité de R.W. siégeant comme juge au sein de la Commission des recours administratifs. » (violation de l’article 5 § 4). [Grand Chamber D.N. v. SWITZERLAND n° 00027154/95 29/03/2001 REVIEW BY A COURT ; PROCEDURAL GUARANTEES OF REVIEW Violation of Art. 5-4 ; Non-pecuniary damage : 3,000 Swiss francs and 3,500 (Swiss francs in respect of legal costs. The applicant, D.N., is a Swiss national born in 1964 who was confined in a psychiatric clinic three times in 1994. In December 1994, she appealed unsuccessfully to the St. Gall Canton Administrative Appeals Commission to be released. She complained that R.W., appointed as the judge rapporteur in her case, was not impartial because, prior to being appointed, he had already expressed his view that she should not be released. The European Court of Human Rights noted that, when the applicant attended the hearing before the Administrative Appeals Commission on 28 December 1994, R.W. had already twice concluded that he would propose that her request be dismissed. In the Court’s opinion, this situation raised legitimate fears in the applicant that R.W. was not approaching her case with due impartiality. Given R.W.’s position as the sole psychiatric expert among the judges and the only person who had interviewed her, the applicant could legitimately fear that R.W.’s opinion carried particular weight. In the Court’s view, these

LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME N° 27 – MARS 2001 23

circumstances taken as a whole served objectively to justify the applicant’s apprehension that R.W., sitting as a judge in the Administrative Appeals Commission, lacked the necessary impartiality. The Court held, by 12 votes to five, that there had been a violation of Article 5 § 4 (right to liberty and security) of the European Convention on Human Rights and awarded the applicant 3,000 Swiss francs (CHF) for non-pecuniary damage and CHF 3,500 for costs and expenses. (The judgment is available in English and French).]

DUREE DE LA DETENTION PROVISOIRE

La gravité d’une infraction peut conduire les autorités à placer et laisser un suspect en détention provisoire pour empêcher de nouvelles infractions, si les circonstances de la cause, notamment les antécédents et la personnalité de l’intéressé, décrit comme un « important narcissique », « agressif » et présentant une « personnalité tourmentée » pouvant entraîner des réactions imprévisibles, rendent le danger plausible et la mesure adéquate.

BOUCHET c. FRANCE 20/03/2001

[RAPPEL : Il incombe en premier lieu aux autorités judiciaires nationales de veiller à ce que, dans un cas donné, la durée de la détention provisoire d’un accusé ne dépasse pas la limite du raisonnable. A cette fin, il leur faut examiner toutes les circonstances de nature à révéler ou écarter l’existence d’une exigence d’intérêt public justifiant, eu égard à la présomption d’innocence, une exception à la règle du respect de la liberté individuelle et en rendre compte dans leurs décisions relatives aux demandes d’élargissement. C’est essentiellement sur la base des motifs figurant dans ces décisions, ainsi que des faits non controuvés indiqués par l’intéressé dans ses recours, que la Cour doit déterminer s’il y a eu ou non violation de l’article 5 § 3 de la Convention. La persistance de raisons plausibles de soupçonner la personne arrêtée d’avoir commis une infraction est une condition sine qua non de la régularité du maintien en détention, mais au bout d’un certain temps elle ne suffit plus ; la Cour doit alors établir si les autres motifs adoptés par les autorités

judiciaires continuent à légitimer la privation de liberté. Quand ceux-ci se révèlent « pertinents » et « suffisants », la Cour cherche de surcroît si les autorités nationales compétentes ont apporté une « diligence particulière » à la poursuite de la procédure (voir, notamment, les arrêts Letellier c. France du 26 juin 1991, série A n° 207, p. 18, § 35 ; I.A. c. France du 23 septembre 1998, Recueil des arrêts et décisions 1998-VII, pp. 2978-2979, § 102 ; Ismaël Debboub alias Husseini Ali c. France du 9 novembre 1999, n° 37786/97, P.B. c. France du 1er août 2000, n° 38781/97 et Kudla c. Pologne [GC], n° 30210/96, §§ 110-111, CEDH-2000). Le droit à réparation au sens de l’article 5 § 5 suppose préalablement qu’une violation de l’un des autre paragraphes de l’article 5 ait été établie soit par un organe interne, soit par les organes de la Convention (voir, par exemple, l’arrêt Wassink c. Pays-Bas du 27 septembre 1990, série A n° 185-A, p. 14, § 38 ou la requête n° 24722/94, décision 10.04.95, D.R. 81-A, p. 135).] Accusé de viol sur son ancienne compagne, Gilles Bouchet avait été finalement condamné pour une infraction moins grave. Il se plaignait devant la Cour de la durée de sa détention provisoire (environ dix-sept mois et dix-sept jours). Les tribunaux français se sont appuyés sur les résultats des expertises médico-légales et psychiatriques établies pendant l’instruction. Il en ressortait notamment que le requérant était une personne agressive et tourmentée, que pendant l’instruction il avait harcelé sa victime, et que celle-ci était vulnérable. La Cour estime que la détention du requérant avant son procès d’assises était justifiée par la gravité du crime commis et par la personnalité déséquilibrée de l’intéressé. La Cour européenne des Droits de l’Homme juge, par quatre voix contre trois, qu’il n’y a pas eu violation de l’article 5 § 4. 2. Appréciation de la Cour a) Principes se dégageant de la jurisprudence de la Cour 39. Il incombe en premier lieu aux autorités judiciaires nationales de veiller à ce que, dans un cas donné, la durée de la détention provisoire d’un accusé ne dépasse pas la limite du raisonnable. A cette fin, il leur faut examiner toutes les circonstances de nature à révéler ou écarter l’existence d’une exigence d’intérêt public justifiant, eu égard à la présomption d’innocence, une exception à la règle du respect de la liberté individuelle et en rendre compte dans leurs décisions relatives aux demandes d’élargissement.

LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME N° 27 – MARS 2001 24

C’est essentiellement sur la base des motifs figurant dans ces décisions, ainsi que des faits non controuvés indiqués par l’intéressé dans ses recours, que la Cour doit déterminer s’il y a eu ou non violation de l’article 5 § 3 de la Convention. 40. La persistance de raisons plausibles de soupçonner la personne arrêtée d’avoir commis une infraction est une condition sine qua non de la régularité du maintien en détention, mais au bout d’un certain temps elle ne suffit plus ; la Cour doit alors établir si les autres motifs adoptés par les autorités judiciaires continuent à légitimer la privation de liberté. Quand ceux-ci se révèlent « pertinents » et « suffisants », la Cour cherche de surcroît si les autorités nationales compétentes ont apporté une « diligence particulière » à la poursuite de la procédure (voir, notamment, les arrêts Letellier c. France du 26 juin 1991, série A n° 207, p. 18, § 35 ; I.A. c. France du 23 septembre 1998, Recueil des arrêts et décisions 1998-VII, pp. 2978-2979, § 102 ; Ismaël Debboub alias Husseini Ali c. France du 9 novembre 1999, n° 37786/97, P.B. c. France du 1er août 2000, n° 38781/97 et Kudla c. Pologne [GC], n° 30210/96, §§ 110-111, CEDH-2000). b) Application en l’espèce 41. La première incarcération du requérant, soit du 8 janvier au 18 mars 1996, résultant de son placement initial en détention, ne nécessite pas un examen particulier de la Cour tant il est aisé de concevoir qu’elle fut justifiée par l’existence de soupçons pesant sur le requérant, eu égard à la nature criminelle des faits qui lui étaient reprochés. Ainsi, la nature des infractions à élucider et les exigences de l’instruction ont pu justifier une telle détention (voir, mutatis mutandis, l’arrêt Kemmache c. France du 27 novembre 1991, série A n° 218, p. 24, § 47). 42. Par la suite, et à partir de sa réincarcération ordonnée par la chambre d’accusation de la cour d’appel de Riom le 26 mars 1996, les juridictions saisies refusèrent la libération du requérant en se fondant sur le risque de trouble à l’ordre public, le risque de réitération des faits en raison de l’état psychique du requérant et de pression sur la victime elle-même très fragile. i. la nécessité de préserver l’ordre public du trouble causé par l’infraction 43. La Cour reconnaît que, par leur gravité particulière et par la réaction du public à leur accomplissement, certaines infractions peuvent susciter un trouble social de nature à justifier une détention provisoire, au moins pendant un temps. Dans des circonstances exceptionnelles, cet élément peut donc entrer en ligne de compte au regard de la Convention, en tout cas dans la mesure où le droit interne reconnaît la notion de

trouble à l’ordre public provoqué par une infraction. Cependant, on ne saurait l’estimer pertinent et suffisant que s’il repose sur des faits de nature à montrer que l’élargissement du détenu troublerait l’ordre public. En outre, la détention ne demeure légitime que si l’ordre public reste effectivement menacé ; sa continuation ne saurait servir à anticiper sur une peine privative de liberté (arrêt I.A. c. France précité § 104). Or ces conditions ne se trouvent pas remplies en l’espèce. La Cour considère que ledit risque n’a jamais été suffisamment important pour constituer une motivation substantielle de la détention du requérant. Il semble pour le moins paradoxal que pour des faits commis en 1995, le trouble à l’ordre public ne soit apparu qu’en janvier 1996. Par ailleurs, dès le 18 mars 1996, le juge d’instruction faisait remarquer que les faits n’avaient fait l’objet d’aucune publicité. Par la suite, le risque de trouble à l’ordre public fut abordé abstraitement par les autorités compétentes, les décisions litigieuses se bornant à faire référence à la nature du crime en cause, aux circonstances dans lesquelles il a été commis et aux états psychiques de l’accusé et de la victime. ii. le risque de réitération des faits et de pression sur la victime 44. La Cour note que les deux motifs sont liés et qu’ils furent constamment repris par les autorités compétentes, et ce, malgré la position du juge d’instruction pour qui les risques de pression sur la victime et de renouvellement de l’infraction cessèrent d’exister après la confrontation entre les parties et avec la prescription de mesures de soins au bénéfice du requérant. 45. La Cour rappelle que des éléments concrets comme la continuation très prolongée d’actes répréhensibles, l’importance du dommage subi et la nocivité de l’inculpé peuvent avoir de l’importance pour les juges (voir l’arrêt Matznetter c. Autriche du 10 novembre 1969, série A n° 9, pp. 32-33, § 9). Elle rappelle également que la gravité d’une infraction peut conduire les autorités à placer et laisser un suspect en détention provisoire pour empêcher de nouvelles infractions, si les circonstances de la cause, notamment les antécédents et la personnalité de l’intéressé, rendent le danger plausible et la mesure adéquate (arrêt Clooth c. Belgique du 12 décembre 1991, série A n° 225, p. 15, § 40). 46. La Cour relève que dès la décision de réincarcération et jusqu’au jugement de la cour d’assises, la particulière gravité du crime et l’état psychique du requérant constituèrent les principales justifications à la privation de liberté.

LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME N° 27 – MARS 2001 25

Elle note que les juridictions saisies s’appuyèrent sur le résultat des expertises médico-psychologiques et psychiatriques qui ont fait état du caractère du requérant, décrit comme un « important narcissique », « agressif » et présentant une « personnalité tourmentée » pouvant entraîner des réactions imprévisibles. Etre humain « persécuté », ce dernier n’aurait par ailleurs pas cessé de menacer la victime par des appels malveillants, et n’a jamais contesté l’avoir harcelée pendant toute la phase de l’instruction. La Cour constate que ces éléments ont été minutieusement pris en considération par la chambre d’accusation qui, même en dépit de la reconnaissance des garanties adéquates de représentation du requérant en cas d’élargissement, a estimé que le risque de récidive était toujours possible compte tenu du contexte délicat de l’affaire. Ce dernier comprenait également la fragilité de la victime, témoignant d’une « immaturité affective et sociale », qui justifia qu’on prenne des mesures de protection importantes à son égard. La vulnérabilité des parties à la procédure constitua ainsi un motif pertinent et continu légitimant la privation de liberté du requérant. 47. La Cour relève encore que l’état psychique du requérant n’a pas été jugé incompatible avec la détention et que les juridictions saisies s’assurèrent de ce que l’administration pénitentiaire serait à même de procurer au requérant les soins nécessités par son état. 48. Compte tenu de ces éléments, et y ajoutant la circonstance décisive de la courte durée du maintien en détention du requérant en la matière, en l’espèce criminelle, la Cour est d’avis que la privation de liberté litigieuse n’a pas enfreint l’article 5 § 3 de la Convention. II. SUR LA VIOLATION ALLEGUEE DE L’ARTICLE 5 § 5 DE LA CONVENTION 49. Le requérant estime avoir droit à une réparation en raison de la détention subie. Il invoque l’article 5 § 5 de la Convention aux termes duquel : « Toute personne victime d’une arrestation ou d’une détention dans des conditions contraires aux dispositions de cet article a droit à réparation. » 50. La Cour rappelle que le droit à réparation au sens de l’article 5 § 5 suppose préalablement qu’une violation de l’un des autre paragraphes de l’article 5 ait été établie soit par un organe interne, soit par les organes de la Convention (voir, par exemple, l’arrêt Wassink c. Pays-Bas du 27 septembre 1990, série A n° 185-A, p. 14, §

38 ou la requête n° 24722/94, décision 10.04.95, D.R. 81-A, p. 135). 51. Eu égard à sa conclusion supra, et à l’absence d’un constat de violation par les autorités nationales (l’indemnisation ne concernant en tout état de cause pas la relaxe partielle, et n’étant de surcroît pas un « droit » à l’époque des faits de l’espèce), la Cour considère qu’il n’y a pas eu violation de l’article 5 § 5. » Cour (troisième section) BOUCHET c. FRANCE n°00033591/96 20/03/2001 DUREE DE LA DETENTION PROVISOIRE (dix-sept mois et dix-sept jours) ; CARACTERE RAISONNABLE DE LA DETENTION PROVISOIRE ; LIBERE PENDANT LA PROCEDURE ; REPARATION (ART. 5) Non-violation de l'art. 5-3 ; Non-violation de l'art. 5-5 Opinions séparées Tulkens à laquelle se rallient Loucaides et Bratza (opinion dissidente) Droit en cause Code de procédure pénale, article 149 Jurisprudence : Arrêt Clooth c. Belgique du 12 décembre 1991, série A n° 225, p. 15, § 40 ; Arrêt I.A. c. France du 23 septembre 1998, Recueil des arrêts et décisions 1998-VII, pp. 2978-2979, § 102, § 104 ; Arrêt Ismaël Debboub alias Husseini Ali c. France du 9 novembre 1999, n° 37786/97 ; Arrêt Kemmache c. France du 27 novembre 1991, série A n° 218, p. 24, § 47 ; Arrêt Kudla c. Pologne [GC], n° 30210/96, §§ 110-111, CEDH-2000 ; Arrêt Letellier c. France du 26 juin 1991, série A n° 207, p. 18, § 35 ; Arrêt Matznetter c. Autriche du 10 novembre 1969, série A n° 9, pp. 32-33, § 9 ; Arrêt P.B. c. France du 1er août 2000, n° 38781/97 ; Arrêt Wassink c. Pays-Bas du 27 septembre 1990, série A n° 185-A, p. 14, § 38 ; Requête n° 24722/94, décision du 10 avril 95, Décisions et rapports 81-A, p. 135 [Bouchet v. France (no. 33591/96) No violation Article 5 §§ 3 and 5 - Gilles Bouchet, a French national accused of raping his former partner but subsequently convicted of a lesser offence, complained of the length of his detention on remand (approximately 17 months and 17 days). The Court found that the decision to detain him in advance of the Assize Court’s judgment was justified by the seriousness of the crime in question and his state of health. The French courts had taken careful note of psychiatric and medical reports - which described the applicant as, among other things, aggressive and tormented and which noted that he had harassed the victim during the criminal investigations - as well as the vulnerability of the victim.

LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME N° 27 – MARS 2001 26

The European Court of Human Rights held, by four votes to three, that there had been no violation of Article 5 §§ 3 (right to face trial within a reasonable time or to release pending trial) and therefore no violation of Article 5 § 5 (right to compensation). (Judgment in French)].

Condamnés comme responsables de la mort de personnes qui avaient tenté de fuir la RDA

en franchissant la frontière entre les deux Etats allemands de 1971 à 1989

Les hauts dignitaires de la RDA devant la Cour européenne des

droits de l’homme

Il n’y a pas eu violation de l’article 7 § 1 (pas de peine sans loi) et pas de discrimination contraire à l’article 14 (interdiction de discrimination) combiné avec l’article 7 STRELETZ, KESSLER et KRENZ c. ALLEMAGNE et K.-H. W. c. ALLEMAGNE (deux arrêts) 22.3.2001. Trois des requérants, ressortissants allemands, étaient des hauts dignitaires de la Republique démocratique allemande (RDA) : Fritz Streletz, né en 1926, était Ministre adjoint de la défense, Heinz Kessler, né en 1920, était Ministre de la défense et Egon Krenz, né en 1937, était Président du Conseil d’Etat. Le quatrième requérant, M. K.-H. W., également ressortissant allemand, né en 1952, était membre de l’Armée nationale du peuple de la RDA et posté en tant que garde-frontière à la frontière entre les deux Etats allemands. Les quatre requérants ont été condamnés par les tribunaux de la République fédérale d’Allemagne (RFA) après la réunification allemande, entrée en vigueur le 3 octobre 1990, en vertu des dispositions pertinentes du droit pénal de la RDA, puis de celles de la RFA, plus clémentes que celles de la RDA. MM. Streletz, Kessler et Krenz ont été condamnés à des peines d’emprisonnement de 5 ans et 6 mois, 7 ans et 6 mois, et 6 ans et 6 mois respectivement, considérés comme auteurs intellectuels d’homicides volontaires (Totschlag in mittelbarer Täterschaft), au motif qu’en participant à des décisions des plus hautes instances de la RDA, comme celles du Conseil national de la défense ou du Bureau politique, sur

le régime de surveillance de la frontière (Grenzregime) de la RDA, ils étaient responsables de la mort de plusieurs personnes qui avaient tenté de fuir la RDA en franchissant la frontière entre les deux Etats allemands de 1971 à 1989. M. W. a été condamné à une peine d’emprisonnement d’un an et 10 mois avec sursis, pour homicide volontaire (Totschlag), au motif qu’en ayant fait usage de son arme à feu, il avait causé la mort d’une personne qui avait tenté de fuir la RDA en franchissant la frontière entre les deux Etats allemands en 1972. Les condamnations prononcées ont été confirmées par la Cour fédérale de justice et jugées conformes à la Constitution par la Cour constitutionnelle fédérale. Les requérants soutiennent que les actions, au moment où elles avaient été commises, ne constituaient pas des infractions d’après le droit de la RDA ou le droit international, et que leurs condamnations par les tribunaux allemands constituaient donc une violation de l’article 7 § 1 (pas de peine sans loi) de la Convention européenne des Droits de l’Homme. Ils invoquent également les articles 1 (obligation de respecter les droits de l’homme) et 2 § 2 (exceptions au droit à la vie) de la Convention. Résumé des arrêts * rendus par la Grande Chambre composée de 17 juges, Luzius Wildhaber (Suisse), président, * La motivation des deux arrêts est en grande partie identique, sauf là où c’est indiqué expressément. Article 7 § 1 La Cour rappelle qu’elle doit examiner sous l’angle de l’article 7 § 1 de la Convention si, au moment où elles ont été commises, les actions des requérants constituaient des infractions définies avec suffisamment d’accessibilité et de prévisibilité par le droit de la RDA ou le droit international. a. Le droit national i. Base légale des condamnations La Cour relève que la condamnation des requérants trouvait sa base légale dans le droit pénal de la RDA applicable à l’époque des faits, et les peines correspondaient en principe à celles prévues dans les dispositions pertinentes de la législation de la RDA ; les peines prononcées à l’encontre des requérants leur étaient même inférieures, grâce au principe d’application du droit le plus clément, qui était celui de la RFA. ii. Faits justificatifs tirés du droit de la RDA

LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME N° 27 – MARS 2001 27

Les requérants invoquent notamment les articles 17 § 2 de la loi sur la police et 27 § 2 de la loi sur la frontière de la RDA. A la lumière des principes inscrits dans la Constitution et dans les autres textes légaux de la RDA (reconnaissant expressément le principe de proportionnalité et celui de la nécessité de préserver la vie humaine lors de l’utilisation de l’arme à feu), la Cour estime que la condamnation des requérants par les juridictions allemandes, qui avaient interprété et appliqué ces dispositions aux cas d’espèce, ne paraît à première vue ni arbitraire ni contraire à l’article 7 § 1 de la Convention. iii. Faits justificatifs tirés de la pratique étatique de la RDA Même si le but de la pratique étatique de la RDA avait été de protéger « à tout prix » la frontière entre les deux Etats allemands afin de préserver l’existence de la RDA, menacée par l’exode massif de sa propre population, la Cour souligne que la raison d’Etat ainsi invoquée doit trouver ses limites dans les principes énoncés par la Constitution et les textes légaux de la RDA elle-même ; elle doit surtout respecter la nécessité de préserver la vie humaine, inscrite dans la Constitution, la loi sur la police du peuple et la loi sur la frontière de la RDA, compte tenu du fait que le droit à la vie était, déjà à l’époque des faits, la valeur suprême dans l’échelle des droits de l’homme sur le plan international. iv. Prévisibilité des condamnations Streletz, Kessler et Krenz c. Allemagne - La Cour estime que le clivage qui a divisé la législation de la RDA et la pratique de celle-ci était largement l’oeuvre des requérants eux-mêmes. En raison des positions très élevées qu’ils occupaient au sein de l’appareil étatique, ils ne pouvaient évidemment ignorer la Constitution et la législation de la RDA, ni les obligations internationales de celle-ci et les critiques dont avait fait l’objet, sur le plan international, son régime de surveillance de la frontière. De plus, ils avaient eux-mêmes mis en place ou poursuivi ce régime, en doublant les textes légaux, publiés au Journal Officiel de la RDA, d’ordres et instructions de service tenus secrets portant sur la consolidation et l’amélioration des installations de protection à la frontière et sur l’utilisation d’armes à feu. Les requérants étaient donc directement responsables de la situation régnant à la frontière entre les deux Etats allemands du début des années soixante jusqu’à la chute du mur de Berlin en 1989. K.-H. W. c. Allemagne -D’après la Cour, même un simple soldat ne saurait complètement et aveuglément se référer à des ordres qui violaient de manière flagrante non seulement les propres principes légaux de la RDA, mais aussi les droits

de l’homme sur le plan international et surtout le droit à la vie, qui est la valeur suprême dans l’échelle des droits de l’homme. Même si le requérant se trouvait dans une situation particulièrement difficile sur le terrain, vu le contexte politique existant en RDA à l’époque des faits, de tels ordres ne sauraient justifier le fait de tirer sur des personnes non armés qui cherchaient simplement à quitter le pays. Par ailleurs, la Cour relève que les juridictions allemandes ont examiné en détail les circonstances atténuantes en faveur du requérant et ont dûment tenu compte des différences de responsabilité entre les dirigeants de la RDA et le requérant dans l’importance des peines infligées, en condamnant les premiers à des peines d’emprisonnement et le second à une peine avec sursis et mise à l’épreuve. Motivation commune aux deux arrêts - La Cour considère qu’il est légitime pour un Etat de droit d’engager des poursuites pénales à l’encontre de personnes qui se sont rendus coupables de crimes sous un régime antérieur ; de même, on ne saurait reprocher aux juridictions d’un tel Etat, qui ont succédé à celles existant antérieurement, d’appliquer et d’interpréter les dispositions légales existantes à l’époque des faits à la lumière des principes régissant un Etat de droit. De plus, eu égard à la place primordiale occupée par le droit à la vie dans tous les instruments internationaux relatifs à la protection des droits de l’homme, dont la Convention elle-même, qui le garantit en son article 2, la Cour estime que l’interprétation stricte de la législation de la RDA par les juridictions allemandes en l’espèce était conforme à l’article 7 § 1 de la Convention. Enfin, la Cour estime qu’une pratique étatique telle que celle de la RDA relative à la surveillance de la frontière, qui méconnaît de manière flagrante les droits fondamentaux et surtout le droit à la vie, valeur suprême dans l’échelle des droits de l’homme au plan international, ne saurait être protégée par l’article 7 § 1 de la Convention. Cette pratique, qui a vidé de sa substance la législation sur laquelle elle était censée se fonder, et qui était imposée à tous les organes de l’Etat y compris ses organes judiciaires, ne saurait être qualifiée de « droit » au sens de l’article 7 de la Convention. Eu égard à tous ces éléments, la Cour juge qu’au moment où elles ont été commises, les actions des requérants constituaient des infractions définies avec suffisamment d’accessibilité et de prévisibilité par le droit de la RDA. b. Le droit international i. Règles applicables

LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME N° 27 – MARS 2001 28

La Cour estime qu’il est de son devoir de considérer les affaires également sous l’angle des principes du droit international, en particulier ceux relatifs à la protection internationale des droits de l’homme, invoqués par les juridictions allemandes. ii. Protection internationale du droit à la vie A cet égard, la Cour note d’abord que, dans le cadre de l’évolution de cette protection, les conventions et autres instruments y relatifs n’ont cessé d’affirmer la prééminence du droit à la vie. D’après elle, eu égard aux arguments ci-dessus développés, les agissements des requérants n’étaient justifiés en aucune façon sous l’angle des exceptions au droit à la vie prévues à l’article 2 § 2 de la Convention. iii. Protection internationale de la liberté de circulation Comme le Protocole n° 4 à la Convention en son article 2 § 2, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques prévoit, en son article 12 § 2, que « toute personne est libre de quitter n’importe quel pays, y compris le sien ». iv. Responsabilité étatique de la RDA et responsabilité individuelle des requérants La RDA, si elle existait toujours, serait responsable des actions en cause du point de vue du droit international. Reste à établir qu’à côté de cette responsabilité de l’Etat, il existait, à l’époque considérée, une responsabilité individuelle des requérants sur le plan pénal. Même en supposant qu’une telle responsabilité ne saurait être inférée des instruments internationaux précités relatifs à la protection des droits de l’homme, elle peut être déduite de ces instruments lorsqu’ils sont examinés en combinaison avec l’article 95 du code pénal de la RDA. Cette disposition prévoyait en effet, de manière explicite, et cela depuis 1968, une responsabilité pénale individuelle pour ceux qui enfreignaient les obligations internationales de la RDA, les droits de l’homme et les libertés fondamentales. Eu égard à tous ces éléments, la Cour estime qu’au moment où elles ont été commises, les actions des requérants constituaient également des infractions définies avec suffisamment d’accessibilité et de prévisibilité par les règles du droit international relatives à la protection des droits de l’homme. Par ailleurs, le comportement des requérants pourrait être considéré, toujours dans le cadre de l’article 7 § 1 de la Convention, sous l’angle d’autres règles du droit international, notamment celles relatives aux crimes contre l’humanité. La conclusion à laquelle la Cour a abouti rend toutefois superflu un tel examen. c. Conclusion

Partant, les condamnations des requérants par les juridictions allemandes après la réunification ne sont pas intervenues en méconnaissance de l’article 7 § 1. A la lumière de cette considération, la Cour n’a pas à examiner si la condamnation des requérants se justifiait sur la base de l’article 7 § 2 de la Convention. Article 1 Les requérants soutiennent qu’en tant qu’anciens citoyens de la RDA ils ne peuvent se prévaloir du principe de non-rétroactivité des lois pénales garanti par la Constitution. D’après la Cour, le grief des requérants ne saurait venir se fonder sur l’article 1 de la Convention, disposition-cadre qui ne peut être violée séparément. Il pourrait toutefois relever de l’article 14 de la Convention combiné avec l’article 7, car les requérants se plaignent en substance d’une discrimination dont ils seraient victimes en tant qu’anciens citoyens de la RDA. Cependant, la Cour estime que les principes appliqués par la Cour constitutionnelle fédérale avaient une portée générale et étaient donc également valables pour des personnes qui n’étaient pas d’anciens ressortissants de la RDA. Dès lors, il n’y a pas eu discrimination contraire à l’article 14 de la Convention combiné avec l’article 7 Cour (Grande chambre) STRELETZ, KESSLER ET KRENZ c. ALLEMAGNE n os 00034044/96, 00035532/97 et 00044801/98 22/03/2001 NULLUM CRIMEN SINE LEGE ; RETROACTIVITE (Articles 7-1 et 14+7) Non-violation de l'art. 7-1 ; Non-violation de l'art. 14+7 Opinions séparées Loucaïdes, Zupancic et Levits (opinion concordante) Droit en cause Article 17 § 2 de la loi sur la police du peuple de la RDA ; Article 213 du code pénal de la RDA ; Article 103 § 2 de la Loi fondamentale Jurisprudence : Arrêt Akkoç c. Turquie, nos 22947/93 et 22948/93, 10.10.2000, § 77 ; Arrêt C.R. c. Royaume-Uni du 22 novembre 1995, série A n° 335-C, pp. 68-69, §§ 32-34 ; Arrêt Foti et autres c. Italie du 10 décembre 1982, série A n° 56, p. 15, § 44 ; Arrêt Irlande c. Royaume-Uni du 18 janvier 1978, série A n° 25, p. 90, § 238 ; Arrêt Kopp c. Suisse du 25 mars 1998, Recueil des arrêts et décisions 1998-II, p. 541, § 59 ; Arrêt Osman c. Royaume-Uni du 28 octobre 1998, Recueil 1998-VIII, p. 3159, § 115 ; Arrêt Rehbock c. Slovénie, 28.11.2000, n° 29462/95, CEDH-..., § 63 ; Arrêt S.W. c. Royaume-Uni du 22 novembre 1995, série A n° 335-B, pp. 41-42, §§ 34-36 ; Arrêt Schenk c. Suisse du 12 juillet 1988, série A n° 140, p. 29, § 45 Sources

LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME N° 27 – MARS 2001 29

externes Pacte international relatif aux droits civils et politiques, articles 6 et 12 Résolution 1503 de Conseil économique et social des Nations Unies Déclaration universelle des Droits de l'Homme, articles 3 et 6 Cour (Grande chambre) K.-H.W. c. ALLEMAGNE n°00037201/97 22/03/2001 NULLUM CRIMEN SINE LEGE ; RETROACTIVITE (Articles 7-1 et 14+7) Non-violation de l'art. 7-1 ; Non-violation de l'art. 14+7 Opinions séparées Loucaïdes et Bratza (concordante), Cabral Barreto et Pellonpää (dissidente) Droit en cause Article 17 § 2 de la loi sur la police du peuple de la RDA ; Article 213 du code pénal de la RDA ; Article 103 § 2 de la Loi fondamentale ; Loi du 26 mars 1993 sur le gel de la prescription pour des actes contraires à la justice commis sous le régime du Parti socialiste unifié (loi sur la prescription) Jurisprudence : Arrêt Akkoç c. Turquie, nos 22947/93 et 22948/93, 10.10.2000, § 77 ; Arrêt C.R. c. Royaume-Uni du 22 novembre 1995, série A n° 335-C, pp. 68-69, §§ 32-34 ; Arrêt Foti et autres c. Italie du 10 décembre 1982, série A n° 56, p. 15, § 44 ; Arrêt Irlande c. Royaume-Uni du 18 janvier 1978, série A n° 25, p. 90, § 238 ; Arrêt Kopp c. Suisse du 25 mars 1998, Recueil des arrêts et décisions 1998-II, p. 541, § 59 ; Arrêt Osman c. Royaume-Uni du 28 octobre 1998, Recueil 1998-VIII, p. 3159, § 115 ; Arrêt Rehbock c. Slovénie, 28.11.2000, n° 29462/95, CEDH-..., § 63 ; Arrêt S.W. c. Royaume-Uni du 22 novembre 1995, série A n° 335-B, pp. 41-42, §§ 34-36 ; Arrêt Schenk c. Suisse du 12 juillet 1988, série A n° 140, p. 29, § 45 ; Arrêt Streletz, Kessler et Krenz c. Allemagne, 22.3.2001, nos. 34044/96, 35532/97 et 44801/98, §§ 71-72 et § 78 Sources externes Pacte international relatif aux droits civils et politiques, articles 6 et 12 Résolution 1503 de Conseil économique et social des Nations Unies Déclaration universelle des Droits de l'Homme, articles 3 et 6 [Fritz Streletz, Deputy Minister of Defence; Heinz Kessler, a Minister of Defence; Egon Krenz, President of the Council of State of the German Democratic Republic (GDR) and Mr K.-H. W., a member of the GDR’s National People’s Army (NVA) stationed as a border guard on the border between the two German States, were sentenced by the courts of the Federal Republic of Germany (FRG), after German unification on 3 October 1990, to terms of imprisonment of five-and-a-half years, seven-and-a-half years and six-and-a-half years respectively for intentional homicide as indirect principals (Totschlag in mittelbarer Täterschaft), on the ground that through their participation in decisions of the GDR’s highest authorities, such as the National Defence Council or the Politbüro, concerning the regime for the

policing of the GDR’s border (Grenzregime), they were responsible for the deaths of a number of people who had tried to flee the GDR across the intra-German border between 1971 and 1989. Mr W. was sentenced to one year and ten months’ imprisonment, suspended, for intentional homicide (Totschlag), on the ground that by using his firearm he had caused the death of a person who had attempted to escape from the GDR across the border in 1972. The applicants submitted that their actions, at the time when they were committed, did not constitute offences under the law of the GDR or international law and that their conviction by the German courts had therefore breached Article 7 § 1 of the European Convention on Human Rights (no punishment without law). They also relied on Articles 1 (obligation to respect human rights) and 2 § 2 (exceptions to the right to life) of the Convention. The applicants’ convictions were upheld by the Federal Court of Justice and declared by the Federal Constitutional Court to be compatible with the Constitution. In two judgments delivered at Strasbourg on 22 March 2001 in the cases of Streletz, Kessler and Krenz v. Germany and K.-H. W. v. Germany, the European Court of Human Rights held, unanimously and by fourteen votes to three respectively, that there had been no violation of Article 7 § 1 of the European Convention on Human Rights (no punishment without law). The Court also held, unanimously in both cases, that there had been no discrimination contrary to Article 14 of the Convention (prohibition of discrimination) taken together with Article 7 of the Convention. Article 7 § 1 : The Court observed that its task was to consider, from the standpoint of Article 7 § 1 of the Convention, whether, at the time when they were committed, the applicants’ acts constituted offences defined with sufficient accessibility and foreseeability by the law of the GDR or international law. Reasoning common to both judgments – The Court considered that it was legitimate for a State governed by the rule of law to bring criminal proceedings against persons who had committed crimes under a former regime; similarly, the courts of such a State, having taken the place of those which existed previously, could not be criticised for applying and interpreting the legal provisions in force at the material time in the light of the principles governing a State subject to the rule of law. Moreover, regard being had to the pre-eminence of the right to life in all international instruments on the protection of human rights, including the Convention itself, in which the right to life was guaranteed by Article 2, the Court considered that the German courts’ strict interpretation of the GDR’s legislation in the present case was compatible with Article 7 § 1 of the Convention.

LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME N° 27 – MARS 2001 30

Lastly, the Court considered that a State practice such as the GDR’s border-policing policy, which flagrantly infringed human rights and above all the right to life, the supreme value in the international hierarchy of human rights, could not be covered by the protection of Article 7 § 1 of the Convention. That practice, which emptied of its substance the legislation on which it was supposed to be based, and which was imposed on all organs of the GDR, including its judicial bodies, could not be described as "law" within the meaning of Article 7 of the Convention. Having regard to all of the above considerations, the Court held that at the time when they were committed the applicants’ acts constituted offences defined with sufficient accessibility and foreseeability in GDR law. The Court considered that at the time when they were committed the applicants’ acts also constituted offences defined with sufficient accessibility and foreseeability by the rules of international law on the protection of human rights. In addition, the applicants’ conduct could be considered, likewise under Article 7 § 1 of the Convention, from the standpoint of other rules of international law, notably those concerning crimes against humanity. However, the conclusion reached by the Court made consideration of that point unnecessary.(The applicants’ conviction by the German courts after reunification had not breached Article 7 § 1). Article 1 : The Court held that the applicants’ complaint could not be raised under Article 1 of the Convention, which was a framework provision that could not be breached on its own. It could, however, be examined under Article 14 of the Convention taken together with Article 7, as the applicants had complained in substance of discrimination they had allegedly suffered as former citizens of the GDR. However, the Court considered that the principles applied by the Federal Constitutional Court had general scope and were therefore equally valid in respect of persons who were not former nationals of the GDR.( No discrimination contrary to Article 14 of the Convention taken together with Article 7).]

LIBERTE D’EXPRESSION « Le fait d’exiger que les journalistes se distancient du contenu d’une citation qui

pourrait insulter des tiers ou porter atteinte à leur honneur ne se concilie pas avec le rôle de la presse d’informer sur des faits ou des

opinions et des idées qui ont cours à un moment donné.»

THOMA c. LUXEMBOURG 29.3.2001

[RAPPEL : la liberté d’expression constitue l’un des fondements essentiels d’une société démocratique, ainsi que l’une des conditions primordiales de son progrès et de

l’épanouissement de chacun (arrêt Lingens c. Autriche du 8 juillet 1986, série A n° 103, p. 26, § 41). Si elle peut être assortie d’exceptions, celles-ci « appellent toutefois une interprétation étroite, et le besoin de la restreindre doit se trouver établi de manière convaincante » (arrêt Observer et Guardian c. Royaume-Uni du 26 novembre 1991, série A n° 216, p. 30, § 59). Sous réserve du paragraphe 2 de l’article 10, la liberté d’expression vaut non seulement pour les « informations » ou « idées » accueillies avec faveur ou considérées comme inoffensives ou indifférentes, mais aussi pour celles qui heurtent, choquent ou inquiètent : ainsi le veulent le pluralisme, la tolérance et l’esprit d’ouverture sans lesquels il n’est pas de « société démocratique » (arrêts Handyside c. Royaume-Uni du 7 décembre 1976, série A n° 24, p. 23, § 49, et Jersild c. Danemark du 23 septembre 1994, série A n° 298, p. 26, § 37). La presse joue un rôle éminent dans une société démocratique : si elle ne doit pas franchir certaines limites, tenant notamment à la protection de la réputation et aux droits d’autrui ainsi qu’à la nécessité d’empêcher la divulgation d’informations confidentielles, il lui incombe néanmoins de communiquer, dans le respect de ses devoirs et de ses responsabilités, des informations et des idées sur toutes les questions d’intérêt général (arrêt De Haes et Gijsels c. Belgique du 24 février 1997, Recueil des arrêts et décisions 1997-I, pp. 233-234, § 37). A sa fonction qui consiste à en diffuser s’ajoute le droit, pour le public, d’en recevoir. S’il en allait autrement, la presse ne pourrait jouer son rôle indispensable de « chien de garde » (voir arrêts Thorgeir Thorgeirson c. Islande du 25 juin 1992, série A n° 239, p. 28, § 63, et Bladet Tromsø et Stensaas c. Norvège [GC], n° 21980/93, Recueil 1999-III, § 62). Outre la substance des idées et informations exprimées, l’article 10 protège leur mode d’expression (arrêt Oberschlick c. Autriche du 23 mai 1991, série A n° 204, p. 25, §57). La liberté journalistique comprend aussi le recours possible à une certaine dose d’exagération, voire même de provocation (voir arrêt Prager et Oberschlick c. Autriche du 26 avril 1995, série A n° 313, p. 19, § 38). Les limites de la critique admissible sont, comme pour les hommes politiques, plus larges pour les fonctionnaires agissant dans l’exercice de leurs fonctions officielles que pour les simples particuliers. Cependant, on ne saurait dire que les fonctionnaires s’exposent sciemment à un contrôle attentif de leurs faits

LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME N° 27 – MARS 2001 31

et gestes exactement comme les hommes politiques et qu’ils devraient dès lors être traités sur un pied d’égalité avec ces derniers lorsqu’il s’agit de critiques de leur comportement (voir arrêts Oberschlick c. Autriche (n° 2) du 1er juillet 1997, Recueil 1997-IV, p. 1275, § 29, et Janowski précité, § 33). Par ailleurs, la « nécessité » d’une quelconque restriction à l’exercice de la liberté d’expression doit se trouver établie de manière convaincante. Certes, il revient en premier lieu aux autorités nationales d’évaluer s’il existe un « besoin social impérieux » susceptible de justifier cette restriction, exercice pour lequel elles bénéficient d’une certaine marge d’appréciation. Lorsqu’il y va de la presse, le pouvoir d’appréciation national se heurte à l’intérêt de la société démocratique à assurer et à maintenir la liberté de la presse. De même, il convient d’accorder un grand poids à cet intérêt lorsqu’il s’agit de déterminer, comme l’exige le paragraphe 2 de l’article 10, si la restriction était proportionnée au but légitime poursuivi (voir, mutatis mutandis, arrêts Goodwin c. Royaume-Uni du 27 mars 1996, Recueil 1996-II, pp. 500-501, § 40, et Worm c. Autriche du 29 août 1997, Recueil 1997-V, p. 1551, § 47). La Cour n’a point pour tâche, lorsqu’elle exerce ce contrôle, de se substituer aux juridictions nationales, mais de vérifier sous l’angle de l’article 10 les décisions qu’elles ont rendues en vertu de leur pouvoir d’appréciation. Pour cela, la Cour doit considérer l’«ingérence » litigieuse à la lumière de l’ensemble de l’affaire pour déterminer si les motifs invoqués par les autorités nationales pour la justifier apparaissent « pertinents et suffisants » (voir, parmi maints d’autres, l’arrêt Fressoz et Roire c. France [GC], n° 29183/95, CEDH 1999-I, § 45). [...]le fait d’exiger de manière générale que les journalistes se distancient systématiquement et formellement du contenu d’une citation qui pourrait insulter des tiers, les provoquer ou porter atteinte à leur honneur ne se concilie pas avec le rôle de la presse d’informer sur des faits ou des opinions et des idées qui ont cours à un moment donné. Dans le cas d’espèce, le compte rendu de l’émission fait apparaître que, en tout état de cause, le requérant a pris, chaque fois, la précaution de faire mention qu’il commençait une citation et d’en citer l’auteur.] Soixante-trois fonctionnaires de l’Administration des Eaux et Forêts avaient engagé contre

journaliste luxembourgeois Marc Thoma, une action civile en lui reprochant d’avoir fait des observations attentatoires à leur honneur dans l’émission de radio «Oekomagazin » du 6 novembre 1991 consacrée aux travaux de reboisement qui avaient été effectués après les tempêtes de 1990. Le requérant soutint s’être contenté de citer un extrait d’un article de presse de son confrère Josy Braun , publié dans le quotidien « Tageblatt ». Les juridictions luxembourgeoises condamnèrent Marc Thoma à verser à chacun des demandeurs le franc symbolique et à payer les frais de procédure, au motif qu’en ne se distanciant pas du texte cité, il s’était approprié l’imputation qui y était contenue, et avait laissé croire le public, sans preuve et sans nuance, que toutes les personnes de l’administration des Eaux et Forêts concernées étaient, à l’exception d’une seule, corruptibles. En manquant ainsi à son obligation d’information loyale du public, il avait commis une faute et causé un dommage qu’il doit réparer en vertu des articles 1382 et 1383 du Code civil. Le requérant allèguait que les juridictions luxembourgeoises ont violé son droit à la liberté d’expression, garanti par l’article 10. Extrait de l’arrêt rendu par une chambre composée de sept juges (C.L. Rozakis, président) EN DROIT : 2. Appréciation de la Cour 1. Principes généraux « 43. La Cour rappelle que la liberté d’expression constitue l’un des fondements essentiels d’une société démocratique, ainsi que l’une des conditions primordiales de son progrès et de l’épanouissement de chacun (arrêt Lingens c. Autriche du 8 juillet 1986, série A n° 103, p. 26, § 41). Si elle peut être assortie d’exceptions, celles-ci « appellent toutefois une interprétation étroite, et le besoin de la restreindre doit se trouver établi de manière convaincante » (arrêt Observer et Guardian c. Royaume-Uni du 26 novembre 1991, série A n° 216, p. 30, § 59). 44. Sous réserve du paragraphe 2 de l’article 10, la liberté d’expression vaut non seulement pour les « informations » ou « idées » accueillies avec faveur ou considérées comme inoffensives ou indifférentes, mais aussi pour celles qui heurtent, choquent ou inquiètent : ainsi le veulent le pluralisme, la tolérance et l’esprit d’ouverture sans lesquels il n’est pas de « société démocratique » (arrêts Handyside c. Royaume-Uni du 7 décembre 1976, série A n° 24, p. 23, § 49, et Jersild c. Danemark du 23 septembre 1994, série A n° 298, p. 26, § 37). 45. La presse joue un rôle éminent dans une société démocratique : si elle ne doit pas franchir

LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME N° 27 – MARS 2001 32

certaines limites, tenant notamment à la protection de la réputation et aux droits d’autrui ainsi qu’à la nécessité d’empêcher la divulgation d’informations confidentielles, il lui incombe néanmoins de communiquer, dans le respect de ses devoirs et de ses responsabilités, des informations et des idées sur toutes les questions d’intérêt général (arrêt De Haes et Gijsels c. Belgique du 24 février 1997, Recueil des arrêts et décisions 1997-I, pp. 233-234, § 37). A sa fonction qui consiste à en diffuser s’ajoute le droit, pour le public, d’en recevoir. S’il en allait autrement, la presse ne pourrait jouer son rôle indispensable de « chien de garde » (voir arrêts Thorgeir Thorgeirson c. Islande du 25 juin 1992, série A n° 239, p. 28, § 63, et Bladet Tromsø et Stensaas c. Norvège [GC], n° 21980/93, Recueil 1999-III, § 62). Outre la substance des idées et informations exprimées, l’article 10 protège leur mode d’expression (arrêt Oberschlick c. Autriche du 23 mai 1991, série A n° 204, p. 25, §57). 46. La liberté journalistique comprend aussi le recours possible à une certaine dose d’exagération, voire même de provocation (voir arrêt Prager et Oberschlick c. Autriche du 26 avril 1995, série A n° 313, p. 19, § 38). 47. Les limites de la critique admissible sont, comme pour les hommes politiques, plus larges pour les fonctionnaires agissant dans l’exercice de leurs fonctions officielles que pour les simples particuliers. Cependant, on ne saurait dire que les fonctionnaires s’exposent sciemment à un contrôle attentif de leurs faits et gestes exactement comme les hommes politiques et qu’ils devraient dès lors être traités sur un pied d’égalité avec ces derniers lorsqu’il s’agit de critiques de leur comportement (voir arrêts Oberschlick c. Autriche (n° 2) du 1er juillet 1997, Recueil 1997-IV, p. 1275, § 29, et Janowski précité, § 33). 48. Par ailleurs, la « nécessité » d’une quelconque restriction à l’exercice de la liberté d’expression doit se trouver établie de manière convaincante. Certes, il revient en premier lieu aux autorités nationales d’évaluer s’il existe un « besoin social impérieux » susceptible de justifier cette restriction, exercice pour lequel elles bénéficient d’une certaine marge d’appréciation. Lorsqu’il y va de la presse, le pouvoir d’appréciation national se heurte à l’intérêt de la société démocratique à assurer et à maintenir la liberté de la presse. De même, il convient d’accorder un grand poids à cet intérêt lorsqu’il s’agit de déterminer, comme l’exige le paragraphe 2 de l’article 10, si la restriction était proportionnée au but légitime poursuivi (voir, mutatis mutandis, arrêts Goodwin c. Royaume-Uni du 27 mars 1996, Recueil 1996-II, pp. 500-

501, § 40, et Worm c. Autriche du 29 août 1997, Recueil 1997-V, p. 1551, § 47). 49. La Cour n’a point pour tâche, lorsqu’elle exerce ce contrôle, de se substituer aux juridictions nationales, mais de vérifier sous l’angle de l’article 10 les décisions qu’elles ont rendues en vertu de leur pouvoir d’appréciation. Pour cela, la Cour doit considérer l’«ingérence » litigieuse à la lumière de l’ensemble de l’affaire pour déterminer si les motifs invoqués par les autorités nationales pour la justifier apparaissent « pertinents et suffisants » (voir, parmi maints d’autres, l’arrêt Fressoz et Roire c. France [GC], n° 29183/95, CEDH 1999-I, § 45). 2. Application des principes susmentionnés à l’espèce 50. Dans la présente affaire, le requérant fut condamné au franc symbolique ainsi qu’aux frais et dépens pour avoir manqué à son obligation d’information loyale du public. Il avait cité un confrère qui avait écrit dans un article que, selon un connaisseur du milieu, tous les fonctionnaires de l’Administration des Eaux et Forêts, à l’exception d’un d’entre eux, étaient corruptibles. Les juges d’appel ont estimé que le requérant ne s’est pas formellement distancié du texte cité de sorte qu’il s’est approprié l’imputation qui y était contenue. Ils ont ensuite retenu que le requérant est resté en défaut d’établir le bien-fondé de cette imputation, de sorte qu’il a engagé sa responsabilité. 51. La condamnation s’analyse sans conteste en une « ingérence » dans l’exercice par le requérant de son droit à la liberté d’expression (arrêt Lehideux et Isorni c. France du 23 septembre 1998, Recueil 1998-VII, fasc. 92, § 39). 52. La question se pose de savoir si pareille ingérence peut se justifier au regard du paragraphe 2 de l’article 10. Il y a donc lieu d’examiner si cette ingérence était « prévue par la loi », visait un « but légitime » en vertu de ce paragraphe et était « nécessaire dans une société démocratique » (arrêt Lingens c. Autriche du 8 juillet 1986, série A n° 103, pp. 24-25, §§ 34-37). 53. La Cour constate que les articles 1382 et 1383 du code civil posent les principes de la responsabilité pour faute et que la jurisprudence luxembourgeoise applique ces dispositions aux journalistes. La Cour note encore que l’article 18 de la loi sur la presse de 1869 prévoit que « nul ne pourra alléguer comme moyen d’excuse ou de justification que les écrits, imprimés, images ou emblèmes ne sont que la reproduction de publications faites dans le Grand-Duché ou en pays étranger ». La Cour estime en conséquence que, en s’entourant au besoin de conseils éclairés, le requérant a pu prévoir, à un degré raisonnable,

LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME N° 27 – MARS 2001 33

que les propos diffusés au cours de son émission ne le mettaient pas à l’abri de toute action à son encontre, de sorte que l’ingérence peut être considérée comme étant « prévue par la loi » (arrêt Sunday Times c. Royaume-Uni du 26 avril 1979, série A n° 30). 54. La Cour juge que les motifs invoqués par les juges luxembourgeois se concilient avec le but légitime de protéger la réputation et les droits ainsi que la présomption d’innocence des ingénieurs et gardes forestiers. Par conséquent, l’ingérence avait pour but de protéger « la réputation ou des droits d’autrui ». 55. Reste à examiner si l’ingérence critiquée était « nécessaire dans une société démocratique » pour atteindre pareil but et donc à déterminer si elle correspondait à un besoin social impérieux, si elle était proportionnée au but légitime poursuivi et si les motifs fournis par les autorités nationales pour la justifier sont pertinents et suffisants. 56. La Cour note d’emblée qu’une particularité doit être prise en considération, en raison de la taille du pays. Même si le requérant formulait au cours de son émission ses propos sans viser des personnes en particulier, les ingénieurs et gardes forestiers étaient facilement identifiables par les auditeurs de l’émission, vu le nombre limité de fonctionnaires de l’Administration des Eaux et Forêts qui existe au Luxembourg. 57. D’un côté, la Cour juge que certains propos tenus au cours de l’émission du 6 novembre 1991 par le requérant à l’égard des fonctionnaires en question sont sérieux. Au-delà de la citation litigieuse de Josy Braun, le requérant évoque entre autres la « tentation des gens de la forêt de profiter de l’occasion ». Il fait encore allusion à l’infraction grave de l’« immixtion » de fonctionnaires de l’Administration des Eaux et Forêts dans le commerce de forêts privées. Or, les fonctionnaires doivent, pour pouvoir s’acquitter de leurs fonctions, bénéficier de la confiance du public (arrêt Janowski c. Pologne du 21 janvier 1999, Recueil 1999-I, § 33). 58. La Cour se doit cependant de constater, d’un autre côté, que le thème abordé dans l’émission était largement débattu dans les médias luxembourgeois et concernait un problème d’intérêt général, domaine dans lequel les restrictions à la liberté d’expression appellent une interprétation étroite. La Cour doit, dès lors, faire preuve de la plus grande prudence lorsque, comme en l’espèce, les mesures prises ou les sanctions infligées par l’autorité nationale sont de nature à dissuader la presse de participer à la discussion de problèmes d’un intérêt général légitime (arrêt Jersild précité, pp. 25-26, § 35).

59. La question prépondérante est celle de savoir si les autorités nationales ont correctement fait usage de leur pouvoir d’appréciation en condamnant le requérant pour avoir manqué à son obligation d’information loyale du public. 60. A ce sujet, la Cour note qu’il n’est pas déraisonnable de considérer, comme le fait le Gouvernement, que le requérant s’est approprié en partie tout au moins le contenu de la citation litigieuse, au vu de ses commentaires au cours de l’ensemble de l’émission. 61. Toutefois, pour analyser si la « nécessité » de la restriction à l’exercice de la liberté d’expression est établie de manière convaincante, la Cour doit se situer essentiellement par rapport à la motivation retenue par les juges luxembourgeois. Or, la Cour se doit de constater que les juges d’appel n’ont eu égard qu’à la seule citation par le requérant du passage litigieux de son confrère et ont estimé, sur cette seule base, que le requérant s’est approprié l’imputation contenue dans le texte cité du fait qu’il ne s’en est pas formellement distancié. 62. La Cour rappelle que « sanctionner un journaliste pour avoir aidé à la diffusion de déclarations émanant d’un tiers » ... « entraverait gravement la contribution de la presse aux discussions de problèmes d’intérêt général et ne saurait se concevoir sans raisons particulièrement sérieuses » (arrêt Jersild précité, § 35). 63. En l’espèce, les juges d’appel ont d’abord examiné le contenu de la citation litigieuse. Ils ont retenu que le texte de l’article de Josy Braun, en imputant la phrase litigieuse (‘je connais un seul qui est incorruptible...’) à un connaisseur du milieu, c’est-à-dire un initié « dont on n’a pas à redouter une fausse information » (...) « fait croire que, mis à part le garde forestier en charge du Baumbusch, il n’y a parmi tous les autres fonctionnaires de l’Administration des Eaux et Forêts (...) personne d’autre qui soit incorruptible ». Les juges ont ensuite décidé que c’est en vain que pour décliner sa responsabilité, le requérant fait valoir que ses propos ne constituent que la citation du texte de Josy Braun. Ils ont précisé que « la responsabilité du journaliste citant simplement un article déjà paru ne cesse d’être engagée que s’il se distancie formellement de cet article et de son contenu... ». Ils ont finalement souligné que, dans la mesure où le requérant a repris sans réserves aucunes le passage de l’article de Josy Braun qui contient l’imputation dont il est en défaut d’établir le bien-fondé, il n’y avait pas « absence d’intention malveillante » dans son chef. 64. La Cour estime que pareils motifs ne sauraient, dans les circonstances de l’espèce, être

LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME N° 27 – MARS 2001 34

retenus comme « raisons particulièrement sérieuses » susceptibles de justifier une sanction du journaliste. De l’avis de la Cour, le fait d’exiger de manière générale que les journalistes se distancient systématiquement et formellement du contenu d’une citation qui pourrait insulter des tiers, les provoquer ou porter atteinte à leur honneur ne se concilie pas avec le rôle de la presse d’informer sur des faits ou des opinions et des idées qui ont cours à un moment donné. Dans le cas d’espèce, le compte rendu de l’émission fait apparaître que, en tout état de cause, le requérant a pris, chaque fois, la précaution de faire mention qu’il commençait une citation et d’en citer l’auteur. Il a de surcroît utilisé le qualificatif « pimenté » pour commenter l’ensemble de l’article de son confrère. Par ailleurs, il a interrogé un tiers, propriétaire de biens forestiers, en lui demandant s’il pensait que ce que Josy Braun avait écrit était vrai. 65. Vu ce qui précède, les motifs avancés à l’appui de la condamnation du requérant ne suffisent pas pour convaincre la Cour que l’ingérence dans l’exercice du droit de l’intéressé à la liberté d’expression était « nécessaire dans une société démocratique » ; en particulier, les moyens employés étaient disproportionnés au but visé : « la protection de la réputation ou des droits d’autrui ». (Conclusion : violation de l’article 10). Cour (deuxième section) THOMA c. LUXEMBOURG n°00038432/97 29/03/2001 ART 10 : LIBERTE D'EXPRESSION ; INGERENCE {ART 10} ; PREVUE PAR LA LOI; PROTECTION DE LA REPUTATION D'AUTRUI ; PROTECTION DES DROITS D'AUTRUI ; NECESSAIRE DANS UNE SOCIETE DEMOCRATIQUE {ART 10} Violation de l'art. 10 ; Dommage matériel - réparation pécuniaire ; 741 440 francs luxembourgeois (LUF) Préjudice moral - constat de violation suffisant ; 600,000 LUF pour ses frais et dépens. Opinions séparées Bonnello (partiellement dissidente) Droit en cause Code civil, articles 1382 et 1383 Loi sur la presse de 1869, article 18 Jurisprudence : Arrêt Bladet Tromsø et Stensaas c. Norvège [GC], n° 21980/93, Recueil 1999-III, § 62 ; Arrêt Bottazzi c. Italie, n° 34884/97, CEDH 1999-V ; Arrêt De Haes et Gijsels c. Belgique du 24 février 1997, Recueil des arrêts et décisions 1997-I, pp. 233-234, § 37 ; Arrêt Fressoz et Roire c. France [GC], n° 29183/95, CEDH 1999-I, § 45 ; Arrêt Goodwin c. Royaume-Uni du 27 mars 1996, Recueil 1996-II, pp. 500-501, § 40 ; Arrêt Handyside c. Royaume-Uni du 7 décembre 1976, série A n° 24, p. 23, § 49 ; Arrêt Janowski c. Pologne du 21

janvier 1999, Recueil 1999-I, § 33 ; Arrêt Jersild c. Danemark du 23 septembre 1994, série A n° 298, pp. 25-26, §§ 35 et 37 ; Arrêt Lehideux et Isorni c. France du 23 septembre 1998, Recueil 1998-VII, fasc. 92, § 39 ; Arrêt Lingens c. Autriche du 8 juillet 1986, série A n° 103, pp. 24-25, §§ 34-37 et p. 26, § 41 ; Arrêt Oberschlick c. Autriche du 23 mai 1991, série A n° 204, p. 25, §57 ; Arrêt Oberschlick c. Autriche (n° 2) du 1er juillet 1997, Recueil 1997-IV, p. 1275, § 29 ; Arrêt Observer et Guardian c. Royaume-Uni du 26 novembre 1991, série A n° 216, p. 30, § 59 ; Arrêt Prager et Oberschlick c. Autriche du 26 avril 1995, série A n° 313, p. 19, § 38 ; Arrêt Thorgeir Thorgeirson c. Islande du 25 juin 1992, série A n° 239, p. 28, § 63. [Marc Thoma lives in Luxembourg. He is a journalist. The case concerns civil proceedings brought against the applicant by 63 Forestry Commission officials, who alleged that he had made defamatory remarks about them in a radio programme ("Oekomagazin") he presented on 6 November 1991 concerning reafforestation work carried out after devastating storms in 1990. Mr Thoma submitted that he had merely quoted an extract from an article by a fellow journalist, Josy Braun, published in a daily newspaper, "Tageblatt". The Luxembourg courts ordered him to pay one franc in nominal damages to each claimant and the costs of the proceedings, on the ground that, by failing to distance himself from the statements quoted, he had endorsed the views put forward, leading the public to believe, without proof or without in any way qualifying the remarks, that all but one of the Forestry Commission officials were corruptible. In thus failing to discharge his obligation to inform the public honestly he had committed a tort that rendered him liable under Articles 1382 and 1383 of the Civil Code to make reparation for the damage he had caused. The applicant complained that the Luxembourg courts had infringed his right to freedom of expression, guaranteed by Article 10 of the European Convention on Human Rights. Article 10 : The Court reiterated that freedom of expression constituted one of the essential foundations of a democratic society and was applicable not only to "information" or "ideas" that were favourably received or regarded as inoffensive or as a matter of indifference, but also to those that offended, shocked or disturbed. Such were the demands of that pluralism, tolerance and

LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME N° 27 – MARS 2001 35

broadmindedness without which there was no "democratic society". Furthermore, the press played a vital role of "public watchdog" and journalistic freedom also covered possible recourse to a degree of exaggeration, or even provocation. The Court noted at the outset that there was a special feature to be taken into account in view of the size of the country and the limited number of Water and Forestry Commission officials in Luxembourg: even though the applicant’s remarks in the programme had been made without mentioning anyone by name, the officials concerned had been easily identifiable to listeners. The Court found that some of the remarks made during the programme of 6 November 1991 by the applicant about the officials concerned were serious. In addition to the quotation from Josy Braun’s article, the applicant had referred among other things to the "the temptation for Forestry Commission people to take advantage when an opportunity presented itself". He had also alluded to the serious offence of "intermeddling" by Water and Forestry Commission staff in private forestry trade, whereas civil servants had to have the confidence of the general public in order to discharge their duties. The Court noted, however, that the topic raised in the programme had been widely debated in the Luxembourg media and concerned a problem of general interest, a sphere in which restrictions on freedom of expression were to be strictly construed. The overriding question was whether the national authorities had correctly exercised their discretion when they convicted the applicant for being in breach of his obligation to provide bona fide information to the public. On that subject, the Court noted that it was not unreasonable to take the view, as the Government had, that, having regard to his comments during the programme taken as a whole, the applicant had adopted – at least in part – the content of the quotation in issue. However, in order to assess whether the "necessity" of the restriction on the exercise of the freedom of expression had been established convincingly, the Court had to examine the issue essentially from the standpoint of the reasoning adopted by the Luxembourg courts. The Court noted that the appellate court had only taken into account the applicant’s quotation from the passage of his fellow journalist and, on that basis alone, found that he had adopted the allegation contained in the

quoted text since he had failed formally to distance himself from it. The Court reiterated that punishing a journalist for assisting in the dissemination of statements made by another person would seriously hamper the contribution of the press to discussion of matters of public interest and should not be envisaged unless there were particularly strong reasons for doing so. In the case before the Court, the Luxembourg appellate court had explained that a journalist who merely quoted from an article that had already been published would only escape liability if he formally distanced himself from the article and its content and had further noted that, as the applicant had quoted Josy Braun’s article unreservedly, he had not acted "without malice". The Court considered that those could not be regarded as "particularly cogent reasons" capable of justifying the imposition of a penalty on the journalist. A general requirement for journalists to distance themselves systematically and formally from the content of a quotation that might insult or provoke a third party or damage his or her reputation was not reconcilable with the press’s role of providing information on current events, opinions and ideas. In the case before the Court, the résumé of the programme showed that in any event the applicant had consistently taken the precaution of mentioning that he was beginning a quotation and of citing the author, and that in addition he had described the entire article by his fellow journalist as "strongly worded" when commenting on it. He had also asked a third party, a woodlands owner, whether he thought that what Josy Braun had written in his article was true. Conclusion: violation of Article 10 ]

PRIVATION DE PROPRIETE {P1 1} ;

PROPORTIONNALITE ; DELAI DE SIX MOIS ; SITUATION CONTINUE ;

• Calcul de l'indemnité d’expropriation sans tenir compte de la durée excessive de la procédure Absence d’allocation de somme au titre du préjudice matériel ou moral souffert en raison de la privation sans compensation d’une propriété pendant 70 ans • Absence de versement de somme au titre des intérêts légaux. • Versement de l’indemnité plus de cinq ans à partir de sa fixation par la cour d'appel

LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME N° 27 – MARS 2001 36

MALAMA c. GRÈCE n°00043622/98 01/03/2001

Eleni Malama, ressortissante grecque, se plaignait de l’expropriation en 1923 d’un terrain de 942,250 m2 par l’Etat grec. La procédure d’indemnisation commença en 1928 et se poursuivit pendant plus de vingt ans, sans jamais aboutir à un arrêt définitif. Elle fut rouverte en 1963 à l’initiative de la mère et de la tante de la requérante, et se conclut le 18 juin 1996 par un arrêt de la Cour de cassation. Le 12 septembre 1997, le tribunal de première instance d’Athènes reconnut la requérante comme la titulaire des 3/8 de l'indemnisation fixée par les tribunaux grecs. Toutefois, les autorités tardèrent à s’acquitter du paiement. Le 21 avril 1999, l’indemnité, telle que calculée par une cour d’appel en 1993, fut virée sur le compte bancaire de la requérante. L’intéressée se plaignait d'une double atteinte à son droit au respect de ses biens, résultant, d'une part, du non-versement d'une indemnité pendant plus de 75 ans en raison du refus des autorités grecques de se conformer aux décisions des juridictions internes fixant le montant de l’indemnité due, et, d'autre part, de la fixation de l'indemnité à un montant nettement inférieur à la valeur actuelle du terrain litigieux. A la suite du paiement effectué en avril 1999, elle allègue que la somme qu’elle a reçue ne représente que 1,53% de la valeur actuelle du terrain exproprié. Elle se plaignait aussi de la durée de la procédure. Elle invoquait l’article 6 § 1 et l’article 1 du Protocole n° 1. Considérant qu’à compter de l’expropriation, les autorités grecques ont mis plus de 75 ans pour fixer le montant de l’indemnité et verser celle-ci à la requérante, la Cour dit, à l’unanimité, qu’il y a eu violation de l’article 1 du Protocole n° 1 (protection de la propriété) à la Convention européenne des Droits de l’Homme. Elle dit en outre à l’unanimité qu’il ne s’impose pas d’examiner le grief tiré de l’article 6 § 1 (droit à un procès équitable) de la Convention quant à l’équité de la procédure, et qu’elle ne peut connaître du fond du grief soulevé au regard de l’article 6 § 1 quant à la durée de la procédure, celle-ci s’étant achevée plus de six mois avant l’introduction de la requête par Mme Malama. La Cour réserve la question de la satisfaction équitable (article 41 de la Convention) pour décision ultérieure. (L’arrêt n’existe qu’en français)

[RAPPEL : L' article 1 du protocole n° 1 contient trois normes distinctes : la première, qui s'exprime dans la première phrase du

premier alinéa et revêt un caractère général, énonce le principe du respect de la propriété ; la deuxième, figurant dans la seconde phrase du même alinéa, vise la privation de propriété et la soumet à certaines conditions ; quant à la troisième, consignée dans le second alinéa, elle reconnaît aux États le pouvoir, entre autres, de réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général. Il ne s'agit pas pour autant de règles dépourvues de rapport entre elles. La deuxième et la troisième ont trait à des exemples particuliers d'atteinte aux propriétés ; dès lors, elles doivent s'interpréter à la lumière du principe consacré par la première. existence d'une ingérence dans le droit de propriété : Dès lors qu’il n'est pas contesté par les parties qu'il y a eu une ingérence dans le droit de la requérante au respect de ses biens qui s'analyse en une « privation » de propriété au sens de la seconde phrase du premier alinéa de l'article 1 du Protocole n° 1, la Cour doit rechercher si l'ingérence dénoncée se justifie sous l'angle de cette disposition. L'article 1 du Protocole n° 1 exige, avant tout et surtout, qu'une ingérence de l'autorité publique dans la jouissance du droit au respect de biens soit légale : la seconde phrase du premier alinéa de cet article n'autorise une privation de propriété que « dans les conditions prévues par la loi » et le second alinéa reconnaît aux États le droit de réglementer l'usage des biens en mettant en vigueur des « lois ». De plus, la prééminence du droit, l'un des principes fondamentaux d'une société démocratique, est une notion inhérente à l'ensemble des articles de la Convention (arrêt Amuur c. France du 25 juin 1996, Recueil des arrêts et décisions 1996-III, pp. 850-851, § 50). La notion d'« utilité publique » est ample par nature. En particulier, la décision d'adopter des lois portant privation de propriété implique d'ordinaire l'examen de questions politiques, économiques et sociales. Estimant normal que le législateur dispose d'une latitude pour mener une politique économique et sociale, la Cour respecte la manière dont il conçoit les impératifs de l'« utilité publique », sauf si son jugement se révèle manifestement dépourvu de base raisonnable (arrêt James et autres c. Royaume-Uni du 21 février 1986, série A n° 98, p. 32, § 46). D. Proportionnalité de l'ingérence : Une mesure d'ingérence dans le droit au respect des biens doit ménager un juste équilibre entre les exigences de l'intérêt général de la communauté et les impératifs de la sauvegarde

LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME N° 27 – MARS 2001 37

des droits fondamentaux de l'individu (voir, parmi d'autres, l'arrêt Sporrong et Lönnroth c. Suède du 23 septembre 1982, série A n° 52, p. 26, § 69). Le souci d'assurer un tel équilibre se reflète dans la structure de l'article 1 tout entier, donc aussi dans la seconde phrase qui doit se lire à la lumière du principe consacré par la première. En particulier, il doit exister un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé par toute mesure privant une personne de sa propriété (arrêt Pressos Compania Naviera S.A. et autres c. Belgique du 20 novembre 1995, série A n° 332, p. 23, § 38). Afin de déterminer si la mesure litigieuse respecte le juste équilibre voulu et, notamment, si elle ne fait pas peser sur les requérants une charge disproportionnée, il y a lieu de prendre en considération les modalités d'indemnisation prévues par la législation interne. A cet égard, la Cour a déjà dit que sans le versement d'une somme raisonnablement en rapport avec la valeur du bien, une privation de propriété constitue normalement une atteinte excessive, et un manque total d'indemnisation ne saurait se justifier sur le terrain de l'article 1 que dans des circonstances exceptionnelles (arrêt Les saints monastères c. Grèce du 9 décembre 1994, série A n° 301-A, p. 35, § 71). La Cour ne saurait se substituer aux tribunaux grecs pour déterminer l'année qui devrait être prise en considération pour l'estimation de la valeur du terrain exproprié et la fixation des sommes dues qui en découlerait. Toutefois, la Cour ne peut qu'observer qu'en calculant l'indemnité en question, la cour d'appel n'a aucunement tenu compte de la durée excessive que connut la procédure litigieuse. La requérante ne s'est vue accorder aucune somme au titre du préjudice matériel ou moral souffert par elle et sa famille en raison de la privation sans compensation de leur propriété pendant 70 ans, ni même une somme au titre des intérêts légaux. De plus, bien que le versement de ladite indemnité n'eût lieu que plus de cinq ans à partir de sa fixation par la cour d'appel, la requérante ne reçut aucune somme supplémentaire au titre des intérêts légaux (voir mutatis mutandis l'arrêt Raffineries grecques Stran et Stratis Andreadis c. Grèce du 9 décembre 1994, Série A n° 301-B, p. 90, § 82). (violation de l'article 1 du Protocole n° 1.)] Cour (deuxième section) MALAMA c. GRÈCE n°00043622/98 01/03/2001 PRIVATION DE PROPRIETE ;

PREVUE PAR LA LOI {P1 1} ; PROPORTIONNALITE ; DELAI DE SIX MOIS ; SITUATION CONTINUE ; UTILITE PUBLIQUE Exception préliminaire partiellement retenue (délai de six mois) ; Exception préliminaire partiellement rejetée (délai de six mois, épuisement des voies de recours internes) ; Violation de P1-1 ; Non-lieu à examiner l'art. 6-1 ; Satisfaction équitable réservée Jurisprudence Arrêt Amuur c. France du 25 juin 1996, Recueil des arrêts et décisions 1996-III, pp. 850-851, § 50 ; Arrêt James et autres c. Royaume-Uni du 21 février 1986, série A n° 98, p. 32, § 46 ; Arrêt Les saints monastères c. Grèce du 9 décembre 1994, série A n° 301-A, p. 35, § 71 ; Arrêt Pressos Compania Naviera S.A. et autres c. Belgique du 20 novembre 1995, série A n° 332, p. 23, § 38 ; Arrêt Raffineries grecques Stran et Stratis Andreadis c. Grèce du 9 décembre 1994, Série A n° 301-B, p. 90, § 82 ; Arrêt Sporrong et Lönnroth c. Suède du 23 septembre 1982, série A n° 52, p. 26, § 69

TOUS LES ARRETS DE LA COUR EUROPEENNE DES DROITS DE

L’HOMME MARS 2001

01/03/2001 Cour (deuxième section) ALPITES S.P.A. c. ITALIE n°00046964/99 01/03/2001 DELAI RAISONNABLE ; PROCEDURE CIVILE (ouverte le 26 janvier 1989, pendante le 7 février 2001) Violation de l'art. 6-1 ; Dommage matériel - demande rejetée ; Préjudice : 35 000 000 ITL pour le dommage subi et 5 000 000 ITL pour frais et dépens. Frais et dépens (procédure nationale) - demande rejetée Jurisprudence Bottazzi c. Italie [GC], n° 34884/97, § 22, § 30,CEDH 1999-V. Cour (deuxième section) DI MOTOLI ET AUTRES c. ITALIE n°00046976/99 01/03/2001 DELAI RAISONNABLE ; PROCEDURE CIVILE (un peu plus de cinq ans et sept mois)Violation de l'art. 6-1 ; Dommage matériel - demande rejetée ; Préjudice : 12 000 000 ITL pour préjudice moral et 500 000 ITL pour frais et dépens à chacun des requérants. Frais et dépens (procédure nationale) - demande rejetée Jurisprudence Bottazzi c. Italie [GC], n° 34884/97, § 22, § 30,CEDH 1999-V. Cour (deuxième section) C.L. c. ITALIE n°00046980/99 01/03/2001 DELAI RAISONNABLE ; PROCEDURE

LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME N° 27 – MARS 2001 38

CIVILE (un peu plus de neuf ans et sept mois)Violation de l'art. 6-1 ; Dommage matériel - demande rejetée ; Préjudice : 5 000 000 ITL pour préjudice moral et 3 000 000 ITL pour frais et dépens ; Frais et dépens (procédure nationale) - demande rejetée Jurisprudence Bottazzi c. Italie [GC], n° 34884/97, § 22, § 30,CEDH 1999-V. Cour (quatrième section) BERKTAY c. TURQUIE n°00022493/93 01/03/2001 PRIVATION DE LIBERTE ; VIE ; ABSOLUMENT NECESSAIRE ; OBLIGATIONS POSITIVES ; TRAITEMENT INHUMAIN ; TRAITEMENT DEGRADANT ; RECOURS EFFECTIF ; GRIEF DEFENDABLE ; ARRESTATION OU DETENTION REGULIERES ; RAISONS PLAUSIBLES DE SOUPCONNER ; VOIES LEGALES ; ENTRAVER L'EXERCICE DU DROIT DE RECOURS Exception préliminaire rejetée (non-épuisement) ; Non-violation de l'art. 2 ; Violation de l'art. 3 en ce qui concerne le second requérant ; Non-violation de l'art. 3 en ce qui concerne le premier requérant ; Violation de l'art. 13 ; Violation de l'art. 5-1 ; Non-violation de l'art. 34 (ancien art. 25-1) ; Dommage matériel - demande rejetée ; Préjudice moral - réparation pécuniaire : GBP 55 000 à Devrim Berktay pour dommage corporel et moral, GBP 2 500 à Hüseyin Berktay pour dommage moral Remboursement partiel frais et dépens GBP 12 000 pour les deux requérants, moins 26 636 francs français versés par le Conseil de l’Europe au titre de l’assistance judiciaire. Opinions séparées Gölcüklü (partiellement dissidente) Jurisprudence Arrêt Aksoy c. Turquie du 18 décembre 1996, Recueil 1996-VI, p. 2282, § 76, p. 2286, § 95 ; Arrêt Albert et Le Compte c. Belgique du 10 février 1983, série A n° 58, p. 13, § 22 ; Arrêt Assenov et autres c. Bulgarie du 28 octobre 1998, Recueil 1998-VIII, § 93, § 94, §§ 102-103 ; Arrêt Aydin c. Turquie du 25 septembre 1997, Recueil 1997-VI, p. 1885, § 58, pp. 1895-1896, § 103 ; Arrêt Barberà, Messegué et Jabardo c. Espagne du 13 juin 1994 (article 50), série A n° 285-C, pp. 57-58, §§ 16-20 ; Arrêt Boyle et Rice c. Royaume-Uni du 27 avril 1988, série A n° 131, p. 23, § 52 ; Arrêt Chahal c. Royaume-Uni du 15 novembre 1996, Recueil 1996-V, p. 1864, § 118 ; Arrêt Fox, Campbell et Hartley c. Royaume-Uni du 30 août 1990, série A n° 182, p. 16, § 32 ; Arrêt Guerra et autres c. Italie du 19 février 1998, Recueil 1998-I, p. 223, § 44 ; Arrêt Ilhan c. Turquie [GC], n° 22277/93, § 76, §§ 92-93, § 97, CEDH 2000 ; Arrêt Irlande c. Royaume-Uni du 18 janvier 1978, série A n° 25,

p. 65, § 161 ; Arrêt Kaya c. Turquie du 19 février 1998, Recueil 1998-I, pp. 329-330, § 106. Cour (deuxième section) MARCOLONGO c. ITALIE n°00046957/99 01/03/2001 DELAI RAISONNABLE ; PROCEDURE CIVILE (ouverte le 15 février 1993, pendante le 12 octobre 2000) Violation de l'art. 6-1 ; Dommage matériel - demande rejetée ; Préjudice : 10 000 000 ITL pour préjudice moral .Frais et dépens (procédure nationale) - demande rejetée Jurisprudence Bottazzi c. Italie [GC], n° 34884/97, § 22, § 30,CEDH 1999-V. Cour (deuxième section) ARDEMAGNI ET RIPA c. ITALIE n°00046958/99 01/03/2001 DELAI RAISONNABLE ; PROCEDURE CIVILE (ouverte le 19 janvier 1995, pendante le 1er mars 2001) Violation de l'art. 6-1 ; Dommage matériel - demande rejetée ; Préjudice : 10 000 000 ITL à la première requérante et 8 000 000 ITL à chacun des trois autres requérants pour préjudice moral, ainsi que 1 250 000 ITL à chaque requérant pour frais et dépens. Jurisprudence Bottazzi c. Italie [GC], n° 34884/97, § 22, § 30,CEDH 1999-V Cour (deuxième section) TRIMBOLI c. ITALIE n°00046960/99 01/03/2001 DELAI RAISONNABLE ; PROCEDURE CIVILE (ouverte le 25 mai 1996, pendante le 1er mars 2001)Violation de l'art. 6-1 ; Dommage matériel - demande rejetée ; Préjudice : 13 000 000 ITL pour préjudice moral et 5 000 000 ITL pour frais et dépens. Jurisprudence Bottazzi c. Italie [GC], n° 34884/97, § 22, § 30,CEDH 1999-V. Cour (deuxième section) GELGEC ET OZDEMIR c. TURQUIE n°00027700/95 Défendeur Turquie Date de l'arrêt 01/03/2001 TRAITEMENT INHUMAIN ; CONCLUSION D'UN REGLEMENT AMIABLE Radiation du rôle (règlement amiable) Les deux requérants, à qui l’on reproche d’appartenir à une organisation terroriste, se plaignaient au regard de l’article 3 (interdiction de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants) d’avoir été torturé pendant leur garde à vue. Ils prétendent en outre que leurs aveux ont été rédigés par des policiers. Cour (deuxième section) FRANCESCHETTI ET ODORICO c. ITALIE n°00046965/99 01/03/2001 DELAI RAISONNABLE ; PROCEDURE CIVILE (ouverte le 23 octobre 1992, pendante le 6

LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME N° 27 – MARS 2001 39

décembre 2000) Violation de l'art. 6-1 ; Dommage matériel - demande rejetée ; Préjudice : 20 000 000 ITL pour préjudice moral et 2 500 000 ITL pour frais et dépens à chacun des requérants. Jurisprudence Bottazzi c. Italie [GC], n° 34884/97, § 22, § 30,CEDH 1999-V. Cour (deuxième section) MALAMA c. GRÈCE n°00043622/98 01/03/2001 PRIVATION DE PROPRIETE ; PREVUE PAR LA LOI {P1 1} ; PROPORTIONNALITE ; DELAI DE SIX MOIS ; SITUATION CONTINUE ; UTILITE PUBLIQUE Exception préliminaire partiellement retenue (délai de six mois) ; Exception préliminaire partiellement rejetée (délai de six mois, épuisement des voies de recours internes) ; Violation de P1-1 ; Non-lieu à examiner l'art. 6-1 ; Satisfaction équitable réservée Jurisprudence Arrêt Amuur c. France du 25 juin 1996, Recueil des arrêts et décisions 1996-III, pp. 850-851, § 50 ; Arrêt James et autres c. Royaume-Uni du 21 février 1986, série A n° 98, p. 32, § 46 ; Arrêt Les saints monastères c. Grèce du 9 décembre 1994, série A n° 301-A, p. 35, § 71 ; Arrêt Pressos Compania Naviera S.A. et autres c. Belgique du 20 novembre 1995, série A n° 332, p. 23, § 38 ; Arrêt Raffineries grecques Stran et Stratis Andreadis c. Grèce du 9 décembre 1994, Série A n° 301-B, p. 90, § 82 ; Arrêt Sporrong et Lönnroth c. Suède du 23 septembre 1982, série A n° 52, p. 26, § 69 Cour (deuxième section) MORELLI ET NERATTINI c. ITALIE n°00046973/99 01/03/2001 DELAI RAISONNABLE ; PROCEDURE CIVILE (sept ans et neuf mois environ) Violation de l'art. 6-1 ; Dommage matériel - demande rejetée ; Préjudice : 16 000 000 ITL pour préjudice moral et 1 759 706 ITL pour frais et dépens à chacun des requérants. Jurisprudence Bottazzi c. Italie [GC], n° 34884/97, § 22, § 30,CEDH 1999-V. Cour (deuxième section) CIRCO ET AUTRES c. ITALIE n°00046959/99 01/03/2001 DELAI RAISONNABLE ; PROCEDURE CIVILE (plus de neuf ans pour les requérants et plus de huit ans pour les requérantes) Violation de l'art. 6-1 ; Préjudice :7 000 000 aux trois requérants et 5 000 000 ITL à la requérante pour préjudice moral, ainsi que 1 250 000 ITL à chacun des requérants pour frais et dépens. Jurisprudence Bottazzi c. Italie [GC], n° 34884/97, § 22, § 30,CEDH 1999-V

Cour (deuxième section) LUCAS INTERNATIONAL S.R.L. c. ITALIE n°00046962/99 01/03/2001 DELAI RAISONNABLE ; PROCEDURE CIVILE (un peu plus de six ans et sept mois) Violation de l'art. 6-1 ; Préjudice : 12 000 000 ITL pour le dommage subi et 5 000 000 ITL pour frais et dépens. Jurisprudence Bottazzi c. Italie [GC], n° 34884/97, § 22, § 30,CEDH 1999-V. Cour (deuxième section) GALIE c. ITALIE n°00046963/99 01/03/2001 DELAI RAISONNABLE ; PROCEDURE CIVILE (au moins huit ans) Violation de l'art. 6-1 ; Préjudice : 15 000 000 ITL pour préjudice moral et 5 000 000 ITL pour frais et dépens. Jurisprudence Bottazzi c. Italie [GC], n° 34884/97, § 22, § 30,CEDH 1999-V. Cour (deuxième section) DALLOS c. HONGRIE n°00029082/95 01/03/2001 INFORMATION SUR LA NATURE ET LA CAUSE DE L'ACCUSATION ; TEMPS NECESSAIRE ; RECOURS INTERNE EFFICACE Exception préliminaire rejetée (six-mois) ; Non-violation de l'art. 6 Jurisprudence Arrêt Akdivar et autres c. Turquie du 16 septembre 1996, Recueil 1996-IV, p. 1211, § 68 ; Arrêt De Wilde, Ooms et Versyp c. Belgique du 18 juin 1971, série A. n° 12, p. 30, §§ 53-54 ; Arrêt Ergi c. Turquie du 28 juillet 1998, Recueil des arrêts et décisions 1998-IV, p. 1769, § 59 ; Arrêt Imbrioscia c. Suisse du 24 novembre 1993, série A n° 275, pp. 13-14, § 38 ; Arrêt Kamasinski c. Autriche du 19 décembre 1989, série A n° 168, pp. 36-37, § 79 ; Arrêt Miailhe c. France (n° 2) of 26 septembre 1996, Recueil 1996-IV, p. 1338, § 43 ; Arrêt Pélissier et Sassi c. France [GC], n° 25444/94, § 51, CEDH 1999-II [Zoltán Dallos, ressortissant hongrois né en 1949 et domicilié à Vonyarcvashegy, se plaignait de l’iniquité de la procédure pénale à son encontre du fait de la requalification de l’infraction en escroquerie par la cour d’appel (alors qu’il avait été poursuivi et condamné en première instance pour abus de confiance), ce qui, selon lui, l’aurait empêché de préparer convenablement sa défense. Il invoquait l’article 6 § 1 (droit à un procès équitable), ainsi que l’article 6 § 3 a) (droit d’un accusé d’être informé dans le plus court délai de l’accusation portée contre lui) et b) (droit de disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense). La Cour européenne des Droits de l’Homme relève qu’un contrôle a été exercé par la Cour suprême, qui avait le pouvoir d’annuler la

LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME N° 27 – MARS 2001 40

condamnation du requérant et de l’acquitter. L’intéressé a eu la possibilité de contester devant cette juridiction l’infraction requalifiée qui lui était reprochée. Dès lors, la Cour dit à l’unanimité qu’il n’y a pas eu violation de l’article 6 de la Convention. L’arrêt n’existe qu’en anglais.] Cour (deuxième section) MALETTI c. ITALIE n°00046961/99 01/03/2001 DELAI RAISONNABLE ; PROCEDURE CIVILE (ouverte le 17 septembre 1992, pendante le 26 octobre 2000) Violation de l'art. 6-1 ; Dommage matériel - demande rejetée ; Préjudice : 18 000 000 ITL pour préjudice moral et 473 100 ITL pour frais et dépens. Jurisprudence Bottazzi c. Italie [GC], n° 34884/97, § 22, § 30,CEDH 1999-V. Cour (deuxième section) PROCOPIO c. ITALIE n°00046969/99 01/03/2001 DELAI RAISONNABLE ; PROCEDURE CIVILE (plus de seize ans et six mois) Violation de l'art. 6-1 ; Dommage matériel - demande rejetée ; Préjudice : 60 000 000 ITL pour préjudice moral et 3 000 000 ITL pour frais et dépens. Jurisprudence Bottazzi c. Italie [GC], n° 34884/97, § 22, § 30,CEDH 1999-V. Cour (deuxième section) F.P. c. ITALIE n°00046978/99 01/03/2001 DELAI RAISONNABLE ; PROCEDURE CIVILE (ouverte le 20 janvier 1992, pendante le 11 décembre 2000 pour deux instances) Violation de l'art. 6-1 ; Dommage matériel - demande rejetée ; Préjudice : 20 000 000 ITL pour préjudice moral et 5 000 000 UTL pour frais et dépens. Jurisprudence Bottazzi c. Italie [GC], n° 34884/97, § 22, § 30,CEDH 1999-V. Cour (deuxième section) MASSARO c. ITALIE n°00046966/99 01/03/2001 DELAI RAISONNABLE ; PROCEDURE CIVILE (ouverte le 6 avril 1993, pendante le 29 septembre 2000) Violation de l'art. 6-1 ; Dommage matériel - demande rejetée ; Préjudice : 15 000 000 ITL pour préjudice moral. Jurisprudence Bottazzi c. Italie [GC], n° 34884/97, § 22, § 30,CEDH 1999-V. Cour (deuxième section) PROCACCIANTI c. ITALIE n°00046967/99 01/03/2001 DELAI RAISONNABLE ; PROCEDURE CIVILE ) (ouverte le 7 avril 1992, pendante le 23 septembre 2000) Violation de l'art. 6-1 ; Non-lieu à examiner P1-1 ; Préjudice :

20 000 000 ITL pour préjudice moral et 2 000 000 ITL pour frais et dépens. Jurisprudence Arrêt Bottazzi c. Italie [GC], n° 34884/97, § 22, § 30,CEDH 1999-V ; Arrêt Zanghì c. Italie du 19 février 1991, série A n° 194-C, p. 47, § 23 Cour (deuxième section) FALCONI c. ITALIE n°00046968/99 01/03/2001 DELAI RAISONNABLE ; PROCEDURE CIVILE (ouverte le 24 octobre 1989, pendante le 27 janvier 2000) Violation de l'art. 6-1 ; Non-lieu à examiner P1-1 ; Dommage matériel - demande rejetée ; Préjudice : 30 000 000 ITL pour préjudice moral et 3 000 000 ITL pour frais et dépens. Jurisprudence Arrêt Bottazzi c. Italie [GC], n° 34884/97, § 22, § 30,CEDH 1999-V ; Arrêt Zanghì c. Italie du 19 février 1991, série A n° 194-C, p. 47, § 23 Cour (deuxième section) F.T. c. ITALIE n°00046971/99 01/03/2001 DELAI RAISONNABLE ; PROCEDURE CIVILE (treize ans et trois mois environ pour deux instances) Violation de l'art. 6-1 ; Dommage matériel - demande rejetée ; Préjudice : 20 000 000 ITL pour préjudice moral. Frais et dépens (procédure nationale) - demande rejetée Jurisprudence Arrêt Bottazzi c. Italie [GC], n° 34884/97, § 22, § 30,CEDH 1999-V. Cour (deuxième section) RISOLA c. ITALIE n°00046974/99 01/03/2001 DELAI RAISONNABLE ; PROCEDURE CIVILE (dix ans et trois mois environ) Violation de l'art. 6-1 ; Préjudice : 30 000 000 ITL pour préjudice moral et 2 500 000 ITL pour frais et dépens Jurisprudence Bottazzi c. Italie [GC], n° 34884/97, § 22, § 30,CEDH 1999-V. Cour (deuxième section) DI GABRIELE c. ITALIE n°00046975/99 01/03/2001 DELAI RAISONNABLE ; PROCEDURE CIVILE ) (ouverte le 4 juillet 1985, pendante le 27 novembre 1999 pour trois instances) Violation de l'art. 6-1 ; Préjudice : 25 000 000 ITL pour préjudice moral et 4 000 000 ITL pour frais et dépens. Jurisprudence Bottazzi c. Italie [GC], n° 34884/97, § 22, § 30,CEDH 1999-V. Cour (deuxième section) VACCARISI c. ITALIE n°00046977/99 01/03/2001 DELAI RAISONNABLE ; PROCEDURE CIVILE (un peu plus de quatre ans et trois mois) Violation de l'art. 6-1 Jurisprudence Bottazzi c. Italie [GC], n° 34884/97, § 22, CEDH 1999-V.

LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME N° 27 – MARS 2001 41

Cour (deuxième section) ORLANDI c. ITALIE n°00044943/98 01/03/2001 DELAI RAISONNABLE ; PROCEDURE PENALE Violation de l'art. 6-1 ; Dommage matériel - demande rejetée ; Préjudice : 18 000 000 ITL pour préjudice moral et 2 080 000 ITL pour frais et dépens. Jurisprudence Arrêt Pélissier et Sassi c. France [GC], n° 25444/94, 25.3.1999, § 67 ; Arrêt Philis c. Grèce (n° 2) du 27 juin 1997, Recueil des arrêts et décisions 1997-IV, p. 1083, § 35 Cour (deuxième section) FRANCESCA MASTRANTONIO c. ITALIE n°00046979/99 01/03/2001 DELAI RAISONNABLE ; PROCEDURE CIVILE (dix-huit ans et dix mois environ)Violation de l'art. 6-1 ; Non-lieu à examiner P1-1 ; Dommage matériel - demande rejetée ; Préjudice : 50 000 000 ITL pour préjudice moral et 3 625 444 ITL pour frais et dépens. Frais et dépens (procédure nationale) - demande rejetée ; Jurisprudence Arrêt Bottazzi c. Italie [GC], n° 34884/97, § 22, § 30,CEDH 1999-V ; Arrêt Zanghì c. Italie du 19 février 1991, série A n° 194-C, p. 47, § 23 Cour (quatrième section) MARTINETTI ET AUTRES c. ITALIE n°00047784/99 01/03/2001 DELAI RAISONNABLE ; PROCEDURE CIVILE ) (ouverte le 24 juin 1987, pendante le 22 février 2000) Violation de l'art. 6-1 ; Non-lieu à examiner P1-1 ; Préjudice : 48 000 000 ITL pour préjudice moral et 1 000 000 ITL pour frais et dépens à chacun des requérants ; Jurisprudence Arrêt Bottazzi c. Italie [GC], n° 34884/97, § 22, § 30,CEDH 1999-V ; Arrêt Zanghì c. Italie du 19 février 1991, série A n° 194-C, p. 47, § 23 Cour (quatrième section) FARINOSI ET BARATTELLI c. ITALIE n°00047781/99 01/03/2001 DELAI RAISONNABLE ; PROCEDURE CIVILE (ouverte le 6 avril 1988, pendante le 2 octobre 2000) Violation de l'art. 6-1 ; Préjudice : 28 000 000 ITL pour préjudice moral et 2 000 000 ITL pour frais et dépens à chacun des requérants ; Jurisprudence Bottazzi c. Italie [GC], n° 34884/97, § 22, § 30,CEDH 1999-V. Cour (quatrième section) CIUFFETTI c. ITALIE n°00047779/99 01/03/2001 DELAI RAISONNABLE ; PROCEDURE CIVILE (plus de cinq ans et cinq mois)Violation de l'art. 6-1 ; Dommage matériel -

demande rejetée ; Préjudice : 4 000 000 ITL pour préjudice moral et 2 000 000 ITL pour frais et dépens ; Jurisprudence Bottazzi c. Italie [GC], n° 34884/97, § 22, § 30,CEDH 1999-V. Cour (quatrième section) SANTORUM c. ITALIE n°00047780/99 01/03/2001 DELAI RAISONNABLE ; PROCEDURE CIVILE) (ouverte le 22 avril 1981, pendante le 23 juillet 1999 pour deux instances) Violation d e l'art. 6-1 ; Dommage matériel - demande rejetée ; Préjudice : 48 000 000 ITL pour préjudice moral et 2 000 000 ITL pour frais et dépens à chacun des requérants ; Jurisprudence Bottazzi c. Italie [GC], n° 34884/97, § 22, § 30,CEDH 1999-V. Cour (quatrième section) ANGEMI c. ITALIE n°00047785/99 01/03/2001 DELAI RAISONNABLE ; PROCEDURE CIVILE (ouverte le 24 février 1988, pendante le 14 décembre 2000) Violation de l'art. 6-1 ; Dommage matériel - demande rejetée ; Préjudice : 10 000 000 ITL pour préjudice moral et 3 000 000 ITL pour frais et dépens ; Frais et dépens (procédure nationale) - demande rejetée ; Jurisprudence Bottazzi c. Italie [GC], n° 34884/97, § 22, § 30,CEDH 1999-V. Cour (quatrième section) G.V. c. ITALIE n°00047786/99 01/03/2001 DELAI RAISONNABLE ; PROCEDURE CIVILE (près de dix ans et sept mois pour deux instances) Violation de l'art. 6-1 ; Dommage matériel - demande rejetée ; Préjudice : 16 000 000 ITL pour préjudice moral et 4 000 000 ITL pour frais et dépens ; Frais et dépens (procédure nationale) - demande rejetée ; Jurisprudence Bottazzi c. Italie [GC], n° 34884/97, § 22, § 30,CEDH 1999-V. Cour (quatrième section) MARCOTRIGIANO c. ITALIE (N° 2) n°00047783/99 01/03/2001 DELAI RAISONNABLE ; PROCEDURE CIVILE ) (un peu plus de cinq ans et cinq mois pour deux instances) Non-violation de l'art. 6-1 Jurisprudence Arrêt Cesarini c. Italie du 12 octobre 1992, série A n° 245-B, p. 26, § 20 ; Arrêt Cormio c. Italie du 27 février 1992 série A n° 228-I, p. 94, § 17 ; Arrêt G. c. Italie du 27 février 1992, série A n° 228-F, p. 68, § 18 ; Arrêt H. c. France du 24 octobre 1989, série A n° 162, p. 21, § 55 ; Arrêt Ruotolo c. Italie du 27 février 1992, série A n° 230-D, p. 39, § 17 ; Arrêt Vernillo c. France du 20 février 1991, série A n° 198, p. 12, § 30 ; De Simone c. Italie (déc.), n° 40403/98,

LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME N° 27 – MARS 2001 42

21.9.1999 ; Mirandola c. Italie (déc.), n° 45877/99, 7.9.1999 Cour (deuxième section) VISINTIN c. ITALIE n°00043199/98 01/03/2001 PROCEDURE PENALE ; DELAI RAISONNABLE Violation de l'art. 6-1 ; Dommage matériel - demande rejetée ; 16 000 000 ITL pour préjudice moral et 5 000 000 ITL pour frais et dépens .Frais et dépens (procédure nationale) - demande rejetée ; Jurisprudence Arrêt Philis c. Grèce (n° 2) du 27 juin 1997, Recueil des arrêts et décisions 1997-IV, p. 1083, § 35 ; Arrêt Pélissier et Sassi c. France, n° 25444/94, § 67, CEDH 1999-II Cour (deuxième section) PATANE c. ITALIE n°00029898/96 01/03/2001 PROCEDURE PENALE ; DELAI RAISONNABLE Violation de l'art. 6-1 (au moins six ans, onze mois et sept jours) ; Dommage matériel - demande rejetée ; Préjudice : 17 000 000 lires italiennes (ITL) pour préjudice moral et 500 000 ITL pour frais et dépens (procédure de la Convention) Jurisprudence Arrêt Philis c. Grèce (n° 2) du 27 juin 1997, Recueil des arrêts et décisions 1997-IV, p. 1083, § 35 ; Arrêt Belziuk c. Pologne, n° 23103/93, § 49, CEDH 1998-II ; Arrêt Pélissier et Sassi c. France, n° 25444/94, § 67, CEDH 1999-II . Cour (deuxième section) CIACCI c. ITALIE n°00038878/97 01/03/2001 PROCEDURE PENALE ; DELAI RAISONNABLE Violation de l'art. 6-1 ; Préjudice : 20 000 000 ITL pour préjudice moral et 2 080 000 ITL pour frais et dépens.Jurisprudence Arrêt Philis c. Grèce (n° 2) du 27 juin 1997, Recueil des arrêts et décisions 1997-IV, p. 1083, § 35 ; Arrêt Pélissier et Sassi c. France, n° 25444/94, § 67, CEDH 1999-II Cour (deuxième section) MANGASCIA c. ITALIE n°00041206/98 01/03/2001 PROCEDURE PENALE ; DELAI RAISONNABLE Violation de l'art. 6-1 ; Dommage matériel - demande rejetée ; Préjudice moral : 19 000 000 ITL Frais et dépens (procédure nationale) - demande rejetée Jurisprudence Arrêt Philis c. Grèce (n° 2) du 27 juin 1997, Recueil des arrêts et décisions 1997-IV, p. 1083, § 35 ; Arrêt Belziuk c. Pologne, n° 23103/93, § 49, CEDH 1998-II ; Arrêt Pélissier et Sassi c. France, n° 25444/94, § 67, CEDH 1999-II . Cour (deuxième section)

DEL GIUDICE c. ITALIE n°00042351/98 01/03/2001 PROCEDURE PENALE ; DELAI RAISONNABLE Violation de l'art. 6-1 ; Préjudice : 8 000 000 ITL pour préjudice moral et 2 000 000 ITL pour frais et dépens. Jurisprudence Arrêt Ausiello c. Italie du 21 mai 1996, Recueil des arrêts et décisions 1996-III, p. 722, § 21 ; Arrêt Pélissier et Sassi c. France [GC], n° 25444/94, 25.3.1999, § 67 ; Arrêt Philis c. Grèce (n° 2) du 27 juin 1997, Recueil des arrêts et décisions 1997-IV, p. 1083, § 35 ; Arrêt Voisine c. France, n° 27362/95, 8.2.2000, § 39, non publié ; Carlotto c. Italie, requête n° 22420/93, décision de la Commission du 20 mai 1997, D.R. 89, p. 17. Cour (deuxième section) L.G.S. S.P.A. c. ITALIE (No. 2) n°00039487/98 01/03/2001 DELAI RAISONNABLE VICTIME ; PROCEDURE CIVILE (plus de douze ans); Violation de l'art. 6-1 ; Préjudice : ) 5 000 000 ITL pour le dommage subi et 1 000 000 ITL pour frais et dépens. Jurisprudence Arrêt Bottazzi c. Italie [GC], n° 34884/97, § 22, § 30, CEDH 1999-V Cour (deuxième section) PASQUALE DE SIMONE c. ITALIE n°00042520/98 01/03/2001 DELAI RAISONNABLE (ouverte le 30 août 1997, pendante le 1er mars 2001) ; PROCEDURE CIVILE Violation de l'art. 6-1 ; Dommage matériel - demande rejetée ; Préjudice : 6 000 000 ITL pour préjudice moral et 2 000 000 ITL pour frais et dépens. Frais et dépens (procédure nationale) - demande rejetée ; Jurisprudence Arrêt Bottazzi c. Italie [GC], n° 34884/97, § 22, § 30, CEDH 1999-V. Cour (quatrième section) BONELLI c. ITALIE n°00044457/98 01/03/2001 DELAI RAISONNABLE ; PROCEDURE CIVILE (plus de sept ans pour deux instanceViolation de l'art 6-1 ; Dommage matériel - demande rejetée ; Préjudice : 13 000 000 ITL pour préjudice moral et 5 000 000 ITL pour frais et dépens. Jurisprudence Arrêt Bottazzi c. Italie [GC], n° 34884/97, § 22, § 30, CEDH 1999-V. Cour (quatrième section) VALERIO SANTORO c. ITALIE n°00044466/98 01/03/2001 DELAI RAISONNABLE ; PROCEDURE CIVILE (plus de douze ans et deux mois) Violation de l'art 6-1 ; Dommage matériel - demande rejetée ; Préjudice : 20 000 000 ITL pour préjudice moral et 3 799 540 ITL pour frais et dépens.

LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME N° 27 – MARS 2001 43

Jurisprudence Arrêt Bottazzi c. Italie [GC], n° 34884/97, § 22, § 30, CEDH 1999-V. Cour (quatrième section) ZANASI c. ITALIE n°00044462/98 01/03/2001 DELAI RAISONNABLE ; PROCEDURE CIVILE (un peu plus de neuf ans et quatre mois) Violation de l'art 6-1 ; Préjudice : 24 000 000 ITL pour préjudice moral et 4 000 000 ITL pour frais et dépens. Jurisprudence Arrêt Bottazzi c. Italie [GC], n° 34884/97, § 22, § 30, CEDH 1999-V. Cour (quatrième section) RIGUTTO c. ITALIE n°00044465/98 01/03/2001 DELAI RAISONNABLE ; PROCEDURE CIVILE (plus de six ans et neuf mois) Violation de l'art 6-1 ; Préjudice : 12 000 000 ITL pour préjudice moral et 4 000 000 ITL pour frais et dépens. Jurisprudence Arrêt Bottazzi c. Italie [GC], n° 34884/97, § 22, § 30, CEDH 1999-V. Cour (quatrième section) BELLAGAMBA c. ITALIE n°00044511/98 01/03/2001 DELAI RAISONNABLE ; PROCEDURE CIVILE (plus de cinq ans et trois mois)Violation de l'art 6-1 ; Préjudice : 8 000 000 ITL pour préjudice moral et 3 000 000 ITL pour frais et dépens ; Jurisprudence Arrêt Bottazzi c. Italie [GC], n° 34884/97, § 22, § 30, CEDH 1999-V. Cour (quatrième section) MURGIA c. ITALIE n°00044490/98 01/03/2001 DELAI RAISONNABLE ; PROCEDURE CIVILE (plus de cinq ans et huit mois) Violation de l'art 6-1 ; Préjudice : 10 000 000 ITL pour préjudice moral. ; Dommage matériel - demande rejetée Jurisprudence Arrêt Bottazzi c. Italie [GC], n° 34884/97, § 22, CEDH 1999-V. Cour (quatrième section) P.B. c. ITALIE n°00044468/98 01/03/2001 DELAI RAISONNABLE ; PROCEDURE CIVILE (près de onze ans et trois mois) Violation de l'art 6-1 ; Dommage matériel - demande rejetée ; Préjudice : 18 000 000 ITL pour préjudice moral et 1 000 000 ITL pour frais et dépens à chacun des requérants. Jurisprudence Arrêt Bottazzi c. Italie [GC], n° 34884/97, § 22, § 30, CEDH 1999-V. Cour (quatrième section) SPADA c. ITALIE n°00044470/98 01/03/2001 DELAI RAISONNABLE ; PROCEDURE CIVILE (ouverte le 26 juin 1980, pendante le 8 janvier 2001) Violation de l'art 6-1 ; Dommage

matériel - demande rejetée ; Préjudice : 60 000 000 ITL pour préjudice moral et 1 500 000 ITL pour frais et dépens. Jurisprudence Arrêt Bottazzi c. Italie [GC], n° 34884/97, § 22, § 30, CEDH 1999-V. Cour (quatrième section) VALERIA ROSSI c. ITALIE n°00044472/98 01/03/2001 DELAI RAISONNABLE ; PROCEDURE CIVILE (ouverte le 8 septembre 1993, pendante le 1er mars 2001) Violation de l'art 6-1 ; Dommage matériel - demande rejetée ; Préjudice : 16 000 000 ITL pour préjudice moral et 5 000 000 ITL pour frais et dépens. Jurisprudence Arrêt Bottazzi c. Italie [GC], n° 34884/97, § 22, § 30, CEDH 1999-V. Cour (quatrième section) A.C. c. ITALIE n°00044481/98 01/03/2001 DELAI RAISONNABLE ; PROCEDURE CIVILE (plus de quinze ans et huit mois) Violation de l'art 6-1 ; Dommage matériel - demande rejetée ; Préjudice : 22 000 000 ITL pour préjudice moral et 2 500 000 ITL pour frais et dépens à chacun des héritiers de la requérante. Jurisprudence Arrêt Bottazzi c. Italie [GC], n° 34884/97, § 22, § 30, CEDH 1999-V. Cour (quatrième section) CITTERIO ET ANGIOLILLO c. ITALIE n°00044504/98 01/03/2001 DELAI RAISONNABLE ; PROCEDURE CIVILE (près de six ans et onze mois) Violation de l'art 6-1 ; Préjudice : 12 000 000 ITL pour préjudice moral et 2 000 000 ITL pour frais et dépens à chacun des requérants ; Dommage matériel - demande rejetée ; Jurisprudence Arrêt Bottazzi c. Italie [GC], n° 34884/97, § 22, § 30, CEDH 1999-V. Cour (quatrième section) ROSSANA FERRARI c. ITALIE n°00044527/98 01/03/2001 DELAI RAISONNABLE ; PROCEDURE CIVILE (plus de huit ans et onze mois) Violation de l'art 6-1 ; Préjudice : 15 000 000 ITL pour préjudice moral et 4 000 000 ITL pour frais et dépens ; Dommage matériel - demande rejetée ; Jurisprudence Arrêt Bottazzi c. Italie [GC], n° 34884/97, § 22, § 30, CEDH 1999-V. Cour (quatrième section) VECCHI ET AUTRES c. ITALIE n°00044488/98 01/03/2001 DELAI RAISONNABLE ; PROCEDURE CIVILE (plus de vingt-trois ans et quatre mois) Violation de l'art 6-1 ; Préjudice : 80 000 000 ITL pour préjudice moral et 1 500 000 ITL pour frais et dépens à

LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME N° 27 – MARS 2001 44

chacun des requérants. Dommage matériel - demande rejetée ; Jurisprudence Arrêt Bottazzi c. Italie [GC], n° 34884/97, § 22, § 30, CEDH 1999-V. Cour (quatrième section) SONEGO c. ITALIE n°00044491/98 01/03/2001 DELAI RAISONNABLE ; PROCEDURE CIVILE (un peu plus de vingt-trois ans pour trois instances) Violation de l'art 6-1 ; Préjudice : 60 000 000 ITL pour préjudice moral; Dommage matériel - demande rejetée ; Frais et dépens (procédure nationale) - demande rejetée Jurisprudence Arrêt Bottazzi c. Italie [GC], n° 34884/97, § 22, § 30, CEDH 1999-V. Cour (quatrième section) O.P. c. ITALIE n°00044494/98 01/03/2001 DELAI RAISONNABLE ; PROCEDURE CIVILE (un peu plus de dix-neuf ans et trois mois pour deux instances) Violation de l'art 6-1 ; Préjudice : 52 000 000 ITL pour préjudice moral et 4 000 000 ITL pour frais et dépens ; Dommage matériel - demande rejetée ; Frais et dépens (procédure nationale) - demande rejetée ; Jurisprudence Arrêt Bottazzi c. Italie [GC], n° 34884/97, § 22, § 30, CEDH 1999-V. Cour (quatrième section) COVA c. ITALIE n°00044500/98 01/03/2001 DELAI RAISONNABLE ; PROCEDURE CIVILE (plus de onze ans et dix mois) Violation de l'art 6-1 ; Préjudice : 32 000 000 ITL pour préjudice moral et 4 000 000 ITL pour frais et dépens ; Dommage matériel - demande rejetée ; Frais et dépens (procédure nationale) - demande rejetée ; Jurisprudence Arrêt Bottazzi c. Italie [GC], n° 34884/97, § 22, § 30, CEDH 1999-V. Cour (quatrième section) SHIPCARE S.R.L. c. ITALIE n°00044505/98 01/03/2001 DELAI RAISONNABLE ; PROCEDURE CIVILE ) (ouverte le 12 octobre 1987, pendante le 1er mars 2001) Violation de l'art 6-1 ; Préjudice : 32 000 000 ITL pour préjudice moral et 4 000 000 ITL pour frais et dépens ; Dommage matériel - demande rejetée ; Frais et dépens (procédure nationale) - demande rejetée ; Jurisprudence Arrêt Bottazzi c. Italie [GC], n° 34884/97, § 22, § 30, CEDH 1999-V. Cour (quatrième section) MARI ET MANGINI c. ITALIE n°00044517/98 01/03/2001 DELAI RAISONNABLE ; PROCEDURE CIVILE (ouverte le 20 mai 1976, pendante le 1er mars 2001) Violation de l'art 6-1 ; Préjudice : 41 000 000 ITL pour préjudice moral et

1 000 000 ITL pour frais et dépens à chacun des requérants ; Dommage matériel - demande rejetée ; Frais et dépens (procédure nationale) - demande rejetée ; Jurisprudence Arrêt Bottazzi c. Italie [GC], n° 34884/97, § 22, § 30, CEDH 1999-V. Cour (quatrième section) VECCHINI c. ITALIE n°00044528/98 01/03/2001 DELAI RAISONNABLE ; PROCEDURE CIVILE (plus de sept ans et neuf mois)Violation de l'art 6-1 ; Préjudice : 16 000 000 ITL pour préjudice moral et 4 000 000 ITL pour frais et dépens ; Dommage matériel - demande rejetée ; Frais et dépens (procédure nationale) - demande rejetée ; Jurisprudence Arrêt Bottazzi c. Italie [GC], n° 34884/97, § 22, § 30, CEDH 1999-V. Cour (quatrième section) VENTURINI c. ITALIE n°00044534/98 01/03/2001 DELAI RAISONNABLE ; PROCEDURE CIVILE (ouverte le 9 février 1990, pendante le 10 février 2000)Violation de l'art 6-1 ; Préjudice : 28 000 000 ITL pour préjudice moral et 1 000 000 ITL pour frais et dépens ; Dommage matériel - demande rejetée ; Frais et dépens (procédure nationale) - demande rejetée ; Jurisprudence Arrêt Bottazzi c. Italie [GC], n° 34884/97, § 22, § 30, CEDH 1999-V. Cour (quatrième section) ADA MACCARI c. ITALIE n°00044464/98 01/03/2001 DELAI RAISONNABLE ; PROCEDURE CIVILE (plus de quatre ans et neuf mois) Violation de l'art 6-1 ; Dommage matériel - demande rejetée ; Préjudice : 12 000 000 ITL pour préjudice moral ; Frais et dépens (procédure nationale) - demande rejetée Jurisprudence Arrêt Pailot c. France du 22 avril 1998, Recueil 1998-II, p. 787 ; Arrêt Leterme c. France du 29 avril 1998, Recueil 1998-III, p. 988 ; Arrêt Rando c. Italie du 15 février 2000 § 17 ; Arrêt Bottazzi c. Italie [GC], n° 34884/97, § 22, § 30, CEDH 1999-V. Cour (quatrième section) ROBERTO SACCHI c. ITALIE n°00044461/98 01/03/2001 DELAI RAISONNABLE ; PROCEDURE CIVILE ) (ouverte le 9 mars 1994, pendante le 11 décembre 2000) Violation de l'art 6-1 ; Préjudice : 12 000 000 ITL pour préjudice moral. Jurisprudence Arrêt Bottazzi c. Italie [GC], n° 34884/97, § 22, CEDH 1999-V. Cour (quatrième section)

LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME N° 27 – MARS 2001 45

TEBALDI c. ITALIE n°00044486/98 01/03/2001 DELAI RAISONNABLE ; PROCEDURE CIVILE ) (deux procédures ouvertes le 10 octobre 1978, pendantes le 15 décembre 2000) Violation de l'art 6-1 ; Non-lieu à examiner P1-1 ; 52 000 000 ITL pour préjudice moral. Jurisprudence Arrêt Bottazzi c. Italie [GC], n° 34884/97, § 22, CEDH 1999-V ; Arrêt Zanghì c. Italie du 19 février 1991, série A n° 194-C, p. 47, § 23 Cour (deuxième section) CASTIGLIONI c. ITALIE n°00030877/96 01/03/2001 PROCEDURE CIVILE ; DELAI RAISONNABLE ( sept ans et cinq mois pour expulser le locataire) ACCES A UN TRIBUNAL ; RESPECT DES BIENS ; CONCLUSION D'UN REGLEMENT AMIABLE Radiation du rôle (règlement amiable : 20 000 000 ITL) Cour (deuxième section) GIMIGLIANO c. ITALIE n°00030918/96 01/03/2001 PROCEDURE CIVILE ; DELAI RAISONNABLE ; ACCES A UN TRIBUNAL ; RESPECT DES BIENS ; CONCLUSION D'UN REGLEMENT AMIABLE Radiation du rôle (règlement amiable : 26 000 000 ITL) Cour (deuxième section) I.Fr. c. ITALIE n°00031930/96 01/03/2001 PROCEDURE CIVILE ; DELAI RAISONNABLE ; ACCES A UN TRIBUNAL ; RESPECT DES BIENS ; CONCLUSION D'UN REGLEMENT AMIABLE Radiation du rôle (règlement amiable : 1999 33 000 000 ITL) Cour (deuxième section) R.M. c. ITALIE n°00032403/96 01/03/2001 PROCEDURE CIVILE ; DELAI RAISONNABLE ; ACCES A UN TRIBUNAL ; RESPECT DES BIENS ; CONCLUSION D'UN REGLEMENT AMIABLE Radiation du rôle (règlement amiable : 20 000 000 ITL) Cour (deuxième section) B. c. ITALIE n°00032465/96 01/03/2001 PROCEDURE CIVILE ; DELAI RAISONNABLE (près de onze ans et trois mois) ; ACCES A UN TRIBUNAL ; RESPECT DES BIENS ; CONCLUSION D'UN REGLEMENT AMIABLE Radiation du rôle (règlement amiable : 15 000 000 ITL) Cour (deuxième section) SBORCHIA ET TOGNARINI c. ITALIE n°00033116/96 01/03/2001 PROCEDURE CIVILE ; DELAI RAISONNABLE ; ACCES A

UN TRIBUNAL ; RESPECT DES BIENS ; CONCLUSION D'UN REGLEMENT AMIABLE Radiation du rôle (règlement amiable : 20 000 000 ITL) Cour (deuxième section) PARIS c. ITALIE n°00033602/96 01/03/2001 PROCEDURE CIVILE ; DELAI RAISONNABLE (huit ans et deux mois) ; ACCES A UN TRIBUNAL ; RESPECT DES BIENS ; CONCLUSION D'UN REGLEMENT AMIABLE Radiation du rôle (règlement amiable : 60 000 000 ITL) 06/03/2001 Cour (troisième section) MEHDI ZANA c. TURQUIE n°00029851/96 06/03/2001 TRIBUNAL INDEPENDANT ; TRIBUNAL IMPARTIAL ; PROCEDURE PENALE Violation de l'art. 6-1 ; Préjudice moral - constat de violation suffisant ; Frais et dépens - demande rejetée Jurisprudence : Arrêt Incal c. Turquie du 9 juin 1998, Recueil des arrêts et décisions (Recueil) 1998-IV, p. 1571, § 65, § 68, p. 1572, § 70, p.1573, § 72 ; Arrêt Çiraklar c. Turquie du 28 octobre 1998, Recueil 1998-VII, p. 3072, § 38, p. 3074, § 45 ; Arrêt Motière c. France du 5 décembre 2000, n° 39615/98, § 26, CEDH 2000 Ressortissant turc, Mehdi Zana estimait avoir été privé d’un procès équitable du fait de la présence d’un juge militaire dans la formation de la cour de sûreté de l’Etat d’Istanbul s’étant prononcée sur sa cause. La Cour européenne des Droits de l’Homme juge, à l’unanimité, qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 et que le constat d’une violation représente en soi une satisfaction équitable suffisante pour tout dommage moral pouvant été subi par le requérant. (L’arrêt n’existe qu’en anglais.) Cour (première section) JAKOLA c. SUEDE n°00032531/96 06/03/2001 PROCEDURE ADMINISTRATIVE ; PROCES ORAL ; CONCLUSION D'UN REGLEMENT AMIABLE 35 000 couronnes suédoises. Radiation du rôle (règlement amiable) L’arrêt n’est disponible qu’en anglais. Cour (troisième section) CAVUSOGLU c. TURQUIE n°00032983/96 06/03/2001 TRAITEMENT INHUMAIN ; CONCLUSION D'UN REGLEMENT AMIABLE75 000 francs français Radiation du rôle (règlement amiable). (L’arrêt n’existe qu’en anglais.)

LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME N° 27 – MARS 2001 46

Cour (troisième section) DOUGOZ c. GRECE n°00040907/98 06/03/2001 TRAITEMENT INHUMAIN ; ARRESTATION OU DETENTION REGULIERES ; VOIES LEGALES ; EXPULSION Violation de l'art. 3 ; Violation de l'art. 5-1 ; Violation de l'art. 5-4 ; Dommage matériel - demande rejetée ; 5 000 000 GRD pour préjudice moral et remboursement partiel frais et dépens Jurisprudence : Arrêt Amuur c. France du 25 juin 1996, Recueil des arrêts et décisions 1996-III, § 50 ; Arrêt Chahal c. Royaume-Uni du 15 novembre 1996, Recueil 1996-V, § 118, § 127 ; Arrêt Costello-Roberts c. Royaume-Uni, série A n° 247-C, p. 59, § 30 ; Affaire Grecque, Annuaire n° 12, 1969 ; Arrêt Irlande c. Royaume-Uni du 18 janvier 1978, série A n° 25, p. 65, § 162 Cour (troisième section) HILAL c. ROYAUME-UNI n°00045276/99 06/03/2001 TRAITEMENT INHUMAIN ; RECOURS EFFECTIF Violation de l'art. 3 ; Non-violation de l'art. 13 ; Préjudice moral - constat de violation suffisant ; Remboursement frais et dépens12 583 GBP, à minorer des 5 100 francs français déjà versés par la voie d’assistance judiciaire.Jurisprudence : Arrêt Ahmed c. Autriche du 17 décembre 1996, Recueil des arrêts et décisions (Recueil), 1996-VI, §§ 38-39 ; Arrêt Aksoy c. Turquie du 18 décembre 1996, Recueil 1996-VI, p. 2286, § 95 ; Arrêt Aydin c. Turquie du 25 septembre 1997, Recueil 1997-VI, pp. 1895-1896, § 103 ; Arrêt Boyle et Rice c. Royaume-Uni du 27 avril 1988, série A n° 131, p. 23, § 52 ; Arrêt Chahal c. Royaume-Uni du 15 novembre 1996, Recueil 1996-V, p. 1853, §§ 73-74, p. 1861, § 104 ; Arrêt D. c. Royaume-Uni du 2 mai 1997, Recueil 1997-III, pp. 797-798, §§ 70-71 ; Arrêt H.L.R. c. France du 29 avril 1997, Recueil 1997-III, p. 758, § 37 ; Arrêt Ilhan c. Turquie [GC], n° 22277/93, CEDH 2000-VII, 27.06.00 ; Arrêt Kaya c. Turquie du 19 février 1998, Recueil 1998-I, pp. 329-30, § 106, p. 330, § 107 ; Arrêt Soering c. Royaume-Uni du 7 juillet 1989, série A n° 161, pp. 47-48, §§ 121-124 ; Arrêt Vilvarajah et autres c. Royaume-Uni du 30 octobre 1991, série A n° 215, p. 36, § 107, p. 39, § 123 08/03/2001 Cour (quatrième section) PINTO DE OLIVEIRA c. PORTUGAL n°00039297/98 08/03/2001 DELAI RAISONNABLE (sept ans et neuf mois à ce jour); PROCEDURE CIVILE Violation de l'art. 6-1 ; Dommage matériel - demande rejetée ; 800

000 escudos portugais (PTE) pour préjudice moral et 150 000 PTE pour frais et dépens. Jurisprudence : Arrêt Silva Pontes c. Portugal du 23 mars 1994, série A n° 286-A, p. 14, §§ 36-38, p. 15, § 39 Cour (quatrième section) MINNEMA c. PORTUGAL n°00039300/98 08/03/2001 DELAI RAISONNABLE (dix ans et deux mois); PROCEDURE CIVILE Violation de l'art. 6-1 ; Dommage matériel - demande rejetée ; 900 000 PTE pour préjudice moral et 250 000 PTE pour frais et dépens .Jurisprudence : Arrêt Silva Pontes c. Portugal du 23 mars 1994, n° 286-A, p. 15, § 39 ; Frydlender c. France [GC], n° 30979/96, § 45, CEDH 2000-VII Cour (deuxième section) I.O. c. SUISSE n°00021529/93 08/03/2001 JUGE OU AUTRE MAGISTRAT EXERCANT DES FONCTIONS JUDICIAIRES ; GARANTIES PROCEDURALES DE CONTROLE ; CONCLUSION D'UN REGLEMENT AMIABLE Radiation du rôle (règlement amiable : 13 000 francs suisses) . L’arrêt n’existe qu’en français. Cour (deuxième section) FANELLI c. ITALIE n°00044361/98 08/03/2001 PROCEDURE CIVILE ; DELAI RAISONNABLE ; (plus de treize ans) CONCLUSION D'UN REGLEMENT AMIABLE Radiation du rôle (règlement amiable : 7 000 000 ITL ) Cour (deuxième section) B.S. c. ITALIE n°00044364/98 08/03/2001 PROCEDURE CIVILE ; DELAI RAISONNABLE ; (vingt-huit ans et six mois) CONCLUSION D'UN REGLEMENT AMIABLE Radiation du rôle (règlement amiable : 26 000 000 ITL) Cour (deuxième section) GUGLIELMI c. ITALIE n°00032659/96 08/03/2001 RESPECT DES BIENS ; ACCES A UN TRIBUNAL ; PROCEDURE CIVILE ; PROCEDURE D'EXECUTION durée (plus de seize ans) de la procédure d’éviction faute de pouvoir bénéficier de l’aide de la police; CONCLUSION D'UN REGLEMENT AMIABLE Radiation du rôle (règlement amiable: 73 000 000 de lires italiennes (ITL) Cour (deuxième section) YANG CHUN JIN ALIAS YANG XIAOLIN c. HONGRIE n°00058073/00 08/03/2001 1 TRAITEMENT INHUMAIN ; PROCES

LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME N° 27 – MARS 2001 47

EQUITABLE ; PROCEDURE PENALE ; ABOLITION DE LA PEINE DE MORT ; LITIGE RESOLU Radiation du rôle (solution du litige) [Yang Chun Jin alias Yang Xiaolin, ressortissant de la Chine et de la Sierra Leone, alléguait que si on l’extradait vers la Chine, il risquait d’être jugé de manière inéquitable, d’être détenu dans des conditions sévères, d’être soumis à la torture ou d’être condamné à mort. Il invoquait les articles 3 (interdiction de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants) et 6 (droit à un procès équitable) de la Convention et l’article 1 du Protocole n° 6 (abolition de la peine de mort). Constatant que le ministre hongrois de la Justice a refusé l’extradition du requérant vers la Chine et que celui-ci a quitté la Hongrie pour la Sierra Leone, la Cour a estimé que le requérant n’était plus menacé d’extradition vers la Chine et que le problème était résolu. L’affaire a donc été rayée du rôle. (Arrêt en anglais)] Cour (troisième section) BOUCHET c. FRANCE n°00033591/96 20/03/2001 DUREE DE LA DETENTION PROVISOIRE ; CARACTERE RAISONNABLE DE LA DETENTION PROVISOIRE ; LIBERE PENDANT LA PROCEDURE ; REPARATION (ART. 5) Non-violation de l'art. 5-3 ; Non-violation de l'art. 5-5 Opinions séparées Tulkens à laquelle se rallient Loucaides et Bratza (opinion dissidente) Droit en cause Code de procédure pénale, article 149 Jurisprudence : Arrêt Clooth c. Belgique du 12 décembre 1991, série A n° 225, p. 15, § 40 ; Arrêt I.A. c. France du 23 septembre 1998, Recueil des arrêts et décisions 1998-VII, pp. 2978-2979, § 102, § 104 ; Arrêt Ismaël Debboub alias Husseini Ali c. France du 9 novembre 1999, n° 37786/97 ; Arrêt Kemmache c. France du 27 novembre 1991, série A n° 218, p. 24, § 47 ; Arrêt Kudla c. Pologne [GC], n° 30210/96, §§ 110-111, CEDH-2000 ; Arrêt Letellier c. France du 26 juin 1991, série A n° 207, p. 18, § 35 ; Arrêt Matznetter c. Autriche du 10 novembre 1969, série A n° 9, pp. 32-33, § 9 ; Arrêt P.B. c. France du 1er août 2000, n° 38781/97 ; Arrêt Wassink c. Pays-Bas du 27 septembre 1990, série A n° 185-A, p. 14, § 38 ; Requête n° 24722/94, décision du 10 avril 95, Décisions et rapports 81-A, p. 135 Cour (troisième section) GOEDHART c. BELGIQUE n°00034989/97 20/03/2001 PROCEDURE PENALE ; PROCES EQUITABLE ; ACCES A UN TRIBUNAL ; DROITS DE LA DEFENSE ; SE DEFENDRE

AVEC L'ASSISTANCE D'UN DEFENSEUR Violation de l'art. 6-1 ; Violation de l'art. 6-1+6-3-c ; Dommage matériel - demande rejetée ; Préjucide moral - constat de violation suffisant ; Frais et dépens (procédure nationale) - demande rejetée ; 30 000 francs belges (BEF) pour frais et dépens Droit en cause Code d'instruction criminelle, articles 185, 188, 208, 421 ; Loi du 10 février 1866, article 2 Jurisprudence : Arrêt Brumãrescu c. Roumanie (satisfaction équitable), n° 28342/95, 23.1.2001, §§ 19-22 ; Arrêt Guérin c. France du 28 juillet 1998, Recueil des arrêts et décisions, 1998-V, p. 1868, § 43 ; Arrêt Hertel c. Suisse du 25 août 1998, Recueil des arrêts et décisions, 1998-VI, § 63 ; Arrêt Khalfaoui c. France, n° 34791/97, [Section 3], CEDH 1999-IX, 14.12.99, § 40 ; Arrêt Lala c. les Pays-Bas du 22 septembre 1994, série A, n° 297-A, p. 13, § 33 ; Arrêt Omar c. France du 28 juillet 1998, Recueil des arrêts et décisions, 1998-V, p. 1841, §§ 40 et 41 ; Arrêt Pelladoah c. les Pays-Bas du 22 septembre 1994, série A, n° 297-B, pp. 34-35, § 40 ; Arrêt Van Geyseghem c. Belgique du 21 janvier 1999 [GC], n° 26103/95, CEDH 1999-I, p. 170, § 34 Cour (troisième section) STROEK c. BELGIQUE n°00036449/97 ; 00036467/97 20/03/2001 PROCEDURE PENALE ; PROCES EQUITABLE ; ACCES A UN TRIBUNAL ; DROITS DE LA DEFENSE ; SE DEFENDRE AVEC L'ASSISTANCE D'UN DEFENSEUR Violation de l'art. 6-1 ; Violation de l'art. 6-1+6-3-c ; Dommage matériel - demande rejetée ; Préjucide moral - constat de violation suffisant ; Frais et dépens (procédure nationale) - demande rejetée ; Remboursement partiel frais et dépens : 50 000 BEF Droit en cause Code d'instruction criminelle, articles 185, 188, 208, 421 ; Loi du 10 février 1866, article 2 Jurisprudence : Arrêt Deweer c. Belgique du 27 février 1980, série A n° 39, p. 30, § 16 ; Arrêt Guérin c. France du 28 juillet 1998, Recueil des arrêts et décisions, 1998-V, p. 1868, § 43 ; Arrêt Hertel c. Suisse du 25 août 1998, Recueil des arrêts et décisions, 1998-VI, § 63 ; Arrêt Khalfaoui c. France, n° 34791/97, [Section 3], CEDH 1999-IX, 14.12.99, § 40 ; Arrêt Lala c. les Pays-Bas du 22 septembre 1994, série A, n° 297-A, p. 13, § 33 ; Arrêt Omar c. France du 28 juillet 1998, Recueil des arrêts et décisions, 1998-V, p. 1841, §§ 40 et 41 ; Arrêt Pelladoah c. les Pays-Bas du 22 septembre 1994, série A, n° 297-B, pp. 34-35, § 40 ; Arrêt Van Geyseghem c. Belgique du 21 janvier 1999 [GC], n° 26103/95, CEDH 1999-I, p. 170, § 34

LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME N° 27 – MARS 2001 48

[Dirk Goedhardt et Laurentius et Cornelius Stroek, tous ressortissants néerlandais résidant aux Pays-Bas, avaient refusé de comparaître en personne dans le cadre de la procédure pénale qui avait été ouverte à leur encontre pour importation illégale de cannabis. Ils se plaignaient que leurs avocats n’avaient pas été autorisés à les représenter (l’avocat des requérants dans l’affaire Stroek c. Belgique n’avait été autorisé à représenter ses clients qu’en première instance) et qu’eux-mêmes s’étaient vu refuser l’accès à la Cour de cassation pour ne pas s’être constitués prisonniers avant leurs procès. (Ces arrêts n’existent qu’en français.)] Cour (troisième section) TELFNER c. AUTRICHE n°00033501/96 20/03/2001 PRESOMPTION D'INNOCENCE Violation de l'art. 6-2 ; Dommage matériel - demande rejetée ; Préjudice moral 20,000 ATS Jurisprudence : Arrêt Salabiaku c. France du 7 octobre 1988, série A n° 141-A, pp. 15-16, § 28 ; Arrêt Barberà, Messegué et Jabardo c. Espagne du 6 décembre 1988, série A n° 146, pp. 31 et 33, §§ 67-68 et 77 ; Arrêt John Murray c. Royaume-Uni du 8 février 1996, Recueil des arrêts et décisions 1996-I, pp. 49-52, §§ 45-54 Cour (première section) KÖKSAL c. PAYS-BAS n°00031725/96 20/03/2001 VIE ; TRAITEMENT INHUMAIN ; CONCLUSION D'UN REGLEMENT AMIABLE Radiation du rôle (règlement amiable : le gouvernement néerlandais exprime ses « plus profonds regrets devant le décès de M. Hüseyin Köksal » et s’engage à verser aux requérants, à titre gracieux, 140 000 florins néerlandais pour tout dommage moral ou matériel et pour tous frais et dépens pouvant avoir été exposés.) (L’arrêt n’est disponible qu’en anglais.) Cour (Grande chambre) STRELETZ, KESSLER ET KRENZ c. ALLEMAGNE n os 00034044/96, 00035532/97 et 00044801/98 22/03/2001 NULLUM CRIMEN SINE LEGE ; RETROACTIVITE (Articles 7-1 et 14+7) Non-violation de l'art. 7-1 ; Non-violation de l'art. 14+7 Opinions séparées Loucaïdes, Zupancic et Levits (opinion concordante) Droit en cause Article 17 § 2 de la loi sur la police du peuple de la RDA ; Article 213 du code pénal de la RDA ; Article 103 § 2 de la Loi fondamentale Jurisprudence : Arrêt Akkoç c. Turquie, nos 22947/93 et 22948/93, 10.10.2000, § 77 ; Arrêt C.R. c. Royaume-Uni du 22 novembre 1995, série A n° 335-C, pp. 68-69, §§ 32-34 ; Arrêt Foti et

autres c. Italie du 10 décembre 1982, série A n° 56, p. 15, § 44 ; Arrêt Irlande c. Royaume-Uni du 18 janvier 1978, série A n° 25, p. 90, § 238 ; Arrêt Kopp c. Suisse du 25 mars 1998, Recueil des arrêts et décisions 1998-II, p. 541, § 59 ; Arrêt Osman c. Royaume-Uni du 28 octobre 1998, Recueil 1998-VIII, p. 3159, § 115 ; Arrêt Rehbock c. Slovénie, 28.11.2000, n° 29462/95, CEDH-..., § 63 ; Arrêt S.W. c. Royaume-Uni du 22 novembre 1995, série A n° 335-B, pp. 41-42, §§ 34-36 ; Arrêt Schenk c. Suisse du 12 juillet 1988, série A n° 140, p. 29, § 45 Sources externes Pacte international relatif aux droits civils et politiques, articles 6 et 12 Résolution 1503 de Conseil économique et social des Nations Unies Déclaration universelle des Droits de l'Homme, articles 3 et 6 Cour (Grande chambre) K.-H.W. c. ALLEMAGNE n°00037201/97 22/03/2001 NULLUM CRIMEN SINE LEGE ; RETROACTIVITE (Articles 7-1 et 14+7) Non-violation de l'art. 7-1 ; Non-violation de l'art. 14+7 Opinions séparées Loucaïdes et Bratza (concordante), Cabral Barreto et Pellonpää (dissidente) Droit en cause Article 17 § 2 de la loi sur la police du peuple de la RDA ; Article 213 du code pénal de la RDA ; Article 103 § 2 de la Loi fondamentale ; Loi du 26 mars 1993 sur le gel de la prescription pour des actes contraires à la justice commis sous le régime du Parti socialiste unifié (loi sur la prescription) Jurisprudence : Arrêt Akkoç c. Turquie, nos 22947/93 et 22948/93, 10.10.2000, § 77 ; Arrêt C.R. c. Royaume-Uni du 22 novembre 1995, série A n° 335-C, pp. 68-69, §§ 32-34 ; Arrêt Foti et autres c. Italie du 10 décembre 1982, série A n° 56, p. 15, § 44 ; Arrêt Irlande c. Royaume-Uni du 18 janvier 1978, série A n° 25, p. 90, § 238 ; Arrêt Kopp c. Suisse du 25 mars 1998, Recueil des arrêts et décisions 1998-II, p. 541, § 59 ; Arrêt Osman c. Royaume-Uni du 28 octobre 1998, Recueil 1998-VIII, p. 3159, § 115 ; Arrêt Rehbock c. Slovénie, 28.11.2000, n° 29462/95, CEDH-..., § 63 ; Arrêt S.W. c. Royaume-Uni du 22 novembre 1995, série A n° 335-B, pp. 41-42, §§ 34-36 ; Arrêt Schenk c. Suisse du 12 juillet 1988, série A n° 140, p. 29, § 45 ; Arrêt Streletz, Kessler et Krenz c. Allemagne, 22.3.2001, nos. 34044/96, 35532/97 et 44801/98, §§ 71-72 et § 78 Sources externes Pacte international relatif aux droits civils et politiques, articles 6 et 12 Résolution 1503 de Conseil économique et social des Nations Unies Déclaration universelle des Droits de l'Homme, articles 3 et 6 27/03/2001

LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME N° 27 – MARS 2001 49

Cour (Grande chambre) SUTHERLAND c. ROYAUME-UNI n°00025186/94 27/03/2001 DISCRIMINATION ; SEXE ; AUTRE SITUATION ; RESPECT DE LA VIE PRIVEE ; LITIGE RESOLU Radiation du rôle (solution du litige) Articles 8+14 ; 37-1-b Droit en cause Loi de 1956 sur les délits sexuels, articles 12 § 1 et 13 ; Loi de 1967 sur les délits sexuels, article 1 M. Sutherland, ressortissant britannique né en 1977 et résidant à Londres, avait pris conscience vers l’âge de douze ans de son inclination pour les autres garçons. A l’âge de quatorze ans, il avait tenté de fréquenter une jeune fille, mais cette expérience avait confirmé qu'il ne pourrait nouer une relation épanouissante qu'avec un autre homme. Il fit sa première rencontre homosexuelle alors qu'il avait seize ans ; son partenaire avait son âge et était lui aussi homosexuel. Ils eurent des rapports sexuels mais étaient préoccupés par le fait que de tels actes étaient réprimés par la loi pénale telle qu’elle s’appliquait à l’époque. Il alléguait que le fait qu’au Royaume-Uni l’âge minimal pour des actes sexuels légaux entre hommes fût fixé à dix-huit ans (contre seize pour les femmes) portait atteinte à son droit au respect de sa vie privée tel que le garantit l’article 8 de la Convention européenne des Droits de l’Homme. Il invoquait aussi l’article 14 (interdiction de la discrimination).En 1990, 455 inculpations avaient débouché sur 342 condamnations et, en 1991, 213 inculpations se soldèrent par 169 condamnations. Euan Sutherland ne fut jamais poursuivi. A la suite du rapport de la Commission européenne des Droits de l’Homme, du 1er juillet 1997, qui concluait que le requérant était victime d’une violation de l’article 8 de la Convention combiné avec l’article 14, le Gouvernement déposa en juin 1998 devant le Parlement un projet de loi sur la criminalité et les troubles à l’ordre public (Crime and Disorder Bill) qui tendait à abaisser de dix-huit à seize ans l’âge du consentement pour des actes homosexuels entre hommes. La loi de 2000 portant amendement à la loi sur les délits sexuels, qui ramène à seize ans l’âge du consentement pour les actes homosexuels entre hommes, est entrée en vigueur le 8 janvier 2001. Après l’entrée en vigueur de la loi, la Cour européenne des Droits de l’Homme a reçu des deux parties une demande l’invitant à rayer l’affaire du rôle et confirmant que le

Gouvernement avait remboursé les frais de justice du requérant. Eu égard à cette information, et prenant acte de ce que les nouvelles dispositions lèvent le risque ou la menace de poursuites qui est à l’origine de la requête, la Cour raye l’affaire du rôle. (Arrêt de Grande Chambre définitif - existe en anglais et en français.)] Cour (troisième section) KERVOÊLEN c. FRANCE n°00035585/97 27/03/2001 DECIDER ; DROITS ET OBLIGATIONS DE CARACTERE CIVIL ; GRIEF DEFENDABLE Non-violation de l'art. 6-1 ; Non-violation de l'art. 13 Opinions séparées Loucaides (dissidente) Droit en cause Code des débits de boissons, article L. 44 Jurisprudence : Arrêt Tre Traktörer AB c. Suède du 7 juillet 1989, série A n° 159, § 39, § 43 ; Arrêt Fayed c. Royaume-Uni du 21 septembre 1994, série A n° 294-B, pp. 46-47, §§ 58 à 61 Cour (troisième section) KADRI c. FRANCE n°00041715/98 27/03/2001 DELAI RAISONNABLE DUREE D’UNE PROCEDURE FISCALE (12 ans, deux mois et cinq jours) PROCEDURE PENALE Violation de l'art. 6-1 ; Dommage matériel - demande rejetée ; 50 000 FRF pour dommage moral et 35 880 FRF pour frais et dépens. Jurisprudence : Arrêt Pélissier et Sassi c. France du 25 mars 1999 [GC], n° 25444/94, CEDH 1999-II, § 67 ; Arrêt J.B. c. France du 26 septembre 2000, n° 33634/96, § 18 Cour (première section) JOLY c. FRANCE n°00043713/98 27/03/2001 DELAI RAISONNABLE; PROCEDURE CIVILE (cinq ans, trois mois et 27 jours) Violation de l'art. 6-1 ; 10 000 francs français (FRF) pour dommage moral et 5 000 FRF pour frais et dépens. Jurisprudence : Arrêt Frydlender c. France [GC], n° 30979/96, § 43, CEDH 2000 29/03/01 Cour (deuxième section) ROCCHI c. ITALIE n°00044375/98 29/03/2001 DELAI RAISONNABLE (entamée en octobre 1988 et toujours pendante); PROCEDURE CIVILE( relative à une demande d’indemnité pour le décès de son père dû à une maladie contractée pendant la guerre.); CONCLUSION D'UN REGLEMENT AMIABLE Radiation du rôle (règlement amiable : 18 000 000 ITL)

LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME N° 27 – MARS 2001 50

Cour (deuxième section) THOMA c. LUXEMBOURG n°00038432/97 29/03/2001 ART 10 : LIBERTE D'EXPRESSION ; INGERENCE {ART 10} ; PREVUE PAR LA LOI; PROTECTION DE LA REPUTATION D'AUTRUI ; PROTECTION DES DROITS D'AUTRUI ; NECESSAIRE DANS UNE SOCIETE DEMOCRATIQUE {ART 10} Violation de l'art. 10 ; Dommage matériel - réparation pécuniaire ; 741 440 francs luxembourgeois (LUF) Préjudice moral - constat de violation suffisant ; 600,000 LUF pour ses frais et dépens. Opinions séparées Bonnello (partiellement dissidente) Droit en cause Code civil, articles 1382 et 1383 Loi sur la presse de 1869, article 18 Jurisprudence : Arrêt Bladet Tromsø et Stensaas c. Norvège [GC], n° 21980/93, Recueil 1999-III, § 62 ; Arrêt Bottazzi c. Italie, n° 34884/97, CEDH 1999-V ; Arrêt De Haes et Gijsels c. Belgique du 24 février 1997, Recueil des arrêts et décisions 1997-I, pp. 233-234, § 37 ; Arrêt Fressoz et Roire c. France [GC], n° 29183/95, CEDH 1999-I, § 45 ; Arrêt Goodwin c. Royaume-Uni du 27 mars 1996, Recueil 1996-II, pp. 500-501, § 40 ; Arrêt Handyside c. Royaume-Uni du 7 décembre 1976, série A n° 24, p. 23, § 49 ; Arrêt Janowski c. Pologne du 21 janvier 1999, Recueil 1999-I, § 33 ; Arrêt Jersild c. Danemark du 23 septembre 1994, série A n° 298, pp. 25-26, §§ 35 et 37 ; Arrêt Lehideux et Isorni c. France du 23 septembre 1998, Recueil 1998-VII, fasc. 92, § 39 ; Arrêt Lingens c. Autriche du 8 juillet 1986, série A n° 103, pp. 24-25, §§ 34-37 et p. 26, § 41 ; Arrêt Oberschlick c. Autriche du 23 mai 1991, série A n° 204, p. 25, §57 ; Arrêt Oberschlick c. Autriche (n° 2) du 1er juillet 1997, Recueil 1997-IV, p. 1275, § 29 ; Arrêt Observer et Guardian c. Royaume-Uni du 26 novembre 1991, série A n° 216, p. 30, § 59 ; Arrêt Prager et Oberschlick c. Autriche du 26 avril 1995, série A n° 313, p. 19, § 38 ; Arrêt Thorgeir Thorgeirson c. Islande du 25 juin 1992, série A n° 239, p. 28, § 63. Cour (deuxième section) KOSMOPOLIS S.A. c. GRECE n°00040434/98 29/03/2001 DELAI RAISONNABLE ; PROCEDURE CIVILE (neuf ans et dix mois) Violation de l'art. 6-1 ; Dommage matériel - demande rejetée ; 2 000 000 GRD pour dommage moral et 2 000 000 GRD pour frais et dépens. Jurisprudence : Arrêt Capuano c. Italie du 25 juin 1987, série A n° 119-A, § 37 ; Arrêt Pafitis et autres c. Grèce du 26 février 1998, Recueil des arrêts et décisions 1998-I, p. 458, § 93 ; Arrêt Papageorgiou c. Grèce (arrêt

du 22 octobre 1997, Recueil 1997-VI, pp. 2290-2291, §§ 47-49 ; Arrêt Papamichalopoulos et autres c. Grèce du 31 octobre 1995 (article 50), série A n° 330-B, § 47 Cour (Grande chambre) D.N. c. SUISSE n°00027154/95 29/03/2001 Article 5-4 : CONTROLE PAR UN TRIBUNAL ; GARANTIES PROCEDURALES DE CONTROLE Violation de l'art. 5-4 ; Préjudice : 3 000 francs suisses (CHF) pour dommage moral et 3 500 CHF pour frais et dépens. Opinions séparées Wildhaber, Türmen, Butkevych, Baka et Botoucharova (opinion dissidente) Droit en cause Article 397e § 5 du code civil Arrêts du Tribunal fédéral de 1984 (ATF 110 II 122), 1992 (ATF 118 II 253), 1993 (ATF 119 Ia 260 et 119 II 319) Article 6 du règlement de procédure de la Commission des recours administratifs du canton de Saint-Gall Jurisprudence : Arrêt Castillo Algar c. Espagne du 28 octobre 1998, Recueil des arrêts et décisions 1998-VIII, p. 3116, §§ 43 et suiv. ; Arrêt De Wilde, Ooms et Versyp c. Belgique du 18 juin 1970, série A n° 12, pp. 41-42, § 78 ; Arrêt de Haan c. Pays-Bas du 26 août 1997, Recueil 1997-IV, pp. 1392-93, § 51 ; Arrêt Hauschildt c. Danemark du 24 mai 1989, série A n° 154, p. 21, § 47 et § 48 ; Arrêt Niedbala c. Pologne, n° 27915/95, § 66, 4 juillet 2000, non publié ; Arrêt Nilsen et Johnsen c. Norvège [GC], n° 23118/93, § 62, CEDH 1999-VIII ; Arrêt Piersack c. Belgique du 1 octobre 1982, série A n° 53, p. 15, § 30 (d) ; Arrêt Stallinger et Kuso c. Autriche du 23 avril 1997, Recueil 1997-II, p. 677, § 37 ; Arrêt Weeks c. Royaume-Uni du 2 mars 1987, série A n° 114, p. 30, § 61 ; Arrêt X c. Royaume-Uni du 5 novembre 1981, série A n° 46, p. 23, § 53 Cour (deuxième section) GERMANO c. ITALIE n°00031379/96 29/03/2001 ACCES A UN TRIBUNAL ; PROCEDURE D'EXECUTION ; PROCEDURE CIVILE ; (plus de huit ans) RESPECT DES BIENS (impossibilité de recouvrer la possession de son appartement faute de pouvoir obtenir l’assistance de la police); CONCLUSION D'UN REGLEMENT AMIABLE Radiation du rôle (règlement amiable : 40 000 000 lires italiennes (ITL) (L’arrêt n’existe qu’en anglais.) Cour (deuxième section) HARALAMBIDIS ET AUTRES c. GRECE n°00036706/97 29/03/2001 DELAI DE SIX MOIS ; DECISION INTERNE DEFINITIVE Exception préliminaire retenue (délai de six mois) Jurisprudence : Papachelas c. Grèce [GC], n°

LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME N° 27 – MARS 2001 51

31423/96, § 30, CEDH 1999-II ; Worm c. Autriche du 29 août 1997, Recueil des arrêts et décisions 1997-V, p. 1547, § 33 . [Ioannis Haralambidis – premier requérant – était PDG de la première société requérante – Yeoryios Haralambidis-Liberpa SA, Greek Corporation of International Transports and General Enterprises SA (áíþíõìïò åôáéñßá) – et gérant de la deuxième société requérante – Liberpa International Road Transports Ltd (åôáéñßá ðåñéïñéóìÝíçò åõèýíçò). M. Haralambidis a fait l’objet d’une procédure pénale pour contrebande et autres infractions connexes. Bien que le requérant eût été acquitté, les autorités douanières infligèrent à ses sociétés une amende qui fut confirmée par les juridictions administratives. M. Haralambidis et ses deux sociétés alléguaient devant la Cour que les tribunaux administratifs n’avaient pas tenu compte de l’acquittement dont avait bénéficié le premier requérant. Ils dénonçaient également les amendes infligées, la durée de la procédure suivie et la non-divulgation de certaines preuves par les autorités douanières. Ils invoquaient l’article 6 § 1 (droit à un procès équitable dans un délai raisonnable) et 3 b) (droit à disposer des facilités nécessaires à la préparation de sa défense), l’article 4 du Protocole n° 7 (droit à ne pas être jugé ou puni deux fois pour la même infraction) et l’article 1 du Protocole n° 1. Constatant que la requête avait été introduite le 5 juin 1997, soit plus de six mois après la signature (le 1er juillet 1996) de la dernière décision pertinente rendue par les juridictions grecques la Cour juge, à l’unanimité, qu’elle ne peut examiner le fond de l’affaire pour cause de tardiveté. (L’arrêt n’existe qu’en anglais.)] Cour (deuxième section)

ZOHIOU c. GRECE n°00040428/98 29/03/2001 DELAI RAISONNABLE (treize ans et dix mois); PROCEDURE CIVILE(procédure de liquidation d’un régime matrimonial); CONCLUSION D'UN REGLEMENT AMIABLE Radiation du rôle (règlement amiable : 4 250 000 drachmes grecs (GRD)) Arrêts de Chambre non définitifs : L’article 43 de la Convention européenne des Droits de l’Homme prévoit que, dans un délai de trois mois à compter de la date de l’arrêt d’une chambre, toute partie à l’affaire peut, dans des cas exceptionnels, demander le renvoi de l’affaire devant la Grande Chambre (17 membres) de la Cour. En pareille hypothèse, un collège de cinq juges examine si l’affaire soulève une question grave relative à l’interprétation ou à l’application de la Convention ou de ses Protocoles ou encore une question grave de caractère général. Si tel est le cas, la Grande Chambre statue par un arrêt définitif. Si tel n’est pas le cas, le collège rejette la demande et l’arrêt devient définitif. Pour le reste, les arrêts de chambre deviennent définitifs à l’expiration dudit délai de trois mois ou si les parties déclarent qu’elles ne demanderont pas le renvoi de l’affaire devant la Grande Chambre.�

Vous pouvez retrouver Le Journal des Droits de l’Homme (version électronique)

dès le jour de sa parution sur l’Internet sur le site de l’IDHAE: http// :www.uae.lu/dh

ou sur le site internet de l’IDHBB http://www.idhbb.org

AVOCATS EN PERIL

ARGENTINE

Nouvelles manœuvres d'intimidation et actes de violences contre Carlos Varela Diego Lavado

Alejandro Acosta

LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME N° 27 – MARS 2001 52avocats spécialisés dans la défense des droits humains

Un groupe d'avocats de la province de Mendoza, qui représentent les familles de victimes d'atteintes aux droits humains, ont été les cibles de nouvelles manœuvres d'intimidation. Malgré les assurances données par les autorités, les mesures nécessaires pour garantir leur protection n'ont pas été prises. Lorsqu'ils sont arrivés sur leur lieu de travail le 2 mars, ils ont découvert que pendant la nuit, la plaque qui se trouvait sur la façade de leur cabinet avait été retirée, et que la lampe au-dessus de la porte avait été enlevée et les câbles arrachés. Des outils de professionnels avaient, semble-t-il, été utilisés et il avait fallu un certain temps pour accomplir ce travail, mais ceux qui s'en étaient chargés avaient pu le faire sans être dérangés. Les avocats craignent que cet acte de vandalisme apparemment sans importance ne soit en réalité une menace, étant donné les manœuvres d'intimidation et de harcèlement répétées auxquelles ils ont été confrontés jusqu'ici. Ils ont porté plainte auprès du ministre de la Justice et de la Sécurité de la province de Mendoza à propos de cet incident. Répondant à de précédents appels envoyés par les membres du Réseau d'Actions urgentes, le ministère avait assuré à Amnesty International que ces avocats bénéficieraient de toutes les garanties requises par l'exercice de leur profession et qu'il respectait leur travail. Cela n'a apparemment pas suffit à les protéger contre de nouvelles tentatives d'intimidation. INFORMATIONS GÉNÉRALES Les manœuvres de harcèlement et d'intimidation à l'encontre de ces avocats ont débuté en juin 1997, après qu'ils se furent chargés du cas de José Segundo Zambrano et Pablo Rodríguez, apparemment "disparus" après être allés rejoindre un membre de la police de Mendoza. Des allégations diffamatoires concernant ces hommes de loi ont été communiquées à la presse, et la radio et la télévision locales se sont fait l'écho d'informations mensongères indiquant que l'un d'entre eux, Diego Lavado, avait été arrêté. Les corps de José Segundo Zambrano et Pablo Rodríguez ont été découverts en juillet 1997. Des poursuites judiciaires ont été engagées contre un policier et un civil. Les avocats ont été de nouveau harcelés lorsqu'ils se sont chargés du dossier de Sebastián Bordón, un jeune homme de dix-huit ans porté disparu en 1997 après avoir été confié à la garde de policiers au cours d'un voyage scolaire. En août 2000, sept policiers et deux civils ont été jugés pour leur implication présumée dans l'homicide de Sebastián Bordón. Les avocats, qui représentaient la famille Bordón, ont été menacés dans le cadre d'appels téléphoniques anonymes (pour obtenir de plus amples informations, voir l'AU 261/00, AMR 13/014/00 du 4 septembre 2000). Cinq des policiers mis en cause ont été condamnés en décembre 2000 à des peines allant de deux ans d'emprisonnement à quinze ans de réclusion. Ils ont interjeté appel de leurs condamnations. En octobre 2000, on s'est introduit par effraction dans le cabinet des avocats ; des documents ainsi que des fichiers informatiques y ont été dérobés, et des dossiers relatifs aux deux affaires impliquant des policiers de Mendoza ont été feuilletés. Des correspondants anonymes ont ensuite affirmé par téléphone aux avocats que deux anciens policiers entretenant des liens avec la Dirección de Investigaciones de la Policía (Direction de la police judiciaire) de Mendoza étaient responsables de ce vol avec effraction. L'ouverture d'une enquête sur ce cambriolage a été annoncée, mais elle n'a donné jusqu'ici aucun résultat. Amnesty International a fait part de sa préoccupation à maintes reprises aux autorités, tant au niveau fédéral que provincial, en déplorant que la sécurité des témoins ne soit pas garantie dans le cadre des procédures judiciaires relatives à des violations des droits humains, et que des avocats spécialisés dans la défense des droits fondamentaux, des journalistes et les proches de victimes soient menacés et intimidés. ACTION RECOMMANDÉE : aérogramme / télégramme / lettre par avion / fax (en espagnol ou dans votre propre langue) : – déclarez-vous inquiet à l'idée que les avocats spécialisés dans la défense des droits humains Carlos Varela, Diego Lavado et Alejandro Acosta ainsi que trois de leurs collègues sont toujours intimidés et harcelés, apparemment en raison de leurs activités professionnelles légitimes ; – demandez instamment aux autorités de prendre toutes les mesures que ces avocats jugeront nécessaires pour garantir leur propre protection ;

LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME N° 27 – MARS 2001 53– appelez les autorités à ordonner l'ouverture d'une enquête exhaustive et impartiale sur ce dernier incident, à rendre publics les résultats de ces investigations et à traduire en justice les responsables présumés de ces agissements ; – demandez aux autorités quels progrès ont été accomplis dans le cadre de l'enquête qu'elles avaient précédemment annoncée sur les menaces visant ces avocats. APPELS À : Autorités de la province : Ministre de la Justice et de la Sécurité de la province de Mendoza : Ministro de Justicia y Seguridad de la Provincia de Mendoza Dr. Leopoldo Manuel Orquín Salta 672, Godoy Cruz, 5501 Mendoza Argentine Télégrammes : Ministro Justicia, Provincia Mendoza, Argentine Fax : + 54 261 449 9083 Formule d'appel : Sr. Ministro, / Monsieur le Ministre,

Gouverneur de la province de Mendoza : Sr. Gobernador de la Provincia de Mendoza Sr. Roberto Iglesias Casa de Gobierno, 5500 Mendoza Argentine Télégrammes : Gobernador Provincia, Mendoza, Argentine Fax : + 54 261 449 2142 / 54 261 449 2143 Formule d'appel : Sr. Gobernador, / Monsieur le Gouverneur,

Autorités nationales : Ministre argentin de la Justice et des Droits humains : Sr. Ministro de Justicia y Derechos Humanos Dr. Jorge de la Rúa Ministerio de Justicia y Derechos Humanos Sarmiento 329, 5o. Piso, 1041 Buenos Aires Argentine Télégrammes : Ministro Justicia, Buenos Aires, Argentine Fax : + 54 11 4328 5395 Formule d'appel : Sr. Ministro, / Monsieur le Ministre,

COPIES À : Federación Argentina de Colegios de Abogados Association d'avocats : Avenida de Mayo 651, 2° piso Buenos Aires Argentine

Diario Los Andes Journal de la province de Mendoza : Avenida San Martin 1049 5500 Mendoza Argentine

ainsi qu'aux représentants diplomatiques de l'Argentine dans votre pays. PRIÈRE D'INTERVENIR IMMÉDIATEMENT. APRÈS LE 20 AVRIL 2001, VÉRIFIEZ AUPRÈS DE VOTRE SECTION S'IL FAUT ENCORE INTERVENIR. MERCI.

(Source Amnesty International : DOCUMENT PUBLIC ÉFAI – 010156 – AMR 13/005/01 Action complémentaire sur l'AU 331/00 (AMR 13/016/00 du 27 octobre 2000)

BOLIVIE

Nouvelles menaces contre

Waldo Albarracín, défenseur des droits humains

Président de l'Assemblée Permanente des Droits de l'Homme de Bolivie (APDHB) et contre sa famille

Un correspondant anonyme a menacé par téléphone de tuer le président d'une organisation de défense des droits humains de premier plan, Waldo Albarracín. Amnesty International pense que cet homme et les membres de sa famille sont en grand danger. Waldo Albarracín, qui exerce la profession d'avocat et enseigne à l'université, est le président de l'Asamblea Permanente de los Derechos Humanos (APDH, Assemblée permanente de défense des droits humains). Ces menaces téléphoniques lui ont été adressées à son domicile.

LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME N° 27 – MARS 2001 54

Le 22 février, Rodrigo Albarracín, seize ans, a décroché le téléphone et s'est vu déclarer que son père avait été "condamné à mort". L'APDH a signalé ces menaces à la Comisión de Derechos Humanos de la Cámara de Diputados (Commission des droits humains de la Chambre des députés), au Defensoría del Pueblo (Bureau du médiateur), au ministre de la Justice et des Droits humains ainsi qu'au ministre de l'Intérieur, et a demandé qu'elles fassent l'objet d'une enquête exhaustive. Le ministère de l'Intérieur a répondu qu'il ne disposait d'aucune autre information sur cette affaire. Lorsque la femme de Waldo Albarracín, Sonia Vallejos, a décroché son téléphone le 28 février, elle s'est vu indiquer que c'était le "deuxième avertissement" adressé à son mari et que les menaces de mort valaient pour toute la famille. Quand elle a répondu à un troisième appel, le 5 mars, elle a reconnu la même voix, qui lui a déclaré que Waldo Albarracín recevait un "troisième avertissement". Amnesty International pense que ces menaces sont liées à l'engagement de cet homme en faveur des droits humains. INFORMATIONS COMPLEMENTAIRES Le samedi 25 janvier 1997, Waldo Albarracín a été enlevé par des membres de la police dans la capitale, La Paz. Ils lui ont bandé les yeux et l'ont retenu captif durant plusieurs heures, au cours desquelles ils l'ont battu et menacé de mort. Ses ravisseurs l'ont finalement laissé au siège de la police. Cette procédure irrégulière d'arrestation accompagnée de mauvais traitements qui ont entrainé son hospitalisation et une convalescence pour raison médicale. Aucune charge n'a été retenue contre les fonctionnaires impliqués dans ces agissements. Waldo Albarracín a été menacé à maintes reprises en raison de ses activités de défenseur des droits humains Lui et sa famille ont fait l'objet de trois Actions urgentes (AU 27/97 et ses mises à jour, AU 40/98 et AU 258/99) depuis janvier 1997, mais les autorités n'ont mené jusqu'ici aucune enquête sur les tentatives d'intimidation dont ils ont été les cibles. Le 19 février 1998, le Rapporteur spécial de l’ONU a envoyé au gouvernement un appel urgent concernant M. Waldo Albarracin. D'après les renseignements reçus, M. Albarracin et ses deux enfants auraient reçu des menaces par téléphone le 5 du même mois. Il ne recevait pas de réponse. En août 2000, le secrétaire aux affaires juridiques de l'APDH, Sacha Llorentti, a reçu des menaces de mort par deux fois sur son téléphone portable, se voyant déclarer que ses jours étaient comptés (voir l'AU 238/00, AMR 18/010/00 du 10 août 2000). En 1999, le président de la section de Santa Cruz de l'APDH, Adalberto Rojas, a également été menacé par téléphone et on s'est introduit par effraction dans les locaux de la section, dont l'ordinateur a été détruit. Pour obtenir de plus amples informations sur l'enlèvement et l'agression dont a été victime Waldo Albarracín en 1997, veuillez consulter le document intitulé Bolivie. La Bolivie entrave l'action des défenseurs des droits de l'homme (index AI : AMR 18/10/97, mai 1997). ACTION RECOMMANDÉE : télégramme / aérogramme / lettre par avion / fax (en espagnol ou dans votre propre langue) : – dites-vous préoccupé par le fait que Waldo Albarracín et sa famille ont été menacés de mort par téléphone le 22 février, le 28 février et le 5 mars 2001 ; – demandez aux autorités de prendre immédiatement des mesures pour que Waldo Albarracín et ses proches soient efficacement protégés, afin qu'il puisse poursuivre ses activités légitimes en faveur des droits humains ; – appelez les autorités à ordonner dans les plus brefs délais l'ouverture d'une enquête exhaustive et impartiale sur ces menaces de mort, à rendre publics les résultats de ces investigations, et à traduire en justice les responsables présumés ; – exhortez les autorités à condamner publiquement toute forme de harcèlement ou d’intimidation visant des défenseurs des droits humains, et à reconnaître officiellement que ces militants contribuent de manière essentielle à la protection des libertés fondamentales et à l'émergence d'une société dans laquelle les droits de la personne humaine soient pleinement respectés. APPELS À : Président : Excmo. Sr. Presidente Gral. Hugo Banzer Palacio de Gobierno La Paz, Bolivie

Télégrammes : Presidente, La Paz, Bolivie Fax : + 5912 391216 / 392606 (Si un correspondant vous

répond, demandez : « Me puede dar tono de fax por favor. »)

Formule d'appel : Señor Presidente, / Monsieur le

Président de la République,

LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME N° 27 – MARS 2001 55

Ministre de l'Intérieur : Ministro de Gobierno Sr. Guillermo Fortún Ministerio de Gobierno Av. Arce esq. Belisario Salinas La Paz, Bolivie Télégrammes : Ministro Gobierno, La Paz, Bolivie Fax : + 5912 442 589

Formule d'appel : Señor Ministro, / Monsieur le Ministre,

Ministre de la Justice et des Droits humains :

Ministro de Justicia y Derechos Humanos

Dr. Luis Vázquez Ministerio de Justicia

Avenida 16 de Julio (El Prado), 1769 La Paz, Bolivie

Télégrammes : Ministro Justicia, La Paz, Bolivie Fax : + 5912 392 982

Formule d'appel : Señor Ministro, / Monsieur le Ministre,

COPIES À : Organisation de défense des droits humains : Asamblea Permanente de Derechos Humanos Cajón Postal 9282 La Paz, Bolivie

Bureau du médiateur : Defensoría del Pueblo Casilla 10928 La Paz, Bolivie

Journal : Presencia Av. Mariscal Santa Cruz 2150 La Paz, Bolivie

ainsi qu'aux représentants diplomatiques de la Bolivie dans votre pays.

PRIÈRE D'INTERVENIR IMMÉDIATEMENT.

APRÈS LE 19 AVRIL 2001, VÉRIFIEZ AUPRÈS DE VOTRE SECTION S'IL FAUT ENCORE INTERVENIR. MERCI.

(Source : Amnesty International AU 51/01 DOCUMENT PUBLIC ÉFAI – 010154 – AMR 18/001/01)

Vous pouvez retrouver Le Journal des Droits de l’Homme

(version électronique) dès le jour de sa parution sur l’Internet sur le site de l’IDHAE:

http// :www.uae.lu/dh ou sur le site internet de l’IDHBB

http://www.idhbb.org

VIENT DE PARAITRE

International and European Instruments (A Collection of)

par Christine Van den Wyngaert Kluwer Law International

Chacun peut constater que la loi pénale internationale pénètre chaque jour davantage dans les systèmes nationaux de justice pénales. La " part " de marché de la loi pénale internationale est bien en progression constante. Aussi la nouvelle édition mise à jour de ce recensement des grands textes du droit pénal international était elle une nécessité. Depuis la dernière édition (1996), plus de vingt nouvelles conventions à vocation pénale internationale ont été ouvertes à la signature des états, y compris le Statut de Rome pour la Cour Pénale Internationale (1998), les Conventions pour la répression des attentats terroristes à l'explosif (1998), contre le financement du terrorisme (2000) et la Convention EU relative à l'entraide judiciaire en matière pénale (2000).

LE JOURNAL DES DROITS DE L’HOMME N° 37 JANVIER 2002

56

On y trouvera, inutile de le dire, les plus importants instruments des droits de l’homme, qu’ils soient universels ou régionaux, mais aussi une sélection d'instruments relatifs aux cours pénales internationales en partant des Chartes des Tribunaux de Nuremberg et de Tokyo pour en arriver aux statuts des deux tribunaux internationaux actuels (le tribunal pour l’ex-Yougoslavie (1993) et le tribunal d’Arusha (1994) et - bien évidemment – au dernier en date, le Statut de Rome de la future CPI, qui chemine actuellement vers la moitié des ratifications nécessaires pour son entrée en vigueur (29/60). International and European Instruments (Suite) Le troisième chapitre est consacré aux codifications les plus importantes qui forment l’amorce d’un véritable code pénal international tandis que le chapitre 4 contient une sélection des conventions internationales applicables aux crimes internationaux les plus importants : crimes de guerre, crimes contre l’humanité, terrorisme, corruption jusqu’au blanchiment, crime organisé (financement du terrorisme, trafic de drogue...) et aux infractions contre l’environnement, tandis que le cinquième chapitre, enfin, évoque les formes de co-opération internationale et inter-étatiques de lutte contre la criminalité tel qu'extradition, coopération entre les polices, entraide judiciaire, exécution des décisions , transfert de prisonniers... Toute sélection relève d’un exercice hasardeux. Et celle-ci confesse dès l’introduction ses limites (volontaires) dans l'espace et dans le temps : la période suivant la deuxième guerre mondiale et les instruments universels et européens. Mais la double limitation cède dès lors que la vocation de l’ouvrage est de réunir tout ce qui peut être utile au praticien. Aussi ne s’étonnera pas d’y retrouver, outre les textes déjà évoqués, les instruments latino-américains les plus importants (torture, disparitions forcées et corruption). Pas plus que des extraits du Traité de Versailles (de 1919) ou des textes qui sont des projections vers l’avenir. Ainsi, Christine van den Wyngaert n’a pas résisté à la tentation d’ajouter le texte du Corpus Juris 2000 à la sélection. Malheureusement, cette somme de plus de mille pages est en anglais. L’éditeur nous doit la version française. B.F. INTERNATIONAL CRIMINAL LAW A Collection of International and European Instruments Second Revised Edition edited by Christine Van den Wyngaert, Professor de Law, University of Antwerp, Belgium, Assistant Editor: Guy Stessens, Lecturer in Law, University of Antwerp, Belgium Ignace Van Daele. Kluwer Law International, The Hague ISBN 90-411-1444-0 September 2000, 1108 pp. EUR 43.00

Le Journal des Droits de l’Homme est préparé par l’Institut des Droits de l’Homme des Avocats Européens et

par l’Institut des Droits de l’Homme du Barreau de Bordeaux. Le Journal des Droits de l’Homme. Supplément gratuit réservé aux membres de l’IDHBB. Ne peut être vendu.

Directeur de la publication : Bertrand Favreau

IDHBB - Maison de l’Avocat 18-20 Rue du Maréchal-Joffre 33000 BORDEAUX

Courrier du Président : 8, Place Saint-Christoly 33000 BORDEAUX

http://www.idhbb.org e-mail : [email protected]

Copyright © 2000 by IDHBB and IDHAE