cinemateur01.com GIMME DANGER

2
Fiche n° 1465 Gimme danger Du 15 au 21 mars 2017 http://cinemateur01.com Après le paisible Paterson, retour au bruit. Au rock. Fan depuis toujours des Stooges et de son leader charis- matique, Iggy Pop, Jim Jarmusch leur consacre ce do- cumentaire, parsemé d'images de concerts avec happe- nings (mutilations, plongeons depuis la scène...), mais aussi de séquences en dessin animé et d'interviews. Et d'abord celle du chanteur de I wanna be your dog, qui raconte sans misérabilisme son enfance heureuse, avec ses parents, dans une caravane, et la création à Ann Ar- bor (Michigan), en 1967, de son groupe, avec Dave Alexander et les frères Asheton, Ron et Scott. Quatre « phénomènes » dotés de sacrées trognes ; Iggy Pop est aujourd'hui le seul à avoir survécu. C'est lui qui tire les fils de l'histoire, de manière vivante et drôle, sans ca- cher les pages sombres (la défonce, la galère), mais sans s'attarder dessus non plus il fait court et sonne juste, comme ses paroles. Gimme danger est un exercice d'admiration modeste on sent que Jarmusch veut s'effacer. Néanmoins, il dé- crit bien le statut particulier de ce groupe pionnier, à la fois maudit et mythique. Ses influences multiples, amé- ricaines et anglaises (avec la découverte des Who au Marquee de Londres), ce dernier les recracha dans un mélange brut de garage, de blues dévastateur et de jazz psychédélique. Outre « l'Iguane » et ses performances épiques, d'autres figures (Nico, Bowie...) sont évoquées. Du feu électrique, du fracas, du sang, le film en montre bien, mais il est aussi posé, sobre, évitant certains cli- chés du rock. Le mot qu'on entend le plus ne trompe pas : « cool ». Télérama Vilain morveux avec l’insolence dans les veines, les riffs dans la peau, les petits gars des Stooges ont marqué l’histoire du vinyle et de la scène punk, avant même sa naissance. Pourtant le grand pu- blic les connaît peu. Pour cause, des gaillards qui habiteront de leur présence ténébreuse et vaporeuse la structure, ne sont pas des rois des charts, le public aura retenu surtout le torse nu électrique d’un Iggy Pop fondateur, qui livre souvenirs sans cynisme, mais avec une magnifique acuité de décennies sous influence qui rend l’in- trospection attachante, avec les yeux d’un éternel garnement qui n’a pas encore grandi. Jarmusch, magnifique enfant du rock qui a fait de la musique l’un de ses étendards, employant régulièrement les grands poètes de l’Amérique rugueuse, de Tom Waits, star de Down by Law, à Neil Young, compositeur de Dead Man, à qu’il consacrera un documen- taire (Year of the horse), façonne avec Gimme Danger une chroni- que punk qui ravive une fois plus la flamme autour du groupe in- crevable, dont la réunion loin d’être papie-sque, à Coachella en 2003, fut un événement médiatique impeccable. A l’écart des standards pompiers des docu contemporains, Jar- musch cinéaste vedette s’efface pour redonner de la verve et de la pertinence à l’arrogance juvénile de comportements authentique- ment borderline, de ceux essentiels qui ont forgé l’histoire du rock. Avec des yeux d’éternel fan boy attendri par le parcours iconoclas- te de l’Iguane, il revisite les années pré-punk, où l’on évoque for- cément Bowie, qui invita Iggy Pop à Londres pour donner à sa carrière en solo un nouveau souffle, mais aussi Lou Reed, et même un certain Bob Dylan, chantre des protest songs dans les années 60, aux vers particulièrement denses, auxquels Iggy Pop a réagi par des paroles plus arrachées. Sans académisme, mais sans chercher toutefois à bousculer les conventions, le réalisateur de Paterson manifeste l’habilité des grands documentaristes, à l’écoute de ses sujets, dont il traduit la complexité et les contradictions socioculturelles, sans jamais cher- cher l’humidité du pathos. Il donne à la narration la force d’un background social suffisamment dosé pour laisser à cette jeunesse du Michigan la pertinence d’un docu où l’on s’émancipe aussi dans dans la défonce et les blackouts qui laissent des traces. Mieux qu’un énième biopic, Gimme danger scintille avec l’éclat brut du documentaire boosté à la passion et installe un peu plus les Stooges au Panthéon des mythes du XXe siècle. aVoir-aLire GIMME DANGER de Jim Jarmusch 1h48 - documentaire - EU - 01/02/2017 Fan de musique depuis son adolescence, le réalisateur Jim Jarmusch revient sur l'histoire des Stooges. Bénéficiant d'images d'archives rares, il a également pu interviewer Iggy Pop et les autres membres de ce groupe de rock mythique, dont la musique marqua son époque et fut un précurseur du mouvement punk. De son vrai nom James Osterberg, Iggy Pop revient ainsi sur son enfance, quand il habitait avec ses parents dans une caravane. C'est à la fin des années 1960 que le groupe se fait remarquer sur scène, où sa musique, mélange de rock, de blues et de free jazz fait rapidement fureur...

Transcript of cinemateur01.com GIMME DANGER

Page 1: cinemateur01.com GIMME DANGER

Fiche n° 1465

Gimme danger Du 15 au 21 mars 2017

http://cinemateur01.com

Après le paisible Paterson, retour au bruit. Au rock.

Fan depuis toujours des Stooges et de son leader charis-

matique, Iggy Pop, Jim Jarmusch leur consacre ce do-

cumentaire, parsemé d'images de concerts avec happe-

nings (mutilations, plongeons depuis la scène...), mais

aussi de séquences en dessin animé et d'interviews. Et

d'abord celle du chanteur de I wanna be your dog, qui

raconte sans misérabilisme son enfance heureuse, avec

ses parents, dans une caravane, et la création à Ann Ar-

bor (Michigan), en 1967, de son groupe, avec Dave

Alexander et les frères Asheton, Ron et Scott. Quatre «

phénomènes » dotés de sacrées trognes ; Iggy Pop est

aujourd'hui le seul à avoir survécu. C'est lui qui tire les

fils de l'histoire, de manière vivante et drôle, sans ca-

cher les pages sombres (la défonce, la galère), mais

sans s'attarder dessus non plus — il fait court et sonne

juste, comme ses paroles.

Gimme danger est un exercice d'admiration modeste —

on sent que Jarmusch veut s'effacer. Néanmoins, il dé-

crit bien le statut particulier de ce groupe pionnier, à la

fois maudit et mythique. Ses influences multiples, amé-

ricaines et anglaises (avec la découverte des Who au

Marquee de Londres), ce dernier les recracha dans un

mélange brut de garage, de blues dévastateur et de jazz

psychédélique. Outre « l'Iguane » et ses performances

épiques, d'autres figures (Nico, Bowie...) sont évoquées.

Du feu électrique, du fracas, du sang, le film en montre

bien, mais il est aussi posé, sobre, évitant certains cli-

chés du rock. Le mot qu'on entend le plus ne trompe

pas : « cool ». — Télérama

Vilain morveux avec l’insolence dans les veines, les riffs dans la

peau, les petits gars des Stooges ont marqué l’histoire du vinyle et

de la scène punk, avant même sa naissance. Pourtant le grand pu-

blic les connaît peu. Pour cause, des gaillards qui habiteront de leur

présence ténébreuse et vaporeuse la structure, ne sont pas des rois

des charts, le public aura retenu surtout le torse nu électrique d’un

Iggy Pop fondateur, qui livre souvenirs sans cynisme, mais avec

une magnifique acuité de décennies sous influence qui rend l’in-

trospection attachante, avec les yeux d’un éternel garnement qui

n’a pas encore grandi.

Jarmusch, magnifique enfant du rock qui a fait de la musique l’un de ses étendards, employant régulièrement les grands poètes de

l’Amérique rugueuse, de Tom Waits, star de Down by Law, à Neil

Young, compositeur de Dead Man, à qu’il consacrera un documen-

taire (Year of the horse), façonne avec Gimme Danger une chroni-

que punk qui ravive une fois plus la flamme autour du groupe in-

crevable, dont la réunion loin d’être papie-sque, à Coachella en

2003, fut un événement médiatique impeccable.

A l’écart des standards pompiers des docu contemporains, Jar-

musch cinéaste vedette s’efface pour redonner de la verve et de la

pertinence à l’arrogance juvénile de comportements authentique-

ment borderline, de ceux essentiels qui ont forgé l’histoire du rock. Avec des yeux d’éternel fan boy attendri par le parcours iconoclas-

te de l’Iguane, il revisite les années pré-punk, où l’on évoque for-

cément Bowie, qui invita Iggy Pop à Londres pour donner à sa

carrière en solo un nouveau souffle, mais aussi Lou Reed, et même

un certain Bob Dylan, chantre des protest songs dans les années

60, aux vers particulièrement denses, auxquels Iggy Pop a réagi par

des paroles plus arrachées.

Sans académisme, mais sans chercher toutefois à bousculer les

conventions, le réalisateur de Paterson manifeste l’habilité des

grands documentaristes, à l’écoute de ses sujets, dont il traduit la

complexité et les contradictions socioculturelles, sans jamais cher-

cher l’humidité du pathos. Il donne à la narration la force d’un background social suffisamment dosé pour laisser à cette jeunesse

du Michigan la pertinence d’un docu où l’on s’émancipe aussi dans

dans la défonce et les blackouts qui laissent des traces.

Mieux qu’un énième biopic, Gimme danger scintille avec l’éclat

brut du documentaire boosté à la passion et installe un peu plus les

Stooges au Panthéon des mythes du XXe siècle. aVoir-aLire

GIMME DANGER de Jim Jarmusch

1h48 - documentaire - EU - 01/02/2017

Fan de musique depuis son adolescence, le réalisateur Jim

Jarmusch revient sur l'histoire des Stooges. Bénéficiant d'images

d'archives rares, il a également pu interviewer Iggy Pop et les

autres membres de ce groupe de rock mythique, dont la musique

marqua son époque et fut un précurseur du mouvement punk. De

son vrai nom James Osterberg, Iggy Pop revient ainsi sur son

enfance, quand il habitait avec ses parents dans une caravane. C'est

à la fin des années 1960 que le groupe se fait remarquer sur scène,

où sa musique, mélange de rock, de blues et de free jazz fait

rapidement fureur...

Page 2: cinemateur01.com GIMME DANGER

Ces différents entretiens sont mis en scène par Jarmusch en filmant

de façon classique l’interlocuteur, ou via des échappées d’images

issues d’enregistrements vidéos, de photos, souvent de façon à

rebondir sur ce qui est dit. Mais Jarmusch peut aussi, pour faire

résonner la parole des protagonistes, s’appuyer sur des images aux provenances diverses, sans lien avec le groupe, mais qui évoquent

de façon symbolique, décalée ou humoristique ce qui vient d’être

dit. Cette approche, aussi inventive soit-elle, n’est pas forcément

d’une pertinence inoubliable, et peut finalement desservir le res-

senti beaucoup plus fort créé par la forme sèche et frontale propo-

sée le reste du temps. De même, certaines scènes illustrant les

anecdotes racontées via des séquences animées ne sont pas forcé-

ment transcendantes, d’autant plus que l’idée d’avoir recours à

cette forme est vite abandonnée.

Mais la mise en scène de Jarmusch fait mouche quand il s’agit de

convoquer les photos des membres du groupe, les vidéos de

concert montrant un Iggy Pop survolté, se contorsionnant, prenant

des poses extravagantes, et de faire surgir au sein de ces images la

puissance incomparable de la musique des Stooges. Il y a quelque

chose de fascinant à voir les photos de ces jeunes gens, de ces peti-

tes frappes arborant en pleine période hippie blousons cuir et croix

de guerre allemande, à écouter ces histoires rocambolesques de

pieds nickelés, et à voir que de cette vie de bohème chaotique

émerge une musique unique, sauvage, en total décalage vis-à-vis

des goûts de son temps. La réussite est complète lorsque l’on cons-

tate finalement qu’au terme du film, le cinéaste s’efface pour nous

laisser méditatif face à ce mystère né de l’alchimie entre un son de

guitare sale comme un trottoir, une ligne de basse obsédante, des

roulements de batterie tribaux, et une voix de possédé. En marge

de son époque, la musique des Stooges semble renouer avec une

transe resurgissant d’entre les âges, rejetant les modes éphémères

afin d’œuvrer via le chaos à la mise en forme d’un rite primitif

intemporel. Critikat

Cette même semaine jusqu’au 28 mars

L’autre côté de l’espoir

de Aki Kaurismaki 1h38 Finlande

SORTIE NATIONALE

La semaine prochaine

Les oubliés 1h41 All/Dan 01/03/2017

Le voyage du Groenland 1h38 France 30/11/2016

Séance unique Ciné-ma différence

OUVERTE à TOUS

Si les Stooges et leur descendance Punk ont cherché à rompre

avec les errements de la période hippie en revenant à une forme de

rock’n’roll brute et sans artifice, cette recherche d’une authenticité

primitive dans la musique a toujours été mis en avant par Jarmusch

via les multiples références dont il parsème ses films. Plus qu’un

simple « name dropping » souhaitant afficher la sûreté de ses goûts

en flattant les spectateurs qui les partagent, ces références révèlent

avant tout une certaine idée de la culture. Que cela soit Neil

Young, Joe Strummer, Tom Waits ou les White Stripes, ainsi que

les nombreuses évocations des héros du blues et de la country du

début du XXème siècle, Jarmusch met en avant des musiciens en

lien avec le folklore américain dans ce qu’il a de plus nu, de plus

authentique. Des travellings de Permanent Vacation dans les rues

new-yorkaises déglinguées et malfamées, aux parcours toujours

identiques effectués par le chauffeur de bus apprenti poète dans

Paterson, il s’agit à chaque fois pour Jarmusch de revenir au bitu-

me, de renouer avec la rue et la culture populaire qui en émerge.

Avec Gimme Danger, le cinéaste américain se penche donc tout

naturellement sur l’histoire des Stooges, groupe emmené par son

ami Iggy Pop.

Les Stooges viennent de la rue, et le documentaire racontera cette

histoire uniquement du point de vue de l’asphalte. Jarmusch, fidèle en cela à la singularité du ton des dialogues propre à ses films de

fiction, convoque l’histoire et l’art via la simple conversation, l’a-

necdote, au plus près du vécu. Et afin de plonger au cœur même de

cette folle aventure, le film débute par l’évocation de la fin du

groupe en 1974, consécutive à une série de concerts pathétiques

qui amenèrent les musiciens à considérer comme impossible la

poursuite d’une telle existence. Il s’agit dès le début de susciter

l’empathie du spectateur via le récit des derniers jours d’un groupe

à la trajectoire chaotique, qui humainement et matériellement n’é-

tait plus mesure de continuer, d’un groupe finalement incompris

par son époque, seul au monde et dépassé. Profitant sans doute des relations amicales qu’il a tissées au fil des années avec les musi-

ciens, et notamment avec Iggy Pop, Jarmusch mise avant tout sur

la captation d’une parole recueillie dans un cadre intime. Ce fai-

sant, il se refuse à élargir le panel des intervenants en dehors des

Stooges eux-mêmes et de leur entourage de l’époque, afin de ne

pas noyer le récit de leur quotidien rocambolesque par des digres-

sions extérieures établies a posteriori, aussi pertinentes soient-

elles. Iggy Pop, l’impeccable show man, se contente pourtant du-

rant tout le documentaire de raconter l’histoire des Stooges et la

sienne, et ce le plus simplement du monde, tranquillement assis

chez lui. Jamais il n’intellectualise son travail, même s’il peut être

amené à décrire quelques particularités de son chant, de sa prestan-ce scénique, ou du style musical inimitable de ses compères. La

mise en perspective du contexte historique, politique et social ne

proviendra pas d’une voix off extérieure, mais sera évoqué par les

acteurs mêmes, qui intégreront ces aspects au sein de leurs témoi-

gnages et souvenirs. Seul un court moment amènera le cinéaste à

prendre du recul afin d’évoquer ce qui paraît inévitable, à savoir

l’influence décisive qu’exercera le groupe quelques années après

leur séparation, rappelant que bien qu’incomprise en son temps la

musique des Stooges avait donné le « la » des décennies à venir.