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UNIVERSITE PIERRE MENDES FRANCE U.F.R. Science de l’Homme et de la Société
BP 47 - 38040 GRENOBLE Cedex 9
FACILITATION SOCIALE ET COMPARAISON SOCIALE : DE LA MENACE DE L’AUTO-EVALUATION A LA FOCALISATION ATTENTIONNELLE
THESE DE DOCTORAT NOUVEAU REGIME
Mention : Psychologie Sociale Expérimentale
Dominique Muller
Laboratoire de Psychologie Sociale Grenoble – Chambéry
Ecole Doctorale « Ingénierie pour le vivant »
Sous la direction de Fabrizio Butera (Professeur de Psychologie Sociale, Université Pierres Mendès France)
Membres du jury
Fabrizio Butera : Professeur, Université Pierre Mendès France
Olivier Corneille : Chercheur F.N.R.S., Université Catholique de Louvain-la-Neuve
Ewa Drozda-Senkowska : Professeur, Université René Descartes
Pascal Huguet : Directeur de recherche C.N.R.S., Université Blaise Pascal
Christian Marendaz : Professeur, Université Pierre Mendès France
— Décembre 2002 —
REMERCIEMENTS _________________________________________
Remercier ceux qui ont permis à cette thèse de voir le jour est un exercice bien
difficile. Tellement difficile que bien évidemment ces remerciements ne seront pas exhaustifs.
En premier lieu, je voudrais remercier tous ceux qui m’ont encouragé de près ou de loin
durant ces quelques années, ainsi que l’ensemble des membres du jury. En second lieu, je
présente mes remerciements à ceux qui m’ont le plus directement permis d’en arriver là. Afin
de procéder plus ou moins « par ordre d’apparition », je tiens à remercier Michèle Amblard
qui a été la première à me faire confiance en me proposant, dès la licence, un poste d’assistant
en travaux dirigés de psychologie expérimentale ainsi qu’une participation au programme de
tutorat. Cette marque de confiance m’aura entre autres choses permis de me rendre compte de
mon intérêt pour la méthodologie et pour l’enseignement de la psychologie. Je remercie
ensuite Florian Delmas pour m’avoir encouragé à entreprendre ce projet un peu fou de
réaliser une thèse. Outre la source de stimulation intellectuelle qu’il a représenté, je remercie
Jérôme Ferrand, mon ami de toujours, pour avoir su me prodiguer les bons conseils aux bons
moments. Parmi ces conseils il y avait celui de bien choisir son directeur de recherche. Quoi
de plus important en effet dans cette entreprise que d’avoir un bon directeur ? Il est toutefois
difficile de dire ce qu’est un « bon » directeur. Tellement difficile en fin de compte qu’il est
plus simple pour moi de dire qu’il s’agit en tous points d’une personne comme Fabrizio
Butera. Il est, en effet, impossible pour moi de trouver les mots pour lui exprimer toute ma
reconnaissance et ma gratitude. Je lui dis donc simplement merci pour tout. Il est une autre
personne sans qui cette thèse serait à n’en pas douter très différente. Cette personne est mon
ami Thierry Atzeni avec qui nous avons développé le paradigme à la base des études
présentées ici. Je le remercie également pour ses conseils, son support et son amitié. Je
remercie également Cécile Ballaz pour son expertise et pour ses précieux conseils concernant
la première étude. Merci également à Christian Marendaz pour ses conseils et pour m’avoir
permis de réaliser certaines des études de la thèse dans les box expérimentaux de son
laboratoire. Je remercie Pascal Huguet pour m’avoir, d’une part, donné l’envie de travailler
sur ce thème de recherche et d’autre part m’avoir encouragé, dès la première étude, à
poursuivre dans ce domaine. Merci à Nathalie Delange, Emmanuelle Rebis et Caroline
Clabault les étudiantes de maîtrise qui ont travaillé avec nous. Un merci tout particulier à
Olivier Corneille et Vincent Yzerbyt pour leur amitié et pour m’avoir accueilli dans leur
laboratoire. Un tout grand merci à Johanne Huart et Florence Dumas pour leurs « sauvetages
bibliothèque » de dernières heures. Un merci également très spécial pour les relectures
patientes de Philippe Vulliet (merci également à lui pour m’avoir présenté Schloumpaf),
Marie Depuiset, Laurence Filisetti (merci également à elles deux pour leurs performances à la
course à pied…), Céline Darnon, Carine Royer et Delphine Fagot. Un merci généralisé aux
doctorants du LPS et du LPE pour leur gentillesse et leur amitié durant toutes ces années.
Enfin, merci à mes amis (Jérôme Barral, Olivier Robert, …) et surtout à mes parents pour
leurs encouragements et leur soutien tout au long de ce parcours.
TABLE DES MATIERES __________________________________________________________________
AVANT-PROPOS 1
CHAPITRE 1 : Les effets de facilitation-inhibition sociale et les théories du drive 5
1 TRIPLETT OU LA NAISSANCE D’UN COURANT DE RECHERCHE 6 2 UNE THEORIE INTEGRATIVE : LA THEORIE DU DRIVE (ZAJONC, 1965) 7
2.1 Preuves empiriques à l’appui de la théorie du drive 9 2.2 Antécédents de l’augmentation du drive : divergences au sein des théories
du drive 15 2.2.1 L’hypothèse de la simple présence d’autrui 15 2.2.2 L’hypothèse de l’appréhension de l’évaluation 16 2.2.3 L’hypothèse du conflit-distraction 23 2.2.4 L’hypothèse du contrôle social 23
2.3 Questions en suspens concernant l’application des lois de Hull-Spence 26 2.3.1 L’activation du niveau général de drive 27 2.3.2 Le renforcement des réponses dominantes 30
CHAPITRE 2 : La présence d’autrui ou la régulation sociale du comportement 35
1 LA THEORIE DE LA CONSCIENCE DE SOI OBJECTIVE 36 2 LA THEORIE DE L’AUTO-REGULATION 38 3 LA THEORIE DE L’AUTO-PRESENTATION 44 4 THEORIE DE L’AUTO-EFFICACITE ET FACILITATION-INHIBITION SOCIALE 46 5 ANALYSE COMPORTEMENTALE DE L’EFFET DE FACILITATION-INHIBITION
SOCIALE. 49
CHAPITRE 3 : Vers une approche attentionnelle des effets de facilitation-inhibition sociale : le cas de la théorie du conflit-distraction 51
1 PREMICES D’UNE THEORIE ATTENTIONNELLE DES EFFETS DE FACILITATION-INHIBITION SOCIALE 52
1.1 La théorie du conflit-distraction première génération ou l’ère du drive 52 1.2 Autrui : une source de distraction et de conflit attentionnel ? 57 1.3 La théorie du conflit-distraction et ses précurseurs 64
2 VERS UNE THEORIE DU CONFLIT-DISTRACTION ENCORE PLUS ATTENTIONNELLE : LA FOCALISATION ATTENTIONNELLE 66
2.1 La fin de l’ère du drive ? 66 2.2 La théorie du conflit-distraction et la focalisation attentionnelle 69
3 PROBLEMES EN SUSPENS 74
CHAPITRE 4 : Comparaison sociale et évaluation des performances 77
1 QU’EST-CE QUE LA COMPARAISON SOCIALE ? 78 2 POURQUOI SE COMPARER ? 83 3 AVEC QUI (OU QUOI) SE COMPARER ? 94
3.1 Le problème de la similarité 96 3.2 Le problème de la direction 100
4 LES EFFETS DE LA COMPARAISON SOCIALE 105 4.1 Effets de la comparaison sociale sur l’évaluation 106 4.2 Effets de la comparaison sociale sur les affects et l’estime de soi 110 4.3 Effets de la comparaison sociale sur les performances 114
5 MA PERFORMANCE EST-ELLE SATISFAISANTE ? 127
CHAPITRE 5 : Menace de l’auto-évaluation et performances 129
1 RUMINATIONS MENTALES ET THEORIES DE L’AUTO-REGULATION 130 2 DIMINUTION DE LA MENACE ET AUTO-EVALUATION 135 3 PERFORMANCES ET MENACE DES STEREOTYPES 138 4 MENACE ET INFLUENCE SOCIALE 144 5 MENACE, DISTRACTION ET ALLOCATION D’ATTENTION 152
CHAPITRE 6 : Effet de coaction, focalisation attentionnelle et menace de l’auto-évaluation : proposition d’un axe de recherche 155
1 EFFET DE COACTION : REPONSE DOMINANTE VERSUS FOCALISATION ATTENTIONNELLE 155
2 CONDITIONS D’APPARITION DES EFFETS DE COACTION : VERS UNE INTERPRETATION EN TERMES DE MENACE DE L’AUTO-EVALUATION 158
CHAPITRE 7 : Effet de coaction et focalisation attentionnelle, ou comment réduire l’effet de conjonction illusoire 161
1 INTRODUCTION 161 1.1 Interférence de Stroop et effet de facilitation-inhibition sociale 162 1.2 Effet de conjonction illusoire et effet de facilitation-inhibition sociale. 166 1.3 Distraction et direction de la comparaison sociale 172
2 TEST DU MATERIEL 175 2.1 Matériel 175 2.2 Procédure 176 2.3 Résultats 177
3 ETUDE 1 178 3.1 Méthode 178
3.1.1 Population 178 3.1.2 Matériel 178 3.1.3 Procédure 179
3.2 Résultats 180 3.2.1 Contrôle du paradigme 180 3.2.2 Contrôle de la manipulation 181 3.2.3 Mesure des erreurs 181 3.2.4 Temps de réaction 183
3.3 Discussion 183 3.3.1 Effet de coaction et focalisation attentionnelle 183 3.3.2 Distraction, comparaison sociale et effet de coaction 185
CHAPITRE 8 : Menace de l’auto-évaluation et focalisation attentionnelle 187
1 ÉTUDE 2 188 1.1 Méthode 191
1.1.1 Population 191 1.1.2 Matériel 192 1.1.3 Procédure 192 1.1.4 Plan expérimental 194
1.2 Résultats 194 1.2.1 Contrôle du paradigme 194 1.2.2 Contrôle des manipulations 195 1.2.3 Mesure des erreurs 195 1.2.4 Temps de réaction 197
1.3 Discussion 198 2 VERS UNE INTERPRETATION EN TERMES DE MENACE DE L’AUTO-EVALUATION :
ETUDES 3, 4 ET 5 200 3 ETUDE 3 201
3.1 Méthode 203 3.1.1 Population 203 3.1.2 Matériel 203 3.1.3 Procédure 204 3.1.4 Plan expérimental 204
3.2 Résultats 205 3.2.1 Contrôle du paradigme 205 3.2.2 Mesure des erreurs 205 3.2.3 Temps de réaction 207
3.3 Discussion 207 4 ETUDE 4 210
4.1 Méthode 212 4.1.1 Population 212 4.1.2 Matériel et procédure 212
4.2 Résultats 213 4.2.1 Contrôle du paradigme 213 4.2.2 Contrôle des manipulations 213 4.2.3 Mesure des erreurs 214 4.2.4 Temps de réaction 215
4.3 Discussion 215
5 ETUDE 5 217 5.1 Méthode 219
5.1.1 Population 219 5.1.2 Matériel 219 5.1.3 Procédure 219
5.2 Résultats 220 5.2.1 Contrôle du paradigme 220 5.2.2 Contrôle des manipulations 220 5.2.3 Mesure des erreurs 221 5.2.4 Temps de réaction 221
5.3 Discussion 221
CHAPITRE 9 : Discussion générale et conclusion 225
1 DISCUSSION GENERALE 225 1.1 Effet de facilitation-inhibition sociale et focalisation attentionnelle 226 1.2 Menace de l’auto-évaluation et focalisation attentionnelle 229 1.3 Limites et ouvertures 235
2 CONCLUSION 242
REFERENCES 249
RESUME __________________________________________________________________
Fondée sur les théories du conflit-distraction (Baron, 1986) et de la comparaison
sociale (Festinger, 1954), la thèse défendue dans ce travail est que la simple présence d’un
coacteur induit une augmentation de la focalisation attentionnelle, dans la mesure où celui-ci
est une source de distraction, c’est-à-dire tant qu’il existe une menace ou un risque de menace
de l’auto-évaluation. Cette proposition fait référence à deux questions concernant l’effet de la
coaction sur les performances.
En premier lieu, ceci amène à traiter la question : « pourquoi » la présence d’un
coacteur influence-t-elle les performances ? Au lieu de l’approche plus classique en termes de
réponses dominantes (Zajonc, 1965), nous avons favorisé une interprétation attentionnelle.
Afin d’opposer ces deux interprétations alternatives des effets de coaction, nous avons utilisé
une tâche permettant de mesurer les conjonctions illusoires. Ceci nous a amenés à démontrer
la pertinence de l’approche attentionnelle. En effet, les études 1, 2 et 3 faisaient apparaître que
la simple présence d’un coacteur augmentait la focalisation attentionnelle mais pas les
réponses dominantes.
En second lieu, cette thèse aborde la question : « quand » la présence d’un coacteur
influence-t-elle les performances ? En effet, la thèse défendue nous a conduit à démontrer,
dans les études 1 et 2, que la présence d’un coacteur avait un impact sur les performances
(i.e., sur le focalisation de l’attention) seulement quand la comparaison avec celui-ci était
ascendante ou pouvait encore être ascendante (i.e., en simple coaction). Les études 3, 4 et 5
ont été conçues dans le but de tester notre interprétation de ces résultats en termes de menace
de l’auto-évaluation. Comme nous l’attendions, l’augmentation de la focalisation
attentionnelle est apparue dans ces trois études uniquement lorsqu’il y avait une menace ou un
risque de menace de l’auto-évaluation.
ABSTRACT __________________________________________________________________
Based on distraction-conflict theory (Baron, 1986) and social comparison theory
(Festinger, 1954), the claim of this work is that mere presence of a coactor leads to an
enhancement of attentional focusing to the extent that it is a source of distraction, that is as
long as there is a threat or a risk of threat to self-evaluation. This statement refers to two
questions concerning the effect of coaction on performance.
On the one hand, it leads to deal with the question: “why” the presence of a coactor
influences performance? Instead of the classical dominant response view (Zajonc, 1965), we
favoured an attentional explanation. In order to oppose these two alternative explanations of
coaction effect, we used a task that allows measuring illusory conjunctions. This led us to
demonstrate the relevance of the attentionnal view. Indeed, studies 1, 2 and 3 showed that
mere presence of a coactor enhanced attentional focusing, but dominant responses did not.
On the other hand, this claim addresses the question: “when” the presence of a coactor
influences performance? Indeed, it leads us to demonstrate in study 1 and 2 that presence of a
coactor has an impact on performance (i.e., on attentional focusing) only when comparison
with the coactor was upward or could still be upward (i.e., in mere coaction). Studies 3, 4 and
5 were designed to test further our explanation of these results in terms of threat to self-
evaluation. As expected, attentional focusing appeared in these three studies only when there
was a threat or a risk of threat to self-evaluation.
1
AVANT-PROPOS __________________________________________________________________
La simple présence d’autrui ou la présence d’une personne réalisant la même tâche
que nous (c’est-à-dire un coacteur) influence-t-elle nos performances ? Si oui, cette influence
est-elle bénéfique ou néfaste ? Ces deux questions sont importantes car elles renvoient en
quelque sorte au niveau zéro de l’insertion sociale. Or, il est important de cerner les
conséquences de cette insertion sociale minimale. En premier lieu, parce qu’il est nécessaire
de connaître les effets associés à ces situations minimales avant d’appréhender des insertions
sociales plus complexes. En second lieu, parce que l’étude de ces phénomènes nous amène à
ne pas négliger un facteur aussi anodin que la simple présence d’autrui. Ceci est important
car, comme nous le verrons, cette insertion sociale même si elle est minimale, peut moduler
les fonctions cognitives les plus basiques.
La psychologie sociale apporte des réponses à ces deux questions fondamentales. En
effet, celle-ci nous apprend que la présence d’autrui module souvent les performances et que
cette influence peut être positive ou négative. Dans le premier cas, nous parlerons d’effet de
facilitation sociale : la présence d’un stimulus social (i.e., autrui) facilite les performances.
Dans le second, nous parlerons d’effet d’inhibition sociale : la présence d’un stimulus social
inhibe les performances. Ce champ de la littérature de la psychologie sociale, le champ des
effets de facilitation-inhibition sociale, renvoie par conséquent à deux questions : 1) comment
expliquer que la présence d’un congénère puisse à la fois favoriser et inhiber les performances
et 2) quelles sont les conditions d’apparition de ces effets ?
En ce qui concerne la première question, nous verrons, lors du premier chapitre, qu’un
certain nombre de théories reposent sur l’idée que la présence d’autrui augmenterait le niveau
de tension général de l’organisme, c’est-à-dire le drive, qui lui-même favoriserait l’apparition
des réponses les plus accessibles dans le répertoire comportemental des individus (e.g.,
Zajonc, 1965). En d’autres termes, la présence d’autrui favoriserait l’apparition de ces
réponses dominantes. Par conséquent, si ces réponses sont correctes, la présence d’autrui
faciliterait les performances. A l’inverse, si elles sont incorrectes, les performances seraient
inhibées. Dans le Chapitre 2, nous verrons que pour certaines approches, le facteur
déterminant ne renvoie pas à la notion de réponses dominantes, mais plutôt à celle de
difficulté perçue des tâches à réaliser (e.g., Carver et Scheier, 1981). Enfin, le Chapitre 3 nous
2
amènera à nous intéresser plus particulièrement au développement d’interprétations
attentionnelles (Baron, 1986). Pour ces dernières, les effets de facilitation-inhibition sociale
ne seraient pas dus à un renforcement des réponses dominantes, mais à une plus grande
focalisation de l’attention. Ici les performances seraient facilitées quand peu d’éléments sont
nécessaires dans la réalisation de la tâche. En revanche, elles seraient inhibées quand cette
focalisation de l’attention exclut des éléments importants dans la réalisation de celle-ci. Les
Chapitres 7 et 8 nous conduirons à opposer expérimentalement une approche attentionnelle et
celles reposant sur la notion de réponses dominantes.
La seconde question, celle concernant les conditions d’apparition des effets de
facilitation-inhibition sociale, fut d’emblée au cœur des débats. Nous verrons dans le Chapitre
1 que certains auteurs proposent que la simple présence d’autrui serait suffisante (Zajonc
1965, 1980 ; voir également Markus, 1978). Pour d’autres, cet autrui devrait pouvoir évaluer
les performances de l’individu (e.g., Cottrell, 1972). Enfin, pour des théories comme celle du
conflit-distraction (Baron, 1986), autrui devrait être une source de distraction pour induire de
tels effets.
Dans le cadre de cette dernière théorie, autrui pourrait être une source de distraction
notamment parce qu’il représente une source d’informations de comparaison sociale (Baron,
1986). Ceci amène à penser que si un coacteur n’est plus une source d’information de
comparaison sociale pertinente, celui-ci n’induirait plus de distraction et n’aurait donc plus
d’impact sur les performances (Sanders, Baron et Moore, 1978). Afin de savoir dans quelles
situations autrui sera une source pertinente d’informations de comparaison sociale, nous
aborderons, au cours du Chapitre 4, les travaux réalisés dans le cadre de la théorie de la
comparaison sociale (Festinger, 1954). Ces travaux seront d’autant plus appropriés à notre
propos, que nous nous intéresserons plus particulièrement à l’impact de la présence d’un
coacteur. Or, la présence d’une personne réalisant la même tâche que nous implique la
possibilité d’une comparaison défavorable (Geen, 1980). Notre performance risque d’être
inférieure à la sienne. Ceci représente, comme nous le verrons dans le Chapitre 5, une menace
de l’évaluation de soi (i.e., de l’auto-évaluation). Ainsi, les situations de coaction
représenteraient des situations de menace (lorsque les individus apprennent qu’ils sont
inférieurs au coacteur) ou de menace potentielle (lorsque les individus ne connaissent ni leur
performance, ni celle du coacteur) de l’auto-évaluation.
Au cours du Chapitre 6, nous présenterons une articulation entre les théories du
conflit-distraction (Baron, 1986) et de la comparaison sociale (Festinger, 1954). Celle-ci nous
3
amènera à proposer la thèse que la menace réelle ou potentielle de l’auto-évaluation
engendrerait un phénomène de focalisation attentionnelle. Une proposition en accord avec les
travaux présentés lors du cinquième chapitre, chapitre au cours duquel nous aborderons
diverses lignes de recherches traitant de l’impact de la menace sur les performances. Cette
proposition sera testée plus particulièrement lors du Chapitre 8. Enfin, le Chapitre 9 nous
amènera à discuter de la pertinence d’une telle approche sur la base de nos propres travaux
expérimentaux et de ceux réalisés antérieurement par d’autres auteurs.
En résumé, l’articulation de la théorie du conflit-distraction avec les principes de la
comparaison sociale permet de formuler l’hypothèse de travail suivante : la simple présence
d’un coacteur induit une augmentation de la focalisation attentionnelle, dans la mesure où
celui-ci est une source de distraction, c’est-à-dire tant qu’il existe une menace ou un risque de
menace de l’auto-évaluation.
CHAPITRE 1 _____________________________________________________________
Les effets de facilitation-inhibition sociale et les théories du drive
A la question « pourquoi Olivier a-t-il recopié plus de lettres que Jérôme dans cette
drôle d’expérience de psychologie ? », beaucoup de psychologues en herbe vous répondrons,
comme Mademoiselle O., qu’Olivier semble très habile de ses 10 doigts. Si vous lui précisez
que l’expérimentateur était présent lors de la passation d’Olivier, mais pas de celle de Jérôme,
elle risque de vous répondre que cela n’a que peu d’importance et que ce n’est pas la simple
présence d’une autre personne qui va changer quelque chose au fait qu’Olivier est très
habile… Ce faisant, Mademoiselle O. pourrait bien être victime d’une erreur fondamentale
d’attribution causale (Ross, 1977). En effet, il se pourrait qu’elle ait négligé une cause
situationnelle (e.g., la présence de l’expérimentateur) au profit d’une cause dispositionnelle
(i.e., l’habileté d’Olivier).
Bien souvent lorsque nous devons expliquer les comportements nous négligeons,
comme Mademoiselle O., un principe fondamental de la psychologie sociale. Selon Lewin
(1935), en effet, le comportement est une fonction de deux facteurs : la personnalité (au sens
large du terme) et la situation. Or, ce principe fondateur de la psychologie sociale s’est trouvé
illustré dès 1898 au cours d’une célèbre étude réalisée par Norman Triplett (1898). Celui-ci
démontrait qu’un facteur situationnel aussi anodin que la simple présence d’un coacteur (i.e.,
une autre personne effectuant la même activité), pouvait augmenter les performances
motrices. Néanmoins, en accord avec le principe de Lewin, ceci n’était vrai que pour 20 des
40 participants de cette étude, les 20 restants voyaient leurs performances diminuer (N = 10)
ou ne pas être influencées (N = 10). Quoiqu’il en soit, l’idée principale qui fut retenue des
travaux de Triplett était que la présence d’autrui pouvait favoriser la performance.
La découverte de ce phénomène, baptisé « facilitation sociale » par Floyd Allport
(1924), allait donner lieu à une abondante littérature (241 études référencées lors de la méta-
analyse de Bond et Titus, 1983). Notons que cette littérature ne tarda pas à mettre en évidence
que dans certaines situations, la présence d’autrui avait tendance à entraver la performance
plutôt qu’à la favoriser (e.g., Pessin, 1933). Ceci explique l’usage plus récent du terme
facilitation-inhibition sociale (e.g., Huguet, Galvaing, Monteil et Dumas, 1999).
Chapitre 1 : Les effets de facilitation-inhibition sociale
6
1 Triplett ou la naissance d’un courant de recherche
Norman Triplett (1898) se demandait comment on pouvait expliquer que les temps
effectués par les coureurs cyclistes en contre-la-montre individuels étaient généralement plus
importants que ceux effectués en situation de course à plusieurs. Outre les explications de
types physiques (e.g., pénétration dans l’air, …), Triplett (1898) pensait que des facteurs
psychologiques permettaient de rendre compte d’une partie de ce phénomène. Ainsi, Triplett
allait essayer de montrer que la présence d’un compétiteur avait des effets dynamogènes sur
les performances.
Il convenait pour cela de démontrer que la simple présence d’un coacteur favorisait les
performances sur des tâches motrices. La simple présence renvoyait, ici, au fait que le
coacteur ne pouvait influencer la performance autrement que par les facteurs psychologiques.
Il lui fallait donc mettre en place un dispositif expérimental à l’intérieur duquel il n’y avait
aucune interaction entre les mouvements de l’un et l’autre des participants. Ceci était
important afin d’éliminer ce qui rendait difficilement interprétables les données récoltées sur
les coureurs cyclistes : les facteurs physiques tels que les contacts entre concurrents ou la
pénétration dans l’air. Triplett utilisait à cette fin deux moulinets de pêche totalement
indépendants et raccordés à un dispositif permettant d’enregistrer le rythme avec lequel les
participants moulinaient. La variable dépendante principale de cette étude était le temps mis
pour mouliner les 16 m de fil. Après une phase d’entraînement, les participants (40 enfants de
8 à 17 ans pour l’échantillon principal) effectuaient six essais, dont trois seuls et trois en
coaction.
Comme nous le relevions auparavant, les résultats ont permis de confirmer
globalement l’hypothèse de Triplett (1898). Il apparaissait, tout du moins pour la moitié de
l’échantillon, un effet dynamogène de la présence du coacteur : le temps mis pour mouliner
les 16 m de fil était plus court sur les essais en présence de celui-ci que sur ceux où les
enfants étaient seuls. Phénomène qu’Allport (1924) qualifia plus tard d’effet de facilitation
sociale. Notons encore une fois que pour un quart des participants, la performance n’était pas
favorisée, mais inhibée par la présence du coacteur, effet qui sera appelé par la suite « effet
d’inhibition sociale ».
Il est bon de remarquer d’ores et déjà que la compréhension du terme « facilitation
sociale » a évolué selon les époques et les auteurs. Ainsi, lorsqu’Allport (1924) utilisait le
terme de facilitation sociale, celui-ci se référait aux effets dus à la présence d’un coacteur —
i.e., une autre personne effectuant la même activité (cf. Guerin, 1993). Ce terme s’est ensuite
Chapitre 1 : Les effets de facilitation-inhibition sociale
7
généralisé à l’impact de la présence d’autrui, que celui-ci soit un coacteur ou une personne
tout simplement présente, c’est-à-dire une audience, pour reprendre le vocabulaire de ce
champ de la littérature. Par la suite, Zajonc (1965) utilisait le terme « facilitation sociale »
pour désigner le fait que la présence d’autrui faciliterait l’apparition des réponses dominantes
dans le répertoire comportemental du sujet. La facilitation ne renvoie donc plus à la
performance, mais à un type de réponse particulier. Afin de ne pas prendre position et de ne
désigner que le phénomène observé — i.e., le fait que la présence d’autrui favorise ou inhibe
la performance — nous utiliserons comme un certain nombre d’auteurs (e.g., Huguet et al.,
1999) le terme générique d’effet de facilitation-inhibition sociale.
Pendant longtemps, aucune explication viable ne permettait de rendre compte du
paradoxe des effets de la présence d’autrui : celle-ci conduisant soit à la facilitation, soit à
l’inhibition des performances (voir Bond et Titus, 1983 ; Geen et Gange, 1977 ; Guerin,
1993 ; Guerin et Innes, 1982, pour des revues de question). Ce paradoxe resta sans solution
jusqu’à la parution de l’article de Robert Zajonc en 1965.
2 Une théorie intégrative : la théorie du drive (Zajonc, 1965)
D’orientation clairement béhavioriste, la théorie de Zajonc (1965, 1980), tour à tour
appelée théorie du drive, de la simple présence d’autrui ou encore de la réponse dominante,
reste encore aujourd’hui l’une des théories de référence dans l’explication des phénomènes de
facilitation-inhibition sociale (e.g., Platania et Moran, 2001).
Au cours de cet article, Zajonc rappelle un certain nombre de faits expérimentaux
démontrant que la présence d’autrui semble, comme dans l’étude de Pessin (1933), inhiber les
performances lorsqu’il s’agit d’apprentissage. Cependant, Zajonc remarque que cette
tendance s’inverse dès lors que l’apprentissage est arrivé à son terme. Ainsi, lorsque la tâche
commence à être maîtrisée, les performances ne sont plus perturbées par la présence d’autrui
mais au contraire favorisées. En d’autres termes, la présence d’autrui inhiberait la
performance lorsque la tâche n’est pas bien apprise, mais la faciliterait lorsque l’individu la
maîtrise. Selon les propres termes de Zajonc (1965), la présence d’autrui inhiberait
l’apprentissage mais favoriserait la performance. Zajonc (1965) venait de trouver une « rather
subtle consistency » (page 270) dans cette littérature réputée paradoxale.
Zajonc remarque par ailleurs qu’une phase d’apprentissage se caractérise par
l’acquisition des bonnes réponses pour une tâche donnée. Ce qui implique bien souvent que
les réponses qui dominaient précédemment étaient incorrectes. A l’inverse, une tâche est dite
Chapitre 1 : Les effets de facilitation-inhibition sociale
8
maîtrisée, dès lors que la réponse produite le plus fréquemment se trouve être correcte. En
d’autres termes, les réponses dominantes (i.e., les plus accessibles dans le répertoire
comportemental) sont incorrectes en début d’apprentissage et correctes une fois la tâche
maîtrisée. Par extension, Zajonc généralise cette idée en proposant une distinction entre
tâches simples et complexes. Ainsi, comme l’illustre la Figure 1, la présence d’autrui
favoriserait les performances pour des tâches simples — c’est-à-dire des tâches pour
lesquelles (à l’instar des tâches bien apprises) la réponse dominante est correcte — et
l’inhiberait pour les tâches complexes — tâches pour lesquelles la réponse dominante est
assez souvent incorrecte.
Par conséquent, ces observations autorisaient Zajonc à formuler une première
proposition : la présence d’autrui favoriserait l’apparition de la réponse dominante. De fait,
lorsque cette réponse est correcte — cas des tâches simples ou bien apprises — la
performance serait facilitée. A l’inverse, lorsque cette réponse est incorrecte — cas des tâches
complexes ou en cours d’apprentissage — la performance serait inhibée.
Figure 1. La théorie du Drive (Zajonc, 1965).
Il demeurait nécessaire de fournir une hypothèse expliquant pourquoi la présence
d’autrui augmente la probabilité d’apparition de ces réponses dominantes. Zajonc (1965)
exhume pour ce faire la loi multiplicative de Hull-Spence : E = f(D × H), où E renvoie au
potentiel d’excitation par rapport à une réponse donnée, D au niveau de tension général de
l’organisme, c’est-à-dire le drive, et H à la force de l’habitude (plus précisément la force
d’association entre un stimulus et une réponse).
Chapitre 1 : Les effets de facilitation-inhibition sociale
9
Il ne restait plus alors qu’à postuler que la présence d’autrui augmente le niveau de
drive, pour rendre compte des effets de facilitation-inhibition sociale. En effet, l’application
de cette loi mathématique implique qu’une augmentation du niveau de drive (D) renforce la
probabilité et la vitesse d’apparition (E) des réponses pour lesquelles la force d’association
(H) est forte (i.e., une réponse dominante). De fait, lorsque le répertoire comportemental est
constitué de plusieurs réponses, la hiérarchie des réponses se trouve renforcée, augmentant la
supériorité des réponses déjà dominantes. Il est bon de remarquer que Zajonc (1965) utilise
les termes « arousal » et « drive » de manière interchangeable, les deux termes renvoyant
pour lui à une augmentation non spécifique du niveau de tension générale de l’organisme.
Nous reviendrons plus en détails sur ces notions ultérieurement dans ce chapitre.
Notons que pour Zajonc (1965), cette explication des effets de facilitation-inhibition
sociale s’applique tant aux situations de simple présence d’autrui, qu’à celles de coaction. Il
remarque, cependant, que ces dernières sont souvent moins « pures ». En effet, les situations
de coaction seraient plus susceptibles de fournir à l’individu des indices orientant le
comportement (e.g., phénomène d’imitation, de compétition, …). Il serait par conséquent plus
difficile d’isoler les facteurs liés à la simple présence du coacteur. Cette dernière observation
souligne un élément important de la théorie de Zajonc. Pour cet auteur, la simple présence
d’un congénère serait suffisante pour faire apparaître des effets de facilitation-inhibition
sociale.
Ces propositions théoriques étaient les premières à autoriser une vision intégrative des
effets de facilitation-inhibition sociale. Néanmoins, le caractère post hoc de ces
interprétations nécessitait des preuves expérimentales directes. Il restait donc à mettre en
place des recherches explicitement construites pour tester les différents points de cette
théorie.
2.1 Preuves empiriques à l’appui de la théorie du drive
Avant de présenter les preuves empiriques proprement dites, nous allons spécifier les
conditions nécessaires à un test de la théorie de Zajonc (1965). Ainsi, afin de tester cette
théorie, il convenait notamment de démontrer que la présence d’autrui induit effectivement
une « énergisation » des réponses dominantes (Geen, 1989). Cette nécessité explique que de
nombreux plans expérimentaux croisent la présence d’autrui (e.g., audience : oui, non) avec le
type de tâche (complexe versus simple). Bien souvent, les résultats sont déclarés concluants
dès lors qu’une interaction entre ces deux variables apparaît.
Chapitre 1 : Les effets de facilitation-inhibition sociale
10
Outre le plan d’expérience, il convient d’utiliser une variable dépendante qui permet
de déterminer la hiérarchie des réponses (Geen, 1989). Plus précisément, Cottrell, Rittle et
Wack (1967) proposent trois caractéristiques nécessaires pour tester cet aspect de la théorie.
Premièrement, un critère sans équivoque doit permettre de juger de la justesse des réponses.
Deuxièmement, la réponse dominante doit être clairement correcte pour les tâches simples et
incorrecte pour les tâches complexes. Troisièmement, ces tâches doivent avoir été
préalablement validées, c’est-à-dire qu’il aura été montré que les réponses sont influencées
par le niveau de drive.
Geen (1989) relève plusieurs méthodes permettant de s’assurer de l’exactitude de la
réponse dominante (et donc de la complexité de la tâche). Une possibilité consiste à faire
varier le niveau d’entraînement (e.g., Cottrell, Wack, Sekerak et Rittle, 1968). Le postulat est
qu’au terme de longs entraînements, les réponses dominantes seront devenues correctes. La
performance sur la tâche peut également permettre de déterminer si la réponse dominante est
correcte ou non. En effet, une probabilité de bonnes réponses inférieure à 50 % indique par
exemple que la réponse dominante est incorrecte (cf. Hunt et Hillery, 1973). La hiérarchie des
réponses est par conséquent inférée à partir des performances obtenues. Il est enfin possible
de se baser sur une dominance clairement établie. Cette dominance peut être établie a priori
sur la base de travaux préexistants (e.g., Cottrell et al., 1967) ou induite par la procédure
expérimentale (e.g., Cohen et Davis, 1973).
Les études mises en place pour démontrer que la présence d’autrui favorise
l’apparition des réponses dominantes ont permis d’apporter un certain nombre de preuves
empiriques. Matlin et Zajonc (1968) montraient par exemple, grâce à une tâche d’association
de mots, que les participants en présence d’une audience utilisaient des mots plus communs
que les participants seuls. Le raisonnement des auteurs était que ces mots plus fréquents
reflétaient des réponses dominantes en termes sémantiques.
Cottrell et al. (1967) ont, pour leur part, utilisés une tâche d’apprentissage de liste de
paires de mots (voir également Baron, Moore et Sanders, 1978 ; Guerin, 1983). Dans cette
tâche, les participants devaient rappeler les mots réponses associés aux mots stimuli (e.g., le
mot « stérile » en réponse au mot stimulus « improductif » formant donc la paire
« improductif / stérile »). Deux types de listes étaient utilisés. Une première liste était
composée de paires de mots non-compétitifs : les mots à l’intérieur d’une paire étaient
sémantiquement associés. Ces paires étaient construites de manière à maximiser la force
d’association intra-paires et à minimiser la force d’association inter-paires (e.g., les paires
Chapitre 1 : Les effets de facilitation-inhibition sociale
11
« expert / adroit » et « improductif / stérile »). De fait, pour cette liste, les réponses
dominantes étaient correctes. Une seconde liste — la liste « compétitives » — était composée
de deux tiers de paires de mots non associés sémantiquement, par exemple les paires
« aride / grognon » et « désert / chef ». Comme l’illustre ces exemples, la force d’association
inter-paires était cette fois plus importante que la force de liaison intra-paires. Qui plus est, le
tiers des paires restantes de cette seconde liste étaient des paires associées, comparables à
celles de la liste « non-compétitives ». De fait, pour cette liste, les réponses dominantes
étaient incorrectes pour les paires « non-associées ». Les listes « compétitives » et « non-
compétitives » permettaient de tester les effets de type drive1 en partant du principe qu’une
augmentation du niveau de drive devait venir renforcer la tendance à associer les mots
sémantiquement liés. Notons à ce propos que Spence, Farber et McFann (1956 ; cités par
Cottrell et al., 1967) avaient auparavant démontré que l’apprentissage de ces listes était
sensible au niveau de drive. Ainsi, si la présence d’une audience augmentait le niveau de
drive (Zajonc, 1965), ceci devait se traduire, comparativement à une condition « seul », par
moins d’erreurs pour la liste « non-compétitives » et plus d’erreurs pour les paires non-
associées de la liste « compétitives ». Afin de tester ces prédictions, la moitié des participants
devait apprendre les paires de la liste « compétitives » et l’autre moitié ceux de la liste « non-
compétitives ». De plus, cette variable était croisée avec la variable « présence de
l’audience » : la moitié des participants était en présence d’une audience de deux personnes,
l’autre moitié était uniquement en présence de l’expérimentateur2.
Les données reportées par Cottrell et al. (1967) confirmaient globalement les
propositions de Zajonc (1965). En effet, les résultats de cette étude font ressortir une
interaction entre le type de liste et la présence de l’audience. Interaction traduisant le fait que
la présence de l’audience tendait à augmenter le nombre d’erreurs pour les paires « non-
associés » de la liste « compétitives » et à diminuer le nombre d’erreurs pour la liste « non-
compétitives ». Notons toutefois que les effets simples n’étaient pas présentés. Il est donc
impossible de savoir si cette étude démontrait ou non l’existence des effets d’inhibition et de
facilitation sociale per se. L’observation des moyennes laisse, cependant, suspecter que dans
1 A l’instar de Baron (1986), nous utiliserons parfois les termes « effets de type drive », afin de ne pas
présumer des mécanismes sous-jacents à ces effets. Ces termes renvoient donc uniquement aux phénomènes de
facilitation des performances aux tâches simples et d’inhibition des performances aux tâches complexes. 2 Notons que la présence de l’expérimentateur fait de cette condition, une condition « seul » imparfaite
selon les critères d’un certain nombre d’auteurs (e.g., Guerin, 1993).
Chapitre 1 : Les effets de facilitation-inhibition sociale
12
cette étude, comme dans beaucoup d’autres (cf. Bond et Titus, 1983), l’effet d’inhibition
sociale est nettement plus marqué que celui de facilitation sociale.
Si l’étude de Cottrell et ses collaborateurs (1967) repose sur les connaissances
préalables des participants, une autre stratégie consiste, comme nous l’avons vu, à induire en
cours de situation expérimentale une réponse dominante. L’étude de Cohen et Davis (1973)
donne une illustration de cette stratégie. Dans celle-ci, une phase d’entraînement permettait
aux auteurs de renforcer les participants dans une certaine stratégie de réponse. La tâche des
participants était de former des mots de quatre à cinq lettres à partir de suite de lettres. Ces
suites de lettres étaient construites de telle sorte qu’une stratégie systématique amenait à
trouver la réponse. Il suffisait effectivement de prendre une lettre sur deux à partir de la
première. Lors de cette phase d’entraînement, 13 essais étaient présentés aux participants.
Selon le raisonnement des auteurs, le fait qu’il n’y ait pas d’autre solution pour ces 13 essais
devait faire de cette stratégie, la stratégie dominante, reléguant toutes autres stratégies, même
plus simples, aux rangs de réponses « secondaires ». Or, au cours des quatre essais tests, une
stratégie alternative, plus simple, pouvait justement être utilisée. Par exemple, pour l’item test
« HDOORJSWE », si les participants restaient focalisés sur la stratégie renforcée en phase
d’entraînement, leur proposition devait être le mot HORSE (cheval). En revanche, comme on
peut le voir, une stratégie plus simple pouvait amener à reprendre tout simplement le mot
DOOR (porte) écrit en l’état dans la suite de lettres. Ainsi, le nombre de réponses reprenant
cette stratégie plus simple évaluait la primauté de la réponse dominante. De fait, si la présence
d’autrui renforçait réellement l’usage de la stratégie dominante (c’est-à-dire la réponse
dominante), le nombre de réponses « alternatives », plus simples, devait être moins important
en condition d’audience que seul. Dans cette étude, les auteurs croisaient le niveau
d’expertise de l’audience (source experte versus source de même niveau que les participants)
et l’objectif de cette dernière3. En effet, dans une première condition, il était indiqué aux
participants qu’une audience, installée derrière le miroir sans tain, allait simplement observer
la passation. Dans la seconde condition, il était précisé que l’audience allait observer et
évaluer leur performance. Enfin, dans une dernière condition « hors-plan », les participants
effectuaient la même tâche en situation « seul » classique. Nous verrons, un peu plus tard, le
détail des résultats. Notons pour l’instant que les données de Cohen et Davis (1973)
3 Par souci de clarté, nous ne traiterons pas une partie du plan expérimental, un peu complexe, de
Cohen et Davis (1973).
Chapitre 1 : Les effets de facilitation-inhibition sociale
13
confirmaient un renforcement de la stratégie dominante. Les participants pensant être
observés par une audience employaient plus souvent cette stratégie que ceux du groupe
contrôle.
Les trois exemples présentés illustrent le fait que la présence d’autrui semble
effectivement induire une plus grande probabilité d’apparition des réponses dominantes
(Cohen et Davis, 1973 ; Cottrell et al., 1967 ; Matlin et Zajonc, 1968). Selon les termes de
Bond et Titus (1983), il est possible de parler ici de mesures qualitatives. La variable
dépendante reflète, en effet, une modification qualitative des réponses données par les
individus. Les réponses dominantes apparaissent plus souvent en présence d’autrui.
Néanmoins, l’application de la loi de Hull-Spence implique également l’apparition de
différences quantitatives : les réponses dominantes devraient également apparaître plus
rapidement (Bond et Titus, 1983). Par conséquent, lorsque la tâche est simple, les participants
devraient être plus rapides en présence d’autrui. En revanche, lorsque la tâche est complexe,
les participants devraient être moins rapides en présence d’autrui.
L’étude menée par Markus (1978) va nous permettre d’illustrer ce dernier point. Dans
celle-ci, l’expérimentateur expliquait que l’expérience exigeait que tous les participants
portent les mêmes vêtements. Une fois que les participants avaient revêtu l’uniforme qui leur
était fourni, ceux-ci apprenaient que l’expérience était annulée. Ils devaient alors se rhabiller.
Le raisonnement de Markus était que le fait de quitter et de remettre ses propres vêtements
était une tâche simple. A l’inverse, enfiler et enlever des vêtements étrangers était une tâche
considérée comme complexe. De plus, cette étude comportait trois conditions
expérimentales : une condition « seul », une condition d’audience attentive (un compère
observait les participants) et une condition d’audience inattentive (un compère était occupé à
réparer une machine). Les données de cette recherche font apparaître que les participants en
condition d’audience étaient effectivement plus rapides que ceux de la condition « seul » pour
quitter et remettre leurs propres vêtements. Notons cependant que cette différence n’était pas
significative dans la condition d’audience inattentive4. En ce qui concerne les vêtements
étrangers, les participants étaient moins rapides en présence d’autrui que seuls. Ainsi, en
accord avec la théorie du drive (Zajonc, 1965), les participants en présence d’autrui étaient
plus rapides pour la tâche simple et plus lents pour la tâche complexe.
4 Néanmoins, le test utilisé pour les comparaisons de moyennes était un test post hoc. Un test a priori
aurait peut-être permis de révéler une différence significative.
Chapitre 1 : Les effets de facilitation-inhibition sociale
14
Ces quelques illustrations semblent attester de l’impact quantitatif et qualitatif de la
présence d’un congénère sur l’émission des réponses dominantes. Outre les interprétations
post hoc de Zajonc (1965), il était donc possible de fournir des prédictions a priori sur la base
du principe d’augmentation de l’énergisation des réponses dominantes. Au-delà de ces
quelques exemples, Bond et Titus (1983) concluent de leur méta-analyse que les études
effectuées dans le cadre de la facilitation-inhibition sociale révèlent des effets d’inhibition
sociale à la fois qualitatifs (e.g., pourcentage d’erreurs) et quantitatifs (e.g., temps de réponse)
sur les tâches complexes et des effets de facilitation, mais uniquement sur le plan quantitatif
pour les tâches simples. L’effet qualitatif (i.e., probabilité des réponses dominantes) de la
présence d’autrui sur les tâches simples semblait effectivement être beaucoup plus ténu.
S’il s’avère que la présence d’autrui semble affecter l’apparition des réponses
dominantes, qu’en est-il du rôle exercé par le drive dans ce phénomène ? Est-il possible de
prouver le rôle de médiateur joué par celui-ci ? Deux approches de ce problème paraissent
possibles. La première consiste à s’intéresser aux corrélats physiologiques associés, selon
certains auteurs, à l’augmentation du drive (e.g., Cohen et Davis, 1973 ; Zajonc, 1965). La
seconde consiste à rappeler que le drive tel qu’il est utilisé dans la théorie de Hull-Spence
n’est qu’une construction hypothétique (e.g., Blascovich, Mendes, Hunter et Salomon, 1999 ;
Geen et Gange, 1977 ; Glaser, 1982 ; Sanders, 1981b) et qu’il est donc vain de tenter de
démontrer son impact à travers des mesures physiologiques (Glaser, 1982 ; Sanders, 1981b).
Cette seconde approche amène à favoriser la stratégie, déjà évoquée, consistant à recourir à
des tâches dont on « sait », par ailleurs, qu’elles sont influencées par le niveau de drive. Ainsi,
ce raisonnement revient à postuler que si la présence d’autrui induit les mêmes effets qu’une
autre source d’élévation du niveau de drive (e.g., présentation d’images pornographiques ;
Sanders, 1984), c’est que celle-ci induit également une augmentation du drive. Notons
cependant que dans les deux cas, il n’existe pas de mesure directe du niveau de drive.
Il est toutefois intéressant de remarquer qu’un certain nombre d’auteurs (e.g., Cohen et
Davis, 1973 ; Henchy et Glass, 1968) ont tout de même essayé de trouver des preuves
physiologiques de l’augmentation du niveau d’activation, de l’arousal, en situation de
présence d’autrui. Par ailleurs, rares sont les revues de question qui ne présentent pas de
données physiologiques (cf. Guerin et Innes, 1982 ; Sanders, 1981a, pour des exceptions). La
conclusion est souvent que ces données n’apportent pas de preuves directes du lien entre
présence d’autrui et niveau général d’activation physiologique (e.g., Bond et Titus, 1983 ;
Geen, 1989). De plus, la démonstration d’une corrélation entre présence d’un congénère et
Chapitre 1 : Les effets de facilitation-inhibition sociale
15
niveau général de drive ne suffirait pas, si elle était observée, à attester du statut de médiateur
de cette variable (cf. Baron et Kenny, 1986). Or, à notre connaissance, aucune analyse de
médiation ne permet de valider ce point de la théorie. Ceci n’invalide évidemment pas la
théorie en elle-même, dans la mesure où l’on s’accorde à dire que le drive n’est qu’un
construit théorique (Sanders, 1981b).
Zajonc (1980) remarqua qu’étonnamment peu de critiques lui furent adressées
concernant l’application de la loi de Hull-Spence au champ de la facilitation-inhibition
sociale. En effet, un grand nombre de théories alternatives virent le jour, suite à son article de
1965. Néanmoins, la grande majorité d’entre-elles reprirent l’idée d’une augmentation du
drive en présence d’autrui (voir Blank, Staff et Shaver, 1976, pour l’une des premières
exceptions). Ces différentes théories ne s’accordèrent cependant pas à dire, avec Zajonc
(1965), que la simple présence d’autrui était un facteur suffisant pour l’apparition des effets
de type drive. Ces approches alternatives proposèrent différents types de conditions à
satisfaire pour que la présence d’autrui entraîne des effets de type drive (Baron, 1986 ;
Cottrell, 1972 ; Guerin, 1993).
2.2 Antécédents de l’augmentation du drive : divergences au sein des théories du drive
2.2.1 L’hypothèse de la simple présence d’autrui
Zajonc (1980) remarque que l’introduction des lois de l’apprentissage dans
l’explication des phénomènes de facilitation-inhibition sociale n’avait pas été tellement
remise en question. Il souligne toutefois que son utilisation du terme simple présence avait,
quant à elle, suscité une grande controverse. Le cœur du débat est en effet de savoir sous
quelles conditions la présence d’autrui augmentait le niveau de drive.
Avant de voir les différentes propositions théoriques opposées à la conception de
Zajonc, voyons tout d’abord ce que Zajonc entend réellement par simple présence d’autrui.
Après avoir employé le terme de simple présence sans plus d’explicitation (Zajonc, 1965),
Zajonc (1980) le redéfinit plus précisément. Afin de mieux illustrer son propos, Zajonc
distingue deux sortes d’effets psychosociaux. D’une part, ce qu’il conviendrait d’appeler des
effets directifs et d’autre part des effets non-directifs. La présence de congénères pourrait, en
effet, dans certains cas, procurer des indices sur les comportements attendus. Zajonc, lui,
postule que la présence d’autrui induirait également des effets non-directifs, c’est-à-dire
indépendants d’effets directifs tels que la compétition, les renforcements sociaux,
l’imitation, ... Autrui serait en lui-même, indépendamment des significations qui lui sont
Chapitre 1 : Les effets de facilitation-inhibition sociale
16
associées, une source « d’arousal » (Zajonc, 1980). Comme on peut le voir, la définition
adoptée reste une définition par défaut : les effets non-directifs de la simple présence d’autrui
représentent ce qu’il reste, une fois les effets directifs contrôlés.
Néanmoins, postuler un impact de la simple présence d’autrui n’explique pas les effets
induits par celle-ci. Fidèle à une approche à la fois trans-espèce et béhavioriste, Zajonc (1980)
avance que les stimuli sociaux sont, comparativement aux stimuli physiques, moins
prévisibles et sources potentielles de danger. Selon les propres mots de Zajonc (1980) : « in
the presence of others some degree of alertness or preparedness for the unexpected is
generated, not because there is necessarily the anticipation of positive or negative incentives
or because threat of evaluation is generated but simply because one never knows, so to speak,
what sorts of responses (…) may be required in the next few seconds » (page 50). Notons que
s’il était implicite dans l’article de 1965 que cet effet d’association présence
d’autrui / augmentation du niveau de drive était inné, Zajonc (1980) précise ici qu’il est pour
l’instant impossible de statuer. Comme nous venons de le voir, Zajonc (1980) réfute l’idée
que l’anticipation d’une évaluation est une condition nécessaire à l’apparition d’un effet de la
présence d’autrui. Nous pouvons penser que cette affirmation fait directement référence à la
théorie de l’appréhension de l’évaluation de Cottrell (1972).
2.2.2 L’hypothèse de l’appréhension de l’évaluation
Pour Zajonc (1980), la présence d’autrui peut être assimilée à un stimulus
inconditionnel : elle mène toujours à une augmentation du drive, du fait de l’incertitude
associée aux stimuli sociaux. Cottrell (1972), pour sa part, remet en cause cette proposition en
donnant à autrui le statut de stimulus conditionnel. Ici l’antécédent direct de l’élévation du
drive, le stimulus inconditionnel, serait l’anticipation d’épisodes de renforcements positifs ou
négatifs. Or, ces épisodes seraient très souvent contingents à la présence d’un congénère.
C’est lui, en tant qu’évaluateur, qui serait, dans un grand nombre de cas, source de
renforcements positifs ou négatifs. De fait, par les voies du conditionnement classique, autrui
perdrait son statut de stimulus neutre pour devenir un stimulus conditionnel (i.e., appris).
C’est par conséquent en tant que stimulus conditionnel que la présence d’un congénère
élèverait le niveau de drive (Cottrell, 1972). Ainsi, comme l’illustre la Figure 2, l’une des
implications de cette hypothèse est que la simple présence d’autrui ne serait plus une
condition suffisante à l’élévation du niveau de drive. Pour voir apparaître un accroissement du
Chapitre 1 : Les effets de facilitation-inhibition sociale
17
drive, autrui devrait représenter une source d’évaluation potentielle. Dans le cas contraire, la
simple présence d’un congénère ne saurait induire d’effets de type drive.
Notons néanmoins qu’une application stricte des lois du conditionnement classique
n’amène pas aussi naturellement qu’il n’y paraît à cette prédiction. En effet, si la présence
d’autrui acquiert réellement un statut de stimulus conditionnel, celle-ci devrait s’accompagner
de la réponse associée — i.e., l’élévation du drive — même lorsque le stimulus inconditionnel
n’est plus présent — i.e., l’évaluation. Ce n’est qu’après l’extinction du lien stimulus
conditionnel / stimulus inconditionnel que les effets de type drive, associés à la présence
d’autrui, devraient disparaître en situation de présence non-évaluative (e.g., Bond et Titus,
1983 ; Geen, 1980 ; Guerin et Innes, 1982 ; Weiss et Miller, 1971). Une telle application de
l’hypothèse de Cottrell (1972) rendrait cependant les deux approches très difficilement
dissociables.
Figure 2. La théorie de l’appréhension de l’évaluation (Cottrell, 1972).
Geen et Gange (1977) proposent quelques précautions méthodologiques nécessaires,
afin de tester l’hypothèse selon laquelle la simple présence d’autrui ne serait pas une
condition suffisante pour l’apparition des effets de type drive. Ils précisent qu’il est
indispensable de recourir à des plans composés au minimum de trois conditions : une
condition « seul », une condition de simple présence et une condition introduisant le facteur
Chapitre 1 : Les effets de facilitation-inhibition sociale
18
testé. Dans le cas de l’hypothèse de l’appréhension de l’évaluation, le facteur présumé
nécessaire étant le potentiel pour l’évaluation, cette dernière condition serait une condition
d’audience évaluative. Afin de pouvoir conclure qu’un facteur est nécessaire, les données
devront faire apparaître d’une part, une différence entre la condition critique (e.g., condition
d’évaluation) et la condition « seul » et d’autre part, une absence de différence entre la
condition de simple présence et la condition « seul ». Ainsi, démontrer que l’effet de présence
d’autrui est plus important en condition critique qu’en condition simple présence serait
insuffisant. En effet, ceci impliquerait uniquement l’impact d’un effet, que Zajonc (1980)
qualifierait de directif, venant se surajouter à celui de la simple présence.
Le premier test de cette hypothèse a été réalisé par Cottrell et al. (1968). Cette étude
reprenait la tâche de pseudo-reconnaissance utilisée précédemment par Zajonc et Sales
(1966 ; pseudorecognition task). Lors d’une phase d’entraînement, Cottrell et al. (1968)
présentaient 10 non-mots que les participants devaient lire à haute voix. Les auteurs faisaient
varier en intra-sujet la fréquence (1, 2, 5, 10 et 25) de présentation de ces non-mots, deux
paires étant présentées pour chaque niveau de fréquence.
Lors de la phase test, des diapositives étaient présentées aux participants à l’aide d’un
tachistoscope. Leur tâche était de reconnaître les mots présentés lors de la phase
d’entraînement. Le temps de présentation de ces diapositives était manipulé de telle sorte que
pour certains essais, le temps de présentation était trop court pour une reconnaissance
consciente. Il était précisé que pour ces essais, ils devaient essayer de deviner, même s’ils
n’étaient pas du tout sûrs de leurs réponses.
Cette tâche est qualifiée de tâche de pseudo-reconnaissance dans la mesure où pour
ces essais, aucun mot n’était en fait présenté. Ainsi, les réponses des participants traduisaient
la force d’activation de chaque non-mot. Un non-mot plus appris, car vu un plus grand
nombre de fois, avait plus de chance d’être « reconnu » et ceci du fait que la force
d’association (le H de la formule de Hull-Spence) était plus grande. Par conséquent, une
augmentation du niveau de drive devait se traduire par un renforcement de l’effet du niveau
de fréquence.
Les participants de cette étude étaient divisés en trois conditions : une condition
« seul », une condition d’audience et une condition de simple présence. Dans la condition
d’audience, deux compères regardaient attentivement les participants durant la passation.
Dans la condition de simple présence, un compère était assis au même endroit que les
compères de la condition précédente mais avec un bandeau sur les yeux. Celui-ci était
Chapitre 1 : Les effets de facilitation-inhibition sociale
19
présenté comme un participant pour une autre étude, nécessitant une acclimatation des yeux à
l’obscurité.
Rappelons les prédictions découlant de la théorie de l’appréhension de l’évaluation
(Cottrell, 1972) : 1) la simple présence d’autrui n’est pas une condition suffisante à
l’apparition des effets de type drive ; 2) autrui doit être une source potentielle d’évaluation.
De fait, sur la tâche de pseudo-reconnaissance, le seul pattern traduisant une augmentation du
drive devait être la condition d’audience. Les données rapportées par Cottrell et al. (1968)
confirment ces prédictions. L’effet du niveau de fréquence sur les fausses reconnaissances
était identique dans les conditions de simple présence et d’isolement. En revanche, le pattern
observé pour la condition audience traduisait une force d’association plus importante que
dans les deux autres conditions. Ainsi, selon Cottrell et al. (1968), la présence d’autrui
n’élevait le niveau de drive que si l’audience était évaluative. Par conséquent, les résultats de
cette étude étaient en accord avec la théorie de l’appréhension de l’évaluation : la simple
présence d’autrui n’était pas une condition suffisante pour l’apparition des effets de type
drive.
Revenons maintenant sur l’expérience de Cohen et Davis (1973) présentée
précédemment. Le but de cette étude était explicitement de tester l’hypothèse de
l’appréhension de l’évaluation en induisant différents degrés d’évaluation. Ces auteurs
croisaient l’objectif de l’audience et son niveau d’expertise (source experte versus source de
même niveau que les participants). Dans une première condition, l’objectif de l’audience
(installée derrière le miroir sans tain) était simplement d’observer la passation. Dans la
seconde, elle était censée observer et évaluer la performance. Enfin, dans la condition de
contrôle, les participants effectuaient la même tâche mais en situation « seul » classique.
Rappelons que la variable dépendante principale de cette étude était le nombre de réponses
alternatives — i.e., les réponses « non-dominantes ».
Les données de cette étude font tout d’abord ressortir un effet global de facilitation
sociale de la réponse dominante. En effet, le nombre de réponses alternatives observées en
condition « seul » était plus important que celui de la moyenne des participants des quatre
conditions expérimentales. Par ailleurs, conformément aux prédictions de Cohen et Davis
(1973), plus le potentiel d’évaluation était important (i.e., même niveau / observation,
expert / observation, même niveau / évaluation, expert / évaluation respectivement du moins
au plus évaluatif), plus le nombre de réponses alternatives était faible. Cependant à l’appui de
l’hypothèse de Cottrell, seule la condition expert / évaluation différait significativement de la
Chapitre 1 : Les effets de facilitation-inhibition sociale
20
condition « seul ». En d’autres termes, la seule condition expérimentale pour laquelle la
réponse dominante était significativement renforcée était la condition dans laquelle
l’appréhension de l’évaluation était la plus forte.
Suite à Cottrell, des auteurs comme Geen (1980, 1989 ; Geen et Gange, 1977) ou
Weiss et Miller (1971) ont repris à leur compte la notion d’appréhension de l’évaluation.
Néanmoins, rappelons que pour Cottrell (1972), c’est l’anticipation de renforcements positifs
ou négatifs qui produit les effets de facilitation-inhibition sociale. Or, pour Weiss et Miller
(1971), la présence d’autrui élèverait le niveau de drive uniquement quand l’individu anticipe
une évaluation négative. Ainsi, plus qu’une appréhension générale de l’évaluation,
l’augmentation du drive appris (il est souvent fait référence à la théorie de Cottrell en utilisant
le terme de learned drive) serait due à la peur d’une évaluation négative. Le drive serait donc
un drive aversif (Weiss et Miller, 1971). De fait, les effets de type drive devraient apparaître
uniquement lorsqu’une évaluation négative est attendue.
Deux études de Seta et Hassan (1980) paraissent confirmer ce point de vue. Leurs
participants réalisaient une tâche de mémorisation seuls ou en situation d’audience évaluative
(ici un miroir sans tain). Cette première variable (audience versus seul) était introduite après
une première phase au terme de laquelle les participants étaient amenés à penser qu’ils
avaient bien réussi ou non dans la tâche (sur la base d’un faux feed-back leur apprenant qu’ils
faisaient partis des 10 % les plus versus les moins performants). Il leur était précisé que cela
préfigurait des résultats à attendre pour la suite de l’expérience. Ainsi, les participants
s’attendaient ou non à une évaluation négative.
Les résultats de cette étude confirmaient que la variable « audience » n’avait d’effet
que lorsque les participants s’attendaient à une évaluation négative. Dans cette condition, le
nombre de mots correctement appris était plus faible en situation d’audience que seul.
Lorsque les participants s’attendaient à une évaluation positive, la présence de l’audience
n’interférait plus sur l’apprentissage des mots.
Ces résultats sont toutefois en contradiction avec ceux obtenus par Good (1973). En
effet, sur la base du même type d’induction (i.e., un feed-back de bonne ou de mauvaise
performance), les performances étaient affectées uniquement suite à un feed-back positif.
Dans cette étude, il semblait donc que les performances étaient modulées par la présence
d’autrui uniquement dans le cas de l’attente d’une évaluation positive.
Ces résultats paraissent en totale opposition avec ceux de Seta et Hassan (1980, étude
1). Cependant, Seta et Hassan relevèrent que dans l’étude de Good (1973), l’évaluateur n’était
Chapitre 1 : Les effets de facilitation-inhibition sociale
21
autre que l’expérimentateur lui-même. Celui-ci avait donc connaissance des résultats de la
première phase. Les participants allaient ainsi être évalués par une personne connaissant leur
très bon score au temps 1. Aussi, son évaluation avait-elle beaucoup de chance d’être
négative. Il suffisait pour cela que leur performance soit moins bonne que lors de la première
phase. A l’inverse, lorsque la performance au temps 1 était mauvaise, les participants
pouvaient penser que leur performance ne pourrait être que meilleure. Ils pouvaient donc
s’attendre à une évaluation positive, l’expérimentateur saluant leur progression. La peur de
l’évaluation devait par conséquent être plus forte en situation de succès en phase 1.
La situation des participants de l’étude 1 de Seta et Hassan (1980) était toute autre. Ici,
la source d’évaluation était l’audience et celle-ci n’était pas censée connaître les résultats de
la première phase. De fait, celle-ci n’allait pas juger la progression mais bien la seule
performance au temps 2. Aussi, dans cette situation, la peur de l’évaluation devait-elle être
plus forte dans la situation d’échec au temps 1.
L’étude 2 de Seta et Hassan (1980) avait pour objectif de mettre à l’épreuve ce
raisonnement. En plus de la manipulation du feed-back au temps 1, les participants étaient
répartis dans trois conditions : une condition « seul », une condition d’audience ayant
connaissance des résultats obtenus en phase 1 et une condition d’audience n’ayant pas
connaissance de ces résultats.
Dans l’ensemble, les données de cette étude confirmaient cette analyse. Parmi les
participants pensant avoir échoué dans la première tâche, un effet d’inhibition sociale
apparaissait, mais uniquement lorsque l’audience n’avait pas connaissance des résultats de la
première phase. A l’inverse, parmi les participants pensant avoir réussi, seuls ceux confrontés
à une audience ayant connaissance des résultats tendaient (même si cette différence n’était
pas significative) à avoir une performance plus modeste. Cette étude permet donc de
réconcilier les résultats de Good (1973) avec la notion de peur de l’évaluation (Weiss et
Miller, 1971). En effet, il semble possible de penser que la condition d’attente d’évaluation
positive (i.e., feed-back de succès en phase 1) de Good induisait plutôt la peur d’une
évaluation négative suite à une diminution des performances.
Geen (1980, 1989) défend une position assez similaire à celle de Weiss et Miller
(1971). Selon Geen (1989), seule l’attente d’évaluation négative induirait les effets de type
drive. Pour lui, cette peur de l’évaluation serait assimilable à un état d’anxiété. Seuls les
participants rendus anxieux par l’attente d’une évaluation négative seraient influencés par la
présence d’une audience évaluative. Ceci pourrait expliquer que dans l’une de ces études
Chapitre 1 : Les effets de facilitation-inhibition sociale
22
(Geen, 1976), la présence de l’audience n’influencerait les performances que pour les
participants ayant un fort niveau chronique d’anxiété en situation de test.
D’autres preuves empiriques confirment que la simple présence d’autrui n’est pas
toujours suffisante pour faire apparaître des effets de type drive (e.g., Carment et Latchford,
1970 ; Cohen et Davis, 1973 ; Sanders et al., 1978 ; Worringham et Messick, 1983).
Cependant, des études du même type plaident, quant à elles, pour la position de Zajonc
(1980). Rajecki et ses collaborateurs (1977) trouvaient par exemple un effet de facilitation
sociale dans une condition d’audience « yeux bandés », comparable à celle de Cottrell et al.
(1968). De même, l’expérience de Markus (1978) présentée précédemment faisait apparaître
une moins grande rapidité d’exécution d’une tâche complexe (mettre et enlever des vêtements
étrangers) en présence d’une audience inattentive. En outre, Bond et Titus (1983) concluent
de leur méta-analyse que la présence d’audiences non-évaluatives inhibe les performances
quantitatives et qualitatives pour les tâches complexes et facilitent les performances
quantitatives pour les tâches simples. Ceci tendrait à favoriser l’hypothèse de la simple
présence : la présence d’autrui pourrait dans certains cas induire des effets de facilitation-
inhibition sociale même si celui-ci ne peut évaluer les individus. Néanmoins, comme le note
Guerin (1993, page 55) : « one recurring problem was the difficulty of reducing the possible
evaluation when performing in front of others – especially when doing laboratory tasks. It
does not take much for people to feel that they are being evaluated. ». A ce propos, l’étude
réalisée hors laboratoire par Worringham et Messick (1983) faisait apparaître que des
personnes observées par une audience attentive courraient plus vite. En revanche, quand cette
audience était inattentive (celle-ci lisait un livre), la vitesse des coureurs n’était pas influencée
par sa simple présence. Il est clair que dans cette situation, la composante évaluative est
clairement atténuée dans la condition de simple présence, or aucun effet de facilitation
n’apparaît. Ce résultat plaide donc pour l’intérêt de la prise en compte de la dimension
évaluative dans les effets de facilitation-inhibition sociale.
Les préoccupations liées à l’évaluation des compétences sont également centrales dans
l’une des théories des effets de facilitation-inhibition sociale apparue au milieu des années 70.
Nous n’évoquerons que très succinctement cette théorie étant donnée qu’elle sera développée
plus en détails dans le Chapitre 3.
Chapitre 1 : Les effets de facilitation-inhibition sociale
23
2.2.3 L’hypothèse du conflit-distraction
L’idée à la base de cette théorie est que la présence d’autrui conduirait à un
accroissement du niveau de drive uniquement quand la présence d’autrui occasionne un
conflit attentionnel (Baron, 1986 ; Sanders, 1981a). Aussi, dans cette conception, la simple
présence d’autrui n’est-elle pas suffisante pour faire apparaître des effets de type drive. Dans
cette théorie, autrui serait une source potentielle de distraction. Lorsque tel est le cas, un
conflit attentionnel pourrait apparaître entre la tâche à réaliser et la distraction occasionnée.
Selon Baron et ses collaborateurs, c’est ce conflit attentionnel et non la présence d’autrui per
se qui induirait l’augmentation du niveau de drive. Ainsi, ces auteurs ont pu démontrer que
les effets de type drive n’apparaissaient plus, dès lors qu’autrui n’induisait pas de conflit
attentionnel (e.g., Groff, Baron et Moore, 1983 ; Sanders et al., 1978).
Plusieurs raisons font de la présence d’autrui une source de distraction. Dans certaines
situations, autrui peut notamment être une source d’incertitude et nécessiter un contrôle
constant (Zajonc, 1980). Il peut également attirer l’attention lorsqu’il va évaluer ou évalue les
performances (Cottrell, 1972 ; Weiss et Miller, 1971). Enfin, les théoriciens de la théorie du
conflit-distraction insistent sur le fait qu’autrui serait souvent une source d’information de
comparaison sociale (Festinger, 1954). Effectuant une tâche nouvelle pour eux, les individus
auraient tendance à se comparer avec le coacteur. Activité de comparaison qui n’est pas liée
directement à la réalisation de la tâche et qui créerait donc un conflit attentionnel entre la
recherche d’information de comparaison et l’exécution de la tâche elle-même. Selon Sanders
(1981a), cette théorie permet d’intégrer les approches de Zajonc (1980) et de l’appréhension
de l’évaluation (Cottrell, 1972 ; Weiss et Miller, 1971). En effet, les différents facteurs
proposés par ces deux approches ne seraient pas les antécédents directs de l’augmentation du
drive. Ils représenterait plutôt les différentes raisons qui font d’autrui une source de
distraction et donc de conflit attentionnel (Sanders, 1981a). Le conflit attentionnel jouerait par
conséquent le rôle de médiateur dans l’augmentation du drive. Notons que le besoin de
contrôle évoqué ici, et introduit par Zajonc (1980), est également au centre de l’hypothèse du
contrôle social (Guerin, 1983, 1993 ; Guerin et Innes, 1982).
2.2.4 L’hypothèse du contrôle social
L’approche du contrôle social reprend l’idée de Zajonc (1980) selon laquelle les
stimuli sociaux sont imprévisibles et sources potentielles de danger (Guerin, 1983, 1993 ;
Guerin et Innes, 1982). La réponse basique face à la présence d’un stimulus social serait donc
Chapitre 1 : Les effets de facilitation-inhibition sociale
24
l’appréhension d’une menace potentielle. Guerin (1983, page 204) précise cependant que le
terme « threat refers to potential physical threat, and not to the audience giving negative
social evaluations ». Si Guerin (1993) admet qu’il peut y avoir également une appréhension
vis-à-vis d’une évaluation, la menace physique est, selon lui, un principe beaucoup plus
général pouvant s’appliquer aux humains, comme aux animaux. La réponse à cette menace
potentielle serait un réflexe de contrôle (monitoring). Le congénère attirerait l’attention,
attention attribuée dans un but d’évaluation et éventuellement de préparation à une attaque.
Différents facteurs seraient évalués et détermineraient si ce contrôle influence ou non le
niveau d’arousal.
Parmi ces facteurs, un premier concerne la proximité du congénère. En effet, plus
autrui est proche physiquement, et plus le danger serait grand, d’où un contrôle plus soutenu.
Un autrui en mouvement nécessiterait également un contrôle plus important, du fait que les
réponses, face à une attaque éventuelle, devraient être mises en place plus rapidement. La
direction du regard d’autrui pourrait aussi faire craindre un échange. Enfin, nouveauté et
familiarité joueraient des rôles essentiels. La crainte associée aux comportements d’un
congénère familier serait, assez naturellement, moins importante que celle associée à un
inconnu.
L’évaluation première de ces différents facteurs impliquerait ou non la nécessité d’un
contrôle social. Le principe général étant qu’un congénère serait contrôlé aussi longtemps que
cela serait possible et nécessaire (Guerin, 1993). Guerin (1993 ; Guerin et Innes, 1982) en
déduit des conditions de variation de l’arousal. Ceci l’amène à proposer qu’autrui n’influence
pas le niveau d’arousal lorsque le congénère est familier ou prévisible et qu’il peut être
contrôlé régulièrement. En revanche, le niveau d’arousal serait renforcé : 1 ) dès lors qu’un
autrui sera présent mais que l’individu ne pourra pas le contrôler ; 2) aussi longtemps qu’un
autrui, même familier, présentera un caractère menaçant, i.e., tant que le contrôle sera
nécessaire.
Le modèle du contrôle social se distingue de l’hypothèse de la simple présence du fait
qu’autrui ne serait pas toujours une source d’augmentation du niveau d’arousal. En effet,
comme nous venons de le voir, lorsque le contrôle n’est pas nécessaire, aucun effet de type
drive ne devrait apparaître.
Il se différencie également assez clairement de l’hypothèse de l’appréhension de
l’évaluation. Comme le notent Guerin et Innes (1982), les facteurs influençant le besoin de
Chapitre 1 : Les effets de facilitation-inhibition sociale
25
contrôle peuvent être appliqués à toutes les espèces et ne sont pas liés à des
« fonctionnements cognitifs de haut niveau ».
Enfin, nous pourrions voir une grande similarité entre ce modèle et celui de Baron et
ses collaborateurs. En effet, la présence d’autrui induirait des effets de type drive aussi
longtemps qu’autrui capte une partie de l’attention. Néanmoins, dans le modèle du contrôle
social, le conflit attentionnel entre la présence d’autrui et la tâche n’est pas considéré comme
un médiateur de l’augmentation de l’arousal. Les conditions de « nécessité de contrôle » ou
« d’impossibilité de contrôle » seraient nécessaires et suffisantes. De fait, les effets de type
drive apparaîtraient également lorsqu’il n’y a aucun conflit attentionnel entre le traitement des
informations liées à la présence d’autrui et celles liées à la tâche.
Notons pour finir que le modèle du contrôle social amène à prédire un effet de la
présence d’autrui plus faible en situation de coaction. En effet, le fait que le coacteur soit en
train de réaliser la même tâche que l’individu, le rend moins imprévisible. Par conséquent, le
contrôle deviendrait moins nécessaire, diminuant l’impact de la présence d’autrui sur le
niveau d’arousal (Geen et Innes, 1982 ; Guerin, 1983, 1993). A l’inverse, dans le cadre de la
théorie du conflit-distraction, nous avons vu que la présence d’un coacteur présentait la
particularité de fournir des informations de comparaison sociale (Baron, 1986 ; Sanders et al.,
1978). Informations qui pourraient induire un conflit attentionnel et de ce fait, des effets de
type drive. Cette théorie ne postule donc pas un effet plus faible en coaction.
Une expérience de Guerin (1983) avait pour but de tester les prédictions dérivées de
l’hypothèse du contrôle social. Les participants de cette étude étaient seuls ou en présence
d’une audience. Selon les conditions expérimentales, cette audience était soit inattentive
(l’audience tournait le dos aux participants), soit derrière le sujet, soit attentive (l’audience
regardait les participants pendant qu’ils réalisaient la tâche). Notons que dans toutes les
conditions, l’audience ne pouvait pas voir les réponses des participants. De fait, le niveau
d’appréhension de l’évaluation était maintenu constant entre les conditions.
Les résultats de cette étude confirmaient les prédictions du modèle du contrôle social.
En effet, pour la tâche complexe, seules les conditions « audience attentive » et « audience
derrière » induisaient de moins bonnes performances que la condition « seul ». Aucune
différence n’apparaissait pour la tâche simple. Ainsi, contrairement à l’hypothèse de Zajonc
(1980), la simple présence d’une audience ne suffisait pas à induire une augmentation de
l’arousal. Un autrui ne nécessitant pas de contrôle de la part de l’individu (e.g., une audience
inattentive occupée à faire autre chose) n’influençait pas les performances. Pour avoir une
Chapitre 1 : Les effets de facilitation-inhibition sociale
26
influence, autrui devait nécessiter un contrôle (e.g., une audience attentive) ou ne pas pouvoir
être contrôlé (e.g., une audience placée derrière le sujet).
L’opposition entre les théories du contrôle social et du conflit-distraction demeure,
quant à elle, moins évidente. Il reste, en effet, possible de penser qu’une audience inattentive,
ne nécessitant pas de contrôle et n’étant pas une source d’information de comparaison sociale,
ne créée pas de distraction. Ceci impliquerait l’absence de conflit attentionnel et par
conséquent, d’effets de type drive (Baron, 1986). De fait, la mesure de performance ne permet
pas réellement d’opposer les deux hypothèses car elles rendent compte toutes les deux du
pattern observé, c’est-à-dire l’apparition d’un effet de la présence d’autrui uniquement dans
les conditions d’audiences attentive et placée derrière le sujet.
Les travaux présentés ici nous ont permis de voir que la peur de l’évaluation joue un
rôle important dans l’apparition des effets de type drive. Certaines études font apparaître ces
effets uniquement dans le cas d’audience évaluative (Cottrell et al., 1968 ; Worringham et
Messick, 1983). Néanmoins, d’autres travaux signalent que ces effets peuvent parfois
apparaître, même quand les potentialités d’évaluation sont diminuées (Markus, 1978 ; Rajecki
et al., 1977). Il demeure cependant délicat d’affirmer que ces résultats sont le seul fait de la
simple présence d’autrui. D’une part, il est difficile de créer des situations qui ne sont plus du
tout évaluatives (Guerin, 1993). D’autre part, l’effet de simple présence d’autrui peut être le
reflet de processus de contrôle (Guerin, 1983) ou la résultante du conflit attentionnel qu’elle
engendre (Baron, 1986). En effet, lorsque ces différents facteurs sont contrôlés, nous avons vu
que la simple présence d’autrui n’induisait plus d’effet de facilitation-inhibition sociale (Groff
et al., 1980 ; Guerin, 1983 ; Sanders et al., 1978).
Comme nous le précisions au début de cette partie, ces différentes hypothèses
s’opposent uniquement sur les antécédents de l’augmentation du niveau de drive. Néanmoins,
elles s’accordent à dire que l’effet de présence d’autrui serait dû à l’impact de cette
augmentation sur la production de réponses dominantes. Nous allons maintenant évoquer les
questionnements concernant cette partie de la chaîne causale.
2.3 Questions en suspens concernant l’application des lois de Hull-Spence
Au cours de cette partie, nous aborderons principalement deux problèmes. Le premier
concerne la notion même de drive. Qu’entend-t-on par drive ? Comment le mesurer ? Est-ce
réellement une activation générale ?… Le second concerne l’application de la notion de
réponse dominante et les difficultés rencontrées pour tester une telle notion.
Chapitre 1 : Les effets de facilitation-inhibition sociale
27
2.3.1 L’activation du niveau général de drive
Bien que l’application de l’équation de Hull-Spence a été étonnamment (Zajonc,
1980) peu discutée durant les années suivant l’apparition de la théorie du drive (Zajonc,
1965), cela n’a pas été longtemps le cas. L’une des attaques les plus souvent portées à la
théorie du drive concernait le flou théorique recouvrant la notion même de drive (e.g., Glaser,
1982). Il est en effet, très difficile de trouver des définitions claires de ce concept. Parfois
traduit en français par le terme de tension, il serait justement un indicateur du niveau de
tension ou de motivation (Guerin, 1993). Pour Desportes (1969, page 631) « la notion de
‘tension’ se définit donc par celle de niveau de fonctionnement de l’organisme et en
particulier du système nerveux central qu’expriment les termes ‘d’activation’ et ‘d’arousal’ ».
Pur construit théorique, le drive n’est donc pas directement observable (e.g., Desportes,
1969 ; Glaser, 1982 ; Sanders, 1981b). De fait, celui-ci se trouva rapidement associé aux
notions d’arousal (ce que l’on peut noter dans la citation de Desportes, 1969) et d’anxiété
(e.g., Geen, 1976, 1980). Ces tentatives visaient à trouver des moyens de démontrer
empiriquement les variations dans le niveau de drive (Glaser, 1982). La notion d’arousal,
classiquement utilisée dans les recherches psychophysiologiques (cf. Blascovich et Tomaka,
1996), renvoie à une traduction physiologique des accroissements dans le niveau de drive.
Notons que Zajonc (1965, 1980), quant à lui, utilise les termes drive et arousal de manière
interchangeable.
Toutefois le recours à la notion d’arousal ne va pas sans poser de problème. En effet,
le concept d’arousal est tout aussi flou que celui de drive (Blascovich et Tomaka, 1996). Les
problèmes de définition rencontrés avec le drive réapparaissent avec celui-ci. Pour Blascovich
et Tomaka (1996), l’usage le plus courant de l’arousal renverrait également à un construit
purement hypothétique et symbolique. Pour ces auteurs, opérationnalisation et évaluation
empirique sont, par nature, impossibles dans une telle perspective. Ils ne rejettent cependant
pas l’intérêt théorique d’une telle notion. En effet, pour Blascovich et Tomaka, (1996, page
7) : « the basis for the use of arousal constructs in the scientific sense should necessarily rest
on firm physiological theory pertinent to the domains within which the specified arousal
construct plays a theoretical role ».
Ainsi, le concept d’arousal, au même titre que celui de drive, peut être utilisé soit
comme une notion purement théorique, soit comme une manifestation physiologique. Là
encore, dès son article de 1965, Zajonc présente des données physiologiques à l’appui de sa
théorie. Or, comme nous l’avons vu précédemment dans ce chapitre, les données collectées
Chapitre 1 : Les effets de facilitation-inhibition sociale
28
sur les variables dépendantes physiologiques ne viennent pas corroborer très nettement la
théorie du drive (Bond et Titus, 1983 ; Geen, 1989). En effet la méta-analyse de Bond et Titus
(1983), nous enseigne que la seule indication d’un effet physiologique de la présence d’autrui
concerne la sudation palmaire lors de tâches complexes. Un certain nombre d’autres mesures
ont été utilisées, mais ne semblent pas donner de résultats très consistants (Geen, 1989).
Geen (1989) note également qu’aucune analyse de médiation n’a pu confirmer le
statut de médiateur de l’arousal. De plus, il remarque qu’une seule étude a pu mettre en
évidence une corrélation entre la performance et une mesure physiologique de l’arousal.
Notons également que les différentes mesures physiologiques ne paraissent pas être
corrélées entre elles (cf. Geen et Gange, 1977 ; Guerin, 1993). Cette constatation pose un
sérieux problème dans la mesure où l’arousal est défini comme un niveau d’activation
général. Ceci représente également une des réserves émises par Blascovich et Tomaka (1996)
concernant la conception classique de la notion d’arousal. La question qui se pose renvoie à
l’existence même d’un niveau d’activation général : question liée à celle de la définition
concrète de la notion d’arousal. Cette question s’avère fondamentale si l’on en croit
Blascovich et Tomaka, (1996, page 9) pour qui : « without concrete definition the scientific
measurement of arousal remains futile ». De récentes études mènent, semble-t-il, à ne plus
postuler une activation générale, mais plutôt à étudier et à spécifier des patterns de réponses
physiologiques. Ces recherches se basent sur des théories psychophysiologiques et utilisent
des techniques de plus en plus sophistiquées (e.g., Blascovich et al., 1999 ; Mendes,
Blascovich, Major et Seery, 2001).
Une recherche récente, effectuée au sein du laboratoire de l’université de Santa
Barbara, applique de telles méthodologies et hypothèses à l’étude des effets de facilitation-
inhibition sociale (Blascovich et al., 1999). Les concepts de challenge et de menace,
développés par cette équipe de recherche, renverraient chacun à des patterns spécifiques
d’activation physiologique. Le premier serait associé aux situations où l’individu dispose
d’assez de ressources pour gérer la demande (e.g., la tâche qui lui est proposée). Le second
renverrait, quant à lui, aux situations où l’individu ne dispose pas de ressources nécessaires.
Dans un tel modèle, la présence d’autrui augmenterait la pertinence du but (i.e., la tâche), ce
qui augmenterait le niveau d’arousal. Cependant la nature de l’arousal, selon que l’individu
réalise une tâche simple ou une tâche complexe, serait différente. Dans le premier cas, le
pattern d’activation physiologique serait celui caractérisant le challenge, dans le second celui
caractérisant la menace (Blascovich et al., 1999). L’idée forte de cette approche consiste à
Chapitre 1 : Les effets de facilitation-inhibition sociale
29
distinguer différents types d’activation. Ainsi, dans les deux cas, la stimulation situationnelle
augmenterait la fréquence cardiaque. Néanmoins, dans le cas de la perception d’un challenge,
cette augmentation de la fréquence cardiaque s’accompagnerait d’une diminution de la
résistance vasculaire. La mobilisation énergétique serait plus importante mais ne se doublerait
pas d’une augmentation de la pression sanguine. Selon Blascovich et al. (1999), cette
activation serait efficace pour gérer la tâche. A l’inverse, dans le cas d’une menace, le
changement de fréquence cardiaque ne s’accompagnerait pas de cette diminution de
résistance vasculaire. Celle-ci pourrait même être réduite. L’augmentation de la fréquence
cardiaque entraînerait donc une augmentation de la pression sanguine, ce qui, cette fois, ne
mènerait pas à une mobilisation énergétique efficace. Cette nouvelle approche des
phénomènes de facilitation-inhibition sociale paraît, quoi qu’il en soit, ouvrir une voie
prometteuse à des études articulant processus physiologiques et cognitifs.
Pour revenir à une conception plus classique du drive, il reste possible de considérer
celui-ci comme un construit purement hypothétique sans corrélat physiologique (Sanders,
1981b). Cependant, comme le note Glaser (1982), ceci amène bien souvent à définir le drive
sur la base de ses effets, ce qui pose inévitablement le problème de la prédiction des effets en
question. Ainsi, dans la théorie de Hull et Spence et pour Zajonc (1965), la relation entre
performance et drive serait linéaire. Or, certains résultats contradictoires ont amené Zajonc
(1980) à proposer une relation en forme de U inversé. En effet, les données de Kiesler (1966,
citée par Zajonc, 1980) suggéraient l’apparition d’effets d’inhibition sociale sur une tâche
simple. Dans cette étude, les enfants réussissant le moins bien la tâche étaient ceux qui étaient
à la fois stressés et en présence d’autrui. Si l’on considère, avec Zajonc (1980), que le stress
est un facteur d’augmentation du drive, ce résultat est en contradiction avec l’idée d’une
relation linéaire entre drive et performance. Les deux facteurs, c’est-à-dire le stress et la
présence d’autrui, auraient dû se cumuler et mener à une bonne performance. Afin de rendre
compte de ce type d’effets Zajonc (1980) proposait une relation en forme de U inversé entre
performance et drive. Dans l’exemple que nous venons de citer, le niveau de drive aurait été
trop important et aurait inhibé les performances. Néanmoins, cette reformulation ne
correspond plus à l’hypothèse de Hull-Spence. Ceci a amené Glaser (1982) à voir dans cette
reformulation, une explication post hoc, dictée par le besoin de défendre une théorie qu’il
qualifie d’orthodoxe.
Etant donné l’étendue des problèmes soulevés, il s’avère difficile d’affirmer
l’existence d’un niveau de tension général, de drive, qui rendrait compte des effets de
Chapitre 1 : Les effets de facilitation-inhibition sociale
30
facilitation-inhibition sociale. Les données physiologiques n’ont pas permis de révéler
l’existence de variations homogènes du niveau d’activation physiologique en présence
d’autrui. Lorsque des variations ont été observées, celles-ci ne corrélaient pas entre elles et ne
covariaient généralement pas avec les performances.
Si l’on admet que le drive n’est qu’un concept théorique, il reste cependant un
problème de circularité dans l’usage de cette notion (Glaser, 1982 ; Carver et Scheier, 1981).
Comme le notent Carver et Scheier (1981) : « with no independent way to assess drive
strength, one must infer it on the basis of the intensity of the observed behavior — the very
phenomenon that the drive construct was invoked to explain » (page 557). Ce problème est
également renforcé par le fait que la relation entre drive et performances n’est apparemment
pas très claire. Comme nous venons de le voir, il est souvent possible de trouver des
explications ad hoc permettant de ne pas infirmer les explications en termes de drive.
Néanmoins, et pour les mêmes raisons (i.e., la possibilité de toujours trouver des raisons ad
hoc), il demeure difficile d’affirmer directement que le drive n’existe pas. Il est par contre
possible de s’interroger sur sa traduction comportementale, c’est-à-dire l’augmentation des
réponses dominantes. Si en plus de problèmes soulevés ici, nous pouvons montrer que la
notion de réponses dominantes ne rend pas compte de certains effets de facilitation sociale,
nous pourrons défendre l’idée que le concept de drive n’est pas le plus pertinent pour
expliquer ces effets.
2.3.2 Le renforcement des réponses dominantes
Dans cette partie, nous allons aborder les différents problèmes associés à l’utilisation
du concept de réponse dominante. L’un de ces problèmes touche à la distinction entre
« tâches qualitatives » et « tâches quantitatives ». Rappelons que lorsque la variable
dépendante d’intérêt porte sur la justesse des réponses, on parle de tâches qualitatives et
lorsque celle-ci porte sur la vitesse des réponses, on parle alors de tâches quantitatives (cf.
Bond et Titus, 1983).
Lors de leur méta-analyse, Bond et Titus (1983) concluent à la présence d’un effet
d’inhibition sociale pour les tâches complexes, tant pour les mesures qualitatives que
quantitatives. La présence d’autrui aurait bien tendance à ralentir les performances et à mener
à des réponses moins souvent correctes lorsque les tâches utilisées sont complexes. De même,
ces auteurs observent l’existence d’un effet de facilitation sociale pour les mesures de vitesse
d’exécution des tâches simples. La présence d’autrui augmenterait bien la vitesse de
Chapitre 1 : Les effets de facilitation-inhibition sociale
31
réalisation de tâches simples et favoriserait donc l’aspect quantitatif des performances. En
revanche, en ce qui concerne l’aspect qualitatif, Bond et Titus (1983, page 282) concluent que
pour les tâches simples « the presence of others barely affects the accuracy of simple task
performance ».
Ce dernier résultat est quelque peu problématique dans le cadre des théories du drive
(Zajonc, 1965), étant donné que dans la conception de Hull-Spence, l’énergisation devrait
affecter les deux mesures. Ainsi, la probabilité d’apparition des réponses dominantes devrait
être amplifiée, au même titre que leur vitesse d’émission, ce qui n’est apparemment pas le cas
(Bond et Titus, 1983). Par ailleurs, lorsqu’il est possible d’enregistrer les deux types de
mesures (vitesse et justesse), celles-ci ne sont pas corrélées et / ou les effets n’apparaissent
que sur l’une ou l’autre des mesures (e.g., Blank et al., 1976). Ce qui ne conforte pas l’idée
d’une élévation du niveau général d’activation (Blascovich et Tomaka, 1996). Il est même
possible d’imaginer avec Bond et Titus (1983) que dans certains cas, il soit possible de
conclure à un effet d’inhibition sociale pour une mesure (e.g., probabilité de bonne réponse)
et à un effet de facilitation pour une autre (e.g., vitesse d’exécution).
L’idée de renforcement des réponses dominantes, contingente à l’élévation du drive,
appelle une deuxième remarque. Un certain nombre de chercheurs ont avancé l’idée qu’une
augmentation du drive aurait pour effet de réduire le nombre d’indices utilisés pour réaliser la
tâche (range of cue utilization ; e.g., Easterbrook, 1959). Ainsi, l’impact du drive sur la
performance ne serait pas dû au renforcement de la réponse dominante, mais à une
focalisation de l’attention sur un nombre restreint d’éléments (cf. Baron, 1986 ; Cohen, 1978).
Un certain nombre de résultats, tant au niveau comportemental (e.g., Geen, 1976 ; Huguet et
al., 1999) que physiologique (Moore, Baron, Logel, Sanders et Weerts, 1988), paraissent
confirmer que la présence d’autrui affecte les processus attentionnels.
Notons qu’à l’heure actuelle, peu d’études ont utilisé des tâches permettant de
départager les hypothèses de réponse dominante et de focalisation attentionnelle. Les études
menées par Huguet et ses collaborateurs (1999) font exception dans ce domaine. Ces
chercheurs ont, en effet, eu recours à la célèbre tâche de Stroop (1935). Dans cette tâche, les
participants doivent dénommer la couleur d’un certain nombre d’items. Ceux-ci sont soit des
items contrôles, par exemple des suites de croix (XXXX), soit des items tests, c’est-à-dire des
mots dont la signification est incongruente avec la couleur de l’encre (e.g., le mot BLEU écrit
en vert). L’interférence de Stroop désigne le fait que les temps de réponse sont généralement
plus longs sur les items tests que sur les items contrôles. L’interprétation classique de cet effet
Chapitre 1 : Les effets de facilitation-inhibition sociale
32
est que l’aspect sémantique du mot serait traité automatiquement et viendrait perturber la
réponse du sujet (voir MacLeod, 1991, pour une revue de question). La lecture étant
automatique et incontrôlable (MacLeod, 1991), il est possible de postuler que dans cette
tâche, il s’agit de la réponse dominante. En revanche dans cette tâche, peu d’indices sont
utiles étant donné qu’un seul indice est nécessaire : la couleur du mot. Ainsi, si la présence
d’autrui affecte les performances via une augmentation de la réponse dominante,
l’interférence de Stroop devrait être renforcée. A l’inverse, si l’impact de celle-ci passe par
une plus grande focalisation attentionnelle (i.e., moins d’indices pris en compte),
l’interférence de Stroop devrait être diminuée.
Cette étude de Huguet et al. (1999, étude 1) comportait quatre conditions,
comparables à celles de Guerin (1983). Il s’agissait d’une condition d’isolement, d’une
condition d’audience inattentive (le compère lisait un livre et ne regardait jamais le sujet),
d’une condition d’audience attentive (le compère regardait le sujet pendant environ 60 % du
temps de passation) et d’une condition d’audience invisible (le compère était derrière le
sujet). De plus, afin d’atténuer l’aspect évaluatif de la situation expérimentale, tous les
participants étaient amenés à penser que l’ordinateur n’enregistrerait pas leurs réponses.
L’expérimentateur leur expliquait qu’il voulait uniquement leur impression sur la tâche.
Les résultats de ces études révélaient que les temps de réponses étaient plus courts
dans les conditions d’audience attentive et invisible que dans les deux autres conditions. A
l’instar des résultats de Guerin (1983), les conditions d’isolement et d’audience inattentive ne
différaient pas entre elles. Outre le fait que cette étude démontre une fois de plus que la
simple présence d’autrui ne semble pas suffisante, elle fait surtout apparaître un effet de
facilitation dans une tâche où une approche en termes de réponses dominantes prédirait un
effet d’inhibition. La présence d’autrui aurait atténué et non augmenté l’usage de la réponse
dominante (i.e., la lecture). En revanche, ces résultats sont en accord avec une vision
attentionnelle des effets de facilitation-inhibition sociale. La présence d’autrui aurait diminué
l’interférence de Stroop, en focalisant les individus sur un nombre plus restreints
d’informations, en l’occurrence la couleur des mots. De plus, ces auteurs rapportent une
diminution de la capacité à rappeler les mots tests (e.g., le mot CERISE écrit en bleu),
lorsqu’une audience était présente. Ceci laisse à penser que la lecture avait bien été inhibée,
ce qui renforçait l’interprétation en termes de focalisation attentionnelle.
Rappelons néanmoins que les réponses dominantes sont parfois inférées sur la base de
performances observées en condition d’isolement, un faible taux d’erreurs reflétant une
Chapitre 1 : Les effets de facilitation-inhibition sociale
33
réponse dominante correcte. Ainsi, lorsque ce taux d’erreurs est inférieur à 50 %, les théories
du drive feraient la prédiction d’un effet de facilitation sociale (Hunt et Hillery, 1973 ;
Zajonc, 1980). Or, dans la tâche de Stroop, le taux d’erreurs est inférieur à 5 % (Huguet et al.,
1999). Dans le cadre d’une interprétation en termes de réponses dominantes, il reste par
conséquent possible d’avancer que celles-ci étant correctes, il est normal que la présence
d’autrui diminue l’interférence de Stroop (cf. Huguet et al., 2002 ; Galvaing, 2000).
Cet exemple nous permet de pointer le dernier problème que nous évoquerons
concernant la notion de réponses dominantes. Ce problème renvoie au fait qu’il est souvent
possible de trouver une interprétation des résultats en termes de réponse dominante. Ainsi,
Glaser (1982) remarque que le flou entourant les notions de réponse dominante et de drive
rend les théories du drive difficilement falsifiables. Dans le cas des réponses dominantes, il
est souvent très difficile de déterminer a priori quelle est la hiérarchie des réponses
comportementales (Glaser, 1982 ; Guerin, 1993). Glaser (1982) note à ce propos que les
études présentées à l’appui de cette approche ne disposent que très rarement de mesures de
contrôle permettant de démontrer quelle est la réponse dominante.
De fait, un test permettant une opposition définitive entre une approche attentionnelle
et une approche en termes de réponses dominantes devrait remplir au moins deux conditions :
1) disposer d’une mesure permettant de contrôler quelle est la réponse dominante ; 2) utiliser
une tâche pour laquelle les deux approches amènent à des prédictions opposées. Par exemple
une tâche où, comme dans la tâche de Stroop, peu d’indices sont nécessaires et où la réponse
dominante n’est pas correcte. Notons que même si un tel test était réalisé, celui-ci infirmerait
l’hypothèse de réponse dominante, mais ne permettrait pas de rejeter l’hypothèse d’élévation
du drive. En effet, celui-ci n’étant pas observable, il resterait toujours possible d’imaginer que
c’est l’élévation du drive qui est à la base de la focalisation attentionnelle (e.g., Easterbrook,
1959). Cependant, si une théorie permettait de faire l’économie du concept de drive, le souci
de parcimonie, cher à Zajonc (1965, 1980), nous pousserait à considérer inutile le recours à
cette notion.
CHAPITRE 2 __________________________________________________________
La présence d’autrui ou la régulation sociale du comportement
Si la question des antécédents de l’augmentation du niveau de drive s’est trouvée très
vite au centre du débat (e.g., Cottrell et al., 1968), ces interprétations continuaient, de fait, à
recourir à la notion de drive. Il fallut attendre plus longtemps avant l’apparition
d’interprétations ne recourant pas au principe de drive (e.g., Blank et al., 1976 ; Wicklund,
1975 ; Wicklund et Duval, 1971). Le développement des différentes hypothèses se rapportant
à l’effet de présence d’autrui reflète assez bien l’évolution de la psychologie sociale des
années 70 et 80 (Markus et Zajonc, 1985). En effet, la position « Stimulus-Réponse »
jusqu’ici dominante et que l’on retrouve dans l’approche de Zajonc (1965, voir Guerin, 1993,
pour une exception « Stimulus-Réponse » dans la littérature contemporaine des effets de
facilitation-inhibition sociale), tendait à être de plus en plus menacée par des approches
faisant intervenir les représentations élaborées par l’individu (e.g., Sanders et al., 1978 ;
Cottrell, 1972). Celles-ci commençaient en effet à prendre en compte la signification que
l’individu donnait à la situation. Dans l’étude de Seta et Hassan (1980, étude 2 ; voir Chapitre
1), c’est bien parce que cette signification changeait, selon que l’audience ait ou non
connaissance des résultats de la première phase, que les effets associés à sa présence étaient
modulés. Cet exemple illustre à quel point il devenait difficile de ne pas faire intrusion dans la
« boite noire », chère aux béhavioristes. Une attention plus grande était portée à la part active
de l’organisme traitant l’information. Aussi, la psychologie sociale était-elle passée d’une
vision de type « Stimulus-Réponse » à une vision « Stimulus-Organisme-Réponse » (Markus
et Zajonc, 1985). Le stimulus n’induisait plus directement un type de réponse. C’est en effet
l’interprétation faite de ce stimulus par l’organisme qui impliquait tel ou tel type de réponse.
Pour Markus et Zajonc (1985), la psychologie sociale contemporaine serait même du type
« Organisme-Stimulus-Organisme-Réponse ». Les stimuli traités par l’organisme ne seraient
plus imposés, mais sélectionnés activement par celui-ci (Markus et Zajonc, 1985). Ceci
amenait Markus et Zajonc (1985, page 138) à constater que : « The social psychology of the
seventies and of the eighties takes it for granted that internal representations mediate between
Chapitre 2 : La présence d’autrui ou la régulation sociale du comportement
36
the stimulus and its behavioral consequences and that these representations dominate the
entire process ».
La part active jouée par l’organisme est assez clairement illustrée par certaines des
théories que nous allons aborder au cours de ce chapitre (e.g., Carver et Scheier, 1990 ;
Wicklund, 1975). Ces théories ont comme premier point commun le fait qu’elles ne relèvent
pas d’une application systématique du concept de drive. Le second point commun est que ces
différentes théories font appel, dans diverses mesures, à des processus de régulation sociale
du comportement. Par régulation sociale, nous n’entendons pas obligatoirement l’action
directe de l’environnement social sur l’individu afin de le contraindre à se comporter de telle
ou telle manière. L’environnement social peut, en effet, simplement déclencher des processus
d’auto-régulation (cf. Carver et Scheier, 1990 ; Scheier et Carver, 1988 ; Wicklund, 1975).
Ces processus d’auto-régulation seront dirigés soit par des standards purement sociaux —
renvoyant à une image de soi publique — soit par des standards « personnels » — renvoyant
à une image de soi privée (Carver et Scheier, 1990 ; Scheier et Carver, 1988 ; Wicklund,
1975).
1 La théorie de la conscience de soi objective
La théorie de la conscience de soi objective (Wicklund, 1975 ; Wicklund et Duval,
1971) correspond aux caractéristiques mentionnées ci-dessus. D’une part, il s’agit de la
première interprétation n’ayant pas recours à la notion de drive. D’autre part, cette théorie
n’est pas limitée à l’explication des effets de facilitation-inhibition sociale, mais traite plus
généralement des phénomènes d’auto-régulation du comportement.
Selon Wicklund et Duval (1971), le soi pourrait être sujet ou objet de la conscience.
Ainsi, lorsque l’individu se préoccupe de ce qui l’entoure, le soi serait le sujet de la
conscience. A l’inverse, lorsque l’individu porte son attention sur lui-même, il en deviendrait
l’objet, d’où le terme de conscience de soi objective (objective self-awareness). Pour que
l’individu passe d’un état de conscience de soi subjective (i.e., le soi en tant que sujet) à un
état de conscience de soi objective (i.e., le soi en tant qu’objet), Wicklund et Duval (1971,
page 322) précisent que : « all that is necessary is a stimulus to cause the person to focus on
himself as an individual entity ». Ils ajoutent par ailleurs que le fait de se rendre compte que
nous sommes l’objet de l’attention d’autrui pourrait justement induire cette focalisation de
l’attention sur soi. Autrement dit, se rendre compte que nous sommes un objet pour autrui
pourrait nous amener à nous examiner nous-même comme un objet. De fait, la présence
Chapitre 2 : La présence d’autrui ou la régulation sociale du comportement
37
d’autrui aurait pour effet de focaliser l’attention de l’individu sur lui-même. La citation
précédente nous conduit cependant à remarquer que dans cette approche, comme dans celle
de Carver et Scheier (1990 ; Scheier et Carver, 1988), la présence d’autrui ne revêt pas un
statut particulier. En effet, l’auto-focalisation peut tout aussi bien être induite par la présence
d’un simple miroir (e.g., Carver, Blaney et Scheier, 1979a, 1979b ; Innes et Young, 1975).
Cette focalisation de l’individu sur lui-même l’amènerait donc à se percevoir comme
pourrait le faire un observateur extérieur. Cette conscience de soi objective conduirait
l’individu à comparer ce qu’il est — i.e., son soi réel (actual self) — avec ce qu’il aimerait
être — i.e., son soi idéal (ideal self). Selon ces auteurs, en situation expérimentale, la
dimension la plus souvent utilisée pour cette comparaison serait la performance dans la tâche
que l’individu est en train de réaliser (Wicklund et Duval, 1971).
L’un des postulats forts de cette théorie est que la plupart du temps, ceci amènerait à la
perception d’une divergence (discrepancy) entre le soi-idéal et le soi-réel. Ce postulat repose
sur l’idée que très souvent, nous n’atteignons pas nos objectifs et que nous voulons toujours
faire de mieux en mieux (e.g., Festinger, 1954). Selon Wicklund et Duval (1971), la
perception de cette divergence engendrerait un état aversif. L’individu tenterait donc de sortir
de cet état aversif, l’une des solutions étant de réguler le comportement afin de diminuer la
divergence. Autrement dit, ceci augmenterait la motivation à atteindre un standard de
performance plus élevé. C’est donc la prise de conscience d’une divergence entre standard et
performance qui expliquerait l’impact positif de la présence d’autrui.
L’étude de Wicklund et Duval (1971) avait pour objectif de tester cette interprétation
des effets de facilitation sociale. Si ces effets pouvaient être interprétés sur la base de la
conscience de soi objective, la présence d’un miroir, au même titre que la présence d’autrui,
devait faciliter les performances dans une tâche simple. Ces auteurs ont donc demandé à leur
participants de recopier un texte en allemand (tâche considérée simple par ces auteurs). Cette
étude comportait deux phases : une phase lors de laquelle tous les participants étaient seuls et
une phase lors de laquelle ils restaient seuls ou étaient placés en face d’un miroir. En accord
avec l’hypothèse de Wicklund et Duval (1971), l’amélioration des performances entre les
deux phases était plus importante dans la seconde condition. La simple présence d’un miroir
avait, par conséquent, permis de faire apparaître un effet comparable aux effets de facilitation
sociale.
Geen (1980, 1989 ; Geen et Gange, 1977) remarquait que l’interprétation des effets
d’inhibition sociale proposée par la théorie de la conscience de soi était, quant à elle, moins
Chapitre 2 : La présence d’autrui ou la régulation sociale du comportement
38
convaincante. Pour Wicklund (1975), la conscience de soi objective augmenterait toujours la
motivation à réussir la tâche. Néanmoins, le fait que cet accroissement de motivation se
traduise ou non par une amélioration des performances serait, pour lui, une question
totalement différente. Dans certaines situations, cette motivation pourrait en effet amener
l’individu à essayer d’atteindre des standards de performance qui outrepasseraient ses
capacités. Wicklund et Duval (1971) prenaient l’exemple d’un musicien amateur qui, en
présence d’autrui, essayerait de jouer plus vite que son niveau ne le permet. Ce qui le
pousserait à commettre plus d’erreurs que lorsqu’il joue (plus doucement) tout seul chez lui.
La tâche pour ce musicien amateur serait une tâche complexe. Nous retrouverions donc l’effet
d’inhibition sociale classiquement observé dans le cas de tâches complexes.
Afin de rendre compte des effets d’inhibition sociale, tout en restant dans le cadre de
la théorie de la conscience de soi objective, Geen et Gange (1977) proposaient pour leur part
de revenir au concept d’arousal. Ceux-ci suggéraient que l’état aversif entraîné par la
conscience d’une divergence avec le standard, augmenterait le niveau d’arousal. Cette
proposition de Geen et Gange expliquerait par ailleurs que le recours aux deux types
d’induction d’auto-focalisation — i.e., présence d’autrui et d’un miroir — ne donne pas
toujours des résultats similaires (e.g., Innes et Young, 1975). Ainsi, pour Geen et Gange
(1977), il est possible de penser que la présence d’autrui induirait un changement du niveau
d’arousal plus important que la présence d’un miroir.
Si cette proposition rend compte d’un certain nombre de résultats, elle réduit
cependant la théorie de la conscience de soi objective à une nouvelle cause d’augmentation du
drive. En effet, dans cette approche de la théorie de la conscience de soi objective, la présence
d’autrui ne ferait qu’amener l’individu à prendre conscience de la divergence entre soi idéal et
soi réel, divergence qui serait à l’origine de l’augmentation du drive (Geen et Gange, 1977).
Sur la base du même principe de focalisation de l’attention sur soi, Carver et Scheier ont
néanmoins pu offrir une explication des effets d’inhibition sociale à la fois plus économique
et ne relevant pas du concept de drive.
2 La théorie de l’auto-régulation
La théorie de l’auto-régulation de Carver et Scheier (1982, 1990 ; Scheier et Carver,
1988) reprend à son compte la notion de conscience de soi, mais articule celle-ci avec les
principes cybernétiques appliqués à la régulation du fonctionnement humain. Le principe de
base de la cybernétique renvoie à la notion de boucle de rétroaction négative (negative feed-
Chapitre 2 : La présence d’autrui ou la régulation sociale du comportement
39
back loop). La notion de boucle désigne un processus dynamique visant à maintenir un
système dans un état donné. Le terme négatif signale que le but d’une telle boucle est de
diminuer au maximum les divergences qui pourraient apparaître entre l’état réel du système et
l’état standard, c’est-à-dire l’état à atteindre. Ainsi, un réfrigérateur est régit par le principe
cybernétique de boucle de rétroaction négative. Un contrôle constant de l’état du système
(e.g., la température à l’intérieur du réfrigérateur) amène à détecter d’éventuelles divergences
(e.g., une température de 12 °C au lieu des 5 °C requis). Toutes divergences entraînent alors
une modification des paramètres afin de ramener le système à l’état standard.
Figure 3. Présentation schématique de la boucle de retroaction négative
(Carver et Scheier, 1990).
Carver et Scheier appliquent ce principe à la régulation du comportement humain.
L’idée générale est que selon les situations, différents types de standards, de valeurs de
références, sont activés. L’application des principes cybernétiques implique que les individus
vont comparer la perception qu’ils ont d’eux-mêmes avec ces différents standards. Ceci les
amenerait ensuite à réguler leurs comportements, afin de mettre en accord ces perceptions
avec ces standards. La Figure 3 représente, dans le détail, l’application de cette boucle de
rétroaction négative à la régulation du fonctionnement humain (Carver, 1979 ; Carver et
Chapitre 2 : La présence d’autrui ou la régulation sociale du comportement
40
Scheier, 1990 ; Carver et Scheier, 1982 ; Scheier et Carver, 1988). Pour l’illustrer, prenons
l’exemple d’une personne, appelons-la Laurence, pratiquant la course à pied. Au bout de 10
minutes, celle-ci réalise qu’elle a parcouru six tours de piste. Après un rapide calcul, elle se
rend compte qu’un tour de piste lui prend en moyenne 1 minute et 40 secondes. Elle peut
donc évaluer, autrement dit percevoir, quelle est la valeur de sa performance. Il s’agit là de la
fonction d’entrée. Admettons maintenant que cette personne se rappelle avoir vu son amie
Marie courir sur cette même piste avec un temps moyen au tour de 1 minute et 30 secondes.
Carver et Scheier proposent que dans une telle situation les valeurs d’entrées (dans notre
exemple le temps réalisé par Laurence) seraient comparées aux valeurs de références les plus
accessibles dans un tel contexte. Ces valeurs de références renvoient aux buts poursuivis par
l’individu (e.g., Kruglanski, 1996). On peut imaginer que l’un des buts de Laurence soit de
courir aussi bien que son amie Marie. La fonction de comparaison (the comparator) est
essentielle, car cette dernière définirait s’il existe ou non une divergence entre valeurs de
références (i.e., les buts ou standards) et état actuel du système (i.e., la valeur d’entrée). En
l’occurrence, cette fonction de comparaison amènerait Laurence à prendre conscience que sa
performance n’est pas en accord avec son standard de référence.
Lorsqu’il existera une divergence entre valeur de référence et valeur d’entrée un
comportement sera émis. Ce comportement, régit par la boucle de rétroaction négative, aura
pour fonction de diminuer la divergence. Cette modification du comportement aura souvent
pour effet de modifier l’ancienne valeur d’entrée. Laurence pourra ainsi essayer d’augmenter
l’allure de sa course et après quelques tours, cette modification aura peut-être fait passer la
valeur d’entrée de 1 minute et 40 secondes à 1 minute et 35 secondes. Cette nouvelle valeur
de référence sera également comparée à la valeur de référence (e.g., la performance de Marie)
lors d’une seconde boucle de retroaction. Notons que dans certains cas, il est possible de
concevoir des boucles de rétroaction positive (Scheier et Carver, 1988) pour lesquelles le but
sera de maintenir une divergence entre valeurs d’entrées et valeurs de références (e.g.,
maintenir une divergence maximum avec des thèses racistes).
A l’instar de la théorie de la conscience de soi objective, la théorie de l’auto-régulation
donne un rôle prépondérant à la notion de conscience de soi (self-awareness). Selon Carver et
Scheier (1982, 1990) la seule existence d’une divergence entre valeur de référence et valeur
d’entrée ne serait pas suffisante pour initier la boucle de rétroaction négative. Celle-ci serait
déclenchée uniquement lorsque le processus de comparaison est lui-même déclenché par une
orientation de l’attention sur le soi. Ainsi, sans focalisation de l’attention sur soi, il n’y aurait
Chapitre 2 : La présence d’autrui ou la régulation sociale du comportement
41
pas (ou peu) d’auto-régulation des comportements (Carver et al., 1979a, 1979b). Dans notre
exemple, le simple fait de réaliser que sa moyenne est de 1 minute et 40 secondes n’amènerait
pas forcement Laurence à comparer sa performance avec un quelconque standard de
référence. En revanche, imaginons qu’une personne soit arrivée depuis quelques minutes et
regarde Laurence courir. Ceci pourrait l’amener à prendre conscience qu’elle peut être un
objet d’évaluation pour cet autrui. Ainsi, Carver et Scheier reprennent le raisonnement de
Wicklund et Duval (1971) : la présence d’autrui aurait pour effet d’activer la conscience de
soi objective. Selon Carver et Scheier (1981, page 547) : « The presence of the audience, then
serves to remind subjects to a greater degree of themselves, their present states, and the
previously established standard than would be the case when the audience is absent ». Ce qui
aurait pour effet d’initier la mise en place de la boucle de rétroaction négative (Carver et
Scheier, 1981). On comprend alors que la présence d’autrui améliore les performances en
favorisant l’auto-régulation, c’est-à-dire en poussant l’individu à s’assurer que sa
performance est en accord avec les valeurs de références les plus accessibles dans cette
situation.
Comment expliquer les effets d’inhibition sociale dans une telle perspective ? La
réponse de Carver et Scheier à ce problème renvoie à la notion d’attente de résultats (outcome
expectancy), notion assez proche de celle d’efficacité perçue (ou efficacité attendue) de
Bandura (1997). En effet, ces auteurs postulent que la boucle de rétroaction négative est
interrompue dès lors que l’attente de résultats est faible. En d’autres termes, lorsque
l’individu ne pense pas pouvoir diminuer la divergence. Dans notre exemple, Laurence
n’essayerait pas de courir plus vite, si elle pense que la performance de Marie est au-delà de
ses capacités.
Ainsi, en complément de la boucle d’évaluation de l’action (celle qui évalue la
divergence elle-même), Scheier et Carver (1988) proposent l’existence d’une boucle parallèle
évaluant la progression dans la réduction de cette divergence. Si le comparateur de la boucle
d’action revêt une fonction de contrôle de la divergence, le comparateur de la boucle
d’évaluation de la progression désigne, quant à lui, une fonction de « méta-contrôle » (Scheier
et Carver, 1988). Aussi, ce dernier amènerait-il à un désinvestissement physique ou
psychologique, lorsque le taux de réduction de la divergence devient trop faible. Pour revenir
encore une fois à notre exemple, la boucle de rétroaction négative serait désactivée, c’est-à-
dire que Laurence arrêterait de faire des efforts pour courir plus vite, si sa moyenne se
rapprochait trop lentement de celle de Marie. Selon Carver et Scheier (1981), cette dernière
Chapitre 2 : La présence d’autrui ou la régulation sociale du comportement
42
notion explique par conséquent les effets d’inhibition sociale, sans avoir recours à la notion
de drive.
En résumé, la présence d’autrui induirait une plus grande focalisation de l’attention
sur soi, ce qui conduirait à la mise en fonction des boucles d’évaluation de l’action et de la
progression. De fait, lorsque l’évaluation de la progression serait favorable — cas des tâches
simples où la performance s’améliore facilement — cette focalisation sur soi faciliterait la
mise en accord de la performance avec le standard de référence, d’où les effets de facilitation
sociale. En revanche, lorsque cette évaluation serait défavorable — cas des tâches complexes
où la performance ne s’améliore pas facilement — la focalisation sur soi favoriserait le
désinvestissement de la tâche, d’où les effets d’inhibition sociale (Scheier et Carver, 1988 ;
Carver et Scheier, 1981, 1982, 1990).
Un certain nombre d’études viennent appuyer les différentes propositions de la théorie
de l’auto-régulation. Ainsi, Carver et Scheier (1978) ont notamment pu démontrer que la
présence d’autrui, comme celle d’un miroir, augmentait l’apparition de complétion de mots
renvoyant au soi (self-focus response). Ce qui autorisait à penser que la présence d’autrui
induirait effectivement un phénomène de focalisation sur soi.
De plus, un certain nombre d’études viennent confirmer que cette focalisation sur soi
favorise les efforts ou le désinvestissement, selon le niveau d’attente de résultats. Ainsi, que
ces attentes soient mesurées (Carver et Blaney, 1977 ; Carver et al., 1979a ; Strack, Carver et
Blaney, 1987) ou manipulées (Carver et al., 1979b), ces auteurs démontraient qu’elles
influençaient les efforts fournis dans la tâche et ce uniquement lorsque la conscience de soi
était renforcée. A titre d’exemple, l’expérience de Carver et al. (1979a) étudiait l’impact des
attentes de résultats sur des comportements d’approche de serpents (des boas), chez des sujets
exprimant une peur modérée de ces animaux. Ces attentes étaient mesurées en évaluant leur
niveau d’optimisme a priori, concernant leurs capacités à réaliser de tels comportements. Les
participants de l’expérience de Carver et al. (1979b) se voyaient, quant à eux, attribuer un
feed-back d’échec concernant une première tâche. Ce feed-back était accompagné d’une
remarque de l’expérimentatrice, les amenant à penser que les résultats à cette première tâche
étaient correlés positivement — condition de faible attente de résultats — ou négativement —
condition de forte attente de résultats — avec les performances généralement observées sur la
seconde tâche. Le niveau d’attente était, par conséquent, manipulé et non mesuré. Les
résultats de ces deux études confirmaient la théorie de l’auto-régulation : le niveau d’attente
influençait les comportements (i.e., comportement d’approche pour la première et
Chapitre 2 : La présence d’autrui ou la régulation sociale du comportement
43
performances sur la tâche 2 pour la seconde) mais uniquement quand la conscience de soi
était renforcée via la présence d’un miroir.
Cette approche autorise une assez grande flexibilité au regard des valeurs de
références à atteindre par l’auto-régulation. En effet, celles-ci peuvent être tout autant des
standards personnels, que des standards plus sociaux, selon ce qui est activé dans une
situation donnée. Ceci permet de rendre compte du fait que dans certains cas, la présence d’un
miroir ne mène pas aux mêmes effets que celle d’un congénère (e.g., Innes et Young, 1975).
On peut penser en effet que le premier rend saillants des standards liés à l’image de soi
privée, alors que le second rend saillants des standards liés à l’image de soi que l’on aime à
donner, c’est-à-dire l’image de soi publique. L’activation de standards différents conduirait,
de ce fait, à des effets différents.
En revanche, Carver et Scheier (1981) en déduisent que si, dans une situation, un
standard est clairement activé (par exemple du fait des indications de l’expérimentateur),
miroir et présence d’autrui devraient, tous deux, mener aux mêmes effets. Ainsi, dans cette
étude où l’expérimentateur exprimait clairement dès le début de l’expérience quel était
l’objectif à atteindre (c’est-à-dire recopier les lettres d’un texte en allemand le plus vite
possible), présence d’autrui et miroir induisaient effectivement des phénomènes de facilitation
comparables (Carver et Scheier, 1981).
Notons par ailleurs que les résultats obtenus sur une mesure de sudation palmaire
contredisaient une approche de type drive. Dans cette expérience, la présence d’autrui
augmentait la sudation palmaire, mais uniquement avant que les participants aient commencé
la tâche. En effet, une fois celle-ci débutée, la sudation palmaire observée dans toutes les
conditions expérimentales (i.e., condition « seul », miroir et autrui) était plus basse que la
ligne de base, mesurée en tout début d’expérience. Une approche de type drive prédirait bien
une augmentation de la sudation palmaire en présence d’autrui, mais celle-ci prédirait
également un maintien de cette activation durant la réalisation de la tâche. Carver et Scheier
(1981) concluent de ces données que le seul moyen de ne pas rejeter une explication en
termes de drive est, encore une fois, d’admettre que celui-ci n’est qu’un construit théorique,
sans corrélat physiologique. Ceci les amène (cf. Chapitre 1), par ailleurs, à déplorer la
circularité du raisonnement en terme d’augmentation du drive (voir également Glaser, 1982).
Ces auteurs invitent également à ne plus recourir à la notion de drive et à accorder une
attention plus importante à la représentation que les individus se font de leur capacité dans la
Chapitre 2 : La présence d’autrui ou la régulation sociale du comportement
44
tâche (Carver et Scheier, 1981). Principe que l’on retrouve à la base des explications en
termes d’auto-présentation (Bond, 1982).
3 La théorie de l’auto-présentation
Blank et al. (1976) sont parmi les premiers à avoir préconisé l’application des
principes d’auto-présentation (Goffman, 1959) aux phénomènes de facilitation-inhibition
sociale. Reprenant le paradigme de Matlin et Zajonc (1968 ; voir Chapitre 1), Blank et al.
(1976) avancent que cette tâche ne démontre pas une facilitation sociale de la réponse
dominante (i.e., les associations de mots les plus communes), mais plutôt une inhibition des
réponses uniques, propres aux participants. Ceci est interprété par ces auteurs comme un
souci des participants de livrer une bonne image d’eux-mêmes, en ne donnant pas de réponses
trop personnelles en présence d’autrui.
Bond (1982) propose l’une des versions les plus abouties de l’application des
principes d’auto-présentation au domaine de la facilitation-inhibition sociale (voir également
Baumeister, 1982). En accord avec Cottrell (1972), Bond suggère que la présence d’autrui
régule le comportement du fait que cette présence revêt un caractère évaluatif. Néanmoins, à
l’inverse de Cottrell (1972), le concept de drive est absent de l’interprétation de ces effets
(Bond, 1982). Appliquant les principes développés par Goffman (1959), Bond avance que
l’individu voudrait donner une image publique de lui-même la plus positive possible. De plus,
ce besoin serait accompagné d’un besoin de maintien de l’estime de soi (voir Tesser, 2000,
2001). Plus précisément, l’individu serait motivé à maintenir une estime de soi publique
positive, estime de soi qui serait dérivée de l’évaluation faite par l’observateur. Or, comme on
peut l’imaginer, nous n’avons pas toujours un accès direct à l’évaluation qu’autrui fait de
nous. La plupart du temps, cette évaluation devrait donc être inférée.
Partant du principe que nous sommes souvent évalués sur nos compétences, les
individus pourraient espérer d’autrui une évaluation positive, si leur performance est
suffisante. Ainsi, lorsque l’individu pense pouvoir réaliser une bonne performance, la
présence d’autrui l’amènerait à vouloir paraître compétent, afin de maintenir une estime de lui
positive. Ce premier cas de figure renvoie, comme chez Carver et Scheier (1981, 1990), aux
situations de tâches simples et explique les effets de facilitation sociale en termes de
motivation à paraître compétent. L’étude de Good (1973) évoquée plus haut illustre cette
idée. En effet, les participants de cette recherche ne voyaient leur performance facilitée par la
présence d’autrui que lorsqu’ils étaient amenés à espérer une évaluation positive.
Chapitre 2 : La présence d’autrui ou la régulation sociale du comportement
45
En revanche, un second cas de figure se présente quand la tâche à réaliser est
relativement complexe. Ici, le fait de risquer de donner une image de personne incompétente
pourrait mettre l’individu dans un état d’embarras. Avec Goffman (1959), Bond (1982)
avance que cet état d’embarras ferait perdre toutes ses capacités à l’individu, expliquant par là
même les effets d’inhibition sociale. Ceci expliquerait que dans l’étude de Seta et Hassan
(1980, étude 1), la présence d’autrui induirait une inhibition de la performance, uniquement
lorsque les participants anticipaient une évaluation négative de la part de l’expérimentateur.
Dans cette approche, ce n’est donc pas la réelle complexité de la tâche qui est à prendre en
compte, mais plutôt la perception que le sujet se fait de celle-ci.
Bond (1982) propose un test très ingénieux de cette idée. Il est en effet parvenu à
montrer, grâce à une tâche de mémorisation de paires de mots, qu’il était possible de faire
apparaître des effets d’inhibition sociale sur des items simples. Pour ce faire, Bond présentait
ces items simples parmi une majorité d’items complexes. Ainsi pour Bond, le fait que la liste
soit globalement difficile induisait chez l’individu en présence d’autrui un état d’embarras
menant à une perturbation de la performance, tant sur les items complexes que sur les items
simples. Notons de plus que contrairement aux prédictions de Zajonc, les performances sur
les items complexes, quand ceux-ci étaient insérés dans une liste majoritairement composée
d’items simples, n’étaient pas influencées par la présence d’autrui. Ainsi, l’effet d’inhibition
sociale, postulé par la théorie du drive, n’apparaissait pas sur ces items pourtant complexes.
Pour Bond, cet effet n’apparaissait pas car les individus ne ressentaient pas l’embarras
accompagnant habituellement les tâches complexes.
Ces résultats tendent à confirmer l’importance de la représentation que se font les
individus de la tâche et ce, d’autant plus qu’une approche basée sur la notion de drive ne
permet pas de faire de telles prédictions. En effet, une approche en termes de réponses
dominantes prédirait des effets de facilitation et d’inhibition sociales, respectivement pour les
items simples et complexes, quel que soit le « contexte » de présentation (i.e., type de liste :
majoritairement simple ou complexe). Le seul moyen d’interpréter ces résultats en termes de
drive consiste à postuler, avec Sanders (1984), que les items simples insérés dans une liste
complexe deviennent eux-mêmes complexes (voir Sanders, 1984 pour un test expérimental de
ce point de vue).
Il apparaît que cette approche, au même titre que celle de Carver et Scheier, donne une
place prépondérante à la représentation que l’individu se fait de ses capacités dans la tâche.
Nous avons vu que dans ces deux théories, la perception par l’individu de son niveau
Chapitre 2 : La présence d’autrui ou la régulation sociale du comportement
46
d’aptitude va déterminer l’impact de la présence d’autrui sur sa performance (e.g., Bond,
1982 ; Carver et al., 1979a, 1979b ; Good, 1973 ; Seta et Hassan, 1980). Il semble par
conséquent que la notion d’efficacité perçue (e.g., Bandura, 1986) peut avoir un rôle
explicatif prépondérant au sein des effets de facilitation-inhibition sociale.
4 Théorie de l’auto-efficacité et facilitation-inhibition sociale
L’un des principes de base de la théorie de l’auto-efficacité est que les processus
d’auto-régulation sont modulés par la perception que nous avons de nos capacités (Bandura,
1986, 1997). L’un des concepts centraux de cette théorie est donc le concept d’efficacité
attendue (efficacy expectancy ; parfois appelé efficacité perçue). Celui-ci renvoie à la
perception qu’un individu a de sa capacité à atteindre une performance donnée (Bandura,
1986). Ainsi, à l’instar de la théorie de Carver et Scheier (1990), Bandura propose que
l’individu essayerait de réduire la divergence entre comportements et standards
comportementaux, et ce, aussi longtemps que celui-ci pense pouvoir atteindre ces standards.
C’est-à-dire aussi longtemps que son niveau d’efficacité attendue est suffisant.
Malgré ces similitudes, il subsiste des différences entre cette théorie et celle de Carver
et Scheier. Ces derniers ont présenté en détail les similitudes et différences existant entre ces
deux théories (Carver et Scheier, 1990 ; Scheier et Carver, 1988). A titre d’exemple, selon
Carver et Scheier (1990), la théorie de Bandura ne permet pas de rendre compte du rôle joué
par le focus de l’attention sur soi dans les processus d’auto-régulation. Or, c’est ce principe de
focalisation de l’attention sur soi qui permet de rendre compte de l’impact de la présence
d’autrui sur les processus d’auto-régulation. Par conséquent, le concept d’efficacité attendue
ne permet pas, à lui tout seul, d’expliquer les effets de facilitation-inhibition sociale.
Sanna (1992) parvint néanmoins à proposer une application des principes de la théorie
de l’auto-efficacité expliquant ces effets. Afin d’en rendre compte, Sanna (1992) souligne
l’existence d’un second concept central dans la théorie de Bandura (1986) : le concept de
résultats attendus (outcome expectancy). Ce concept de résultats attendus concerne le fait de
savoir si l’individu croit ou non qu’un comportement entraînera les conséquences attendues
(Bandura, 1986). Ainsi, si l’on prend, avec Bandura (1986), l’exemple d’un sauteur en
hauteur : « the belief that one can high jump six foot is an efficacy judgment ; the anticipated
social recognition, applause, trophies, and self-satisfactions for such a performance constitute
the outcome expectations » (page 391). On peut voir dans cet exemple que le fait de se sentir
capable ou non d’effectuer un saut de six mètres est indépendant de la croyance que cette
Chapitre 2 : La présence d’autrui ou la régulation sociale du comportement
47
performance sera reconnue et entraînera les conséquences attendues (e.g., être applaudit par
les spectateurs). Notre sauteur peut en effet penser que les spectateurs ne l’applaudiront pas
pour cet exploit, étant donné qu’ils sont plus absorbés par la finale du 100 m masculin qui est
en train de se courir. De même, dans l’exemple de la section précédente, Laurence fera moins
d’efforts pour atteindre la performance de Marie, si la personne qui la regardait courir est
maintenant plongée dans la lecture d’un roman (voir l’étude de Worringham et Messick,
1983, présentée au chapitre précédent pour une étude expérimentale proche de cette situation
fictive). Elle ne pourra en effet attendre une évaluation positive (si l’on admet qu’il s’agit de
la conséquence attendue) de la part de cette personne, si celle-ci ne la regarde pas.
Sanna (1992) applique ensuite ces deux notions au paradigme de la facilitation sociale.
Ainsi, l’application du concept d’efficacité attendue correspond à ce que Carver et Scheier
(1990) désignent par « attente de résultats » (outcome expectancy5), c’est-à-dire la probabilité
perçue de parvenir à une performance en accord avec le standard de référence. Le concept de
résultats attendus renvoie, pour sa part, au fait que l’individu s’attend ou non à voir ses
performances « reconnues ». Aussi, pour Sanna (1992), les conditions « seul » du paradigme
de la facilitation-inhibition sociale, constituent-elles des situations pour lesquelles les résultats
attendus sont faibles, personne n’étant là pour voir les bonnes performances des sujets. A
l’inverse, les situations d’audience ou de coaction seraient associées à de forts résultats
attendus. Autrui pourrait cette fois se rendre compte de leurs bonnes performances. Les
différences obtenues entre conditions d’audience et d’isolement seraient, par conséquent, dues
au fait que dans ces dernières, le comportement ne mène pas à la conséquence attendue, c’est-
à-dire à la reconnaissance d’une bonne performance par autrui.
Cette conceptualisation permet alors de prédire l’interaction classique des effets de
facilitation-inhibition sociale, i.e., facilitation des performances sur des tâches simples et
inhibition sur des tâches complexes. En effet, en présence d’audience ou de coacteur, le
résultat attendu serait important puisque la performance peut être reconnue et évaluée
positivement. L’impact de l’efficacité attendue tendrait alors à favoriser la performance en cas
d’attentes positives et à la diminuer en cas d’attentes négatives. A l’inverse, en situation
5 Afin de faciliter la compréhension, nous désignerons par attente de résultats le « outcome
expectancy » de Carver et Scheier et par résultats attendus le « outcome expectancy » de Bandura. En effet, ces
deux théories utilisent des synonymes pour désigner des concepts différents (voir Scheier et Carver, 1988 pour
une discussion détaillée de ce point).
Chapitre 2 : La présence d’autrui ou la régulation sociale du comportement
48
d’isolement, le résultat attendu (i.e., la reconnaissance) étant faible, l’efficacité attendue
n’aurait pas d’effet sur les performances.
Une étude de Sanna (1992, étude 1) confirme ces prédictions en utilisant une seule et
même tâche, mais en induisant deux niveaux d’efficacité attendue (i.e., haute et basse). Afin
de manipuler le niveau d’efficacité attendue, l’expérimentateur fournissait des feed-back
concernant la performance prétendument obtenue au pré-test. Cette performance était
comparée à une distribution standardisée et les participants apprenaient qu’ils étaient soit
dans les 10 % les plus faibles (10th percentiles) soit dans les 10 % les plus forts (90th
percentiles). De plus, l’expérimentateur précisait que les performances à ce pré-test étaient de
bonnes indications de la performance généralement obtenue dans la tâche suivante. Notons
que ce pattern de résultats est proche de ceux rencontrés dans un certain nombre d’études,
notamment celles de Carver et ses collaborateurs (1979a, 1979b).
Sanna (1992) présente également une réplication conceptuelle de ce pattern en ne
manipulant plus le niveau d’attente, mais en utilisant deux tâches : une tâche simple — censée
induire une haute efficacité attendue — et une tâche difficile — censée induire une faible
efficacité attendue. De plus, deux niveaux de résultats attendus étaient introduits. En premier
lieu, un niveau de forts résultats attendus : un coacteur réalisait la même tâche que les
participants. En second lieu, un niveau de faibles résultats attendus : les participants étaient
seuls ou en présence d’un coacteur réalisant une tâche différente.
Notons tout d’abord que les résultats de cette seconde étude répliquent
conceptuellement le pattern obtenu dans la première recherche : en situation de forts résultats
attendus (c’est-à-dire dans la condition où le coacteur réalisait la même tâche que les
participants), la présence du coacteur faisait apparaître des effets de facilitation et
d’inhibition, respectivement pour les tâches simple et complexe. Rappelons ensuite que cette
approche prédit que ce pattern de résultats ne devait pas apparaître quand le niveau de
résultats attendus était faible, c’est-à-dire si les participants pensaient ne pas pouvoir être
« reconnus » pour leurs performances. Autrement dit, ce pattern ne devait pas apparaître,
lorsque la comparaison avec le coacteur était impossible, du fait qu’il effectuait une tâche
différente. Les données de cette étude confirment ce dernier point. Quand le coacteur réalisait
une tâche différente, la présence de celui-ci n’influençait plus les performances.
La différence majeure entre l’approche de Sanna (1992) et celle de Carver et Scheier
(1981) réside dans le statut attribué à la présence d’autrui. Pour Carver et Scheier, autrui
activerait la boucle de rétroaction négative via la focalisation sur soi. Dans l’approche de
Chapitre 2 : La présence d’autrui ou la régulation sociale du comportement
49
Sanna (1992), la présence d’autrui permettrait d’attendre une reconnaissance pour les
performances accomplies et aurait donc pour effet de renforcer la perception de résultats
attendus. La présence d’une personne capable d’évaluer la performance rendrait utile la
régulation des comportements, afin de les mettre en accord avec les standards
comportementaux présents dans la situation. Il faut noter, à ce propos, que la théorie de
Carver et Scheier autorise une grande flexibilité, du fait que les standards utilisés peuvent être
tout autant personnels, que sociaux. Quoi qu’il en soit, dans les deux cas, il ressort que la
présence d’autrui induirait des phénomènes d’auto-régulation, eux-mêmes influencés par la
perception d’efficacité perçue.
L’usage de la notion de standard dans les situations de facilitation-inhibition sociale a
cependant été remis en question par Guerin (1993). En effet, pour lui, il reste difficile de
prédire quel standard va être utilisé dans une situation donnée. Ainsi, au même titre que les
explications en termes de réponses dominantes, il est toujours possible d’avancer, a
posteriori, que tel ou tel standard a prévalu. A l’heure où un grand nombre de théories donne
une place de plus en plus importante aux représentations, tant de la tâche, que des
compétences. Guerin (1993) propose, pour sa part, une approche skinnerienne des
phénomènes de facilitation-inhibition sociale.
5 Analyse comportementale de l’effet de facilitation-inhibition sociale.
A contre-courant des théories d’orientation cognitive, Guerin (1993) propose une
analyse comportementale des situations de présence d’autrui. Cette analyse repose sur les
trois éléments à prendre en compte dans une analyse comportementale : le contexte dans
lequel est produit le comportement, le comportement lui-même et enfin, les conséquences du
comportement. Dans une approche comportementale, telle que celle suggérée par Guerin
(1993), la relation entre un comportement et une conséquence n’est pas indépendante du
contexte. En effet, le contexte serait un stimulus discriminant au sens où les conséquences
associées à un comportement sont dépendantes de celui-ci. Le contexte permet de discriminer
quelles conséquences vont être associées à ce comportement. Notons que c’est à travers les
diverses associations de ces trois éléments, c’est-à-dire à travers son histoire, que l’individu
apprend quelles conséquences attendre d’un comportement donné, dans une situation donnée.
En d’autres termes, si ces conséquences sont positives, le contexte conduit l’individu à
sélectionner le ou les comportement(s) lui autorisant l’accès à ces conséquences. Si ces
Chapitre 2 : La présence d’autrui ou la régulation sociale du comportement
50
conséquences sont négatives, le contexte conduit à l’évitement de ce ou de ces
comportement(s).
Appliqué au problème qui nous intéresse ici, Guerin suggère que la présence d’autrui
serait un stimulus discriminant. L’individu apprendrait, à travers son histoire personnelle,
qu’un comportement X donne lieu à la conséquence Y, en présence de ce stimulus
discriminant et à la conséquence Z, en l’absence de celui-ci. De fait, si la conséquence Y est
perçue positivement, l’individu favoriserait le comportement X, quand ce stimulus
déterminant — i.e., un congénère — est présent. On comprend dès lors que si des
comportements, comme l’usage de bonnes manières, des efforts dans les tâches proposées
etc., ont été associés à des conséquences positives lorsqu’un congénère était présent, ceux-ci
soient susceptibles d’apparaître plus facilement en présence d’autrui (Guerin, 1993).
Comme on peut le voir, cette conception des effets de facilitation-inhibition sociale se
rapproche des théories évoquées précédemment du fait que l’individu contrôle son
comportement, afin de le mettre en accord avec des valeurs sociales. Cependant, pour
identifier les conséquences induites par la présence d’autrui, il n’est plus nécessaire de faire
référence à ce qui se passe dans la tête des individus, mais uniquement à l’histoire de leurs
apprentissages (Guerin, 1993). Cette théorie présente certains attraits, comme le fait de ne pas
recourir à la notion de drive et de pouvoir rendre compte d’effets ne faisant pas intervenir des
performances réellement évaluables (e.g., Platania et Moran, 2001). De plus, celle-ci permet
de prendre pleinement en compte l’histoire du sujet (e.g., Monteil, 1998 ; Monteil, Brunot et
Huguet, 1996). Néanmoins, cette approche ne permet que difficilement d’expliquer les effets
plus complexes, tels que ceux obtenus en croisant les attentes de performances et la
connaissance (ou non) des performances préalables par la source d’évaluation (Seta et
Hassan, 1980). Il paraît donc difficile de faire l’économie d’une approche plus cognitive.
Les approches présentées dans de ce chapitre permettent de faire l’économie du
concept de drive. Les processus cognitifs précis expliquant l’évolution des performances
restent néanmoins à définir. Au cours du chapitre suivant, nous allons décrire l’émergence
d’une vision attentionnelle des effets de facilitation-inhibition sociale. Emergence étroitement
liée avec le développement d’une théorie que nous avons déjà évoquée : la théorie du conflit-
distraction (Baron, 1986).
CHAPITRE 3 __________________________________________________________________________
Vers une approche attentionnelle des effets de facilitation-inhibition sociale : le
cas de la théorie du conflit-distraction
« Attention implies withdrawal from some things in order to deal effectively with others »
(William James, 1890)
Dans l’une des revues de question les plus récentes, Geen (1991) dégage deux grands
types d’interprétations des effets de facilitation-inhibition sociale : d’une part les approches
en termes d’arousal et d’autre part les approches attentionnelles. Au cours du premier
chapitre, nous avons vu que pendant longtemps les recherches ont surtout remis en question
les conditions nécessaires à l’élévation du drive en présence d’autrui (e.g., Cottrell, 1972 ;
Sanders et Baron, 1975). En 1981, Carver et Scheier en venaient à dire que : « Everyone
except us has assumed an increase in drive » (page 549). Néanmoins, peu à peu certaines
théories, comme celle de Carver et Scheier (1981), commençaient à s’émanciper de la théorie
princeps de Zajonc, en s’écartant de la notion de drive (voir également Bond, 1982 ;
Wicklund et Duval, 1971). Comme nous l’avons déjà remarqué, l’apparition de ces nouvelles
théories, plus cognitives, suivait l’évolution de la psychologie sociale en abandonnant une
approche purement béhavioriste (Markus et Zajonc, 1985). La théorie qui va être abordée en
détail dans ce chapitre a connu (en son sein) une telle évolution. Parmi les premières théories
du drive (Sanders et Baron, 1975), celle-ci est toutefois devenue, avec l’article de Baron
(1986), la principale théorie attentionnelle des effets de facilitation-inhibition sociale. C’est à
travers son évolution que nous présenterons les principes attentionnels appliqués à ce champ
d’étude.
Chapitre 3 : Vers une approche attentionnelle des effets de facilitation-inhibition sociale
52
1 Prémices d’une théorie attentionnelle des effets de facilitation-inhibition sociale
1.1 La théorie du conflit-distraction première génération ou l’ère du drive
La théorie du conflit-distraction (Baron, 1986, pour sa forme la plus récente) prend ses
racines dans un courant que l’on pourrait qualifier de psychologie de la distraction. Déjà en
1973, Robert S. Baron, l’un des futurs théoriciens de l’approche du conflit-distraction, Penny
H. Baron et Norman Miller présentaient une revue de question concernant les effets de la
distraction sur la persuasion. Un certain nombre de résultats montrait, en effet, que la
présence d’un certain niveau de distraction, lors d’une tentative de persuasion, augmentait les
effets de celle-ci (Baron, Baron et Miller, 1973 ; voir également Petty, Wells et Brock, 1976).
Ainsi, comme le suggérait l’hypothèse d’interruption de la contre-argumentation (Baron et
al., 1973), on peut penser que la distraction diminuait les ressources cognitives allouées à la
génération de contre-arguments. Ceci conduirait à un effet de persuasion plus important,
lorsque la distraction ne dépasse pas un niveau au-delà duquel la tâche principale du sujet —
c’est-à-dire comprendre le texte — n’est plus réalisable.
A la suite de cette revue de question, un article de Glenn S. Sanders et Robert S. Baron
(1975) introduisait la notion de distraction dans le domaine des effets de facilitation-inhibition
sociale. Sanders et Baron (1975) défendaient l’idée que des effets pouvaient être expliqués à
travers le phénomène, plus général, de distraction. Dans cette approche autrui est une source
potentielle de distraction parmi d’autres. Notons que par distraction, il faut entendre tous
stimuli ou exigences de réponses qui ne sont pas directement liés à la tâche à réaliser (Baron
et al., 1978 ; Sanders et al., 1978). Voir en autrui une source de distraction conduit, assez
naturellement, à comprendre les effets d’inhibition sociale. La distraction amènerait l’individu
à traiter moins longtemps la tâche et / ou à y allouer moins d’attention (Sanders et Baron,
1975), ce qui diminuerait, de fait, les performances.
Il était cependant moins intuitif de postuler que la distraction pouvait, dans certains
cas, faciliter les performances. Démontrer expérimentalement que la distraction induisait des
effets d’inhibition, mais également de facilitation sociale, était un premier pas dans
l’introduction de cette notion dans ce champ de la littérature. Avant d’expliquer l’effet
facilitateur de la distraction, il est bon de noter que la théorie du conflit-distraction est restée,
jusqu’à ses versions les plus récentes (Baron, 1986), une théorie du drive. En effet, dans ce
premier article (Sanders et Baron, 1975) comme dans ceux qui ont suivi (e.g., Sanders et al.,
Chapitre 3 : Vers une approche attentionnelle des effets de facilitation-inhibition sociale
53
1978 ; Baron et al., 1978 ; Sanders, 1981a), la distraction est présentée comme un facteur
d’augmentation du drive. Ainsi, le conflit, défini alors comme une compétition de tendances
de réactions (Sanders et Baron, 1975), serait une source d’augmentation du drive (e.g.,
Kimble, 1961 ; cité par Sanders et Baron, 1975). Or, pour Sanders et Baron (1975), la
distraction représentait, par définition, un tel conflit, c’est-à-dire un conflit entre la tâche à
réaliser et la stimulation distractrice. De fait, la présence d’une distraction (e.g., autrui)
augmenterait le drive. Cette augmentation expliquerait, en retour, l’amélioration des
performances en cas de tâches simples et la diminution de celles-ci en cas de tâches
complexes. Afin de clarifier cette dernière affirmation, il est possible de qualifier cette
théorie, comme le faisait Sanders (1981a), de théorie à deux facteurs de la distraction. Le
premier facteur renverrait à l’élévation du drive, due au conflit. Pour ce facteur, on
retrouverait donc l’effet classique du drive, c’est-à-dire le renforcement des réponses
dominantes entraînant les phénomènes de facilitation et d’inhibition sociale, respectivement
pour les tâches simples et complexes (Zajonc, 1965). Le second facteur renverrait à la
dispersion de l’attention. Ce facteur serait, pour sa part, néfaste pour les deux types de tâches
(Sanders, 1981a). Par conséquent, ces facteurs s’opposeraient dans le cas des tâches simples
et se cumuleraient dans le cas des tâches complexes. Ainsi, la relation entre performances et
distraction devrait être curvilinaire pour les tâches simples et linéaire pour les tâches
complexes. Une nouvelle fois, pour ces dernières, les deux tendances ne feraient que
s’ajouter : drive et dispersion de l’attention diminuant les performances. Pour les tâches
simples, l’augmentation de la distraction favoriserait les performances, lorsque celle-ci est
suffisante pour induire un conflit mais pas encore assez importante pour contrecarrer l’effet
positif du drive (Sanders et Baron, 1975).
L’un des buts des études de Sanders et Baron (1975) était de tester cette relation entre
distraction et performances. Un autre objectif était de démontrer qu’il était possible de
retrouver des effets similaires à ceux obtenus en présence d’autrui, sur la base d’une
distraction non sociale. Si autrui induisait une augmentation du niveau de drive, parce qu’il
est une source de distraction, toutes sources de distraction devaient mener à des effets
comparables. Dans ces deux études, la distraction était induite en demandant à la moitié des
participants, pendant qu’ils réalisaient la tâche principale, de fixer une croix rouge accrochée
au mur, et ce, à chaque fois qu’ils entendaient un signal. Afin d’étudier l’impact de la quantité
de distraction, le nombre de signaux (0, 2, 4, 6 ou 8) était également manipulé (en intra-sujet).
L’autre moitié des participants devait simplement réaliser la tâche (condition similaire aux
Chapitre 3 : Vers une approche attentionnelle des effets de facilitation-inhibition sociale
54
conditions « seul » des études manipulant la présence d’autrui). Partant du principe que le
niveau de drive ne serait pas redescendu lors des essais à 0 signal, ces essais étaient
considérés comme les essais les plus critiques. En effet, pour ces essais, l’effet dynamogène
de la distraction sur le niveau de drive n’était pas confondu avec la distraction attentionnelle.
De fait, sur ces essais, des effets de type drive classiques étaient attendus (i.e., facilitation de
la tâche simple et inhibition de la tâche complexe).
Les résultats de ces études confirmaient globalement ces prédictions. Ainsi, les
performances sur la tâche simple faisaient apparaître des effets de facilitation sur les essais à
0 signal (performances supérieures à celles d’une condition sans distraction ; p < .05 pour
l’étude 1 et p < .10 pour l’étude 2). De plus, un effet d’inhibition (performances inférieures à
celles d’une condition sans distraction) était observé sur la tâche complexe lors de l’étude 2,
toujours pour les essais à 0 signal. Par ailleurs, comme attendu, Sanders et Baron (1975)
notaient que, pour les tâches complexes, la performance diminuait linéairement avec le
nombre de signaux. De même, les résultats concernant la tâche simple laissaient penser que
l’effet facilitateur de l’augmentation du drive se trouvait contrecarré par l’augmentation du
nombre de distracteurs. En effet, cet effet disparaissait en même temps que le nombre de
signaux augmentait.
L’un des principaux enseignements de cette étude était que l’idée (pourtant contre-
intuitive) de performance facilitée par une source de distraction se trouvait démontrée
expérimentalement. Rappelons que dans cette première version de la théorie de Sanders et
Baron, c’est parce que cette distraction augmentait le niveau de drive que celle-ci était
associée à une facilitation des performances. Cependant, il restait encore une fois difficile
d’affirmer que ces effets étaient dus à une augmentation du niveau de drive (voir Chapitre 1).
Il n’en demeure pas moins que, conformément à leur hypothèse, la présence d’une source de
distraction pouvait faciliter les performances dans une tâche simple. Ces résultats
confirmaient ceux, déjà anciens, de Pessin (1933). Ce dernier montrait que la présence
d’autrui, comme celle d’une distraction mécanique (les participants travaillaient en présence
de flash lumineux et du bruit d’un métronome), pouvait, selon le type de tâche, diminuer ou
favoriser les performances. En effet, ces deux conditions de distraction, comparativement à
une condition d’isolement, perturbaient l’apprentissage de non-mots, mais facilitaient leur
rappel quelques jours plus tard.
Par ailleurs, les études de Sanders et Baron, comme celle de Pessin (1933),
permettaient d’observer des effets de type drive en présence d’une distraction non sociale.
Chapitre 3 : Vers une approche attentionnelle des effets de facilitation-inhibition sociale
55
Encore une fois, ceci renforçait l’idée que la distraction pouvait jouer un rôle prépondérant
dans l’apparition des effets de facilitation-inhibition sociale. Les mécanismes à l’œuvre
n’étaient toutefois pas encore clairement identifiés, ce que l’on remarque quand Sanders et
Baron (1975) précisaient : « distraction, rather than impairing performance, might under some
conditions lead to improved performance due to an increase in the individual’s general
motivational or drive level » (page 956). Ainsi, la distraction était présentée alternativement
comme une source de motivation (c’est-à-dire un phénomène de surcompensation) et comme
une source de drive. Dans le premier cas, le phénomène de surcompensation renverrait au fait
que les individus fourniraient un tel effort pour compenser la perte d’efficacité, due à la
distraction, que ceci les amènerait à une meilleure performance. En d’autres termes, l’effort
fourni pour compenser serait plus important que nécessaire ; les performances seraient donc
meilleures qu’en l’absence de cette perturbation. Dans le second cas, la distraction serait une
source d’augmentation du drive. De plus, cette citation permet de voir que la distraction était
assimilée au conflit entre la tâche et le distracteur. La distraction n’était donc pas différenciée
du conflit lui-même. L’articulation entre ces différentes notions apparaissait cependant plus
clairement dans l’article de Sanders et al. (1978).
En effet, Sanders et Baron présentaient une formulation un peu plus précise de leur
théorie à travers deux articles publiés en 1978 (Sanders et al., 1978 ; Baron et al., 1978). Le
conflit y est défini comme « a desire or obligation to make two mutually exclusive responses
either simultaneously or with inadequate time for both » (Sanders et al., 1978, page 292). La
distraction, quant à elle, était maintenant plus clairement différenciée du conflit, puisqu’ils la
définissaient comme : « any stimuli or response requirement that is irrelevant to the subject’s
primary task » (Sanders et al., 1978, page 292). Il est important de souligner, d’ores et déjà,
que la distraction peut être le résultat de stimuli externes, mais également de pensées internes,
imposées par un tiers ou par le sujet lui-même (Sanders et al., 1978). Ainsi, la distinction
entre distraction et conflit apparaissait dès lors plus évidente, notamment du fait qu’il
devenait possible de concevoir des situations où la distraction ne créait pas de conflit
attentionnel. En effet, une distraction, même forte, n’induirait pas de conflit, si le temps pour
réaliser la tâche est suffisamment important (Baron et al., 1978 ; note 1, Baron, 1986 ; Groff
et al., 1983). Il pourrait donc y avoir distraction sans conflit. De même, si les distracteurs
peuvent être ignorés facilement, le conflit n’aurait pas lieu et il n’y aurait ni augmentation du
drive, ni apparition des effets qui lui sont associés. Enfin, les effets de type drive pourraient
également ne pas survenir dans les situations où la distraction est trop forte. Dans de telles
Chapitre 3 : Vers une approche attentionnelle des effets de facilitation-inhibition sociale
56
situations, le conflit n’aurait pas lieu car toute l’attention serait centrée sur le ou les
distracteurs (Baron et al., 1978).
La théorie du conflit-distraction pouvait dès lors être schématisée, comme sur la
Figure 4 (inspirée de Baron, 1986, modèle A). Autrui serait une source de distraction possible
parmi d’autres (nouveaux stimuli, bruit, …). Selon l’importance de la distraction et la charge
attentionnelle nécessaire pour la réalisation de la tâche, la distraction donnerait lieu ou non à
un conflit attentionnel. Si oui, celui-ci entraînerait une augmentation du niveau de drive ou
d’activation physiologique (arousal) qui s’accompagnerait de la facilitation de la réponse
dominante, d’où les effets de type drive : facilitation de la performance pour les tâches
simples et inhibition pour les tâches complexes (Zajonc, 1965, 1980).
Figure 4. Théorie du conflit-distraction, modèle A (Baron, 1986).
Cette version de la théorie du conflit-distraction s’apparentait donc assez fortement au
modèle du drive de Zajonc (1965). Parmi les différences les plus importantes, on peut noter
encore une fois, qu’autrui n’a plus ici un statut particulier car il n’est ici qu’une source de
distraction parmi d’autres possibles (Sanders et Baron, 1975). De plus, cette théorie
impliquait deux facteurs : l’augmentation du drive et l’effet perturbateur de la distraction
Chapitre 3 : Vers une approche attentionnelle des effets de facilitation-inhibition sociale
57
(Sanders, 1981a). Si, ces deux facteurs influencent les performances de la même manière pour
les tâches complexes, l’effet de la distraction sur les performances aux tâches simples
dépendrait, pour sa part, de l’importance respective de ces deux facteurs (Sanders, 1981a).
Ainsi, l’effet facilitateur de la distraction apparaîtrait uniquement lorsque l’effet perturbateur
de la distraction est surpassé par l’effet du drive (Sanders et al., 1978).
1.2 Autrui : une source de distraction et de conflit attentionnel ?
La question : « autrui est-il une source de distraction ? », ainsi formulée par Baron
(1986), pourrait être reformulée comme suit : « autrui est-il source de distraction lorsque des
effets de facilitation-inhibition sociale sont observés ? ». Afin de comprendre cette
reformulation, rappelons que la théorie du conflit-distraction postule que la présence d’autrui
induirait des effets de facilitation-inhibition sociale, lorsqu’il devient difficile de traiter la
tâche ainsi qu’un stimulus non-pertinent pour celle-ci (i.e., un distracteur). De fait, cette
prémisse implique que la présence d’autrui ne donnerait lieu aux effets de facilitation-
inhibition sociale que si elle est une source de distraction (Sanders et al., 1978 ; Gastorf, Suls
et Sanders, 1980). Ainsi, cette théorie ne postule pas que la présence d’autrui serait toujours
une source de distraction. En revanche, tel devrait être le cas, aussi souvent qu’un effet de
facilitation-inhibition sociale est observé.
Les études de Sanders et Baron (1975) démontraient qu’une distraction non-sociale
permettait de reproduire des effets de type drive. L’étape suivante était de prouver que la
présence d’autrui représentait bien une source de distraction lorsque des effets de type drive
étaient constatés. L’étude de Baron et al. (1978) testait cet aspect de la théorie dans le cas
d’une audience passive. Cette étude reprenait très précisément la procédure utilisée par
Cottrell et al., (1967 ; voir Chapitre 1), en ajoutant toutefois un certain nombre de mesures de
distraction. Rappelons que dans cette tâche, une augmentation du drive devrait se traduire par
moins d’erreurs pour la liste « non-compétitives » et plus d’erreurs pour la liste
« compétitives » (cf. Cottrell et al., 1967). Les participants étaient en présence d’un
observateur extérieur ou seuls avec l’expérimentateur. Afin de mesurer la distraction, les
participants indiquaient dans quelle mesure leur attention s’était focalisée sur la tâche durant
la passation, et avec quelle fréquence elle s’était portée sur autre chose que la tâche (mesures
dites d’attention). Enfin, ils devaient rappeler certaines des caractéristiques de la tâche
réalisée. Pour ces auteurs, une plus grande distraction devait se traduire par un plus grand
Chapitre 3 : Vers une approche attentionnelle des effets de facilitation-inhibition sociale
58
nombre d’erreurs à cette tâche de rappel. Un indice de distraction a pu ainsi être calculé sur la
base de ces trois mesures.
La théorie du conflit-distraction prédisait des effets de type drive (i.e., plus d’erreurs
sur la liste « compétitives » et moins d’erreurs sur la liste « non-compétitives » en condition
« audience », comparativement à la condition « seul ») et plus spécifiquement, une plus
grande distraction en présence de l’audience. Les résultats, quant aux performances,
répliquaient ceux de Cottrell et al. (1967) et faisaient apparaître une interaction entre le type
de liste et la présence de l’audience. Comme attendu : 1) les participants commettaient plus
d’erreurs pour la liste « compétitives » en présence de l’audience que seul et 2) pour la liste
« non-compétitives », les moyennes allaient dans le sens (même si l’effet simple n’était pas
significatif) d’un nombre plus faible d’erreurs en présence de l’audience que seul. Outre la
réplication de l’étude de Cottrell et al. (1967), l’analyse effectuée sur l’indice de distraction
faisait ressortir, comme Baron et al. l’attendaient, une plus grande distraction en présence de
l’audience, et ce, indépendamment du type de tâche. De fait, les effets de facilitation-
inhibition sociale s’accompagnaient bien d’une plus grande distraction. Toutefois si les trois
mesures confirmaient cette tendance, seul le test portant sur les erreurs de rappel se révélait
significatif. Par ailleurs, une question évaluant explicitement le niveau de distraction auto-
rapporté ne faisait apparaître aucune différence. Une absence de résultat que l’on retrouvait
chez Sanders et al. (1978) et que ces auteurs justifiaient en invoquant le fait que les individus
n’ont que très rarement un accès direct à leurs processus mentaux (Nisbett et Wilson, 1977). Il
reste, néanmoins, que le score le plus important constaté sur l’indice de distraction, était
effectivement associé à la condition de présence d’autrui ; condition où apparaissaient, par
ailleurs, les effets de type drive. Ces résultats venaient confirmer l’idée que la présence
d’autrui, lorsqu’elle produisait des effets de type drive, était source de distraction, et ce,
indépendamment de la performance (la distraction étant associée à une meilleure performance
sur la tâche simple et à une moins bonne performance sur la tâche complexe).
L’étude de Baron et al. (1978) permettait de tester le lien entre présence d’autrui et
distraction, en mesurant cette dernière ; une autre stratégie consistait à manipuler le niveau de
distraction. Si autrui occasionnait des effets de type drive, de par son statut de distracteur,
celui-ci ne devait plus induire de variation de performances, dès lors qu’il n’était plus source
de distraction. Deux études menées par Sanders et al. (1978) avaient pour but de tester cette
proposition, en situation de coaction.
Chapitre 3 : Vers une approche attentionnelle des effets de facilitation-inhibition sociale
59
Avant de décrire ces études, il est nécessaire de revenir sur un point important de la
théorie du conflit-distraction. Nous avons déjà avancé l’idée que la présence d’autrui serait
une source de distraction. Or, si l’étude de Baron et al. (1978) semblait montrer que tel était
bien le cas, la question du pourquoi restait posée. Pourquoi autrui aurait-il tendance à attirer
notre attention ? Pour les théoriciens de la théorie du conflit-distraction, ceci pourrait être vrai
pour plusieurs raisons. En effet, pour Baron (1986), autrui serait notamment une source
puissante de renforcements et de punitions sociales. Il fournirait parfois des indices sociaux et
sexuels auxquels nous pourrions vouloir répondre et, enfin, il offrirait souvent une source
d’information de comparaison sociale. Comme nous le verrons, ces raisons renverraient donc
souvent à des processus d’évaluation.
Ainsi, au même titre qu’autrui serait une source de distraction parmi d’autres, les
raisons du caractère distracteur de la présence d’autrui seraient elles-mêmes multiples. Un
statut particulier est tout de même conféré à la comparaison sociale. Si elle n’est qu’une
raison possible parmi d’autres, Baron et ses collaborateurs notaient toutefois que la recherche
d’information de comparaison sociale restait l’une des raisons principales (Baron, 1986 ;
Baron et al., 1978 ; Gastorf et al., 1980 ; Sanders et al., 1978). L’idée sous-jacente est que les
individus seraient très intéressés par les informations leur permettant de savoir si leur
performance est adaptée (Baron, 1986 ; Sanders et al., 1978 ; voir également Festinger,
1954) ; une idée sur laquelle nous reviendrons abondamment par la suite. De fait, pour les
situations de coaction, il y aurait une comparaison directe des performances avec celles du
coacteur. En situation d’audience, il s’agirait plutôt de la comparaison de l’opinion que l’on
peut avoir de sa performance, avec l’opinion que semble en avoir l’audience (Sanders et al.,
1978).
La première étude présentée par Sanders et al. (1978) devait vérifier que l’effet de la
présence d’un coacteur n’apparaissait que si le besoin de comparaison sociale était encouragé.
Pour ce faire, dans une condition, la tâche était présentée comme une évaluation des capacités
à différer la satisfaction, capacités censées être importantes pour les participants. Pour
Sanders et al., ceci devait augmenter le besoin d’auto-évaluation et donc, de comparaison
avec le coacteur. Dans l’autre condition, les participants pensaient simplement devoir donner
leur impression sur la tâche, ce qui devait les centrer sur la tâche elle-même. La présence du
coacteur (coaction versus seul) et la difficulté de la tâche (tâche simple versus tâche
complexe) étaient également manipulées. Si le conflit attentionnel expliquait les effets de
Chapitre 3 : Vers une approche attentionnelle des effets de facilitation-inhibition sociale
60
facilitation-inhibition sociale, autrui ne devait influencer la performance que s’il était une
source de distraction, c’est-à-dire lorsque les participants étaient motivés à s’auto-évaluer.
Les résultats de cette première étude confirmaient l’importance du besoin de
comparaison sociale. En effet, aucune différence n’apparaissait entre les participants seuls et
en coaction, lorsqu’ils étaient centrés sur la tâche. A l’inverse, un effet de facilitation sociale
apparaissait sur la tâche simple, lorsque les consignes favorisaient l’intérêt pour la
comparaison sociale. Sanders et al. ne rapportaient cependant aucune différence concernant la
tâche complexe. A l’image des résultats de Baron et al. (1978), la mesure de distraction (auto-
rapportée) ne révélait aucune différence. Ces auteurs relevaient, néanmoins, des corrélations
faibles et non significatives mais suggérant une relation positive entre l’augmentation du
drive et différentes mesures de distraction dans la grande majorité des conditions du plan
expérimental. Quoi qu’il en soit, cette étude permettait d’étayer l’idée que les effets de
facilitation-inhibition sociale observés en situation de coaction étaient, au moins en partie,
liés au besoin de comparaison sociale. La seconde étude de Sanders et al. visait à démontrer
que cette motivation à la comparaison sociale ne se traduisait en effet de type drive, que si le
coacteur représentait une source pertinente d’information de comparaison.
Cette étude croisait la difficulté de la tâche avec trois conditions expérimentales. La
première de ces conditions était une condition « seul », dans laquelle le sentiment
d’évaluation était réduit à son minimum, présentant la tâche comme un exercice
d’échauffement non évalué. Les participants des deux conditions restantes réalisaient la tâche
en présence d’un coacteur, effectuant la même tâche (condition « ensemble-même tâche ») ou
une tâche clairement différente (condition « ensemble-autre tâche »). Afin de favoriser le
besoin d’évaluation, les participants de ces deux conditions étaient également informés que
leurs performances seraient comparées l’une à l’autre et à une norme établie préalablement.
Ainsi, pour un même besoin d’auto-évaluation, seuls les participants d’une condition avaient
une source de comparaison pertinente — i.e., un autrui réalisant la même tâche qu’eux.
L’hypothèse de Sanders et al. était que dans la condition de tâche différente, autrui n’étant
pas une source d’information de comparaison sociale pertinente, ne serait pas source de
conflit attentionnel et n’induirait donc pas d’effet de type drive. Ces effets devaient, en
revanche, apparaître dans la condition « ensemble-même tâche » ; autrui étant cette fois-ci
une source pertinente de comparaison. Un tel plan expérimental correspond aux
recommandations de Geen et Gange (1977 ; voir Chapitre 1) qui préconisaient un plan de ce
type pour pouvoir statuer sur la nécessité d’un antécédent dans les effets de facilitation-
Chapitre 3 : Vers une approche attentionnelle des effets de facilitation-inhibition sociale
61
inhibition sociale. En effet, rappelons que selon eux, il n’est pas suffisant d’établir qu’un
certain traitement augmente l’effet de la présence d’autrui. Il convient également de
démontrer que l’absence de ce traitement ramène la performance au niveau d’une condition
« seul ». Or, cette étude de Sanders et al. remplissait toutes ces conditions. Les résultats
révélaient effectivement qu’un effet de type drive apparaissait mais uniquement lorsque la
comparaison était pertinente (i.e., condition « ensemble-même tâche »). Ainsi, quand la
comparaison sociale n’était pas pertinente (i.e., dans la condition « ensemble-autre tâche »), la
simple présence d’un coacteur ne suffisait pas à induire d’effet de facilitation-inhibition
sociale. Des mesures additionnelles laissaient également penser qu’autrui, dans cette dernière
condition, n’avait pas « attiré l’attention » autant que dans l’autre condition de coaction. En
effet, les participants de la condition « ensemble-même tâche » étaient plus précis dans leurs
estimations de la performance du coacteur, que dans la condition « ensemble-autre tâche ».
On peut donc penser que c’est bien la tendance à se comparer qui induit les effets de
facilitation-inhibition sociale. Ces auteurs rapportaient également que la précision, dans
l’estimation de la performance du coacteur, était corrélée positivement avec la performance
obtenue pour la tâche simple. Ainsi, le fait d’avoir été plus attentif à autrui, menait à une
meilleure performance, un résultat tout à fait en accord avec l’idée d’un effet positif du conflit
attentionnel sur les tâches simples.
Une autre voie pour illustrer l’idée que la distraction en présence d’un coacteur était
liée au besoin d’auto-évaluation, était de démontrer que les effets de coaction étaient plus
facilement observés chez les individus chroniquement très enclins à se comparer. Un type de
personnalité, connue sous le nom de type A, allait permettre à Gastorf et al. (1980) de tester
cette hypothèse. En effet, les individus de type A (à opposer aux individus de type B) se
définissent par un schéma de comportements très orienté vers la compétition et la
comparaison (Gastorf et al., 1980), et ce, dès le plus jeune âge (Matthews et Siegel, 1983).
Matthews et Siegel (1983) ont notamment montré que des enfants de CM1 (4e grade aux
Etats-Unis), présentant un pattern de comportements de type A, comparativement à ceux de
type B, étaient moins influencés dans leur choix de comparaison par la présence d’un standard
explicite. Si la comparaison à ce standard semblait suffire aux enfants de type B, ceux de type
A restaient très intéressés par la comparaison avec une cible supérieure à eux.
Parallèlement à la mesure du type de personnalité, Gastorf et al. (1980) manipulaient
le sens de la comparaison avec le coacteur. Ils notaient, à ce propos, que les études des effets
de facilitation-inhibition sociale n’avaient pas considéré l’impact que pouvait avoir le niveau
Chapitre 3 : Vers une approche attentionnelle des effets de facilitation-inhibition sociale
62
de performance relative du participant et du coacteur (voir cependant Rijsman, 1974, pour une
manipulation du niveau de performance relative, en situation de coaction ; étude publiée avant
la parution de Gastorf et al., 1980). Les participants de cette étude étaient seuls ou face à un
compère. Dans une condition, ce compère était censé avoir eu le même temps d’entraînement
et réalisait une performance semblable à la leur (situation de comparaison sociale latérale).
Dans l’autre condition, le compère était censé avoir bénéficié d’un entraînement plus
important et réalisait une performance très nettement supérieure (situation de forte
comparaison sociale ascendante). Festinger (1954) dans sa théorie de la comparaison sociale
postulait que les individus ne se comparent pas avec des cibles trop différentes d’eux-mêmes
(voir Chapitre 4) ; Gastorf et al. faisaient, par conséquent, l’hypothèse que la comparaison à
cet autrui, trop supérieur, ne serait pas source de distraction pour les individus de type B, mais
resterait une source d’information pertinente pour les individus de type A. Les résultats de
Matthews et Siegel (1983) démontraient effectivement que les autrui très supérieurs restaient
plus facilement des cibles pertinentes pour les enfants de type A. De fait, face à une cible
nettement supérieure, les effets de type drive ne devaient être observés que pour les individus
de type A.
L’étude menée par Gastorf et al. confirmait dans une large mesure les prédictions de la
théorie du conflit-distraction. En effet, les données révélaient des effets de facilitation-
inhibition sociale pour les individus de type A, quelle que soit la différence de performance
(fictive) avec le coacteur. A l’inverse, les individus de type B, moins intéressés par la
comparaison sociale, n’étaient pas influencés par la présence du coacteur, et ce, quel que soit
le niveau de performance du coacteur. Ces auteurs remarquaient toutefois, pour ces derniers,
une faible tendance à la facilitation-inhibition sociale en situation de comparaison latérale.
Enfin, les données de cette étude révélaient, en accord avec une interprétation en termes de
distraction, que les conditions où l’on retrouvait un effet de type drive étaient, encore une
fois, associées à un plus grand nombre d’erreurs dans le rappel des caractéristiques de la tâche
(cf. Baron et al., 1978 ; Sanders et al., 1978). Les données de cette étude confirmaient une
nouvelle fois que la présence d’autrui ne semblait induire d’effets de type drive que lorsque
celui-ci était une source de distraction.
Il restait alors à démontrer que la distraction était bien déterminante du fait qu’elle
conduisait à un conflit attentionnel entre la tâche et le distracteur. Pour cela, il fallait montrer
qu’un autrui, source de distraction mais ne créant pas de conflit attentionnel, ne provoquait
pas d’effet de type drive. C’était ce point de la théorie que testait l’étude de Groff et al. (1983,
Chapitre 3 : Vers une approche attentionnelle des effets de facilitation-inhibition sociale
63
étude 1). Les participants de cette étude devaient évaluer les expressions faciales d’une
personne présentée sur un écran de télévision. Cet écran était placé en face des participants, à
environ 3 mètres. Ils devaient simultanément réaliser une tâche motrice simple. Les
participants étaient répartis en trois conditions expérimentales. La première de ces conditions
était une condition « seul » classique. Dans les deux conditions restantes, un observateur était
présent. Celui-ci était placé à la même hauteur que la télévision, à environ un mètre de celle-
ci, sur la droite des participants. Cet observateur (attentif) était, de fait, une source de
distraction (cf. Groff et al., 1983). Néanmoins, ce dernier devait être ou non à la base d’un
conflit attentionnel. En effet, dans la condition de faible conflit, cet observateur était filmé
(d’une caméra placée juste à côté des participants) et c’était lui dont les participants devaient
juger les expressions faciales. Ainsi, en effectuant la tâche qui leur était demandée, les
participants pouvaient également porter attention à l’observateur. Il y avait donc une source
de distraction (due à la présence physique d’une autre personne qui, de plus, les observait),
mais pas de conflit attentionnel car cette information pouvait être traitée sans entamer les
ressources attentionnelles attribuées à la tâche (les deux étant confondues). Dans la dernière
condition, celle de fort conflit, la personne présentée sur la vidéo n’était pas l’observateur. La
présence d’autrui était, par conséquent, source de distraction, mais également de conflit
attentionnel. Les résultats de cette étude étaient concluants : les effets de type drive
n’apparaissaient que dans la condition de fort conflit. La condition de faible conflit, quant à
elle, ne différait pas de la condition de contrôle. L’importance du concept de conflit
attentionnel était ainsi illustrée expérimentalement.
La question de départ de ces études était de savoir si autrui est, comme le postule la
théorie du conflit-distraction, source de distraction lorsque des effets de facilitation-inhibition
sociale sont observés. La réponse à cette question paraît être positive. En effet, dans l’étude
de Baron et al. (1978) la simple présence d’autrui a permis de faire apparaître conjointement
des effets de type drive et des scores plus importants de distraction. Les études présentées par
Sanders et al. (1978) et Gastorf et al. (1980) ont, quant à elles, confirmées que la présence
d’un coacteur conduisait à des effets de type drive, uniquement lorsque cet autrui était utilisé
comme cible de comparaison sociale. Toute induction faisant de cet autrui une source de
comparaison moins pertinente amenait à la disparition des effets de facilitation-inhibition
sociale. Notons que la théorie postule que la comparaison sociale n’est qu’une raison possible
de la distraction induite par le coacteur. Néanmoins, elle reste la plus souvent évoquée. Ce qui
implique que cet aspect, pourtant jugé moins central dans la théorie (Baron, 1986), prend une
Chapitre 3 : Vers une approche attentionnelle des effets de facilitation-inhibition sociale
64
importance particulière sur laquelle nous reviendrons. Sous-jacent à l’importance de ce
facteur de distraction réapparaît à plusieurs reprises le souci chez l’individu d’évaluer sa
performance. Notons que la notion d’évaluation est également au centre d’une des théories
majeures des effets de facilitation-inhibition sociale : la théorie de l’appréhension de
l’évaluation (Cottrell, 1972). De plus, ces deux théories ont en commun, avec celle de Zajonc
(1965), le postulat d’une augmentation du drive en présence d’autrui. Nous allons donc
développer les liens qu’entretiennent la théorie du conflit-distraction avec ses deux
précurseurs.
1.3 La théorie du conflit-distraction et ses précurseurs
Dans sa forme initiale, la théorie du conflit-distraction s’accorde sur un point avec les
théories de Zajonc (1965) et de Cottrell (1972) : la présence d’autrui induirait les effets de
facilitation-inhibition sociale via l’augmentation du niveau de drive. Cependant, ces trois
théories diffèrent quant à leur niveau de spécification.
En bref, la théorie du drive postule que la simple présence d’autrui provoquerait
l’augmentation du niveau de drive (Zajonc, 1965, 1980). Aucun médiateur n’est donc postulé
et la simple présence physique d’autrui serait une condition suffisante à l’apparition des effets
de type drive (Zajonc, 1965, 1980). Nous avons vu que la théorie de l’appréhension de
l’évaluation (Cottrell, 1972 ; voir Chapitre 1), pour sa part, est un peu plus spécifique. La
présence d’autrui n’induirait d’effets de type drive que si des renforcements positifs ou
négatifs sont attendus, certains auteurs limitant même ces effets à l’anticipation de
renforcements négatifs (Geen, 1981 ; Geen et Gange, 1977 ; Weiss et Miller, 1971). La
théorie du conflit-distraction va encore plus loin dans le niveau de spécification. La présence
d’autrui augmenterait le drive uniquement si elle est une source de distraction et si le niveau
d’attention nécessaire à la réalisation de la tâche ne permet pas de gérer les deux
simultanément. Ainsi, l’augmentation du drive serait due au conflit attentionnel créé par le
distracteur (Baron, 1986 ; Sanders, 1981a). Par conséquent, deux conditions (non
indépendantes, la seconde dépendant de la première) devraient être remplies, c’est-à-dire
présence d’une distraction et création d’un conflit attentionnel.
Il est bon de noter que ces trois théories, ne se plaçant pas au même niveau d’analyse,
ne sont pas mutuellement exclusives (Markus, 1981 ; Sanders, 1981b). Markus (1981)
rappelle en effet que la théorie de Zajonc est, par nature, une théorie béhavioriste, ce qui
explique qu’elle ne spécifie pas, et pour cause, les médiateurs à l’œuvre dans les effets de
Chapitre 3 : Vers une approche attentionnelle des effets de facilitation-inhibition sociale
65
présence d’autrui. Sanders (1981a) présente, cependant, une articulation entre ces trois
théories, lors d’une revue de question quelque peu polémique (voir Geen, 1981 ; Markus,
1981 ; Sanders, 1981b). Le modèle des processus attentionnels proposé par Sanders (1981a)
permet, selon lui, une intégration de ces trois théories, avec comme toile de fond la théorie du
conflit-distraction. Reprenant l’idée de Zajonc (1980) selon laquelle autrui est une source
perpétuelle d’incertitude (cf. Chapitre 1), Sanders propose que ceci se traduirait par un
« réflexe attentionnel » en direction d’autrui. Ce réflexe n’aurait, à lui seul, aucun effet sur le
niveau de drive. La théorie de Zajonc permettrait donc d’expliquer en quoi la présence
d’autrui amène à capter l’attention de l’individu. Néanmoins, ce premier réflexe se révélerait
inapte à induire des effets de type drive per se. Il serait, en effet, nécessaire qu’autrui soit
perçu comme une source d’information pertinente, pour continuer à capter l’attention et donc
induire les effets de facilitation-inhibition sociale, via le conflit attentionnel. La théorie de
l’appréhension de l’évaluation, pour sa part, permettrait d’expliquer pourquoi autrui serait ou
non une source d’information pertinente. Il est important de noter que pour Sanders, aucun de
ces phénomènes n’explique, à lui seul, l’augmentation du drive. Ces phénomènes ne sont pour
lui que les antécédents nécessaires, mais non suffisants, du conflit attentionnel et donc de
l’augmentation du drive. D’autant plus « non suffisants » que dans certaines situations,
notamment lorsque l’attention dont dispose le sujet est suffisante pour gérer les deux
informations dans le même temps, un autrui source de distraction n’induit pas d’effet de
facilitation-inhibition sociale.
Deux constats tendent à s’imposer à ce point de développement de la théorie du
conflit-distraction. En premier lieu, la notion de drive reste une base fondamentale des
explications fournies aux effets de présence d’autrui. En second lieu, la place théorique
attribuée aux processus attentionnels apparaît de plus en plus importante. Nous allons voir à
présent comment le développement de cette tendance va permettre de fournir une alternative
attentionnelle aux principes d’augmentation du drive.
Chapitre 3 : Vers une approche attentionnelle des effets de facilitation-inhibition sociale
66
2 Vers une théorie du conflit-distraction encore plus attentionnelle : la focalisation
attentionnelle
2.1 La fin de l’ère du drive ?
S’il existe des désaccords sur les conditions nécessaires et suffisantes pour l’apparition
des effets de facilitation-inhibition sociale, ces trois approches restaient basées sur les notions
de drive et de réponses dominantes. Ce postulat, accepté avec étonnamment peu de résistance
(Zajonc, 1980), s’est peu à peu vu opposer des interprétations plus attentionnelles (voir
Chapitre 1). Ces interprétations, reprenant pour la plupart la notion de focalisation
attentionnelle, ont schématiquement mené à deux types de conceptualisation (voir Groff et al.,
1983). Les premières abandonnaient totalement le concept de drive. La présence d’autrui
conduirait uniquement à l’augmentation de cette focalisation (Baron, 1986, modèle B ;
Manstead et Semin, 1980). Les secondes intégraient la proposition de Easterbrook (1959),
pour qui l’augmentation du drive s’accompagnerait d’un phénomène de focalisation de
l’attention. Ainsi, dans ces approches, la présence d’autrui provoquerait l’augmentation de
l’arousal (pris dans son acceptation physiologique) et des phénomènes de focalisation
attentionnelle (Baron, 1986, modèle C ; Geen, 1976). Comme on peut le voir, le recours à la
notion de focalisation attentionnelle autorisait, dans les deux cas, à ne plus postuler de
renforcement des réponses dominantes.
L’usage du concept de focalisation attentionnelle en lieu et place d’un renforcement de
la hiérarchie des réponses comportementales, caractérise en quelque sorte le passage du
paradigme béhavioriste, au paradigme cognitiviste. Cette notion de focalisation attentionnelle,
clairement liée à une approche cognitiviste en termes de traitement de l’information, se définit
par un rétrécissement de l’attention. Plus précisément, cette notion renvoie à l’attribution
d’une part plus importante de l’attention aux éléments centraux, aux dépens d’éléments plus
périphériques dans la réalisation de la tâche (Baron, 1986 ; Cohen, 1978 ; Geen, 1976 ;
Huguet et al., 1999). Si Blank et al. (1976) appelaient de leurs vœux une approche
« traitement de l’information » des effets de facilitation-inhibition sociale, Geen (1976)
apportait les premières preuves empiriques de focalisation attentionnelle en présence d’autrui.
Les participants de cette étude se voyaient proposer une tâche de mémorisation
spatiale (Geen, 1976). Pour un tiers des participants, chaque item était présenté seul. Pour un
tiers d’entre eux, ceux-ci étaient présentés avec des indices périphériques non-pertinents —
Chapitre 3 : Vers une approche attentionnelle des effets de facilitation-inhibition sociale
67
rendant la tâche plus difficile. Pour le dernier tiers, ils étaient associés à des indices
périphériques pertinents — rendant la tâche plus facile. De plus, les participants effectuaient
la tâche seuls ou en présence d’un observateur. Les résultats de cette étude font ressortir que
les participants à haut niveau d’anxiété voyaient leur performance facilitée ou inhibée, selon
que les indices périphériques étaient pertinents ou non. Néanmoins, ce phénomène
apparaissait uniquement lorsque l’audience n’était pas présente. En effet, Geen ne relevait
aucun effet des éléments périphériques dès lors qu’une audience était présente durant la
passation. On peut ainsi penser que les éléments périphériques n’étaient plus traités en
présence d’autrui. Un résultat, par conséquent, en accord avec l’idée que la présence d’autrui
augmenterait la focalisation attentionnelle6. Il devenait dès lors possible de penser que l’effet
de la présence d’autrui pouvait être dû, non pas à un renforcement des réponses dominantes,
mais à une focalisation plus importante. Notons que pour Geen (1976), l’antécédent de la
focalisation restait cependant l’augmentation du niveau de drive (Easterbrook, 1959). Un an
plus tard, Geen et Gange (1977) proposaient que l’antécédent direct de la focalisation
attentionnelle n’était pas l’augmentation du drive, mais plutôt l’augmentation du niveau
d’anxiété. Ceci permettait d’une part, de faire l’économie de la notion de drive et d’autre part,
d’expliquer que dans l’étude de Geen, l’effet de la présence d’autrui était plus fort chez les
individus plus facilement anxieux en situation d’évaluation.
Manstead et Semin (1980) suggéraient, pour leur part, une interprétation des effets de
facilitation-inhibition sociale en termes de focalisation attentionnelle, sans avoir recours à la
notion de drive. Manstead et Semin (1980 ; voir également Abrams et Manstead, 1981),
reprenant les termes de Schneider et Shiffrin (1977), proposaient que des séquences
automatiques seraient utilisées pour réaliser les tâches simples. Ces séquences mèneraient à
des performances suboptimales. Les individus ayant la possibilité de réaliser ces tâches grâce
à des automatismes n’attribueraient pas l’attention nécessaire à des performances optimales.
Celles-ci seraient donc assez médiocres. Or, la présence d’autrui aurait pour effet de
remobiliser les ressources attentionnelles ; les individus attribueraient cette fois l’attention
nécessaire à des performances optimales. Par conséquent, cette augmentation de la
focalisation attentionnelle favoriserait les performances. A l’inverse, les processus associés
aux tâches complexes étant contrôlés et non automatiques, ces tâches seraient donc, par
6 Il est important de noter que lorsque nous parlerons d’augmentation de la focalisation, cela signifiera
une « intensification » de celle-ci. Ceci veut donc dire que moins d’éléments seront pris en compte. A l’inverse,
par réduction de la focalisation, nous entendrons la prise en compte d’un plus grand nombre d’éléments.
Chapitre 3 : Vers une approche attentionnelle des effets de facilitation-inhibition sociale
68
nature, consommatrices de ressources attentionnelles. De fait, la présence d’autrui ne ferait
qu’augmenter encore la charge attentionnelle, inhibant ainsi la performance.
L’une des contributions les plus importante aux explications attentionnelles des effets
de facilitation-inhibition sociale, et plus particulièrement à la théorie du conflit-distraction,
était celle de Sheldon Cohen (1978). Cet auteur présentait un ensemble de réflexions sur
l’impact des « stresseurs environnementaux » sur l’allocation de l’attention. Par « stresseurs
environnementaux » Cohen entendait toutes les stimulations environnementales présentant un
caractère d’incontrolabilité et / ou d’imprévisibilité. Si nous nous référons à Zajonc (1980),
nous pouvons d’ores et déjà considérer autrui comme faisant partie de ces « stresseurs
environnementaux ». Du fait qu’ils doivent être sous contrôle, ces stimuli auraient pour
caractéristique, selon Cohen, d’être « consommateurs d’attention ».
De plus, le modèle de Cohen postulait que l’individu posséderait une capacité
d’attention limitée. Par conséquent, quand le système doit traiter un trop grand nombre
d’informations, dans un temps trop restreint — i.e., en situation de surcharge attentionnelle —
les indices pertinents se verraient attribuer plus d’attention et les indices non-pertinents
moins d’attention. Phénomène que nous avons déjà présenté, sous le nom de focalisation
attentionnelle. Ainsi, la surcharge attentionnelle serait à l’origine de cette focalisation ;
phénomène de focalisation mis en place par le système, pour pallier une capacité
attentionnelle limitée (voir également Kahneman, 1973). De fait, lorsque la tâche à réaliser
requiert le traitement de toutes les informations présentes, la focalisation diminuerait les
performances. A l’inverse, si les indices non pertinents ne sont pas nécessaires ou tendent à
« consommer » inutilement de l’attention, la focalisation augmenterait la performance. Ainsi,
Cohen citait notamment comme exemple la tâche de Stroop. En effet, pour celle-ci, il est clair
que l’information liée aux indices périphériques — i.e., l’aspect sémantique du mot — est
néfaste pour la performance. De fait, la focalisation induite par une surcharge attentionnelle
pourrait faciliter les performances. Or, en présence de différents types de distractions, tant
sociales (présence d’un observateur ou d’un coacteur ; Huguet et al., 1999), que non-sociales
(bruit ; Hartley et Adams, 1974), une diminution de l’interférence de Stroop (i.e., une
meilleure performance) a effectivement pu être observée.
Cohen note cependant, à l’instar de la théorie du conflit-distraction (Sanders et Baron,
1975, Sanders, 1981a), qu’il existerait une relation en forme de U inversé entre distraction et
performances. Ainsi, pour des tâches nécessitant uniquement le traitement des indices
centraux (i.e., les indices les plus directement pertinents), la charge cognitive permettrait
Chapitre 3 : Vers une approche attentionnelle des effets de facilitation-inhibition sociale
69
d’améliorer la performance dans la mesure où elle permet la focalisation attentionnelle.
Cependant, lorsque la distraction à l’origine de la surcharge attentionnelle est trop forte, la
focalisation ne serait plus suffisante pour pallier la diminution de l’attention allouée à la
tâche.
2.2 La théorie du conflit-distraction et la focalisation attentionnelle
En bref, dans sa forme originale (voir Figure 4), c’est-à-dire le modèle A, la théorie du
conflit-distraction expliquait les effets de facilitation-inhibition sociale par une augmentation
du drive, elle-même induite par le conflit attentionnel. Ce conflit serait créé par le besoin de
traiter la tâche à réaliser, ainsi que des informations non reliées à celle-ci (e.g., des
informations de comparaison sociale). La gestion des ressources attentionnelles était donc
centrale en début de chaîne causale. Elle restait néanmoins un simple antécédent de
l’augmentation du drive. L’approche plus cognitive de Cohen (1978) allait permettre à Baron
(1986, modèle B) de proposer un modèle de la distraction ne faisant plus appel aux notions de
drive et de réponses dominantes. En effet, comme on peut le voir sur la Figure 5, ce modèle
postule, une nouvelle fois, qu’un certain nombre de stimuli peuvent être source de distraction
(coacteur, audience, bruit, …). Cette distraction donnerait lieu, selon son intensité et
l’attention nécessaire pour la tâche, à un conflit attentionnel. Dans une telle situation, les
ressources attentionnelles de l’individu ne seraient pas suffisantes pour satisfaire aux deux
stimulations ; cette surcharge induirait alors le phénomène de focalisation attentionnelle
(Cohen, 1978). De fait, lorsque les indices centraux sont suffisants pour la réalisation de la
tâche (la plupart du temps dans le cas de tâches simples), la performance s’en trouverait
facilitée, d’où le phénomène de facilitation sociale. A l’inverse, lorsque la tâche nécessite la
prise en compte de tous les indices présents (i.e., centraux et périphériques), la performance
s’en trouverait altérée, d’où le phénomène d’inhibition sociale. En résumé, on peut noter deux
évolutions majeures entre les modèles A et B. D’une part, le modèle B ne repose plus sur la
notion de drive (ni d’arousal), celle-ci étant remplacée par la notion de surcharge
attentionnelle. D’autre part, le modèle B, recourant à une explication en termes de focalisation
attentionnelle n’utilise plus, ni la loi de Hull-Spence, ni la notion de réponses dominantes.
Chapitre 3 : Vers une approche attentionnelle des effets de facilitation-inhibition sociale
70
Figure 5. Théorie du conflit-distraction, modèle B (Baron, 1986).
Formuler une version plus attentionnelle de la théorie du conflit-distraction présente
plusieurs avantages. Cela permet notamment de rendre compte, sur la base du même modèle,
d’effets obtenus dans les champs de la facilitation-inhibition sociale et de la persuasion
(Baron, 1986). En effet, ce modèle rend également compte du traitement superficiel effectué
en situation de distraction (Petty, Wells et Brock, 1976).
Le principal intérêt de cette approche en termes de surcharge attentionnelle est, selon
nous, qu’elle évite de recourir à la notion de réponses dominantes. Ceci dans un contexte où
de plus en plus de théories proposaient des explications en termes de traitement de
l’information (e.g., Manstead et Semin, 1980 ; Seta, Seta, Donaldson et Wang, 1988). De
plus, cela rend moins nécessaire l’usage du concept de drive et par là même, de diminuer les
Chapitre 3 : Vers une approche attentionnelle des effets de facilitation-inhibition sociale
71
problèmes, liés aux preuves empiriques de l’augmentation du niveau d’arousal7 en présence
d’autrui (voir Chapitre 1).
Si les données corroborant l’hypothèse d’une augmentation de l’arousal étaient
effectivement peu consistantes et présentaient les problèmes évoqués lors du Chapitre 1 (e.g.,
absence de corrélations entre les différents types de mesures), il n’en demeure pas moins que
Bond et Titus (1983) relevaient certains signes de ces variations physiologiques en présence
d’autrui (notamment sur des mesures de sudation palmaire dans le cas de tâches complexes).
De plus, certains auteurs voient l’augmentation de l’arousal comme source de focalisation
attentionnelle (e.g., Easterbrook, 1959). Kahneman (1973) proposait, par ailleurs, qu’une
augmentation de la demande attentionnelle (e.g., en cas de conflit attentionnel entre la tâche à
effectuer et des informations parasites) s’accompagnerait d’une élévation des niveaux
d’arousal et d’effort. Notons que cet auteur distinguait deux aspects, allant souvent de paire,
au sein des processus attentionnels. D’une part, un aspect que nous qualifierons de qualitatif :
« The organism selectively attends to some stimuli, or aspects of stimulation, in preference to
others » (Kahneman, page 3). D’autre part, un aspect que nous qualifierons de quantitatif, ce
qui renvoie ici à l’attribution d’une quantité plus importante d’attention. C’est à ce dernier
processus (i.e., attribution d’une plus grande quantité d’attention) que renvoie la notion
d’effort dans la terminologie de Kahneman (1973). Selon Kahneman, l’élévation des niveaux
d’effort et d’arousal s’accompagnerait d’une augmentation de la focalisation attentionnelle.
En résumé, l’approche de Kahneman amenait à utiliser conjointement les notions de
surcharge attentionnelle et d’arousal, la première étant à l’origine de l’augmentation de la
seconde. Ceci allait permettre à Baron de concilier les deux modèles proposés précédemment.
En effet, Baron (1986) note que les modèles A et B suggèrent que les explications en termes
d’arousal et de surcharge attentionnelle sont mutuellement exclusives. Reprenant les
propositions de Kahneman (1973), Baron propose un troisième et dernier modèle (modèle C),
qu’il qualifie de « tentative integration » (page 33). Ainsi, comme on peut le voir sur la Figure
6, la surcharge induirait une augmentation du niveau d’effort et d’arousal, ce qui conduirait à
la focalisation attentionnelle. Notons que ce dernier modèle est très proche de celui proposé
par Geen (1989). En effet, la seule différence importante entre ces deux modèles concerne
l’antécédent de la surcharge attentionnelle. Dans son modèle, Geen suggère trois antécédents
7 Notons que nous utilisons ici le terme « arousal » au sens où l’entend Baron (1986), c’est-à-dire d’une
activation physiologique (voir Chapitre 1 pour une discussion des notions d’arousal et de drive).
Chapitre 3 : Vers une approche attentionnelle des effets de facilitation-inhibition sociale
72
pour celle-ci : la distraction (Baron, 1986), l’appréhension de l’évaluation (Cottrell, 1972) et
l’incertitude introduite par la présence d’un congénère (Zajonc, 1980). Remarquons,
cependant, qu’il est possible de considérer que ces deux derniers antécédents sont en fait
inclus dans le premier (cf. Sanders, 1981a).
Figure 6. Théorie du conflit-distraction, modèle C (Baron, 1986).
L’avantage de ce dernier modèle de Baron est bien évidemment (c’est dans ce but
qu’il était proposé) son coté intégratif. Il conduit, en effet, à concilier une approche
attentionnelle avec les travaux faisant appel à la notion d’arousal. Ainsi, un tel modèle rend
compte des preuves empiriques de variation du niveau d’activation physiologique, tout en
expliquant que des effets de facilitation-inhibition sociale puissent apparaître, même lorsque
de telles variations ne sont pas enregistrées. Néanmoins, cette intégration se fait au prix de la
réintroduction de l’idée de variation sur le niveau d’activation physiologique général (i.e.,
l’arousal). Or, à l’encontre de cette proposition, les récents travaux effectués dans le cadre
Chapitre 3 : Vers une approche attentionnelle des effets de facilitation-inhibition sociale
73
d’une approche psychophysiologique remettent en cause l’existence même d’un niveau
d’arousal général (Blascovitch et al., 1999 ; voir également Blascovitch et Tomaka, 1996 ;
Chapitre 1). Si comme le voulait Baron (1986), ce modèle intégratif devait servir de guide
pour des recherches futures, il serait par conséquent intéressant d’intégrer, au sein de celui-ci,
une conception plus moderne du concept d’arousal dans laquelle différents types d’arousal
seraient étudiés (Blascovitch et Tomaka, 1996).
Pour notre propos, nous retiendrons plutôt que ces deux derniers modèles renoncent à
l’utilisation de la loi de Hull-Spence, ainsi qu’à la notion de réponses dominantes. En effet,
dans les deux cas, l’impact du conflit attentionnel serait de favoriser la focalisation
attentionnelle et non l’apparition des réponses dominantes. Ces deux modèles renvoient donc
à une approche en termes de traitement de l’information, c’est-à-dire une approche
attentionnelle. S’il est difficile pour l’instant de statuer sur l’importance de la notion
d’arousal dans le schéma causal des effets de facilitation-inhibition sociale, il reste
néanmoins possible d’opposer cette approche attentionnelle à une approche plus classique en
termes de réponses dominantes (e.g., Cottrell, 1972 ; Platania et Moran, 2001 ; Zajonc, 1965,
1980). Pour ce faire, il serait par exemple possible d’employer des tâches pour lesquelles des
interprétations en termes de focalisation attentionnelle et de réponses dominantes prédiraient
respectivement des effets de facilitation et d’inhibition sociale.
Nous avons vu, lors du Chapitre 1, que la célèbre tâche de Stroop (1935) fait partie de
ce type de tâches (cf. Baron, 1986 ; Huguet et al., 1999 ; Huguet et al., 2002). En effet, dans
cette tâche, il est possible de penser que la lecture est la réponse dominante (Huguet et al.,
1999). Par conséquent, si la présence d’autrui renforce réellement les réponses dominantes,
l’interférence de Stroop devrait être plus importante. Ceci traduirait un effet d’inhibition
sociale. A l’inverse, si la présence d’autrui se traduit par une augmentation de la focalisation
sur les indices centraux (i.e., la couleur de mots), aux dépens des indices périphériques (i.e.,
l’aspect sémantique des mots), l’interférence de Stroop devrait être moins importante. Ceci
traduirait un effet de facilitation sociale. Or, les résultats de l’étude de Huguet et al. (1999)
font apparaître que, conformément à une approche attentionnelle, la présence d’autrui
(notamment dans le cas d’audience attentive et d’audience invisible) conduit à une
interférence de Stroop plus faible, que dans une condition « seul ». Cet effet de facilitation
sociale conforte, par voie de conséquence, une explication attentionnelle, aux dépens d’une
explication en termes de réponses dominantes.
Chapitre 3 : Vers une approche attentionnelle des effets de facilitation-inhibition sociale
74
Une conclusion définitive sur ce point reste cependant prématurée. Guerin (1993)
note, en effet, qu’il est très souvent difficile de déterminer quelle est réellement la réponse
dominante (voir Chapitre 1). A titre d’exemple, le fait que dans la tâche de Stroop le taux
d’erreurs soit très faible (environ 5 %), autoriserait à défendre l’idée que la réponse
dominante est de donner la bonne réponse (i.e., la bonne couleur ; cf. Huguet et al., 2002 ;
Galvaing, 2000). Par conséquent, un renforcement de celle-ci conduirait également à attendre
une diminution de l’interférence. Un moyen d’éviter une telle réinterprétation serait de
disposer d’une tâche (avec des propriétés attentionnelles similaires), pour laquelle la réponse
dominante serait clairement incorrecte, c’est-à-dire une tâche où le taux de bonnes réponses
serait supérieur à 50 %.
3 Problèmes en suspens
Avant même l’introduction des interprétations en termes de surcharge attentionnelle, à
l’origine de la focalisation de l’attention, Sanders (1981a) notait deux caractéristiques
récurrentes de la théorie du conflit-distraction. La première concernait son caractère
intégratif. En effet, comme nous l’avons vu, Sanders présentait une reformulation lui
permettant d’intégrer les notions de simple présence (Zajonc, 1965, 1980) et d’appréhension
de l’évaluation (Cottrell, 1972). Sur la base du même principe, il est tout à fait possible
d’intégrer un certain nombre d’autres théories (e.g., Carver et Scheier, 1981) de la
facilitation-inhibition sociale. Qui plus est, les deux derniers modèles de Baron (1986)
amènent la théorie du conflit-distraction à intégrer également des recherches effectuées dans
le cadre de la persuasion (e.g., Baron et al., 1973 ; Petty et al., 1976).
La seconde était, en quelque sorte, liée à la première. En effet, l’aspect intégratif de la
théorie du conflit-distraction était très directement lié aux principes de distraction et de conflit
attentionnel. Or, si ces principes permettent à la théorie de rendre compte d’un grand nombre
de phénomène, cela la rend également difficilement réfutable. Il est effectivement très
souvent possible d’expliquer les résultats a posteriori en postulant que la distraction n’était
pas assez forte ou trop forte, que le conflit n’avait pas eu lieu du fait des caractéristiques de la
tâche… La réponse des théoriciens de la théorie du conflit-distraction à cette question renvoie
à la manipulation des différents degrés de distraction (Sanders et Baron, 1975 ; Sanders et al.,
1978). Ainsi, manipuler le niveau de distraction, induit par la présence d’une audience ou
d’un coacteur, devrait moduler l’effet de cette présence. Si l’effet de la présence d’autrui
restait constant, à travers différents niveaux de distraction, la théorie du conflit-distraction
Chapitre 3 : Vers une approche attentionnelle des effets de facilitation-inhibition sociale
75
serait clairement remise en question. A titre d’exemple, l’étude de Sanders et al. (1978, étude
2), que nous avons présentée, faisait apparaître que la présence d’un coacteur modulait
différemment les performances selon qu’il travaillait ou non sur la même tâche. Si l’on admet
que la présence d’un coacteur réalisant la même tâche est plus susceptible de créer de la
distraction, ces résultats indiquent effectivement l’importance du niveau de distraction sur
l’impact de la présence d’autrui.
En parallèle à cette dernière question, nous avons pu voir que le caractère évaluatif des
situations sociales était souvent invoqué pour rendre compte de la distraction, induite par
l’audience ou le coacteur. Le besoin de comparaison sociale — et donc la distraction — était
sous-tendu par le « desire to check the adequacy of one’s performance » (Sanders et al., 1978,
page 293), autrement dit le besoin d’auto-évaluation. Néanmoins, comme le relève Baron
(1986), afin de pouvoir statuer sur l’importance du conflit attentionnel ainsi induit, les
résultats du type de ceux obtenus par Sanders et al. (1978) nécessiteraient un certain nombre
de réplications conceptuelles. Pour ce faire, il serait intéressant de recourir à différentes
manipulations liées au besoin d’auto-évaluation.
Enfin, comme nous le relevions dans la section précédente, peu de recherches ont,
pour l’heure, été menées pour départager les interprétations en termes de réponses dominantes
et de focalisation attentionnelle des effets de présence d’autrui. Geen (1976) avait, en effet,
présenté des résultats en accord avec l’hypothèse de focalisation attentionnelle en présence
d’autrui. Néanmoins, ces résultats ne permettaient pas de prédictions réellement
contradictoires en termes de réponses dominantes. Les preuves les plus pertinentes dans ce
débat sont celles apportées, assez récemment, par un ensemble de recherches menées sur la
tâche de Stroop par Huguet et ses collaborateurs (Huguet et al., 2002 ; Huguet et al., 1999). Il
serait intéressant de compléter ces travaux en utilisant une tâche différente, notamment pour
éviter toutes réinterprétations en termes de réponses dominantes.
En conclusion, la théorie du conflit-distraction présente la caractéristique d’être l’une
des approches les plus intégratives du champ de la facilitation-inhibition sociale8. C’est
également l’une des seules à traiter tant des antécédents que des mécanismes cognitifs à la
8 Cette remarque vaut pour les deux derniers modèles de cette théorie. Néanmoins par la suite, lorsque
nous évoquerons la théorie du conflit-distraction, ceci renverra plus précisément au modèle B. Ce choix est dicté
principalement par un souci de clarté, étant donné que ce modèle, plus simple, est totalement intégré au modèle
C. De plus, seuls les aspects présents dans cette version du modèle seront abordés dans la partie expérimentale
de la thèse.
Chapitre 3 : Vers une approche attentionnelle des effets de facilitation-inhibition sociale
76
base de ce phénomène. Concernant les mécanismes cognitifs, nous venons cependant de voir
que les approches « attentionnelles » et « réponses dominantes » n’étaient pas encore
fermement départagées.
Nous avons vu par ailleurs que la théorie du conflit-distraction repose sur l’idée
qu’autrui est une source de distraction ; la raison principalement évoquée étant qu’autrui
apporte des informations pertinentes pour l’auto-évaluation. En d’autres termes, celui-ci créé
un conflit attentionnel du fait qu’il force à se poser la question : « ma performance est-elle
satisfaisante ? ». Comme nous allons le voir dans le chapitre suivant, la comparaison sociale
interpersonnelle — i.e., avec un autre individu — peut effectivement apporter une réponse à
cette question. Nous verrons néanmoins, dans le Chapitre 5, que celle-ci ne représente pas le
seul moyen dont l’individu dispose pour répondre à cette question. Ceci nous permettra de
réaliser, dans la partie expérimentale (voir Chapitre 8), un certain nombre de réplications
conceptuelles, nécessaires (cf. Baron, 1986) pour renforcer l’idée qu’autrui est une source de
distraction, et donc de focalisation attentionnelle, parce qu’il apporte des réponses en termes
d’auto-évaluation.
CHAPITRE 4 _________________________________________________
Comparaison sociale et évaluation des performances
Imaginons, ce qui est somme toute peu probable, qu’un jour vous rencontriez un
Martien. Après quelques minutes de discussion, celui-ci vous confie avoir du mal à rencontrer
la Martienne de sa vie. Il vous demande alors si vous pensez que cela peut venir du fait qu’il
est un peu trop grand. Sauf à faire preuve d’un certain manque de franchise, vous vous verrez
contraint de lui répondre que vous ne pouvez pas en juger, étant donné qu’il est le seul
martien que vous ayez rencontré. Vous ne disposez, en effet, d’aucun élément de
comparaison. De fait, tout jugement d’évaluation vous est rendu impossible.
Définir les propriétés d’un objet dans l’absolu est très souvent impossible ; ces
propriétés étant presque toujours définies en comparaison à d’autres exemplaires (Gilbert,
Giesler et Morris, 1995). Ce processus de comparaison est de plus tellement automatisé (e.g.,
Gilbert et al., 1995), que souvent, nous ne nous en rendons même plus compte, du fait qu’il
détermine la majeure partie de nos perceptions et évaluations. Ainsi, lorsque notre ami
Martien vous demande s’il n’est pas trop grand, la question n’est finalement pas : « suis-je
trop grand ? », mais plutôt : « suis-je trop grand par rapport aux autres Martiens ? ». Si dans
cet exemple, la question est clairement une question de comparaison sociale — c’est-à-dire la
comparaison d’un « objet » social avec un ou des « objets » sociaux — elle pourrait tout aussi
bien avoir trait à une question de comparaison « non-sociale ». Il aurait pu, en effet, vous
demander s’il était plus grand que la table autour de laquelle vous vous êtes assis pour boire
un verre. Nous verrons, néanmoins, que la question qui nous intéresse ici (« ma performance
est-elle satisfaisante ? ») est très souvent une question de comparaison sociale. Avant d’aller
plus loin, définissons plus précisément le champ d’étude que nous traiterons dans ce chapitre.
En 1954, Leon Festinger, un étudiant de Kurt Lewin, publiait dans la revue « Human
Relations » un article intitulé « A theory of social comparison processes ». Malgré un très bon
accueil (Goethals, 1986), il fallut attendre un numéro spécial du Journal of Experimental
Social Psychology, coordonné par Bibb Latané en 1966, pour voir apparaître les premières
dérivations directes de cette théorie. Suite à ce numéro spécial, s’ensuivit une nouvelle
période d’une dizaine d’années, pendant laquelle la comparaison sociale ne sut attirer l’intérêt
des chercheurs. Celle-ci prit fin avec l’ouvrage de Suls et Miller (1977) qui allait permettre de
Chapitre 4 : Comparaison sociale et évaluation des performances
78
voir apparaître un nombre sans cesse croissant d’articles et ouvrages portant directement ou
indirectement sur la notion de comparaison sociale (2 993 publications référencées à ce jour
sur la base de données PsychInfo). Etant donnée la masse de publications portant sur cette
notion, il est évident qu’il n’est pas question de traiter cette littérature de façon exhaustive. A
titre d’exemple, nous ne traiterons pas de l’utilisation de la comparaison sociale dans le
domaine des opinions (e.g., Suls, Martin et Wheeler, 2000 pour un modèle récent). Notre
propos se limitera plus particulièrement aux études portant sur la comparaison sociale des
aptitudes (abilities). Notons cependant que la frontière entre opinion et aptitude n’est pas
(toujours) aussi claire qu’il n’y paraît (Festinger, 1954 ; Kruglanski et Mayseless, 1990, Pérez
et Mugny, 1993). Si l’on se réfère à Kruglanski et Mayseless (1990, page 199) : « All social
comparisons are assumed to deal with person’s attempts to form judgments or opinions. In
this sense, abilities comparison is a special case of opinions comparison, namely of opinions
about one’s abilities ».
Vingt-sept ans après l’apparition de la théorie de la comparaison sociale, Dakin et
Arrowood (1981) remarquaient que les chercheurs n’étaient toujours pas parvenus à définir le
concept même de comparaison sociale. Joanne Wood (1996) faisait, 15 ans plus tard, un
constat assez similaire. Elle soulignait que les 16 chercheurs présents lors de la conférence de
Nags Head (Nags Head Conference on Social Comparison, mai 1992) n’étaient pas parvenus
à donner une réponse claire à la question de savoir ce qu’était la comparaison sociale. Les
deux articles de Wood (1996) et de Dakin et Arrowood (1981) représentaient de réelles
exceptions dans le domaine, car un soin tout particulier était apporté à la définition même du
concept de comparaison sociale. Nous présenterons dans le détail la formulation de Wood
(1996), celle-ci permettant d’évoquer indirectement celle proposée par Dakin et Arrowood
(1981).
1 Qu’est-ce que la comparaison sociale ?
Avant d’aborder la définition très exhaustive de Wood (1996), notons que lors du
chapitre clôturant l’un des derniers ouvrages publiés sur la comparaison sociale (Suls et
Wheeler, 2000), Buunk et Gibbons (2000) donnent une définition assez heuristique, en
proposant que ce concept définit l’utilisation que nous faisons des autres, afin de donner du
sens au monde et à ce que nous sommes. Cette définition, bien qu’un peu succincte, donne un
bon aperçu de l’importance de ces processus.
Chapitre 4 : Comparaison sociale et évaluation des performances
79
Avant de rentrer dans le détail, Wood (1996) énonce une règle générale : la
comparaison sociale se caractérise par le fait de mettre mentalement en relation des
informations sociales — réelles ou construites — avec le soi (thinking about social
information with respect to the self). Cette définition appelle cinq caractéristiques : 1) les
processus de construction font partie de la comparaison sociale (ici, la cible de comparaison
serait construite de toutes pièces par l’individu) ; 2) la comparaison sociale peut parfois être
« imposée », plus que choisie délibérément ; 3 ) elle peut être automatique ou non-
consciente ; 4 ) le simple respect de la règle générale est suffisant à faire d’un processus, un
processus de comparaison sociale. Il n’est donc pas nécessaire que celle-ci s’accompagne
d’un impact « visible » sur l’individu ; 5) tout phénomène n’impliquant pas de mise en
rapport avec une information sociale (même construite) ne constitue pas une comparaison
sociale (Wood, 1996). Ces cinq implications nécessitent un certain nombre d’explications.
En ce qui concerne la première implication, Wood (1996) considère, avec Goethals,
Messick et Allison (1991), qu’il existe deux types de comparaisons sociales : les
comparaisons « réelles » (realistic) et « construites » (constructive). Les premières renvoient
aux situations où les individus utilisent des informations de la réalité sociale (e.g., le score
réellement obtenu au partiel par un camarade de promotion). Les secondes renvoient, quant à
elles, aux situations où les informations utilisées sont construites sur la base d’informations
non-existantes ou modifiées (voir ci-dessous pour un exemple). Pour Suls (1986), les
informations réelles auraient souvent moins de poids dans la détermination des évaluations de
comparaison sociale que les informations générées par l’individu lui-même. Wood, Taylor et
Lichtman (1985) ont pu, à ce titre, montrer que des proches de patientes cancéreuses
utilisaient souvent des cibles de comparaisons imaginaires. Ces dernières se construisaient,
par exemple, des cibles de comparaison moins favorisées sur la dimension du support
familial. Plus précisément, des patientes évoquaient le cas (imaginaire) de femmes dont les
maris n’avaient pu supporter leur maladie et les avaient quittées (Wood et al., 1985). Elles se
fabriquaient ainsi, de toutes pièces, des cibles de comparaisons favorables. Il apparaît donc
possible de voir ici des processus liés à la comparaison sociale (Wood, 1996 ; voir également
Goethals, 1986 ; Goethals et Klein, 2000 ; Klein, 2001 ; Taylor et Brown, 1988 ; Taylor et
Lobel, 1989).
Une des études réalisées par Gilbert et al. (1995, étude 1) va nous permettre d’aborder
successivement les implications 2, 3 et 4. Les participants de celle-ci se trouvaient en
présence d’un compère censé disposer d’informations le conduisant à une bonne ou une
Chapitre 4 : Comparaison sociale et évaluation des performances
80
mauvaise performance ; informations dont eux-mêmes ne disposaient pas. De fait, il existait
des raisons extérieures expliquant que le compère ait, ensuite, de meilleures ou de moins
bonnes performances que les participants (performances attribuées sur la base d’un feed-back
fictif). Par conséquent, la comparaison avec cette cible ne devait, normalement, pas influencer
l’évaluation qu’ils allaient faire de leurs compétences dans la tâche proposée (i.e., les sujets
devaient déterminer si des personnes étaient schizophrènes ou non). De plus, la moitié des
participants se voyait placée dans une situation de charge cognitive. Ils devaient en effet
mémoriser et rappeler en fin d’expérience une suite de huit chiffres.
Les résultats de cette étude font ressortir qu’en situation « normale », c’est-à-dire sans
charge cognitive, l’évaluation que les participants faisaient d’eux-mêmes n’était pas
influencée par la performance du compère. Néanmoins, ceci n’était plus vrai dès lors qu’ils
devaient également se rappeler la suite de huit chiffres. En effet, dans cette condition (i.e.,
condition de charge cognitive) l’auto-évaluation des participants était influencée par la
performance du compère, bien que celui-ci ne soit pas une cible de comparaison réellement
pertinente. Ceci illustre l’implication 2 de la définition de Wood (1996), selon laquelle la
comparaison serait bien souvent imposée par la situation et non choisie délibérément.
Ce point de vue est en accord avec celui de Gilbert et al. (1995) qui soutiennent que la
comparaison s’impose souvent d’elle-même aux individus. Cette affirmation de Gilbert et al.
(1995) renvoie, selon eux, à la position de Festinger (1954) qui voyait la comparaison sociale
comme une réaction à l’environnement, plus qu’une action sur celui-ci. Paradoxalement, la
plupart des études effectuées dans le cadre de l’approche classique de la comparaison sociale
se plaçait dans une perspective où l’individu agit sur son environnement, en sélectionnant lui-
même les informations. En d’autres termes, la comparaison sociale était plus souvent utilisée
à titre de variable dépendante que de variable indépendante. Les chercheurs s’intéressaient
plus aux types de cibles choisies (e.g., Brickman et Bulman, 1977 ; Darley et Aronson, 1966 ;
Hakmiller, 1966 ; Thornton et Arrowood, 1966 ; Wheeler, 1966) qu’à l’impact de celles-ci
(Suls et Miller, 1977). L’article précurseur de Morse et Gergen (1970) représente l’une des
premières exceptions. Cette recherche s’intéressait, en effet, à l’impact d’une cible de
comparaison sur l’estime de soi. Il fallut cependant attendre les années 80, que Buunk et
Gibbons (2000) qualifieront de « renaissance » de la théorie de la comparaison sociale, pour
voir apparaître ce changement de paradigme.
Très souvent, les processus ne nécessitant ni volonté, ni ressources cognitives, sont
considérés automatiques (Bargh, 1996 ; Kahneman et Chajczyk, 1983). Or, dans l’étude de
Chapitre 4 : Comparaison sociale et évaluation des performances
81
Gilbert et al. (1995), c’est dans la condition où les participants disposaient du moins de
ressources cognitives (i.e., dans la condition de charge cognitive), que les effets liés à la
comparaison sociale apparaissaient. Ceci les conduisait à proposer, tout comme Wood (1996,
implication 3), que les processus de comparaison sociale pouvaient être automatiques. Il
semble que dans une situation de comparaison forcée avec une cible non pertinente, il soit au
contraire nécessaire de disposer de ressources cognitives pour ne pas prendre en compte cette
information. Pour Gilbert et al. (1995), la comparaison sociale est automatique et n’est pas
restreinte aux situations pour lesquelles un impact est observé. En effet, ils soutiennent l’idée
que dans un premier temps, toute cible de comparaison serait prise en considération. En
revanche, dans un second temps, si cette comparaison n’est pas pertinente, et si l’individu
dispose des ressources cognitives nécessaires, cette comparaison serait « effacée ». Ceci
pourrait expliquer l’absence d’impact des informations de comparaison sur les évaluations
fournies par les participants de la condition sans charge cognitive. Il ne serait donc pas
possible de savoir si un individu s’est comparé ou non sur la base des effets observés.
Effectivement, celui-ci aurait très bien pu se comparer et ensuite corriger son évaluation pour
revenir au point initial, si toutefois il dispose de ressources cognitives nécessaires (Gilbert et
al., 1995). Ce point de vue et les résultats présentés sont en totale contradiction avec les
propositions de Dakin et Arrowood (1981). En effet, leur position à cet égard est totalement
opposée. Ils proposent de parler de comparaison sociale sous deux conditions : a) l’individu a
recherché et dispose d’informations sur autrui et sur lui-même ; b) il y a eu changement dans
l’auto-évaluation. Ainsi, pour ces auteurs, il serait possible de parler de comparaison sociale,
uniquement si un impact a pu être détecté, ce que semblent infirmer les résultats de Gilbert et
al. (1995). Avec l’implication 4, Wood (1996) prend donc clairement position, en postulant
que la comparaison sociale ne peut être définie par ses effets (i.e., par un impact « visible »).
En revanche, l’implication 5 tend à exclure des phénomènes qui pourraient être a
priori considérés liés à la comparaison sociale. En effet, Wood (1996) exclut des phénomènes
de comparaison sociale tous ceux n’impliquant pas réellement la mise en comparaison du soi
avec une information sociale (réelle ou imaginaire). Par conséquent, selon elle, il serait
souvent abusif de parler de comparaison sociale quand la tâche demandée aux individus est
une tâche de jugement comparatif. Ce type de tâches est caractérisé par le fait que les
participants doivent évaluer, sur une dimension donnée, leur position par rapport à celle d’une
cible de comparaison. Très souvent, cette cible sera l’individu moyen d’un groupe dont le
sujet fait parti (e.g., l’étudiant moyen, le conducteur moyen, …). A titre d’exemple, Alicke,
Chapitre 4 : Comparaison sociale et évaluation des performances
82
Klotz, Breitenbecher, Yurak et Vredenburg (1995, étude 1) demandaient à leurs participants
de porter ce type de jugements comparatifs, pour un ensemble de 40 traits (20 positifs et 20
négatifs). La moitié des participants devaient donc se comparer à l’étudiant moyen. Ils
disposaient pour cela d’échelles en 9 points, sur lesquelles ils devaient se positionner par
rapport à cette cible (de 0 = « much less than the average college student » à 8 = « much more
than the average college student »). Dans une seconde condition expérimentale, les
participants devaient effectuer le même type de jugement, mais la cible était cette fois un
autre étudiant qu’ils ne connaissaient que de vue (l’expérimentateur ayant demandé à des
binômes de se regarder quelques secondes). Nous reviendrons sur cette seconde condition
mais notons pour l’instant que les résultats de cette étude faisaient apparaître une tendance,
assez systématique dans ce type d’étude, à se penser supérieur à la moyenne des individus
(better-than-the-average-effect ; Alicke, 1985, 2000).
Selon Wood (1996), nous ne pourrions pas parler ici d’un phénomène de comparaison
sociale. En effet, celle-ci défend l’idée qu’un tel résultat n’implique pas nécessairement la
comparaison du soi avec une information sociale. Ainsi, si l’on reprend un exemple proposé
par Wood, demander à un individu s’il s’estime plus heureux qu’un étudiant moyen
reviendrait souvent à lui demander tout simplement s’il est heureux. Ceci n’exclut pas le fait
que la réponse à cette seconde question soit influencée, dans une certaine mesure, par les
comparaisons sociales (e.g., l’individu de l’exemple de Wood pourrait être heureux car il
vient d’avoir la meilleure note de son cours de dessin). En revanche, cela sous-entend que in
situ, l’individu ne se compare pas réellement avec une quelconque information sociale pour
répondre à la question qui lui est posée. Pour revenir à l’étude de Alicke et al. (1995), les
participants de la condition de comparaison à l’étudiant moyen ne se seraient pas réellement
comparés avec la construction qu’ils auraient pu se faire de celui-ci, mais auraient plutôt
appliqué ce que ces auteurs qualifient de « I am better than others heuristic » (Alicke et al.,
1995, page 806). Selon eux, dans une telle situation, il ne serait, en effet, pas nécessaire de
s’engager dans une comparaison spécifique ; il suffirait d’appliquer le principe général d’une
supériorité du soi sur la moyenne des individus. Ce principe serait, selon Wood (1996) et
Alicke et al. (1995), le reflet d’une tendance à se voir positivement, comme le suggèrent les
études portant sur le biais d’auto-complaisance (e.g., Arkin, Cooper et Kolditz, 1980 ;
Bradley, 1978 ; Miller, 1978 ; Miller et Ross, 1975 ; Zuckerman, 1979). En revanche, la
tendance à se penser supérieur à la cible devrait être atténuée, dès lors qu’une réelle
comparaison est mise en place. En effet, dans une telle situation, le recours à l’heuristique de
Chapitre 4 : Comparaison sociale et évaluation des performances
83
supériorité de soi serait lui-même atténué. C’est ce raisonnement qui amenait Alicke et al. à
attendre, dans l’étudé que nous avons présentée auparavant, un « better-than-average-effect »
moins important dans la condition de comparaison à un autrui spécifique. Or, les résultats de
cette étude confirmaient une telle prédiction : les participants se pensaient moins facilement
supérieurs à un autrui spécifique (dont ils ne connaissaient rien), qu’à l’étudiant moyen. Cette
dernière implication de Wood (1996) conduit, par conséquent, à distinguer les phénomènes de
comparaison sociale — i.e., de mise en relation d’informations sur soi et d’informations
sociales — de ceux liés à l’application d’heuristiques, ayant pour but le maintien d’image
positive de soi (e.g., Taylor et Brown, 1988).
Après avoir défini ce qu’est la comparaison sociale, posons-nous la question de savoir
quelle en est l’utilité. Pourquoi les individus se comparent-ils ? Pour répondre à quelles
questions ?
2 Pourquoi se comparer ?
Les motivations sous-jacentes à l’utilisation de comparaison sociale sont multiples.
Nous allons aborder ici les trois motivations les plus étudiées dans ce champ de la
psychologie sociale : le besoin d’auto-évaluation, le besoin de rehaussement de soi et le
besoin d’amélioration de soi. La première de ces motivations a été proposée dans l’article
princeps de Festinger (1954). Il énonce dans celui-ci un certain nombre d’hypothèses et de
corollaires qui donneront lieu, par la suite, à de multiples interprétations9 et tests
expérimentaux. Ainsi, la réponse de Festinger à la question « pourquoi se compare-t-on ? » se
trouve être l’hypothèse centrale de la théorie.
Hypothèse I : « There exists, in the human organism, a drive to evaluate his opinions
and his abilities » (page 117).
Le besoin d’auto-évaluation (la première des trois motivations principalement
étudiées) serait pour lui un besoin fondamental et adaptatif : « The holding of incorrect
opinions and / or inaccurate appraisals of one’s abilities can be punishing or even fatal in
many situations » (Festinger, 1954, page 117). De ce besoin découle la deuxième hypothèse.
9 Comme nous aurons l’occasion de le voir, il est bien souvent heuristique de se demander à quelle
question l’individu essaie de répondre via la comparaison sociale. Il est frappant de voir qu’en ce qui concerne
Chapitre 4 : Comparaison sociale et évaluation des performances
84
Hypothèse II : « To the extent that objective, non-social means are not available,
people evaluate their opinions and abilities by comparison respectively with the opinions and
abilities of others » (page 117).
De ce fait, la réponse apportée par Festinger à la question « pourquoi se comparer ? »
renvoie au besoin d’auto-évaluation. La comparaison sociale serait motivée par le besoin
d’obtenir une évaluation correcte de nos aptitudes. Le but serait ainsi de réduire l’incertitude
concernant l’évaluation de nos aptitudes (Goethals et Darley, 1977). On entrevoit bien ici la
pertinence du recours à la notion de comparaison sociale dans le cadre des recherches sur la
coaction si, comme le pensent Baron et ses collaborateurs (Baron, 1986 ; Sanders et al.,
1978), la question qui se pose à l’individu est de la forme « ma performance est-elle
satisfaisante ? ». Festinger (1954) nous apprend, en effet, que si l’individu ne dispose pas
d’un critère objectif pour évaluer sa performance, celui-ci aura recours à la comparaison
sociale. L’individu se comparerait à autrui dans le but de répondre à la question de
l’évaluation de soi.
Une expérience de Conolley, Gerard et Kline (1978) illustre assez bien cette
proposition. Les participants de cette étude réalisaient une tâche motrice simple. Un seul sujet
réalisait la tâche, néanmoins l’expérimentateur leur faisait accroire qu’une autre personne
effectuait la tâche en même temps qu’eux et qu’ils seraient ensuite en compétition.
L’expérimentateur expliquait qu’un vainqueur serait désigné pour chaque essai. Avant de
commencer la tâche proprement dite, les participants réalisaient 12 essais préliminaires à
l’issue desquels ils se voyaient attribuer un graphique de résultats. Dans la condition dite de
faible incertitude, les 12 points variaient assez peu autour de la valeur moyenne.
L’expérimentateur interprétait ce graphique en leur disant que leur capacité dans cette tâche
se reflétait sans ambiguïté dans cette valeur moyenne, par ailleurs proche de celle de
l’ensemble des participants précédents. L’incertitude concernant leur capacité était donc
faible. Dans la condition dite de forte incertitude, les 12 points variaient énormément autour
de la valeur moyenne. Ceci amenait l’expérimentateur à dire que leur capacité semblait
proche des participants précédents mais que cette forte variation empêchait d’en être certain.
L’incertitude concernant leur capacité était donc forte. Notons que dans les deux cas, le
niveau de capacités associé à la moyenne était identique. Prétextant un problème matériel,
les chercheurs du domaine de la comparaison sociale, outre la question « que pense l’individu ? », la question
posée est bien souvent « que voulait dire Festinger ? ».
Chapitre 4 : Comparaison sociale et évaluation des performances
85
l’expérimentateur expliquait que la recherche ne pourrait finalement pas avoir lieu. Il leur
demandait alors s’ils désiraient revenir. Si, comme le propose Festinger (1954), la
comparaison sociale est un moyen de réduire l’incertitude liée aux capacités, les participants
de la condition de forte incertitude devaient être plus enclins à vouloir se comparer et donc
plus enclins à désirer revenir pour compléter la tâche. Les résultats de Conolley et al. (1978)
confirmaient clairement une telle prédiction. Parmi les sujets de la condition de faible
incertitude, seulement 15 % était d’accord pour revenir. En revanche, cette proportion passait
à 55 % dans la condition de forte incertitude. L’incertitude était donc un déterminant puissant
de la motivation à se comparer.
Selon Gilbert et al. (1995), nous avons vu qu’il est rare de pouvoir définir les
propriétés d’un objet dans l’absolu. Or, Festinger propose que les individus préféreraient
utiliser des moyens objectifs pour leur évaluation. La question de l’existence de tels moyens
objectifs dans l’évaluation des aptitudes peut alors se poser. Quels moyens ou critères
objectifs utiliser pour répondre à la question de savoir si une performance est satisfaisante ?
La réponse, en l’état, paraît bien difficile. En effet, beaucoup de critères peuvent paraître
objectifs au premier abord et finalement se révéler éminemment sociaux. En ce qui concerne
la validité des moyens objectifs (non sociaux), Tajfel (1972) suggérait plus précisément qu’il
fallait : « qu’ils soient utilisés en conjonction avec les significations qu’ils acquièrent dans
leur contexte social » (page 294). Un coureur de 100 m pourrait par exemple se fixer comme
but d’atteindre un temps inférieur aux 10 secondes. Critère qui peut apparaître purement
objectif. Seulement pourquoi se fixerait-il un temps de 10 secondes ? Peut-être tout
simplement parce que très peu de coureurs sont passés en-dessous de cette valeur. On peut
alors se demander pourquoi Festinger avançait que nous préférerions avoir recours à des
critères objectifs ?
Afin de trouver une réponse, remarquons avec Suls (1999) qu’il est souvent bon de
s’interroger sur la question à laquelle les individus sont confrontés. Suls (1999) faisait
remarquer dans un article intitulé « The importance of the question in motivated cognition
and social comparison », qu’il était souvent très informatif de se demander à quelle question
les individus cherchent à répondre au travers de la comparaison (voir également Kruglanski et
Mayseless, 1990). En l’occurrence, dans certaines situations, la question qui se pose peut être
de la forme : « Puis-je faire X ? » (Martin, 2000 ; Martin, Suls et Wheeler, 2002 ; Wheeler,
Martin et Suls, 1997 ; voir également Buunk et Gibbons, 2000). De fait, on comprend qu’il
soit possible de recourir à des critères objectifs pour répondre à celle-ci. Ainsi, si notre ami
Chapitre 4 : Comparaison sociale et évaluation des performances
86
Martien veut savoir s’il est assez fort pour déraciner un arbre, il lui suffira d’essayer et le
critère d’évaluation de son aptitude sera objectif : il y parviendra ou non. Il n’y aura que peu
ou pas d’incertitude concernant son aptitude.
Un tel critère objectif n’est cependant pas toujours accessible. Admettons que notre
ami Martien, Schloumpaf de son prénom, veuille tenter d’escalader la célèbre face nord du
Chépakoa. Comme on peut l’imaginer, le coût d’une tentative n’est plus sans conséquence.
De plus, il ne pourra pas s’évaluer sur une autre paroi, celle-ci est unique. Les moyens
objectifs faisant défaut, Festinger postulerait que c’est à travers la comparaison sociale que
notre ami évaluera son aptitude à réussir cette voie. Il sera donc amené à se comparer à
d’autres personnes ayant elles-mêmes réalisées cette ascension (Martin, 2000 ; Martin et al.,
2002 ; Smith et Sachs, 1997 ; Wheeler et al., 1997). Ainsi, lorsque notre ami Schloumpaf veut
évaluer sa capacité à escalader la célèbre face nord du Chépakoa, le coût d’une évaluation
irréaliste est très élevé : cela pourrait lui coûter la vie. Cet exemple est une adaptation (très
libre) de ceux proposés dans le cadre du modèle du proxy, l’un des descendants les plus
directs de la théorie de Festinger (Martin, 2000 ; Martin et al., 2002 ; Wheeler et al., 1997).
Le modèle du proxy propose que dans les situations où la question qui se pose est de la
forme « Puis-je faire X ? » et plus particulièrement, si le coût d’une évaluation biaisée est
important (comme dans notre exemple), les individus chercheraient réellement une évaluation
la plus correcte possible. Ce modèle postule, par ailleurs, que pour arriver à une prédiction
l’individu pourrait se servir d’un proxy, c’est-à-dire d’une cible de comparaison ayant déjà
réalisée le comportement X. Dans le cadre de ce modèle, le succès du proxy (dans la
réalisation du comportement X) serait pour l’individu un bon indicateur de sa capacité à
réussir lui-même ce comportement si, dans une tâche précédente, tous deux avaient atteint une
performance similaire (Wheeler et al., 1997). Une étude de Martin et al. (2002) donne une
illustration de ces propositions. Les participants devaient effectuer une première tâche
manuelle simple : serrer un poignet de force le plus grand nombre de fois possible en 30
secondes. Avant d’effectuer une seconde tâche mesurant la force de leur poignet de main, les
participants prenaient tout d’abord connaissance de leur performance et de celle d’une
personne ayant participé précédemment (i.e., le proxy). Selon les conditions, la performance
de cette personne était meilleure, similaire ou moins bonne que la leur. Les participants
étaient également informés de la performance réalisée par le proxy au cours de la seconde
tâche. Ils devaient ensuite prédire leur performance dans cette seconde tâche. Les résultats de
cette étude font apparaître que ces prédictions étaient très directement dérivées des
Chapitre 4 : Comparaison sociale et évaluation des performances
87
informations qui leur avaient été fournies. Lorsque le proxy avait eu une meilleure
performance sur la tâche 1, les participants s’attendaient également à avoir une performance
inférieure pour la tâche 2. Lorsque le proxy avait eu une performance similaire sur la tâche 1,
les participants s’attendaient également à avoir une performance similaire pour la tâche 2.
Enfin, lorsque le proxy avait eu une moins bonne performance sur la tâche 1, les participants
s’attendaient également à avoir une performance supérieure pour la tâche 2. En accord avec
Festinger (1954) et le modèle du proxy, les participants avaient effectivement utilisé ces
informations pour s’évaluer et prévoir leurs performances de la manière la plus réaliste
possible (Martin, 2000 ; Martin et al., 2002 ; Wheeler et al., 1997). Les situations traitées
dans le cadre de ce modèle font donc clairement apparaître la première motivation associée à
la comparaison sociale : le besoin d’auto-évaluation.
Si le besoin d’auto-évaluation apparaît quand les individus recherchent une réponse à
la question « Puis-je faire X ? », ce besoin peut également renvoyer à une question du type
« Que reflète ma performance ? » (« How much X do I have ? » ; Singer, 1966). Dans ce cas
de figure, la question n’est plus seulement de savoir si l’on dispose des capacités nécessaires
pour faire telle ou telle chose mais de savoir si ces capacités sont bonnes, moyennes ou
mauvaises. Revenons à notre ami Schloumpaf pour illustrer notre propos. Après avoir discuté
avec vous, celui-ci découvre les joies du flipper. Il s’agit apparemment d’un jeu d’adresse et il
a toujours aimé cela. A la fin de sa première partie, il a réalisé un score de 1 985 251. Une
question se pose inévitablement à lui : quel niveau d’aptitude cette performance reflète-t-
elle ? Comme dans le cas précédent, il ne dispose pas d’un critère objectif lui permettant de
répondre à cette question. Vous avez, quant à vous, été rejoint par votre ami Thierry.
Schloumpaf vous demande alors si vous pensez qu’il s’agit d’une bonne performance. Vous
lui répondez que vous ne sauriez trop lui répondre, étant donné que ce flipper est nouveau
dans ce bar et que votre ami et vous n’y avez joué qu’une seule fois. Vous lui précisez,
néanmoins, que vous aviez un score supérieur au sien et Thierry un score inférieur. Si nous
reprenons les termes propres à la comparaison sociale, vous êtes pour lui une cible de
comparaison ascendante et Thierry une cible de comparaison descendante. Afin d’évaluer sa
performance Schloumpaf peut, une nouvelle fois, faire appel à la comparaison sociale. Il
faudrait pour cela qu’il demande à l’un de vous de préciser le score qu’il a eu, afin de pouvoir
comparer ce score avec le sien.
Rappelons que Festinger postule une motivation à l’auto-évaluation. L’individu
rechercherait une évaluation correcte de ses aptitudes. Par conséquent, dans une telle
Chapitre 4 : Comparaison sociale et évaluation des performances
88
situation, comme dans celle du « Puis-je faire X ? », la théorie de Festinger (1954) amène à
penser que l’individu chercherait à s’évaluer le plus correctement possible. Pour ce faire, la
théorie de la comparaison sociale (Festinger, 195) postule que l’individu, en l’absence de
critère objectif, se comparerait à autrui. L’hypothèse III permet de préciser un critère dans le
choix des cibles de comparaison.
Hypothèse III : « The tendency to compare oneself with some other specific person
decreases as the difference between his opinion or ability and one’s own increases » (page
120).
Ainsi, nous aurions tendance à ne pas nous comparer avec des autrui trop différents.
Le corollaire (III A) de cette hypothèse est que le besoin d’auto-évaluation se traduirait par le
choix de cibles de comparaison qui nous sont similaires. Le corollaire III B renvoie, quant à
lui, au fait que la comparaison avec un autrui trop dissimilaire n’autoriserait pas une
évaluation précise des compétences. Etant donnée l’existence de ce qu’il qualifie de « drive to
evaluate accurately one’s opinions and abilities » (page 124) et de la difficulté d’atteindre une
évaluation précise avec des autrui trop dissimilaires, Festinger en déduit que : « The existence
of a discrepancy in a group with respect to opinions or abilities will lead to action on the part
of members of that group to reduce the discrepancy » (Déduction D ; page 124). En d’autres
termes, il existerait une pression à l’uniformité qui pousserait les individus à vouloir
uniformiser les performances (et les opinions). En situation de comparaison de performances,
cette pression à l’uniformité se traduirait par le besoin de réduire la différence de
performances entre soi et les cibles de comparaison. Ainsi, quand la cible de comparaison est
plus performante, les individus essayeraient de s’améliorer et quand la cible est moins
performante, ils relâcheraient leurs efforts. Cependant, il existe, selon Festinger (1954), un
autre besoin qui s’oppose à cette tendance au relâchement.
Hypothèse IV : « There is a unidirectional drive upward in the case of abilities which
is largely absent in opinions » (page 124).
Festinger (1954) précise qu’il existerait en effet, tout au moins dans nos sociétés
occidentales, une valorisation de la recherche de performances croissantes. Meilleure serait la
performance, plus elle serait désirable. Du fait de ce mouvement vers le haut, l’individu serait
amené à vouloir faire mieux que ses cibles de comparaison. Notons cependant que ce
mouvement vers le haut ne s’applique pas uniquement à la comparaison sociale. Il vaudrait
Chapitre 4 : Comparaison sociale et évaluation des performances
89
également pour tous les types de standards de performances, qu’ils soient ou non liés à
autrui : « the higher the score on performance, the more desirable it is » (Festinger, 1954,
page 125). Le but serait par conséquent d’atteindre une bonne performance, quels que soient
les critères d’évaluation de celle-ci.
Comme le précise Festinger, et comme Rijsman (1974, 1983) l’a très bien démontré,
ces deux mouvements — i.e., le mouvement unidirectionnel vers le haut et la pression vers
l’uniformité — vont, selon les situations, « pousser » l’individu dans une même direction ou
s’opposer. En effet, quand la performance de l’individu est inférieure à celle d’autrui, les deux
mouvements tendront à le pousser à améliorer sa performance : d’une part, pour être plus
proche de la cible de comparaison — pression vers l’uniformité — et d’autre part, pour
répondre aux besoins du mouvement unidirectionnel vers le haut. En revanche, lorsque la
performance de l’individu est supérieure à celle de la cible, la pression à l’uniformité
pousserait celui-ci à diminuer sa performance (afin qu’elle reste proche de celle de la cible)
alors que le mouvement unidirectionnel vers le haut continuerait à pousser l’individu vers une
meilleure performance.
La conséquence mathématique (voir Rijsman, 1983, pour les formules et dérivations
mathématiques) de cette dynamique est qu’il existerait un point d’équilibre lorsque la
performance de l’individu est légèrement supérieure à celle de la cible (Festinger, 1954 ;
Rijsman, 1974, 1983 ; Seta, 1982 ; Seta et al., 1991). En d’autres termes, un point d’équilibre
serait atteint quand l’individu est dans une situation de comparaison sociale légèrement
descendante. Notons que les deux personnes en présence (en cas de binôme) ayant le même
but — i.e., être légèrement supérieures — ce point d’équilibre ne devrait pas pouvoir se
stabiliser (Festinger, 1954), chacune voulant, tour à tour, être supérieure à l’autre.
Ce dernier point amène à penser qu’en évaluant sa performance l’individu aimerait
être correct, mais également confirmer que son niveau de performance est élevé (Goethals et
al., 1991). Mises à part les situations où le coût d’une évaluation incorrecte est trop lourd, il
apparaît que l’évaluation des aptitudes serait rarement désintéressée (Goethals et Darley,
1977). De fait, quand l’individu se pose la question de savoir ce que représente son niveau de
performance, celui-ci se pose, du même coup, la question de savoir quelle sorte de personne il
est pour avoir ce niveau de performance (Singer, 1966). Ainsi, la question ne concerne pas
seulement une simple évaluation de performances, mais bien l’image que l’individu se fait de
lui-même, l’estime qu’il se porte (Goethals et Darley, 1977 ; Goethals et Klein, 2000). Par
conséquent, la comparaison sociale n’est pas seulement un processus permettant d’évaluer
Chapitre 4 : Comparaison sociale et évaluation des performances
90
nos performances, il nous amène également à nous attribuer une certaine valeur. Le besoin
d’estime de soi étant un besoin fondamental (e.g., Taylor et Brown, 1988 ; Tesser, 2000 ;
Wills, 1981), il n’est pas étonnant que les études sur la comparaison sociale révèlent l’usage
de celle-ci dans un but de rehaussement de soi (self-enhancement ; e.g., Alicke, 1985 ; Brown,
Collins et Schmidt, 1988 ; Wheeler et Miyake, 1992 ; Wood, Giordano-Beech, Taylor,
Michela et Gaus, 1994). Ainsi, après l’auto-évaluation, nous trouverions un deuxième besoin
lié à la comparaison sociale : le besoin de rehaussement de soi. A travers la comparaison,
l’individu ne chercherait pas seulement à évaluer correctement ses capacités, il voudrait
également confirmer que celles-ci sont bonnes.
Si le besoin d’auto-évaluation était au centre de l’article de Festinger, il est intéressant
de remarquer que l’intérêt des chercheurs s’est rapidement orienté sur le besoin de
rehaussement de soi. Il serait trop ambitieux d’essayer d’expliquer cet état de fait. Nous
évoquerons, néanmoins, deux causes probables à cela. La première cause renvoie au fait que
la question posée était rarement une question du type « Puis-je faire X ? », question où
s’impose effectivement beaucoup moins le problème du rehaussement de soi (Martin, 2000 ;
Martin et al., 2002 ; Wheeler et al., 1997). La seconde cause tient peut être à la tension qui
existe entre auto-évaluation et rehaussement de soi, l’un allant rarement sans l’autre (cf.
Arrowood, 1986 ; Goethals, 1986 ; Suls, 1986 ; Wheeler, 1986). En effet, Suls (1986)
remarque que sans évaluation de soi, les besoins de rehaussement de soi et de protection de
soi (e.g., Major, Sciacchitano et Crocker, 1993 ; Wood et al., 1994) n’ont aucun sens.
Comment tirer un bénéfice de la comparaison sans évaluation de la différence entre soi et
autrui ? Wheeler (1986) allait encore plus loin en avouant ne plus très bien voir ce qui
différenciait chacune de ces deux notions…
Après les motivations à l’auto-évaluation et rehaussement de soi, abordons pour finir,
la dernière de ces trois motivations fondamentales10 : le besoin d’amélioration de soi. Pour ce
faire, retournons à notre ami Martien. Imaginons que celui-ci ne doit plus simplement
demander son score à l’un de vous, mais va également pouvoir jouer avec celui de vous deux
qu’il aura choisi. Rappelons que votre score était supérieur à celui de Schloumpaf, alors que
celui de votre ami Thierry était inférieur. Rappelons également que Schloumpaf a toujours
aimé les jeux d’adresse. On peut donc imaginer qu’il désire progresser. Si tel est le cas, avec
10 Nous utilisons ici le terme de « motivations fondamentales » du fait que Helgeson et Mickelson
(1995) dénombrent, quant à eux, sept motivations différentes.
Chapitre 4 : Comparaison sociale et évaluation des performances
91
qui de vous deux devrait-il préférer se comparer ? Autrement dit, avec qui serait-il le plus
efficace de se comparer dans une situation où le but est de progresser ? La réponse des
défenseurs de la notion d’amélioration de soi (self-improvement) est que dans une telle
situation, notre nouvel ami aura tout intérêt à se comparer à vous, c’est-à-dire à faire un choix
de comparaison sociale ascendante (e.g., Buunk, 1995 ; Collins, 1996 ; Smith et Sachs, 1997 ;
Ybema et Buunk, 1993). A titre d’exemple, arrêtons-nous sur une expérience de Smith et
Sachs (1997). Les participants de cette étude étaient placés dans une situation de type choix
de cible de comparaison. En effet, après avoir effectué une première tâche, ceux-ci se
voyaient présenter les résultats obtenus par six autres personnes. Leur score se trouvait au
milieu de la distribution des scores (rang 4) et très proche des rangs 3 et 5. Avant de débuter
la seconde tâche (mesurant le même type de compétences), les participants avaient accès au
travail et au score de l’un de ces participants précédents (la tâche qu’ils avaient eux-mêmes
réalisée était censée être très similaire). L’expérimentateur précisait également que cette
recherche s’intéressait plus particulièrement à leur capacité à prédire versus améliorer leur
performance sur la seconde tâche. En accord avec le modèle du proxy, lorsque le but déclaré
était d’être le plus précis possible dans les prédictions de performance, les participants
choisissaient effectivement une cible très similaire à eux (e.g., Martin et al., 2002), plus
précisément la cible très légèrement supérieure. En revanche, lorsque le but était de
s’améliorer, ceux-ci choisissaient une cible de comparaison plus nettement supérieure
(majoritairement les rangs 1 et 2, c’est-à-dire les deux plus hauts scores pour la tâche 1).
Ainsi, quand le but était de progresser, les participants ne redoutaient pas la comparaison avec
une cible de comparaison ascendante.
Deux raisons principales sont avancées pour rendre compte du choix d’une cible de
comparaison ascendante (i.e., un autrui supérieur à soi) quand prévaut cette motivation à
l’amélioration de soi. La première raison renvoie au fait que côtoyer un autrui supérieur à soi,
comparer sa performance à la sienne, peut être une source d’inspiration (e.g., Blanton, Buunk,
Gibbons et Kuyper, 1999 ; Brickman et Bulman, 1977 ; Collins, 1996 ; Huguet, Dumas,
Monteil et Genestoux, 2001 ; Lockwood et Kunda, 1997 ; Taylor et Lobel, 1989). Celui-ci
peut informer le sujet sur les performances qui peuvent être réalisées dans une tâche donnée et
indiquer un standard de comparaison qui peut être atteint. Ainsi, Taylor et Lobel (1989)
remarquaient que les patients cancéreux aimaient à côtoyer des cibles de comparaison
ascendante. Le contact avec des patients dont l’état de santé s’était arrangé leur permettait de
voir que la guérison était possible et de fait, espérer des « jours meilleurs ». De plus, côtoyer
Chapitre 4 : Comparaison sociale et évaluation des performances
92
des personnes parvenant à mieux gérer les souffrances liées à la maladie, pouvait leur donner
des informations sur les moyens de faire face plus efficacement.
De même, les participants d’une étude de Lockwood et Kunda (1997) se disaient plus
« inspirés » après avoir pris connaissance d’informations portant sur un brillant étudiant de
quatrième année. Cette étude révèle cependant que cet effet positif apparaissait effectivement
pour la majorité des participants de première année (82 % d’entre eux se disant « inspirés »),
mais seulement pour une très faible proportion d’étudiants de quatrième année (6 %). Ce
résultat traduirait, selon Lockwood et Kunda (1997), le fait que dans un cas les participants
pouvaient espérer atteindre une telle réussite (de longues années les séparant du niveau
d’étude de la cible). A l’inverse, l’espoir, pour les étudiants de quatrième année, d’atteindre
un tel niveau était fort restreint, notamment du fait qu’ils étaient eux-mêmes à ce niveau
d’étude les forçant du même coup à plus de réalisme (voir également Freitas, Salovey et
Liberman, 2001, pour une discussion des buts proches et éloignés). Beaucoup d’auteurs
tendent à confirmer l’importance de la perception de contrôle dans la modulation des effets
« d’inspirations » (e.g., Carver, 1979 ; Gibbons, Blanton, Gerrard, Buunk et Eggleston, 2000 ;
Major, Testa et Bylsma, 1991 ; Scheier et Carver, 1988 ; Seta, 1982 ; Ybema et Buunk, 1993).
Nous avons vu par exemple que dans le modèle de Carver et Scheier (1990), il est important
que les individus pensent pouvoir atteindre un certain but pour essayer de l’atteindre. Ainsi,
les individus doivent pouvoir penser qu’ils ont un minimum de contrôle sur leur niveau de
performance pour essayer de l’améliorer.
La seconde raison avancée pour rendre compte de l’utilisation de la comparaison
sociale dans un but d’amélioration de soi est qu’elle permet de réunir des informations utiles
dans la poursuite d’un tel but (e.g., Buunk, 1995 ; Huguet, Dumas, Monteil et Genestoux,
2001 ; Smith et Sachs, 1997 ; Taylor et Lobel, 1989 ; Ybema et Buunk, 1993). Celui-ci peut
servir « d’exemple » en fournissant des informations liées à la réalisation de la tâche elle-
même. Voir un autrui supérieur et / ou plus expérimenté pourrait dans certains cas faciliter les
performances, autrui servant alors de modèle (Bandura, 1986). Dans le même ordre d’idée,
Taylor et Lobel (1989) remarquent que le fait de côtoyer des patients parvenant à mieux gérer
la maladie permettait aux patients cancéreux de trouver des informations leur permettant de
mieux gérer cette situation difficile. Les études de Blanton et al. (1999) et de Huguet et al.
(2001) démontrent, de plus, que la tendance à se comparer avec des autrui supérieurs
s’accompagne souvent d’une amélioration des performances. En effet, dans ces deux études
réalisées en milieu scolaire, les élèves qui rapportaient se comparer la plupart du temps avec
Chapitre 4 : Comparaison sociale et évaluation des performances
93
un camarade ayant de meilleures notes qu’eux progressaient plus que ceux ne réalisant pas ce
type de comparaison. Ceci renforce l’idée que la comparaison sociale pourrait être utilisée
dans le but de progresser. Notons que dans l’interprétation de ces résultats, il est difficile de
départager l’impact positif de l’apport d’informations, de celui d’augmentation du niveau
d’aspiration et de motivation liée au seul mouvement unidirectionnel vers le haut.
En résumé, il est possible de discerner trois grandes classes de buts poursuivis à
travers la comparaison sociale (cf. Wood, 1989). Le premier renvoie au besoin de parvenir à
l’évaluation la plus exacte possible de ses compétences : le but d’auto-évaluation (e.g.,
Bandura et Jourden, 1991 ; Festinger, 1954 ; Sanders et Mullen, 1984 ; Wheeler et al., 1997).
Le deuxième traite du besoin, très général, de conservation d’une image positive de soi
(Steele, 1988), via les buts de rehaussement de soi et de protection de soi (e.g., Wills, 1981,
1991 ; Wood et al., 1994). Enfin, le dernier concerne le besoin d’améliorer ses aptitudes, en
utilisant autrui comme source d’inspiration et d’information (e.g., Buunk, 1995 ; Smith et
Sachs, 1997 ; Wood et Taylor, 1991 ; Ybema et Buunk, 1993).
Quelle que soit la motivation présidant à l’utilisation de la comparaison sociale, trois
processus peuvent être distingués : l’acquisition, l’interprétation (traduction imparfaite de
l’idée de « thinking about ») et la réaction aux informations de comparaison sociale (Wood,
1996). Schématiquement, les deux premiers sont plus particulièrement impliqués dans le
traitement de la question à résoudre via la comparaison sociale. Un individu, pour savoir s’il
est efficace dans une tâche doit choisir une (ou des) cible(s) de comparaison (i.e., acquérir de
l’information). Il doit ensuite interpréter cette information pour savoir si elle lui permet de
penser que sa performance est bonne ou non. Acquisition et interprétation viseraient donc à
donner un sens à une performance en la mettant en lien avec une information sociale. Comme
son nom l’indique, le processus de réaction, pour sa part, impliquerait les réactions, les
mécanismes de régulation comportementale, mis en place suite à ce traitement de
l’information. Les deux grandes sections qui vont suivre traiteront respectivement des
processus liés à la sélection et à l’interprétation d’une part, et ceux liés aux réactions d’autre
part.
Chapitre 4 : Comparaison sociale et évaluation des performances
94
3 Avec qui (ou quoi) se comparer ?
Quelle que soit la question à laquelle l’individu tente de répondre au travers de la
comparaison sociale, celle-ci reste un moyen de donner du sens à une information concernant
nos capacités. Si celle-ci permet de donner du sens, cela provient du fait que peu de propriétés
peuvent être définies dans l’absolu (Gilbert et al., 1995). L’évaluation des performances ne
fait pas exception en la matière. Albert Bandura (1986) faisait remarquer que pour la plupart
des activités, il n’existe pas de mesure absolue des compétences. Afin de s’évaluer, l’individu
doit avoir recours à un ou plusieurs standards d’évaluation. La comparaison de la
performance à ces standards peut éventuellement mener à l’activation de processus d’auto-
régulation (Bandura, 1986 ; Carver et Scheier, 1990).
De quels types de standards dispose-t-on pour évaluer nos aptitudes ? Bandura (1986)
propose, en réponse à cette question, une typologie de standards dont nous évoquerons les
trois principaux. Le premier est un standard normatif. Il renvoie à différentes normes utilisées
notamment pour les évaluations scolaires. Les valeurs de références sont ici des normes
standard, déterminées sur la base d’échantillons plus ou moins représentatifs. L’évaluation
d’un individu, selon ces standards normatifs, renvoie ainsi à la comparaison aux valeurs
moyennes des groupes de références. On trouve, par exemple, une illustration de ce type de
standard avec les mesures de quotient intellectuel. En effet, sur ce type de test, la valeur 100
est souvent prise comme référence, notamment du fait qu’elle correspond à la moyenne
généralement observée.
Notons que de telles normes d’évaluation ne sont que peu ou pas utilisées en milieu
scolaire dans un certain nombre de pays, dont la France. Néanmoins, il est peut-être possible
de rapprocher ceci de l’usage du standard de référence que représente le milieu de l’échelle, le
10 / 20 de nos écoles. Un grand nombre de parents et d’enseignants se réfère, en effet, à ce
10 / 20 ; cette valeur que beaucoup de gens désignent du nom de « moyenne ». Les élèves
encouragés à redoubler sont souvent ceux dont la moyenne sur l’année est inférieure à cette
« moyenne ». Il est effectivement frappant de voir que le milieu de l’échelle est assez
systématiquement désigné du nom de « moyenne ». Pourtant, il s’agit à l’évidence d’un abus
de langage. L’usage du terme de « moyenne » ne refléterait-il pas le fait que, dans l’esprit de
Chapitre 4 : Comparaison sociale et évaluation des performances
95
chacun, la distribution gaussienne des notes se centre sur cette valeur11 ? Si tel est le cas,
juger sur la base de cette valeur reviendrait finalement à utiliser un standard comparable au
standard normatif, tel que l’entend Bandura. Par ailleurs, remarquons que dans les classes
préparatoires au concours d’entrée des plus grandes écoles (polytechnique et autres), le
déplacement de la médiane, en dessous du milieu de l’échelle, amène les étudiants à ne plus
utiliser le 10 / 20 comme standard de réussite, cette note devenant le plus souvent
inaccessible. Si cette valeur peut rester une valeur de référence, elle change donc de
signification (celle-ci pouvant passer du statut de critère de réussite au statut de critère
d’excellence).
La comparaison sociale constitue le deuxième standard d’évaluation de Bandura
(1986). A la différence du standard normatif qui renvoyait également à une comparaison
sociale, celui-ci se définit par la comparaison à des personnes spécifiques et non plus à un
groupe de référence. Bandura laisse entendre, à l’instar du mouvement unidirectionnel vers le
haut de Festinger (1954), que les individus sont satisfaits de leurs performances uniquement si
celles-ci sont supérieures à celles des cibles de comparaison.
Bandura propose qu’un troisième standard de performance très souvent utilisé serait la
comparaison personnelle. La valeur de référence est, cette fois-ci, la performance antérieure.
En d’autres termes, il s’agirait d’une comparaison non pas sociale mais temporelle (Albert,
1977). Là encore, à l’instar du mouvement unidirectionnel vers le haut (Festinger, 1954),
l’individu serait satisfait lorsque sa performance tend à s’améliorer.
Concernant ce dernier standard, Bandura note qu’une idée communément répandue est
qu’il serait plus profitable pour l’apprentissage d’orienter les individus sur ce type de
comparaisons temporelles que sur la comparaison avec autrui. Il indique toutefois que dans
nos sociétés individualistes (Hetts, Sakuma et Pelham, 1999 ; Stanne, Johnson et Johnson,
1999) où la compétition prédomine (Festinger, 1954), la comparaison sociale intervient
inévitablement dans l’auto-évaluation. La comparaison sociale semble donc s’imposer comme
standard privilégié. Si la réponse à la question « à quoi se compare-t-on ? » paraît désigner
fréquemment les autres individus, il nous reste à répondre à la question « avec qui ? ». Afin
d’aborder la question de savoir avec qui les individus se comparent, nous utiliserons la
proposition de Dakin et Arrowood (1981) selon laquelle la comparaison s’organise autour de
11 Nous serions tentés de rajouter « inconsciemment », étant donné qu’il ne s’agit évidemment pas, dans
l’esprit de chacun, d’une réflexion en termes gaussiens proprement dit.
Chapitre 4 : Comparaison sociale et évaluation des performances
96
deux dimensions : la proximité (la performance d’autrui peut être plus ou moins proche de la
mienne) d’une part, et la direction d’autre part (autrui peut être supérieur ou inférieur à moi).
3.1 Le problème de la similarité
Ici encore, la question posée fut souvent de savoir ce que Festinger (1954) entendait
par « similarité ». Rappelons que l’hypothèse III postule que plus la différence entre soi et
autrui est importante, moins nous aurions tendance à nous comparer à cet autrui. Le corollaire
(III A) de celle-ci implique que parmi un certain nombre de cibles possibles, l’individu se
compare de préférence à celles qui lui sont similaires. Schloumpaf, qui vient de décider de
s’initier aux échecs, ne se comparera pas à Kasparov (un maître reconnu de la discipline) pour
évaluer sa compétence dans le domaine. Dans cet exemple, libre adaptation de l’un de ceux
proposés par Festinger, il est clair que le jugement de similarité porte sur ce que nous
appellerons la dimension focale, c’est-à-dire la compétence à évaluer.
Le paradigme des choix de cibles de comparaison fut développé en partie pour tester
cette prédiction. Ainsi, à titre d’exemple, dans le « rank order paradigm », introduit par
Wheeler (1966), les participants doivent choisir une (ou parfois plusieurs, e.g., Thornton et
Arrowood, 1966) cible de comparaison en ayant uniquement connaissance de leur rang et de
celui des cibles. Aussi, un participant pourra-t-il apprendre qu’il se classe quatrième sur sept
personnes. Il devra alors choisir une cible de comparaison afin de connaître son score précis.
Il est de ce fait possible d’étudier les deux dimensions de la comparaison à partir de ce choix :
1) choisira-t-il un autrui supérieur ou inférieur dans le classement ? ; 2) choisira-t-il un autrui
éloigné ou non en termes de rang ?
L’étude réalisée par Wheeler (1966) vient confirmer l’hypothèse de similarité de
Festinger (1954). En effet, la majorité (soit 56.2 % de l’échantillon) des participants de cette
recherche demandait à prendre connaissance du score de la personne classée tout de suite
après ou avant eux12. L’hypothèse selon laquelle nous nous comparerions de préférence à des
cibles proches sur la dimension focale apparaissait recevoir un support empirique. Un résultat
que d’autres auteurs ont répliqué à travers différents types de paradigmes expérimentaux (e.g.,
France-Kaatrude et Smith, 1985 ; Santrock et Ross, 1975 ; Smith et Sachs, 1997).
12 Le chiffre de 56.2 % peut apparaître un peu faible, si on le compare aux 43.8 % restant. Néanmoins,
Wheeler précise qu’un détail de procédure rendait les choix les plus extrêmes (i.e., les rangs 1 et 7) peu
probables. De fait, l’analyse présentée opposait les rangs 3 et 5 aux rangs 2 et 6. La proportion de 56.2 % serait
donc à comparer avec 39 % et non avec 43.8 %.
Chapitre 4 : Comparaison sociale et évaluation des performances
97
Thornton et Arrowood (1966) trouvaient néanmoins que leurs participants
choisissaient plus souvent des cibles dissimilaires (i.e., plus éloignées), que similaires.
D’autres recherches établissaient également que lorsque la tâche n’était pas familière, les
participants portaient tout d’abord leur intérêt sur les scores les plus hauts et les plus bas de
l’échelle (Friend et Gilbert, 1973 ; Gruder, 1971). L’explication de ces résultats,
apparemment divergents, se trouve, encore une fois, dans l’idée qu’un score en lui-même ne
signifie que peu de chose. Apprendre que le score de la personne classée juste au-dessus de
vous diffère de 12 points ne vous sera pas d’une grande utilité, si vous n’êtes pas familier
avec l’échelle utilisée pour cette évaluation. En d’autres termes, nous aurions besoin de
connaître le « contexte » pour interpréter cette information (Wood et Taylor, 1991). De fait,
lorsque la dimension nous est inconnue, la première étape dans l’auto-évaluation consisterait
à établir l’étendue (range) de l’échelle utilisée pour évaluer cette dimension (Gruder, 1977 ;
Singer, 1966 ; Wheeler et Zuckerman, 1977 ; Wood, 1989). L’idée est, en définitive, que
selon les situations, l’information la plus pertinente se trouve du côté des scores les plus
extrêmes de la distribution — souvent lorsque les dimensions ne nous sont pas familières —
ou bien du coté des scores les plus similaires au nôtre — souvent lorsque les dimensions
nous sont familières (Wood et Taylor, 1991).
Ajoutons que pour Gruder (1977), le score le plus haut serait plus informatif que le
score le plus bas. En effet, selon lui, dans l’esprit des individus, le score le plus bas serait
souvent le 0 de l’échelle, le score le plus élevé restant, quant à lui, plus libre de variations.
Notons que dans un but d’auto-évaluation, ceci implique, a priori, un intérêt plus grand pour
les cibles de comparaison ascendante.
La question de savoir ce que Festinger (1954) entendait réellement par similarité s’est
néanmoins posée, dès le numéro spécial du Journal of Experimental Social Psychology
(1966). En effet, Singer (1966) s’interrogeait déjà sur ce qu’il fallait entendre par
« similaire ». Ceci introduisait, implicitement, la notion d’attributs reliés, sur laquelle nous
reviendrons. De plus, les situations expérimentales employées pour tester « l’hypothèse de la
similarité » (Festinger, 1954) sont quelque peu particulières ; rares sont les situations où les
individus ne connaissent que les rangs de chaque personne sans connaître leur score. Le plus
souvent, ces deux informations sont présentées conjointement. Les individus auraient même
souvent tendance à les ordonner quand ces scores ne sont pas classés. De fait, il est assez
difficile de dire qu’il n’y a pas de comparaison avec des autrui dissimilaires (sur la dimension
Chapitre 4 : Comparaison sociale et évaluation des performances
98
focale), étant donné que pour savoir qu’ils sont différents de nous, une comparaison avec
notre score est nécessaire (Goethals et Darley, 1977 ; Martin et al., 2002).
Afin de résoudre ce paradoxe, Goethals et Darley (1977) reviennent à la question de
savoir ce que veulent évaluer les individus. Pour ces auteurs, l’évaluation ne serait pas une
évaluation de la performance proprement dite, mais de l’aptitude qu’elle reflète. En effet,
dans cette optique, la question porterait sur l’aptitude, au sens d’une disposition générale, à
réaliser tel ou tel type de tâche (Goethals et Darley, 1977 ; voir également Arnkelsson et
Smith, 2000 ; Smith et Arnkelsson, 2000). Par conséquent, selon Goethals et Darley (1977) à
la différence des opinions, les aptitudes ne seraient pas directement observables et devraient
être inférées à partir de la performance. Remarquons tout de même que les études réalisées
dans le domaine de l’influence sociale indiquent que les opinions ne sont pas toujours aussi
directement observables que cette dernière affirmation ne le laisse penser (voir par exemple
Pérez et Mugny, 1993). Néanmoins, l’idée à retenir reste que les individus chercheraient
souvent à évaluer un niveau d’aptitude général, plus qu’une performance spécifique.
La question devient, selon Goethals et Darley (1977), une question de comparaison
mais également d’attribution. La performance à une tâche donnée est, en effet, une résultante
de l’aptitude, mais également d’autres facteurs tels que la chance, le niveau de pratique, l’âge,
le sexe, etc. (e.g., Kelley et Michela, 1980 ; Stevens et Jones, 1976). Selon la proposition de
Goethals et Darley (1977), la notion de similarité est, en dernière analyse, un moyen de
contrôler les variables confondues afin de parvenir à inférer plus correctement les aptitudes
reflétées par la performance. Ces auteurs formulent alors leur hypothèse de similarité,
rebaptisée hypothèse des attributs reliés par Wheeler et Zuckerman en 1977 et cela afin
d’éviter la confusion avec l’hypothèse de similarité de Festinger (1954) : les individus
choisiraient comme cible de comparaison des autrui dont les attributs reliés amèneraient à
prédire une performance similaire. Ainsi, la cible ne devrait plus forcement être similaire,
quant à sa performance, mais plutôt similaire sur les attributs permettant d’expliquer celle-ci.
Ce contrôle serait nécessaire afin d’éviter que les processus attributionnels ne soient biaisés
par des variables confondues. Schloumpaf ne pourrait que difficilement inférer ses talents aux
échecs sur la base des trois défaites qu’il vient de vous infliger, sachant que vous étiez
totalement saoul et lui plus sobre que jamais…
L’expérience de Gilbert et al. (1995), présentée en début de chapitre, tend à confirmer
une telle hypothèse. Les participants de cette étude étaient en présence d’un compère, censé
disposer d’informations le conduisant à une bonne ou une mauvaise performance ;
Chapitre 4 : Comparaison sociale et évaluation des performances
99
informations dont eux-mêmes ne disposaient pas. La différence introduite, quant à cet attribut
relié à la performance, amenait à ne pas attendre d’effet de la performance du compère sur
l’évaluation que les participants allaient faire de leur propre performance. Les données de
cette étude confirmaient qu’en condition « normale », l’auto-évaluation n’était pas influencée
par la comparaison avec la performance du compère. Toutefois, les autres participants, placés
en situation de charge cognitive, voyaient leur évaluation influencée par la connaissance des
résultats du compère. Il paraît tout à fait possible de penser, sur la base de l’hypothèse de
Goethals et Darley (1977), que ces derniers n’ont pu, de part la charge cognitive, effectuer des
attributions prenant en compte la différence impliquée par les attributs reliés (ici l’information
préalable donnée au compère). Dans certains cas, néanmoins, les individus se comparent plus
facilement avec des autrui similaires, même si ces dimensions sont pourtant non-
diagnostiques des performances (e.g., Major et Testa, 1989 ; Miller, 1984). A titre d’exemple,
les participants de l’étude de Major et Forcey (1985) étaient payés pour réaliser un travail
décrit comme plutôt féminin, plutôt masculin ou neutre. Après avoir reçu leur dû, ceux-ci
devaient classer par ordre de préférence l’information qu’ils voulaient consulter. Ils avaient
ici le choix entre prendre connaissance de la somme moyenne attribuée aux filles, aux garçons
ou à la moyenne combinée des deux sexes. Les résultats de cette étude font ressortir que les
participants préféraient recevoir l’information concernant les personnes de même sexe,
quelles que soient les caractéristiques du travail (i.e., qu’il soit plutôt féminin, masculin ou
neutre). Ainsi, les participants de cette étude avaient tendance à se comparer plus facilement
avec des individus de même sexe, bien que le sexe n’était pas diagnostique de la dimension
d’évaluation (mais voir Blanton, George et Crocker, 2001).
L’ensemble des travaux effectués sur la question du choix de cibles similaires, ainsi
que le récent retour au « puis-je faire X ? » (Martin, 2000 ; Martin et al., 2002 ; Wheeler et
al., 1997) de Festinger, nous permettent de penser que les deux types de similarité sont des
facteurs pertinents dans le choix de cibles de comparaison. Lorsque le but est d’évaluer les
aptitudes, le critère de similitude pris en compte porterait sur les attributs reliés (e.g., Gilbert
et al., 1995). Lorsque le but est de prédire les performances, le critère de similitude porterait
sur la performance elle-même (e.g., Martin et al., 2002 ; Smith et Sachs, 1997). Si la question
de la similarité a donné lieu à différentes interprétations, la notion de direction a également
engendré un nombre conséquent de théories et hypothèses. Nous allons maintenant aborder
cette question, pour en délimiter les orientations générales.
Chapitre 4 : Comparaison sociale et évaluation des performances
100
3.2 Le problème de la direction
Festinger (1954) postule l’existence d’un mouvement unidirectionnel vers le haut et
d’une tendance à favoriser la comparaison avec des autrui similaires. Par conséquent, il
semble possible de penser que les individus vont de préférence se comparer avec des cibles
légèrement supérieures (i.e., au point d’équilibre entre ces deux forces ; voir Rijsman, 1974).
L’expérience de Wheeler (1966), introduite plus haut, était la première à tester directement
l’hypothèse du mouvement unidirectionnel vers le haut, dans le cadre de la sélection de
cibles. Cette étude avait déjà permis de conforter l’hypothèse de similarité (Festinger, 1954) :
les participants choisissaient plus fréquemment une cible proche d’eux. Afin de tester la
notion de mouvement vers le haut, Wheeler manipulait également le niveau de motivation des
participants. Le raisonnement était que la pression vers le haut devrait être plus importante en
situation de forte motivation renforçant par la même, la tendance à se comparer avec une cible
supérieure à soi.
Les données de cette étude suggèrent, comme l’attendait Wheeler, que dans
l’ensemble, les participants étaient plus nombreux à choisir une cible de comparaison
ascendante (autrui supérieur) que descendante. En effet, 86.9 % des participants choisissaient
des cibles supérieures à eux ! Le second résultat d’intérêt concerne l’impact de la motivation
sur les choix de comparaison. Ici encore, les données confirment les attentes de Wheeler
(1966) : les participants choisissaient plus souvent une cible de comparaison ascendante en
condition de forte motivation (95 %), qu’en condition de faible motivation (80 %).
Remarquons, à titre de simple observation (aucun test n’ayant été réalisé), que les participants
tendaient à choisir de préférence la cible de comparaison ascendante la plus proche (i.e., cible
de rang = 3 avec 48.8 %). La proportion la plus importante après cette dernière concernait la
cible de comparaison ascendante suivante (i.e., cible de rang = 2 avec 33.1 %), toutes les
autres cibles étant choisies dans moins de 7.5 % des cas. Ces résultats tendaient donc à
confirmer l’intérêt pour des cibles de comparaison ascendante et plus particulièrement lorsque
celles-ci étaient légèrement supérieures.
Wheeler faisait néanmoins remarquer que le fait de choisir une cible de comparaison
supérieure à soi, revenait à prendre le risque d’engendrer un sentiment d’infériorité en
découvrant qu’autrui était nettement meilleur. En fin de compte, il existait un conflit entre le
désir d’évaluer sa performance et celui de confirmer que celle-ci était une bonne performance.
Le parallèle est donc possible avec les notions de motivations à l’auto-évaluation et au
rehaussement de soi introduites précédemment. Comme nous le verrons, il existerait souvent
Chapitre 4 : Comparaison sociale et évaluation des performances
101
chez les individus une opposition entre ces deux motivations. Les données de cette étude
révélaient, néanmoins, que parmi les participants ayant choisi une cible de comparaison
ascendante, 75 % supposaient être similaires à celle-ci, contre seulement 36 % des
participants ayant choisi de se comparer à une cible descendante. Sur la base de ces résultats,
Wheeler proposait, alors, que les participants prenaient le risque de cette comparaison, du fait
qu’ils espéraient confirmer leur similarité avec la cible. Ceci aurait pour avantage de satisfaire
à la fois le mouvement unidirectionnel vers le haut et le besoin d’auto-évaluation.
Nous avons vu que Wheeler (1966) appliquait l’hypothèse du mouvement
unidirectionnel vers le haut au paradigme de sélection de cibles, en faisant la prédiction d’un
choix ascendant. D’autres auteurs, comme Latané (1966) ou Suls (1977), remarquaient
cependant qu’il était également possible de penser que ce besoin aurait pu amener les
individus à choisir une cible de comparaison descendante, plutôt qu’ascendante. En effet, si
ce besoin renvoie au désir d’être supérieur à autrui, un moyen plus simple consiste à se
comparer directement avec des individus inférieurs. L’étude de Hakmiller (1966), confirme
que, dans certaines situations, les individus choisissent des cibles qui leur sont inférieures
(comparaison descendante) plutôt que supérieures (comparaison ascendante ; Hakmiller,
1966 ; voir également Pyszczynski, Greenberg et LaPrelle, 1985).
Hakmiller (1966) montrait, en effet, que des participants menacés dans l’image qu’ils
avaient d’eux-mêmes (un feed-back leur indiquant qu’ils avaient eu un score important sur
une échelle d’agressivité envers leurs parents) faisaient plus de comparaison descendante que
ceux n’ayant pas été soumis à cette menace. Notons, cependant, que dans cette étude, le rang
assigné aux participants ne laissait que peu de place à la comparaison ascendante (une cible
de comparaison ascendante possible contre quatre descendantes). Cette publication est
néanmoins importante, car Hakmiller introduisait explicitement l’idée que la menace de
l’estime de soi renforce la motivation à la protection de l’image de soi, via la comparaison
descendante. De même, Thornton et Arrowood (1966) proposaient déjà de distinguer la
motivation au rehaussement de soi, de celle d’auto-évaluation. Avec la motivation au
rehaussement de soi, ils venaient d’introduire une notion qui allait mobiliser l’attention d’un
nombre considérable de chercheurs (e.g., Tesser, 1988 ; Wills, 1981), souvent d’ailleurs au
détriment de l’étude de la motivation à l’auto-évaluation postulée par Festinger (1954).
Si ces deux articles introduisaient la même idée de besoin d’image de soi positive dans
la comparaison sociale, il n’en reste pas moins que leurs points de vue différaient assez
nettement. En effet, pour Hakmiller (1966), le besoin de rehaussement de soi se traduirait par
Chapitre 4 : Comparaison sociale et évaluation des performances
102
le recours à la comparaison par le bas. Pour Thornton et Arrowood (1966), celui-ci se
traduirait par une identification avec les cibles plus favorisées. Les approches de Thornton et
Arrowood (1966) et de Wheeler (1966) avaient comme avantage de pouvoir également rendre
compte de la tendance à choisir préférentiellement des autrui supérieurs. Si autrui se trouve
être effectivement similaire à soi, les besoins d’auto-évaluation et de rehaussement de soi se
trouveraient satisfaits simultanément.
Ces premières études (Thornton et Arrowood, 1966 ; Wheeler, 1966) révèlent, quoi
qu’il en soit, une tendance plus importante à la comparaison par le haut. Il est important de
noter que cette tendance est confirmée par un grand nombre de résultats obtenus tant en
laboratoire qu’en milieu naturel (e.g., Blanton et al., 1999 ; Brickman et Bulman, 1977 ;
Buunk, 1995 ; Gibbons et al., 2000 ; Huguet et al., 2001 ; Nosanchuk et Erickson, 1985 ; voir
Wood, 1989, pour une revue de question). En guise d’exemple d’étude réalisée en milieu
naturel, Nosanchuk et Erickson (1985) proposaient huit scénarios à 544 joueurs d’un club de
bridge. Ces différents scénarios décrivaient des situations de jeu, avec les stratégies de jeu
qu’ils étaient censés avoir utilisées. En effet, les répondants devaient imaginer avoir vécu
eux-mêmes ces situations. Ils devaient ensuite indiquer, pour chacune de ces situations, avec
qui ils auraient voulu comparer leur choix de stratégie de jeu. Pour répondre à cette question,
les participants indiquaient un ou plusieurs noms. L’avantage de cette recherche était,
notamment, que Nosanchuk et Erickson (1985) disposaient d’informations concernant le
niveau de chacun des répondants, ainsi que le niveau des personnes qu’ils indiquaient. Les
résultats de cette étude font ressortir que les répondants choisissaient très majoritairement des
cibles de comparaison ascendante. Ainsi, l’intérêt pour les choix de cibles de comparaison
supérieure n’était pas limité aux études en laboratoire.
Malgré l’intérêt avéré pour les cibles de comparaison ascendante, la théorie de
Thomas Wills (1981), inspirée des suggestions de Hakmiller (1966), provoqua l’entrée de la
comparaison sociale dans l’ère, de ce que Wheeler (1991) qualifia de théorie de la « Neo-
comparaison sociale ». En effet, avec la théorie de la comparaison sociale descendante, Wills
(1981) reprend à son compte l’idée que les menaces de l’estime de soi conduiraient à une
augmentation de la motivation au rehaussement de soi, motivation qui se traduirait, selon lui,
par un recours à la comparaison descendante. Wills (1981) propose dans cet article un certain
nombre de principes et corollaires. Le premier principe postule que : « Persons can increase
their subjective well-being through comparison with a less fortunate other » (page 245). Il
Chapitre 4 : Comparaison sociale et évaluation des performances
103
ajoute que le recours à la comparaison par le bas serait activé par une diminution du bien-être
subjectif.
Au cours de la même période, un certain nombre d’études réalisées en milieu naturel
sur des populations menacées dans leur bien-être vont voir le jour (e.g., Wood, Taylor et
Lichtman, 1985 ; voir Taylor et Lobel, 1989 pour une revue de question). Ces études font
apparaître une tendance, chez les femmes atteintes du cancer du sein, à faire référence à des
cibles de comparaisons descendantes. Les données collectées sur ces populations menacées
ont amené Taylor et Lobel (1989) à proposer un modèle introduisant l’idée qu’une même
personne, tout au moins en situation de menace, peut utiliser à la fois des cibles de
comparaison ascendante et descendante. Elles proposent, en effet, le modèle d’évaluation
descendante et de contact ascendant. Dans celui-ci, les personnes « sous menace » tendraient
à évaluer leur situation en comparaison avec des autrui moins bien loties qu’elles ne le sont.
Ce qui aurait pour conséquence de permettre une évaluation positive de soi. En revanche, les
contacts avec ces cibles de comparaison descendante seraient évités au profit de contacts avec
des cibles de comparaison ascendante. La comparaison ascendante serait pour ces patients un
moyen de satisfaire le besoin d’information, nécessaire à la gestion de leur situation.
Cependant, un paradoxe semblait pouvoir remettre en cause le modèle de Taylor et
Lobel (1989) : comment évaluer sa situation avec des cibles moins favorisées, si aucune
information n’est récoltée ? Une première réponse à ce paradoxe renvoie tout simplement au
fait que le désir d’éviter toute information sur des personnes moins bien loties n’est
évidemment pas suffisant pour éviter tout contact. La seconde renvoie, quant à elle, à la
possibilité pour les individus de construire ces cibles de comparaison descendante « de toutes
pièces ». Les recherches effectuées dans le cadre de la comparaison sociale démontrent en
effet que, dans certains cas, les cibles de comparaison utilisées ne sont pas de réels individus
mais de simples constructions mentales (e.g., Goethals, 1986 ; Goethals et Klein, 2000 ;
Goethals et al., 1991 ; Wood, 1996). Suls et Wheeler (2000) notent à ce propos, qu’un grand
nombre de résultats confortant l’idée de l’utilisation de cible de comparaison descendante,
reposent sur des comparaisons construites de toutes pièces et non de recherche d’informations
« réelles ».
Le modèle de Taylor et Lobel (1989) souligne deux éléments importants pour notre
propos. En premier lieu, la recherche d’information se ferait, encore une fois, auprès de cible
de comparaison ascendante. En second lieu, les situations de menace ne mèneraient peut-être
pas à la comparaison avec de vraies cibles de comparaison descendante, mais passeraient par
Chapitre 4 : Comparaison sociale et évaluation des performances
104
la comparaison à des constructions mentales (Collins, 1996 ; Taylor et Lobel, 1989 ; Taylor,
Wayment et Carrillo, 1996). Ainsi, l’usage des comparaisons descendantes serait souvent
limité aux situations de menace13 (e.g., Hakmiller, 1966 ; Monteil et Michinov, 1996 ;
Pyszczynski et al., 1985 ; Wood et Taylor, 1991) et apparaîtrait plutôt sur la base de
comparaisons à des constructions mentales (e.g., Alicke, 1985 ; Alicke et al., 1995 ; Goethals
et al., 1991). Collins (1996) propose qu’il existerait effectivement une tendance à se penser
supérieur aux autres (Better-than-average-effect), mais remet en doute l’existence même
d’une tendance à chercher à le confirmer.
Ainsi, il semble possible d’avancer qu’en ce qui concerne la recherche d’information
de comparaison sociale, le choix de cibles de comparaison ascendante prédomine
généralement. Néanmoins, étant donnée l’importance attribuée aux besoins de maintien de
l’estime de soi et de rehaussement de soi (e.g., Diener, 1984 ; Wills, 1981), il peut paraître
étonnant de conclure que le choix de comparaison le plus souvent observé reste le choix de
comparaison vers le haut (Wood, 1989). Collins (1996), dans sa théorie de l’assimilation
ascendante, propose deux éléments de réponse. Le premier renvoie à la notion d’équilibre des
forces (Brickman et Bulman, 1977). Comme nous l’avons vu, le besoin d’amélioration de soi
pousserait l’individu à se comparer à des autrui supérieurs (Buunk, 1995). Le besoin d’auto-
évaluation orienterait également vers une comparaison légèrement ascendante (Festinger,
1954). En revanche, le besoin de rehaussement de soi (lié à celui du maintien de l’estime de
soi) renverrait plutôt à l’utilisation de cibles de comparaison descendante (Wills, 1981). De
fait, deux des trois motivations tendraient à favoriser les cibles de comparaison ascendante.
Collins (1996) propose qu’il y aurait, par conséquent, un « sacrifice » concernant la
motivation au rehaussement de soi, et ce, en vue d’une « récolte » différée des avantages a
posteriori d’une orientation vers un but de progression.
Le seconde explication avancée par Collins (1996) repose sur le constat que la
comparaison ascendante ne serait pas forcément négative pour l’estime de soi. Ainsi Collins,
reprenant l’idée de Wheeler (1966), propose qu’en se comparant à un autrui supérieur,
l’individu pourrait espérer un effet d’assimilation si le niveau de similarité entre lui et la cible
est suffisant. De fait, la comparaison ascendante pourrait également être favorable pour
13 Notons à ce propos qu’en dehors des phénomènes de construction, c’est-à-dire de comparaison à des
cibles construites de toutes pièces, le sentiment de menace tend parfois à favoriser les choix de comparaison
ascendante (e.g., Brown et Haeger, 1999 ; Nosanchuk et Erickson, 1985 ; Spencer, Fein et Lomore, 2001 ;
Ybema et Buunk, 1993), au détriment des choix de comparaison descendante.
Chapitre 4 : Comparaison sociale et évaluation des performances
105
l’estime de soi. En d’autres termes, le fait de se comparer vers le haut, et non vers le bas,
permettrait selon les situations de satisfaire au minimum deux des trois motivations, voir les
trois, en cas de similarité perçue avec la cible et donc d’assimilation avec celle-ci (Collins,
1996). De plus, pour Collins le gain potentiel pour l’estime de soi est plus important en
comparaison ascendante, qu’en comparaison descendante. En effet, pour elle (1996) : « being
one of the ‘better ones’ may be more pleasant than not being one of the worse ones, and so
upward comparison may have a bigger self-enhancement payoff than downward » (page 53).
On peut comprendre, dès lors, que les individus préfèrent l’information de comparaison
sociale fournie par des autrui légèrement supérieurs à eux (Festinger, 1954).
Dans les situations qui viennent d’être présentées, l’individu se trouve devant la
possibilité de choisir telle ou telle cible de comparaison. Nous allons maintenant aborder les
conséquences de la comparaison sociale. Ceci nous amènera à nous intéresser à des situations
où l’information de comparaison sociale n’est pas choisie, mais imposée. En effet, dans un
grand nombre de situations, les informations de comparaison sociale sont imposées par le
milieu plus que recherchées par l’individu (Gilbert et al., 1995).
4 Les effets de la comparaison sociale
Si les individus choisissent plus souvent de se comparer avec des cibles supérieures à
eux (Wood, 1989), il n’en reste pas moins que tous les cas de figures sont observés (Taylor et
Lobel, 1989). De plus, les cibles de comparaison sont parfois imposées par le contexte et non
choisies délibérément (Gilbert et al., 1995). Comme le démontrent Gilbert et ses
collaborateurs (1995), l’individu ne peut pas toujours éviter de se comparer à des cibles qui ne
seraient pas pertinentes ou qui ne correspondraient pas à ses buts. Si l’étude des conséquences
de la comparaison a été quelque peu négligée durant l’ère des « théories classiques de la
comparaison sociale » (cf. Buunk et Gibbons, 2000), les études menées depuis ont permis de
collecter un grand nombre de données. La présentation qui va suivre, encore une fois assez
sélective, s’articulera autour des différentes dimensions influencées par la comparaison
sociale.
Chapitre 4 : Comparaison sociale et évaluation des performances
106
4.1 Effets de la comparaison sociale sur l’évaluation
« Comprendre un jugement implique souvent d’identifier son contexte », (Wedell et
Parducci, 2000, page 225).
Afin d’illustrer cette citation, revenons quelque peu dans le passé. Schloumpaf vient
de finir sa partie de flipper et son score est de 1 985 251. Votre ami Thierry n’est toujours pas
arrivé et Schloumpaf qui aimerait bien savoir ce que vaut son score, souhaite vous payer une
partie. Premier cas de figure : vous vous soumettez, et vous avez raison car vous faites un
score de 2 684 154. Second cas de figure : vous n’êtes décidément pas en forme, votre score
n’est que de 1 286 348.
Quel va être l’impact de votre score sur l’évaluation que Schloumpaf va faire de sa
performance ? Deux types de réponses peuvent être apportés ici. Soit le contexte de jugement
créé par votre performance induira un effet de contraste : Schloumpaf trouvera sa
performance moins bonne dans le premier cas (situation de comparaison sociale ascendante)
que dans le second (situation de comparaison sociale descendante). Soit il induira un effet
d’assimilation : Schloumpaf trouvera sa performance meilleure dans le premier cas que dans
le second. Ainsi, pour une même valeur objective du stimulus à évaluer, l’effet de contraste
décrit les situations où il existe une relation négative entre la valeur du stimulus de référence
(ici votre score) et le stimulus à évaluer (ici le score de notre ami Martien) : plus la valeur du
stimulus de référence sera importante et plus la valeur attribuée au stimulus à évaluer sera
faible. A l’inverse, l’effet d’assimilation décrit les situations où cette relation est positive :
plus la valeur du stimulus de référence sera importante et plus la valeur attribuée au stimulus
à évaluer sera, elle aussi, importante (Martin, Seta et Crelia, 1990). Avant d’aller plus loin,
notons que les termes « contraste » et « assimilation » sont des termes génériques qui ne
définissent, en tout état de cause, que la direction de l’influence du contexte (Martin et al.,
1990).
L’étude de Gilbert et al. (1995, étude 1) témoigne d’un effet de contraste en situation
de comparaison sociale. Rappelons que les participants de cette étude apprenaient que la
performance du compère était soit meilleure, soit moins bonne que la leur. A la suite de cette
induction (mais uniquement en situation de surcharge cognitive, cf. sous-section concernant le
problème de la proximité), un effet de contraste était observé : les participants évaluaient leur
performance (tenue constante expérimentalement) plus favorablement en situation de
Chapitre 4 : Comparaison sociale et évaluation des performances
107
comparaison descendante qu’en situation de comparaison ascendante. Le fait d’être supérieur
ou inférieur à la valeur de référence (i.e., le compère) les amenait à évaluer leur performance
respectivement plus positivement ou plus négativement.
De même, Marsh (1987 ; Marsh et Parker, 1984) rapporte un bien curieux phénomène
observé en milieu scolaire. Les élèves de milieux socio-économiques défavorisés rapportaient
une évaluation de leur concept de soi académique plus élevé que ne le faisaient leurs pairs de
milieux favorisés. En revanche, l’évaluation faite par les enseignants présentait un pattern
strictement opposé. Notons que ces deux groupes d’enfants ne fréquentaient pas les mêmes
établissements. Comment expliquer que des enfants, a priori (cf. l’évaluation des enseignants)
moins « performants », s’évaluaient plus positivement que ceux a priori plus
« performants » ? L’explication retenue dans la littérature porte le nom évocateur d’effet
« gros poisson dans une petite mare » (Big-Fish-Little-Pond effect). Les enfants de milieux
défavorisés auraient « bénéficié » d’un groupe de référence plus faible leur permettant, par
effet de contraste, de maintenir un niveau d’auto-évaluation relativement élevé. Ainsi, la
différence observée entre élèves et enseignants serait à attribuer à des cadres de références
différents (Marsh, 1987 ; Marsh et Parker, 1984).
Si la littérature confirme l’existence d’effets de contraste liés plus ou moins
directement à la comparaison sociale (e.g., Brown, Novick, Lord et Richards, 1992 ; Klein,
1997 ; Klein, 2001 ; Kulik et Gump, 1997 ; Mendes et al., 2001), elle révèle également
l’existence d’effets d’assimilation (e.g., Brewer et Weber, 1994 ; Lockwood et Kunda, 1997 ;
Pelham et Wachsmuth, 1995 ; Stapel et Koomen, 2001). En effet, comparaison ascendante et
descendante ne sont pas toujours associées à des effets respectivement négatifs et positifs sur
l’évaluation des performances. Une expérience de Mussweiler (2001b) illustre assez bien
l’idée sous-tendant ces différentes études.
En premier lieu, les participants devaient réaliser une tâche assez simple : relever le
plus de différences ou de similarités (selon les conditions expérimentales) possibles entre
deux dessins. Une fois cette phase terminée, l’expérimentateur leur proposait une seconde
tâche, prétendument sans lien avec la première. Il leur demandait de se former une impression
à propos d’une personne sur la base d’un certain nombre d’informations la concernant. Ces
informations faisaient clairement apparaître que la jeune fille en question s’adaptait très bien
(haut standard de comparaison) versus très mal (faible standard de comparaison) à sa nouvelle
vie à l’université. Les participants devaient, pour finir, évaluer leur propre niveau
d’adaptation à la vie universitaire. Les résultats de cette étude sont sans équivoque. Lorsque
Chapitre 4 : Comparaison sociale et évaluation des performances
108
l’amorçage de la première phase concernait le traitement des différences, un effet de contraste
apparaissait : les participants s’évaluaient plus positivement dans la condition de faible
standard de comparaison que dans la condition de haut standard de comparaison. Lorsque
l’amorçage concernait le traitement des similarités, l’effet inverse apparaissait, c’est-à-dire un
effet d’assimilation.
Le modèle de l’accessibilité sélective de Mussweiler (2001a, 2001b ; Mussweiler et
Strack, 2000), rend compte de ces résultats sur la base de deux hypothèses. La première de
ces hypothèses, celle de sélectivité postule que la première phase d’une comparaison est
comparable au processus de test d’hypothèse (Trope et Liberman, 1996). En effet, afin de se
comparer à la cible, les individus devraient activer les connaissances liées aux connaissances
mises en jeu dans la comparaison. Les connaissances activées seraient préférentiellement des
connaissances consistantes avec l’hypothèse testée (Trope et Liberman, 1996). Dans ce
modèle, l’hypothèse par défaut est la similarité entre l’individu et la cible de comparaison
(e.g., « moi aussi je m’adapte bien à l’université » ; Mussweiler, 2001a, 2001b ; Mussweiler
et Strack, 2000). La seconde hypothèse, celle d’accessibilité postule que les connaissances
consistantes avec l’hypothèse testée sont rendues plus accessibles en mémoire (Higgins,
1996). De fait, ces connaissances, rendues plus accessibles, orienteraient le jugement dans le
sens de l’hypothèse de départ. En d’autres termes, avoir comme hypothèse de départ la
similarité avec la cible provoquerait un effet d’assimilation ; avoir comme hypothèse de
départ la différence avec la cible provoquerait à l’inverse un effet de contraste.
Cette approche très cognitive est assez proche, par certains aspects, de la théorie plus
motivationnelle, proposée par Rebecca Collins (1996) : la théorie de l’assimilation
ascendante. Comme nous l’avons déjà évoqué, Collins (1996) propose que la comparaison
ascendante peut générer des effets d’assimilation dès lors que l’individu infère une similarité
avec la cible. Ceci pourrait permettre de rendre compte de l’effet d’assimilation obtenu dans
l’étude de Mussweiler (2001). Ces deux approches diffèrent en ceci que le modèle de
l’accessibilité sélective ne postule pas de lien entre direction de la comparaison et hypothèse
testée ; l’hypothèse par défaut est la similarité, quelle que soit la direction de la comparaison
(Mussweiler, 2001). A l’inverse, dans le modèle de Collins (1996, 2000), l’hypothèse de
similarité est uniquement associée aux cas des comparaisons ascendantes. La direction de la
comparaison revêt, ici, une importance plus particulière.
Ces approches ont en commun de replacer la comparaison sociale dans le cadre, plus
général, des processus de jugement (Kruglanski, 1996 ; Kruglanski et Mayseless, 1990). Ceci
Chapitre 4 : Comparaison sociale et évaluation des performances
109
permet de rendre compte d’un nombre important d’études témoignant de l’impact de
l’orientation prise dans le traitement de l’information sur la direction — contraste versus
assimilation — des effets observés. A titre d’exemple, les résultats de Brown et al. (1992)
témoignent d’une diminution des effets de contrastes, dès lors que les attributs reliés
invitaient les sujets à attendre une certaine similarité (voir également Mendes et al., 2001).
Ceux de Lockwood (2002) faisaient apparaître des effets négatifs de la comparaison
descendante (i.e., effet d’assimilation) uniquement lorsque les participants étaient encouragés
à voir des similitudes. Les participants de Brewer et Weber (1994), confrontés à des cibles
minoritaires, donnaient des signes d’effet d’assimilation quand la catégorisation intragroupe
permettait de faire l’hypothèse d’une certaine similitude. A l’inverse, des signes d’effet de
contraste apparaissent en cas de catégorisation horsgroupe, l’hypothèse a priori étant ici celle
d’une différence. Enfin, la seule activation du terme « nous », opposé à « je », amenait les
participants de Stapel et Koomen (2001) à produire des effets d’assimilation.
Comme on peut le voir, ces résultats démontrent à quel point la question posée (i.e.,
l’hypothèse) orienterait les conséquences de la comparaison (Kruglanski et Mayseless, 1990).
Ainsi, tout élément (e.g., attributs reliés) portant à penser, a priori, que la cible peut être
similaire, induirait, par voie de conséquence, des effets d’assimilation (Goethals et Darley,
1977 ; Smith et Arnkelsson, 2000). A l’inverse, l’attente préalable de différences entre soi et
la cible favoriserait l’apparition d’effet de contraste. Cependant, nous savons que les
individus ne cherchent pas toujours une évaluation correcte de leur capacité (voir Sanders et
Mullen, 1984, pour une position quelque peu différente), mais recherchent souvent une
certaine conclusion (Kruglanski, 1996 ; Kruglanski et Webster, 1996), conclusion qui
favoriserait le maintien d’une image positive d’eux-mêmes (e.g., Klein, 2001 ; Stapel et
Koomen, 2001). Certains auteurs comme Tesser (1988), postulent à ce propos que le maintien
d’une image positive de soi serait l’un des fondements de la comparaison sociale. La
comparaison sociale pourrait permettre, en effet, de maintenir une estime de soi positive et
d’induire des sentiments positifs (Tesser, 1991). Ceci va nous conduire à traiter, dans la
section suivante, de l’impact des informations de comparaison sociale sur les affects et
l’estime de soi.
Chapitre 4 : Comparaison sociale et évaluation des performances
110
4.2 Effets de la comparaison sociale sur les affects et l’estime de soi
La simple présence d’une autre personne dans la salle d’attente de votre futur entretien
d’embauche pourrait-elle influencer l’estime que vous avez de vous-même ? Une expérience
princeps en ce domaine (Morse et Gergen, 1970) donne une réponse affirmative à cette
question. Les participants de celle-ci se trouvaient dans une salle d’attente en présence d’un
compère. Dans une condition — condition dite « Mister Clean » — ce compère présentait
toutes les caractéristiques d’un individu « socialement désirable » : très bien habillé, confiant
en lui, travailleur (celui-ci portait notamment avec lui un livre de statistique et un texte de
philosophie). Pour les participants de l’autre condition — condition dite « Mister Dirty » —
le compère contrastait très nettement en présentant toutes les caractéristiques opposées. Les
données de Morse et Gergen (1970) révélaient un effet de contraste sur le niveau d’estime de
soi des participants. Ceux-ci reportaient effectivement une estime de soi plus basse dans la
condition « Mister Clean », que dans la condition « Mister Dirty ».
Cette étude, la première sur l’effet de la comparaison sociale sur l’estime de soi, allait
favoriser, avec la théorie de la comparaison sociale descendante (Wills, 1981), l’étude de ses
conséquences sur l’estime de soi et les affects. Précisons que dans la catégorie des affects
nous regroupons les dimensions d’humeur, de plaisir-déplaisir et globalement les sentiments à
valence positive ou négative. Les premiers travaux tendaient effectivement à confirmer ceux
de Morse et Gergen (1970). Ceux-ci mettaient effectivement en évidence que les situations de
comparaison sociale produisaient des effets de contraste sur l’estime de soi et les affects14
(e.g., Diener, 1984 ; Hakmiller, 1966 ; Morse et Gergen, 1970 ; Salovey et Rodin, 1984 ;
Tesser, Millar et Moore, 1988). Néanmoins, Buunk, Collins, Taylor, VanYperen et Dakof
(1990) montrèrent assez rapidement qu’à l’instar des travaux sur l’évaluation des
performances, le schéma associant les situations de comparaison descendante et ascendante,
respectivement à des effets positifs et négatifs, ne rendait pas compte de la réalité.
La première étude de Buunk et al. (1990) portait sur les entretiens de 668 patients
atteints du cancer. Au cours de ces entretiens, ces auteurs expliquaient aux répondants que
certaines personnes se sentent chanceuses et heureuses (i.e., des affects positifs) lorsqu’elles
voient des patients allant moins qu’elles (i.e., des cibles de comparaison descendante). Ils
14 Remarquons avec Collins (1996) que beaucoup de ces études ne disposent pas de groupe contrôle. Il
est de ce fait difficile de définir si ces effets relèvent d’effets positifs de la comparaison descendante et / ou
d’effets négatifs de la comparaison ascendante.
Chapitre 4 : Comparaison sociale et évaluation des performances
111
expliquaient également que dans une telle situation d’autres personnes ressentent de la peur et
de l’anxiété (i.e., des affects négatifs). Les répondants devaient alors indiquer dans quelle
mesure ils ressentaient eux-mêmes ces affects positifs et négatifs dans ce type de situation
(i.e., comparaison descendante). Les mêmes questions étaient posées pour les situations de
comparaison ascendante. De plus, les niveaux d’estime de soi et de contrôle perçu sur leur
maladie étaient mesurés. Les résultats de cette étude faisaient tout d’abord ressortir que, le
plus souvent, les répondants disaient ressentir des affects positifs en situation de comparaison
descendante. Néanmoins, les affects positifs étaient quasiment autant associés aux situations
de comparaison ascendante. Ce premier résultat démontrait que la comparaison avec des
individus plus favorisés pouvait parfois entraîner des affects positifs. De plus, les résultats
faisaient apparaître que les sujets qui disaient ressentir le plus d’affects négatifs étaient ceux
qui avaient un faible niveau d’estime de soi et répondant pour des situations de comparaison
descendante. Ce résultat montrait, donc, que dans certains cas la comparaison avec une
personne moins favorisée pouvait entraîner des affects négatifs. Enfin, Buunk et al. (1990)
observaient qu’en comparaison descendante, plus le niveau de contrôle perçu était faible et
plus les affects étaient négatifs. Les résultats de cette première étude démontraient, par
conséquent, que des affects positifs comme négatifs pouvaient apparaître en comparaison
ascendante, comme en comparaison descendante.
La seconde étude de Buunk et al. (1995) reprenait une procédure assez similaire à
l’étude précédente mais était réalisée dans le cadre des relations maritales. Les résultats
faisaient, ici encore, ressortir un impact positif des comparaisons descendante et ascendante
sur les affects (même si ceux-ci étaient plus souvent observés en situation de comparaison
descendante). De plus, ces résultats mettaient en évidence que plus les individus étaient
incertains concernant leur couple et plus ils ressentaient des affects négatifs. Il est surtout
important de noter que ceci était vrai que la comparaison se fasse avec des couples plus
(comparaison ascendante) ou moins favorisés dans la qualité de leur relation (comparaison
descendante). Dans l’ensemble, cette étude suggérait, comme l’étude 1, que le schéma
associant la comparaison ascendante aux affects négatifs et la comparaison descendante aux
affects positifs était trop réducteur, chacune des deux directions de comparaison pouvant
induire des affects positifs et négatifs.
Afin de rendre compte de ces données, il est important, une nouvelle fois, de
s’interroger sur la question traitée via la comparaison. Suls (1999) remarque, en effet, que
dans la plupart des études, où apparaît un effet positif de la comparaison sociale descendante,
Chapitre 4 : Comparaison sociale et évaluation des performances
112
la question était de la forme « dans quelle mesure ce que je fais est-il bon ? » (« How well am
I doing? »). En revanche, lorsque des affects positifs sont reportés en comparaison
ascendante, celle-ci était plutôt de la forme « vais-je pouvoir faire mieux ? » (« Will I get
better? »). Ainsi, on comprend que les résultats obtenus sur les patientes atteintes du cancer
du sein (cf. Taylor et Lobel, 1989 pour une revue de question) fassent apparaître des effets
positifs de la comparaison ascendante. Côtoyer une autre personne ayant vaincu la maladie
serait une source d’inspiration et d’espoir. A l’inverse, quand le contrôle perçu sur la situation
est faible, on comprend que les informations concernant des individus plus mal lotis que nous
puissent induire des effets négatifs.
Ainsi, il paraît possible, dans le domaine des affects et de l’estime de soi, de penser
qu’un facteur d’attente générale permet de rendre compte d’une partie des résultats. Par
attente générale, nous nous référons à l’idée d’une perception de plus ou moins grande
similarité avec la cible de comparaison (Collins, 1996, 2000) ou de contrôle perçu (Smith,
2000). Similarité et / ou contrôle perçu permettraient de penser qu’un état ou une performance
similaire peut être attendu (voir également Major et al., 1991 ; Taylor et al., 1996).
Nous allons voir, toutefois, qu’une telle idée présente certaines incompatibilités avec
le modèle du maintien de l’évaluation de soi (MES) de Tesser (1988). Ce modèle repose sur
deux postulats : « 1) persons behave in a manner that will maintain or increase self-evaluation
and 2) one’s relationships with other have substantial impact on self-evaluation » (Tesser,
1988, page 181). Le besoin de maintenir une auto-évaluation positive reflèterait, selon Tesser
(2000, 2001 ; Tesser, Crepaz, Beach, Cornell et Collins, 2000), un besoin plus général de
maintien de l’estime de soi (voir Chapitre 5).
Afin d’introduire plus en détails ce modèle quelque peu ardu, retrouvons notre ami
Schloumpaf. Cela fait maintenant quelques années que Schloumpaf est avec nous sur Terre et
il est en train de réussir une brillante carrière professionnelle. Imaginons, encore une fois,
deux cas de figures. Dans le premier cas, Schloumpaf s’est orienté, comme vous, dans la
psychologie, un domaine qui vous tient réellement à cœur. Second cas de figure, Schloumpaf
a persisté dans les échecs, un domaine de compétence dont vous n’avez cure, et peut
maintenant se comparer à Kasparov. Aussi, dans le premier cas mais pas dans le second,
dirons-nous que le domaine dans lequel Schloumpaf vous surpasse est pertinent pour l’image
que vous avez de vous-même (il est self-relevant). Le MES postule que lorsque le domaine de
performance est pertinent pour le soi, le processus classique de comparaison devrait être
activé. Vous devriez, dans notre exemple, souffrir de la comparaison défavorable avec
Chapitre 4 : Comparaison sociale et évaluation des performances
113
Schloumpaf. En revanche, lorsque ce domaine n’est pas pertinent, le processus activé ne
serait pas un processus de comparaison mais de réflexion : vous devriez ici profiter de sa
« gloire », la gloire de cet ami proche rejaillissant sur vous (Basking in reflected glory ;
Cialdini, Borden, Thorne, Walker, Freeman et Sloan, 1976). L’impact des processus de
comparaison et de réflexion serait, par ailleurs, modulé par l’interaction des deux variables
que sont la proximité psychologique et l’importance de la différence de performance avec la
cible. Le concept de proximité psychologique inclut les liens de proximité amicale ou
amoureuse (voir Beach et Tesser, 2000 ; Beach et al., 1998, pour une spécification du modèle
concernant les relations amoureuses) et les liens de ressemblance dus à des caractéristiques
communes. On remarquera que cette notion de proximité psychologique, dans le cas de
caractéristiques en commun, est proche de la notion de similarité prise en compte dans les
modèles de Collins (2000) ou de Smith (2000).
Ainsi, lorsque le processus de réflexion est activé (cas des domaines non pertinents
pour le soi), plus la performance d’autrui et son niveau de proximité psychologique seront
élevés et plus le gain dans l’auto-évaluation sera important. Autrement dit, dans notre
exemple, le gain concernant votre auto-évaluation sera d’autant plus important que sa carrière
dans les échecs sera brillante et que vous serez resté proche de Schloumpaf. Lorsque le
processus de comparaison sera activé (cas des domaines pertinents pour le soi), plus la
performance d’autrui et son niveau de proximité psychologique seront élevés et plus la perte
dans l’auto-évaluation sera importante. Notons que, pour Tesser (1988), toutes menaces dans
l’auto-évaluation se traduiraient par des affects négatifs et tous gains donneraient lieu à des
affects positifs (Tesser, 1991 ; Tesser et Collins, 1988 ; Tesser et al., 1988). A l’appui de cette
proposition, Tesser et ses collaborateurs (1988) ont pu montrer des effets d’assimilation —
i.e., des affects positifs en comparaison ascendante — lorsqu’autrui était un ami et la
dimension peu pertinente pour le sujet (basking in reflected glory). De plus, les travaux
réalisés dans le cadre de ce qu’il convient d’appeler la jalousie de la comparaison sociale
(social comparison jalousy) tendent à démontrer que, conformément aux prédictions du MES,
la réussite d’un proche peut induire des affects négatifs (e.g., Salovey, 1991 ; Salovey et
Rodin, 1984).
Dans ce modèle, à l’inverse de celui de l’assimilation ascendante (Collins, 1996), la
comparaison ascendante avec un autrui similaire ne mènerait pas toujours à des affects
positifs. En effet, comme nous l’avons vu, le MES prédit que lorsque la cible est proche (e.g.,
parce que similaire) et le domaine pertinent pour le soi, l’impact sur les affects devrait être
Chapitre 4 : Comparaison sociale et évaluation des performances
114
négatif et non positif. Le MES se distingue notamment du fait que celui-ci prend
explicitement en compte la pertinence de la tâche pour le sujet. D’autre part, ce modèle se
distingue des modèles de comparaison sociale « classique » en introduisant le processus de
réflexion. Ajoutons, pour finir, que dans le cadre du MES, les mesures relatives aux affects
ont en partie pour fonction d’indiquer de manière indirecte les effets postulés sur l’auto-
évaluation. Ce modèle rend plus directement compte de variations sur l’importance donnée à
la dimension de comparaison (Tesser et Paulhus, 1983) et sur l’évaluation de la proximité
avec la cible (cf. Tesser, 1988, pour une revue des données concernant le modèle).
Le modèle de Tesser, s’il diffère par beaucoup d’aspects des modèles abordés jusque
là, accorde également une place importante au concept de similarité. Il ne mentionne
cependant pas celui de contrôle perçu. Nous allons voir au cours de la section suivante que
ces deux concepts sont pourtant centraux. Ils sont ainsi importants dans l’analyse des impacts
de la comparaison sociale sur les affects. Nous avons vu avec le modèle de Collins (1996,
2000) qu’ils permettaient notamment l’apparition d’effets positifs en comparaison ascendante,
lorsque contrôle perçu et / ou similarité avec la cible étaient importants. Ces effets étaient liés
avec l’idée de source d’inspiration (Buunk, 1995), autrui nous permettant de prendre
conscience des performances (au sens large) qu’il est possible d’atteindre. Nous verrons que
cette idée est également importante dans le domaine de l’impact des informations de
comparaison sociale sur les performances.
4.3 Effets de la comparaison sociale sur les performances
La notion de mouvement unidirectionnel vers le haut a déjà été abordée à plusieurs
reprises. Nous avons vu que l’application de cette hypothèse au choix des cibles de
comparaison était sujette à controverse. En effet, dès 1966, Wheeler avançait qu’en vertu de
cette hypothèse, les choix de comparaison devaient s’orienter de préférence vers les cibles de
comparaison ascendante. Latané (1966) faisait cependant remarquer que l’application de cette
hypothèse pouvait tout aussi bien amener à prédire des choix de cibles de comparaison
descendante afin de se voir directement dans une situation satisfaisante (i.e., supérieur à
autrui).
L’application de cette hypothèse au domaine de l’influence de la comparaison sociale
sur les performances ne donna pas lieu à un tel débat. Ceci s’explique en remarquant que
Festinger ne laissait que peu de place à l’interprétation. Il prenait l’exemple d’une personne
qui est amenée — du fait du mouvement vers le haut — à s’entraîner plus durement, si elle
Chapitre 4 : Comparaison sociale et évaluation des performances
115
court moins vite que sa cible de comparaison. On comprend donc que le mouvement
unidirectionnel vers le haut pousserait les individus à augmenter leurs performances afin de
tendre vers une meilleure performance. Rappelons que Festinger (1954) postulait également
l’existence d’une pression à l’uniformité poussant l’individu vers une performance proche de
celle de la cible.
Afin de prédire l’impact de la comparaison sociale sur les performances, il est par
conséquent important de prendre en compte les deux forces s’imposant à l’individu (cf. début
de ce chapitre). La dérivation mathématique prenant en compte les deux forces (i.e., pression
à l’uniformité et mouvement unidirectionnel vers le haut) amène à la courbe présentée sur la
Figure 7 (voir Rijsman, 1974, 1983). L’axe des abscisses indique la direction et l’amplitude
de la comparaison sociale des performances entre le sujet et la cible. Ainsi, à l’extrême
gauche de celle-ci, l’individu serait très inférieur à la cible de comparaison (situation de
comparaison ascendante : CA). Au centre, il serait de même niveau que la cible (situation de
comparaison latérale : CL). Enfin, à l’extrême droite, celui-ci serait très supérieur à la cible
(situation de CD). L’axe des ordonnées représente la pression résultant de la conjonction des
deux forces. Ainsi, plus cette valeur est forte et positive, plus l’individu serait poussé à
rechercher une bonne performance.
Figure 7. Modèle de la comparaison sociale (Rijsman, 1974, 1983).
Plusieurs éléments apparaissent sur cette courbe. Nous pouvons voir que la courbe
coupe l’axe des abscisses en trois points. Chacun de ces points indique des situations où
l’individu ne chercherait plus à modifier ses performances. Deux de ces points sont
Chapitre 4 : Comparaison sociale et évaluation des performances
116
particulièrement importants pour notre propos. Le premier concerne le point indiquant une
légère comparaison sociale descendante. Ce point correspond, en effet, au point d’équilibre
postulé par Festinger (1954). Il s’agit de la situation qui serait la plus favorable, les deux
besoins étant satisfaits en même temps. Le second point concerne les situations de fortes
comparaisons sociales ascendantes. Ici, l’individu cesserait de ressentir le besoin de modifier
ses performances du fait que la cible de performance est trop supérieure à lui. Il ne s’agirait
plus d’une cible de comparaison pertinente. Intéressons-nous maintenant aux points (i.e., les
valeurs) les plus extrêmes de la courbe. Le premier de ces points, le plus élevé dans le positif,
renvoie aux situations de comparaison sociale légèrement ascendante. Ce point est
particulièrement important, du fait qu’il correspond, en premier lieu, au point où l’individu
sera le plus intéressé par la comparaison sociale (cf. sous-section « Le problème de la
direction »). En second lieu, ce point correspond, également, aux situations où l’individu
devrait ressentir le plus intensément le besoin d’améliorer sa performance. C’est donc ici que
nous devrions trouver l’impact le plus positif de la comparaison sociale. A l’inverse, le point
le plus bas de cette courbe correspond aux situations de comparaison descendante après le
passage du point d’équilibre proposé par Festinger. Autour de ce point, le besoin ressenti
serait de diminuer les performances et non de les améliorer. Remarquons à ce propos, que
mises à part les situations de très faible supériorité de l’individu, la comparaison descendante
n’induirait que rarement d’effet positif sur les performances. Pris dans sa globalité, ce modèle
souligne donc que les situations de comparaison ascendante seraient généralement associées à
la recherche de meilleures performances. Les situations de comparaison descendante seraient,
pour leur part, le plus souvent associées à des effets neutres ou négatifs.
Nous allons maintenant passer en revue un certain nombre d’expériences permettant
de tester un tel modèle. Nous aborderons, tout d’abord, les plus pertinentes pour un test
empirique de ce modèle (Rijsman, 1974 ; Seta, 1982). Ensuite, nous verrons celles permettant
de tester son hypothèse principale, c’est-à-dire l’effet positif de la comparaison sociale
ascendante. Nous terminerons en examinant les études pour lesquelles cet effet n’apparaît pas
et enfin, celles où l’effet observé tendrait à contredire les prédictions faites sur la base de ce
modèle.
Peu d’études ont été réalisées dans le but de tester l’ensemble de ce modèle. En effet,
pour cela, ces études doivent présenter plusieurs caractéristiques. Ces caractéristiques sont les
suivantes : 1) manipuler les performances respectives des participants, 2) disposer de
Chapitre 4 : Comparaison sociale et évaluation des performances
117
plusieurs « intensités » de comparaison ascendante et descendante et enfin 3) inclure une
condition contrôle sans feed-back de performance.
Les deux études de Seta (1982) répondent à l’ensemble de ces exigences15. En effet,
dans l’étude 1, la moitié des participants étaient seuls durant toute l’expérience (condition
contrôle). L’autre moitié des participants était en coaction (en présence physique du coacteur)
dans l’une des conditions suivantes : forte comparaison ascendante (CA Forte : autrui
nettement supérieur), comparaison ascendante (CA : autrui supérieur), comparaison latérale
(CL : autrui performance identique), comparaison descendante (CD : autrui inférieur) et forte
comparaison descendante (CD Forte : autrui nettement inférieur)16. La tâche à réaliser était
une tâche simple.
La Figure 8 présente les données obtenues dans l’étude 1 de Seta (1982). Ne sont
présentés ici que les scores de différence entre chaque condition et la condition « seul »
correspondante. En effet, étant donné la nature du feed-back (i.e., fréquence de bonnes
réponses), cette étude disposait d’une condition de contrôle par condition de comparaison
sociale. Une comparaison entre les résultats obtenus ici et le modèle (cf. Figure 7) confirme la
valeur heuristique de celui-ci. Plus précisément, la condition où les meilleures performances
(comparativement au groupe contrôle apparié) sont observées correspond bien à la condition
de « légère » comparaison ascendante, suivie des conditions de forte comparaison ascendante,
puis de comparaison latérale. Notons que les noms utilisés pour désigner les conditions
peuvent porter à confusion. En effet, étant donné la présentation du modèle que nous avons
faite, nous pourrions nous attendre à une mauvaise performance dans la condition de forte
comparaison ascendante. Or, il s’agit ici de la condition présentant la meilleure performance,
après la condition de comparaison ascendante. De même, si l’on se reporte au modèle, il est
souvent difficile de faire une prédiction précise (i.e., facilitation des performances, inhibition
des performances ou absence d’effet), pour une condition donnée de comparaison
descendante. L’avantage d’une telle étude est justement de pallier l’imprécision du modèle
sur ce point. Ainsi, le fait de disposer de conditions d’intensités croissantes permet de
s’intéresser à la forme générale du pattern observé afin de pouvoir le comparer à la courbe
postulée par le modèle. A titre d’exemple, le fait d’observer une amélioration des
performances, et non une absence d’effet dans la condition « forte comparaison ascendante »
15 Mis à part le fait que l’étude 2 ne contienne qu’une seule condition de comparaison descendante. 16 Il est à noter que la procédure de ces études étant particulièrement complexe, nous simplifierons la
présentation de celles-ci afin de ne présenter que l’essentiel pour notre discours.
Chapitre 4 : Comparaison sociale et évaluation des performances
118
n’est pas en désaccord avec le modèle dans la mesure où cette désignation renvoie plutôt au
fait que l’infériorité du sujet est plus importante que dans la condition « comparaison
ascendante ». Il serait en effet difficile d’être sûr a priori d’avoir ici la condition de forte
comparaison ascendante correspondant à l’absence d’effet dans le graphique de la Figure 7.
Figure 8. Performance en fonction de la comparaison sociale (Seta, 1982, étude 1).
Il est également très intéressant de remarquer que la différence entre chaque condition
et le groupe contrôle apparié renvoie à l’effet de la coaction. Or, ces données tendent à
démontrer que cet effet est moins fort dès lors que les participants sont supérieurs au coacteur.
Seta propose alors qu’en ce qui concerne les participants de ces deux conditions : « they may
not have compared with their coactors, and thus the coaction effect was attenuated » (page
285). La différence avec la condition « seul » étant non seulement moins forte mais également
non significative, nous conclurons que l’effet de coaction a même été éliminé.
L’étude 2 de Seta (1982) propose également un test assez précis du modèle présenté
dans la Figure 7. A la différence de l’étude 1, les participants de l’étude 2 ne sont plus en
présence physique du coacteur, celui-ci se trouvant dans un box voisin. Cette seconde étude
comporte six conditions : une condition sans coacteur, une condition de comparaison
descendante, une condition de comparaison latérale et trois conditions de comparaison sociale
ascendante d’intensité croissante. Les données de cette étude, présentées sur la Figure 9,
correspondent globalement aux prédictions du modèle. La seule exception concerne l’absence
d’effet positif en comparaison latérale. Néanmoins, la répartition des différentes conditions
Chapitre 4 : Comparaison sociale et évaluation des performances
119
expérimentales apporte, ici encore, un soutien conséquent au modèle (Festinger, 1954 ;
Rijsman, 1974). Remarquons que ces données font clairement ressortir une disparition de
l’effet de comparaison sociale ascendante, dès lors qu’autrui est devenu trop supérieur.
Figure 9. Performance en fonction de la comparaison sociale (Seta, 1982, étude 2).
Les données d’une étude de Rijsman (1974, étude 5) conduisent également à un test
satisfaisant (aux vues des critères que nous avons fixés) du modèle. En effet, cette étude est
composée de cinq conditions dont deux conditions d’intensité croissante pour chaque
direction de comparaison, plus une condition de comparaison latérale (cette étude ne dispose
malheureusement pas d’une condition de contrôle). Les résultats sont, ici encore, conformes
aux prédictions du modèle étant donné que les performances observées présentent une
tendance quadratique, avec un pic de performance pour la condition de légère comparaison
sociale ascendante.
Si ces études ne nous disent rien des mécanismes sous-jacents, elles démontrent
cependant la valeur prédictive du modèle. De plus, elles constituent, à notre connaissance, les
tests les plus directs de celui-ci. Nous allons maintenant présenter un ensemble de recherches
tendant à confirmer l’impact positif des situations de comparaison ascendante.
Les sujets de la première étude de Rijsman (1974 ; voir également Rijsman, 1983)
étaient invités à participer par paire. Chacun d’eux était installé dans un box expérimental
Chapitre 4 : Comparaison sociale et évaluation des performances
120
donnant sur une salle commune. C’est de cette salle que l’expérimentateur donnait les
instructions. Outre la condition de contrôle, pour laquelle les participants n’avaient accès à
aucun feed-back, ni pour eux, ni pour autrui, cette étude comportait cinq conditions
expérimentales. Avant de commencer l’expérience, l’expérimentateur expliquait aux
participants que le temps moyen observé dans cette étude était de 180 ms. Il s’agissait d’une
tâche simple pour laquelle les temps de réaction étaient mesurés. A la fin du pré-test, les
participants apprenaient leur score, ainsi que celui du coacteur. Pour la première condition,
celle de comparaison latérale, les deux participants se voyaient attribuer un score proche de la
moyenne de la population (182 ms). Dans une première condition de comparaison ascendante,
le score proche de la moyenne était attribué aux participants (condition CA Soi moyenne :
182 ms pour le sujet et 114 ms pour autrui). Dans la seconde condition de comparaison
ascendante, c’est le score du coacteur qui se trouvait proche de la moyenne (condition CA
autrui moyenne : 246 ms pour le sujet et 182 ms pour autrui). De même, pour les deux
conditions de comparaison descendante, l’expérimentateur attribuait un score moyen au sujet
(condition CD Soi moyenne : 182 ms pour le sujet et 246 ms pour autrui) ou au coacteur
(condition CD autrui moyenne : 114 ms pour le sujet et 182 ms pour autrui).
Avant toute chose, notons que l’induction concernant le rapport à la moyenne de la
population ne donne aucun résultat significatif. En ce qui concerne les résultats obtenus par
les participants de la condition de comparaison latérale, ceux-ci étaient, conformément au
modèle, supérieurs à ceux du groupe contrôle. Néanmoins, cette différence n’était pas
significative. Les résultats des participants en conditions de comparaison ascendante et
descendante sont, quant à eux, répartis de chaque côté du groupe contrôle (différences
tendancielles en bilatéral). De plus, la performance observée en comparaison ascendante était
supérieure à celle observée en comparaison descendante. Ces résultats sont une nouvelle fois
conformes au modèle et tendent à renforcer l’idée d’un effet positif de la comparaison
ascendante. De même, les données de l’étude 4 de Rijsman (1974) faisaient également
apparaître une différence en faveur des participants en situation de comparaison ascendante,
comparativement aux participants en condition de comparaison descendante. La performance
observée en comparaison latérale était, encore une fois, intermédiaire.
Plus récemment, Huguet et al. (1999, étude 2) rapportent des données très similaires
en situation de coaction. Cette étude, réalisée dans le cadre de l’article que nous avons déjà
évoqué aux Chapitres 1 et 3, reprenait le même paradigme (les performances étaient en
l’occurrence l’importance de l’interférence de Stroop) mais cette fois en situation de coaction.
Chapitre 4 : Comparaison sociale et évaluation des performances
121
Les participants réalisaient en effet la tâche de Stroop face à un compère. Afin d’induire la
direction de la comparaison sociale, ce compère répondait plus vite (condition de
comparaison ascendante), moins vite (condition de comparaison descendante) ou avec la
même rapidité que les participants (condition de comparaison latérale). Cette étude disposait
également d’une condition « seul ». Les résultats de cette étude faisaient apparaître que les
performances observées en condition de comparaison ascendante étaient, encore une fois,
meilleures que celles observées en comparaison descendante. De plus, la performance des
participants en condition de comparaison latérale était, là encore, intermédiaire. Ces résultats
ne suggéraient aucune différence entre la condition de contrôle « seul » et la condition de
comparaison descendante. Ainsi, au même titre que dans l’étude de Seta (1982), il paraît
possible de penser que la comparaison descendante atténue, voire élimine, l’effet positif de la
coaction. Une telle proposition reste néanmoins prématurée, étant donné que les plans
expérimentaux de ces deux études ne comportent pas de condition de simple coaction (i.e.,
sans feed-back de comparaison). Cette affirmation, même prématurée, reste prometteuse si
l’on se réfère à l’étude 1 de Huguet et al. (1999, voir Chapitres 1 et 2) qui fait apparaître un
effet positif de la simple présence d’autrui sur cette même tâche. Ainsi, ces données suggèrent
que la comparaison ascendante, comme la simple présence d’autrui, pourrait favoriser les
performances, même si pour cela les individus doivent inhiber un processus réputé
incontrôlable — i.e., la lecture (cf. Huguet et al., 1999 ; voir également MacLeod, 1991).
Huguet et al. (2002, étude 1 ; voir aussi Huguet, Dumas, Monteil et Galvaing, 2000)
rapportent également des résultats démontrant une supériorité de la comparaison ascendante
sur la comparaison descendante, quand la cible de comparaison n’est plus un coacteur, mais
les participants ayant participé précédemment à l’expérience. Les participants étaient, en
effet, amenés à croire qu’ils avaient réalisé une meilleure versus moins bonne performance
que les participants précédents. Ces résultats démontrent, d’une manière un peu différente de
ceux de Seta (1982, étude 2), que la présence physique des cibles de comparaison n’est pas
toujours nécessaire.
Parmi les études conduites explicitement pour tester l’effet positif de la comparaison
ascendante, on retrouve également l’étude menée par Seta et al. (1991). Dans cette étude, les
participants étaient en coaction ou seuls. De plus, les participants en coaction étaient amenés à
penser qu’ils étaient inférieurs (condition de comparaison ascendante) ou très inférieurs
(condition de forte comparaison ascendante) au coacteur. Enfin, Seta et al. (1991)
manipulaient l’importance attribuée à la tâche : cette étude était présentée comme une simple
Chapitre 4 : Comparaison sociale et évaluation des performances
122
réplication (condition de valeur faible) ou les données de celle-ci allaient servir pour la Navy
(condition de valeur élevée). Les résultats de cette étude faisaient notamment ressortir un effet
positif pour les deux conditions de comparaison ascendante, quand la valeur attribuée
expérimentalement à la tâche était faible. En effet, dans la condition « valeur faible », les
performances des participants en conditions de comparaison ascendante, légère et forte,
étaient supérieures à celles des participants de la condition « seul ».
Deux études réalisées en milieu scolaire viennent renforcer la validité écologique de
ces résultats. Celles-ci démontrent que les choix de comparaison préférentiellement
ascendante mènent à de meilleures performances scolaires que les choix de cibles de
comparaison descendante (Blanton et al., 1999 ; Huguet et al., 2001). En effet, les élèves
ayant participé à ces études devaient reporter en début d’année avec quelle personne (ou les
deux personnes dans le cas de l’étude de Huguet et al., 2001) ils se comparaient le plus
souvent. Les résultats de ces deux études suggèrent que le choix de cible ascendante favorise
la réussite scolaire.
Importés d’une approche assez différente, les résultats de Bandura et Jourden (1991)
apportent également un certain support à notre propos, ainsi que des ouvertures intéressantes.
A la différence des études expérimentales présentées jusqu’ici, l’étude de Bandura et Jourden
(1991) présente l’originalité de rendre la situation plus dynamique. En effet, dans l’une des
conditions expérimentales, les participants étaient tout d’abord placés en situation de forte
comparaison ascendante. Néanmoins, l’évolution des feed-back les amenait à penser que leur
performance tendait à se rapprocher, voire à dépasser, celle de la cible de comparaison
(condition de maîtrise progressive). Dans la condition dite de déclin progressif, les
participants commençaient par réussir aussi bien que la cible, mais leur performance s’écartait
ensuite de plus en plus de celle de la cible, dans un sens défavorable. Enfin, les deux
conditions restantes étaient des conditions de comparaison latérale et descendante sans
évolution des performances.
La condition connaissant l’évolution (réelle) de performance la plus favorable se
trouvait être celle de maîtrise progressive. A l’inverse, les autres conditions connaissaient un
déclin des performances. Ces résultats démontraient, par ailleurs, que les participants de cette
condition de maîtrise progressive se fixaient des buts plus élevés que ceux des autres
conditions. En revanche, Bandura et Jourden notent que les participants de la condition de
comparaison descendante se fixaient des standards de performance plus modestes, étant
donné que même quand leurs performances diminuaient ils restaient supérieurs aux autres
Chapitre 4 : Comparaison sociale et évaluation des performances
123
participants. De fait, les participants de cette condition étaient sûrs d’eux-mêmes et n’avaient
aucun besoin de se fixer de standards plus élevés pour être satisfaits de leur performance. Les
participants de la condition de déclin progressif tendaient, quant à eux, à se désengager de la
tâche (Carver et Scheier, 1990 ; Scheier et Carver, 1988), du fait que l’évolution des
performances ne semblait pas leur permettre d’espérer une performance plus satisfaisante. Les
participants de cette condition voyaient, en effet, leur auto-efficacité perçue décroître tout au
long de l’expérience.
Ces résultats sont intéressants car ils permettent, comme le suggèrent Taylor et al.
(1996), de replacer les dynamiques de comparaison sociale dans le cadre, plus général, des
théories de l’auto-régulation (e.g., Bandura, 1986 ; Carver et Scheier, 1990). Ces résultats
illustrent notamment l’importance des standards de performances que se fixe l’individu.
Ainsi, la performance d’autrui serait un standard d’évaluation des performances mais
également une indication sur la performance qu’il est possible d’atteindre. Autrement dit, la
performance d’autrui pourrait être une source d’inspiration (e.g., Buunk, 1995 ; Ybema et
Buunk, 1993). De plus, les mécanismes d’auto-efficacité perçue pourraient ensuite expliquer
que l’individu mette ou non ses ressources aux services de l’atteinte de ces buts (cf. Chapitre
2 ; Bandura, 1986 ; Carver et Scheier, 1990). Le modèle de la théorie de la comparaison
sociale peut, quant à lui, prédire les situations où la performance d’autrui sera prise ou non
comme standard de référence. Armés de ces considérations, voyons quelques illustrations de
situations où la comparaison ascendante n’induit pas d’effet positif.
Nous avons pu constater que les résultats de l’étude 1 de Rijsman (1974) apportent la
confirmation d’un effet positif de la comparaison ascendante. Les données de l’étude 2
faisaient, quant à elles, apparaître un effet positif uniquement en condition de comparaison
latérale. Aucune différence n’était constatée entre les conditions de comparaison très
ascendante et très descendante. L’explication de Rijsman (1974) renvoyait au modèle : la
différence de performance entre le coacteur et le sujet était trop importante pour avoir un
impact (pour une situation et une interprétation similaire à celle de Rijsman, voir Hokoda,
Fincham et Diener, 1989). En termes d’auto-régulation, nous dirions que la différence de
performance entre soi et autrui était trop importante pour que la performance d’autrui soit
prise comme standard de référence. Le pattern de résultats observé dans l’étude 3 de Rijsman
(1974) est assez similaire.
De même, l’étude de Dakin et Arrowood (1981) ne faisait apparaître aucun effet de la
direction de la comparaison sociale. Notons cependant que, dans cette étude, l’induction
Chapitre 4 : Comparaison sociale et évaluation des performances
124
« dynamique » des feed-back de comparaison sociale induisait une perception de forte
comparaison ascendante et descendante. En effet, tous les feed-back du coacteur étaient
meilleurs ou moins bons (selon les conditions) que ceux du participant. Les arguments
avancés dans le cadre des théories de l’auto-régulation nous amènent, de fait, à ne pas être
surpris de ne pas voir apparaître d’effet de la direction de la comparaison dans une telle
situation. Rappelons, pour finir, que l’expérience de Seta et al. (1991), déjà évoquée, mettait
en évidence un effet positif des conditions de comparaison ascendante et de forte comparaison
ascendante quand la valeur attribuée à la tâche était faible. Néanmoins, les résultats observés,
lorsque cette même valeur était forte, sont plus problématiques, étant donné qu’aucune
différence n’apparaissait entre la condition de comparaison ascendante et la situation contrôle.
De plus, dans cette même condition de « valeur élevée », l’impact de la forte comparaison
ascendante n’était ni positif, ni neutre mais négatif, ce qui nous amène à la section portant sur
les résultats contradictoires
En effet, lorsque la valeur attribuée à la tâche était élevée, la condition de forte
comparaison ascendante présentait une performance plus faible que celle du groupe contrôle.
Ce type de résultat semble difficilement explicable sur la base du modèle de la théorie de la
comparaison sociale (Festinger, 1954 ; Rijsman, 1974, 1983). Seta et al. (1991) proposent,
pour leur part, que la comparaison ascendante serait génératrice de frustration et que cette
frustration inhiberait les performances lorsqu’elle est trop importante — cas des situations de
forte comparaison ascendante renforcée par la valeur importante de la tâche. Cette explication
peut être rapprochée de celle proposée dans le cadre de la théorie du conflit-distraction
(Baron, 1986). La comparaison ascendante induirait des effets positifs uniquement dans la
mesure où la distraction créée n’est pas trop importante. Une dernière interprétation possible à
ce résultat renvoie aux théories de l’auto-régulation (Bandura, 1986 ; Carver et Scheier,
1990). Une trop grande différence provoquerait une attente d’efficacité négative et donc un
désinvestissement de la tâche. Notons que cette dernière explication ne rend
qu’imparfaitement compte de l’effet de la valeur de la tâche. Nous pourrions même nous
attendre à un moindre désinvestissement, du fait de la valeur de la tâche.
Deux études réalisées dans le cadre de la théorie de l’auto-efficacité perçue (Sanna,
1992 ; Sanna et Shotland, 1990 ; voir Chapitre 2 ; Bandura, 1986) et de la facilitation sociale
(Zajonc, 1965) fournissent des preuves indirectes, mais néanmoins contradictoires avec les
prédictions du modèle de la comparaison sociale. Rappelons que l’étude de Sanna (1992)
présentée au Chapitre 2, révèlait respectivement des effets de facilitation et d’inhibition
Chapitre 4 : Comparaison sociale et évaluation des performances
125
sociale en situation d’attente de résultats (autrement dit d’auto-efficacité perçue) haute et
faible. Nous avions alors expliqué comment étaient induits ces niveaux d’attentes. Il s’agissait
de feed-back concernant la performance prétendument obtenue au pré-test. Cette performance
était prétendument comparée à une distribution standardisée et les participants apprenaient
qu’ils étaient soit dans les 10 % les plus faibles (10th percentiles), soit dans les 10 % les plus
forts (90th percentiles). Il est ainsi possible de voir dans cette induction une comparaison
sociale rapportée, non pas à une cible interpersonnelle, mais à une population. Comme nous
l’indiquions dans le Chapitre 2, en présence d’une audience, ces inductions produisaient de
bonnes performances en situation de haute auto-efficacité perçue (donc de comparaison
descendante par rapport à la population) et de mauvaises performances en situation de faible
auto-efficacité perçue (donc de comparaison ascendante par rapport à la population), c’est-à-
dire des effets inverses à ceux observés chez Huguet et al. (2002, étude 1). En effet, rappelons
que sur la base d’un feed-back en rapport à la population, Huguet et al. rapportaient une
amélioration, et non une détérioration, des performances en comparaison ascendante.
Avant de chercher une raison à cette apparente contradiction, notons que les résultats
de deux études, déjà mentionnées, confirmaient les résultats de Sanna (1992). En effet, Sanna
et Shotland (1990) et Seta et Hassan (1980) trouvaient, pour l’essentiel, des résultats
similaires sur la base d’une induction d’attente identique. Afin de résoudre ce problème,
rappelons que ces études visaient à induire des attentes de résultats positifs ou négatifs. C’est
bien pour cette raison que, outre le feed-back, il était précisé, dans l’ensemble de ces
recherches, que la performance au temps 1 était une bonne indication de la performance à
suivre. Ceci ajouté au fait que la distance à la « cible » (c’est-à-dire ici la moyenne du groupe)
était loin d’être « légère » (les participants faisaient partie de la tranche des 10 % les plus
faibles), on comprend dès lors que la comparaison était non seulement une comparaison très
ascendante mais également qu’elle prenait place dans un contexte où les attentes de
réversibilité étaient minimes (l’expérimentateur venait juste de préciser que ces indications
étaient de bonnes prédictions de la performance à venir). En termes d’auto-régulation, les
standards étaient très éloignés et les attentes, quant à l’évolution, plutôt négatives.
Ces résultats sont importants car ils montrent à quel point les données présentées ici
peuvent être modulées par la représentation que se fait le sujet des compétences en jeu dans la
tâche. On sait, par ailleurs, que la mémoire auto-biographique du sujet joue un rôle
prépondérant dans la modulation des effets de la comparaison sociale hors laboratoire et sur
des tâches chargées de significations (voir Chapitre 5 ; Monteil, 1998 ; Monteil et Huguet,
Chapitre 4 : Comparaison sociale et évaluation des performances
126
1999). Ainsi, la plupart des résultats présentés en faveur d’un effet positif de la comparaison
ascendante ont été obtenus en laboratoire, sur des tâches pour lesquelles les participants
n’avaient que peu d’attentes préalables. Notons néanmoins que les quelques études réalisées
hors laboratoire et notamment en milieu scolaire comme celles de Blanton et al. (1999) et
Huguet et al. (2001), faisaient tout de même ressortir l’aspect bénéfique de la comparaison.
Pour revenir au cadre qui nous préoccupe, c’est-à-dire l’influence de la comparaison
sociale, en tant que telle, sur la performance, il semble qu’il soit possible de dire que les
informations de comparaison sociale ont souvent un impact conséquent sur celle-ci. Nous
avons pu voir, en effet, qu’en dehors des modulations dues aux attentes préalables fortes,
l’hypothèse d’un mouvement vers le haut — ou plus précisément du modèle qui découle de
l’articulation entre ce phénomène et celui de pression à l’uniformité — reçoit un support
empirique plus que satisfaisant. Ainsi, la comparaison ascendante conduit souvent à une
amélioration des performances. En effet, la comparaison ascendante indique d’une part, que la
performance n’est pas la plus satisfaisante — du fait qu’elle n’est pas légèrement supérieure à
celle d’autrui (Festinger, 1954) — et d’autre part, qu’une meilleure performance peut être
atteinte (e.g., Buunk, 1995 ; Ybema et Buunk, 1993).
Ces deux mécanismes — i.e., mouvement unidirectionnel vers le haut et source
d’inspiration — sont, de fait, souvent difficiles à distinguer. Afin de les départager, il serait
bon de recourir à des situations où le mouvement unidirectionnel vers le haut n’est pas
satisfait, mais où autrui n’est pas à proprement parler une source d’inspiration via sa
performance. Une étude de Huguet et al. (2002, étude 2) donne un premier élément de
réponse à cette question. Cette étude faisait apparaître, encore une fois, un effet positif de la
comparaison ascendante. Néanmoins, elle indiquait également une diminution de
l’interférence de Stroop lorsque les participants étaient en situation de comparaison
descendante mais que ceux-ci étaient amenés à penser que le coacteur n’avait peut-être pas
fait tous les efforts possibles. Dans une situation de ce type, autrui ne peut être considéré
comme une source d’inspiration, étant donné que sa performance ne peut servir de modèle.
Ainsi, cette condition suggère la possibilité d’une meilleure performance lorsqu’il subsiste la
possibilité d’une éventuelle comparaison ascendante. Il semble, par conséquent, possible de
penser que le mouvement unidirectionnel vers le haut peut être, à lui seul, responsable d’une
partie de l’effet positif de la comparaison ascendante.
Chapitre 4 : Comparaison sociale et évaluation des performances
127
5 Ma performance est-elle satisfaisante ?
Il apparaît que le recours à la comparaison sociale est l’un des moyens privilégiés, si
ce n’est le moyen privilégié, pour répondre à la question « ma performance est-elle
satisfaisante ? ». Hormis cela nous venons de voir que la réponse à cette question n’est
évidemment pas sans conséquence sur les performances subséquentes. Aussi, le recours aux
informations de comparaison sociale permet-il au sujet d’auto-évaluer sa performance et au
besoin de la réguler (consciemment ou non) lorsque ses standards comportementaux ne sont
pas atteints ou risqueraient de ne pas être atteints (Huguet et al., 2002). Ainsi, quand la
réponse à cette fameuse question est négative — i.e., lorsqu’il existe une divergence entre le
standard de performance et la performance réelle — ceci pourrait bien engendrer, pour
reprendre des termes proches de ceux de Tesser (2000), une menace de l’auto-évaluation17.
Cette menace pourrait induire non seulement le besoin de réduire cette divergence, mais
également une certaine distraction, l’individu étant partagé entre le désir de bien faire et la
peur de ne pas y parvenir…
17 Tesser (2000) utilise, pour sa part, les termes de menace de l’auto-évaluation et de l’estime de soi de
manière interchangeable.
CHAPITRE 5 __________________________________________
Menace de l’auto-évaluation et performances
« I propose the existence of a self-system that essentially explains ourselves, and the world at large, to ourselves. The purpose of these constant explanations (and rationalizations) is to maintain a phenomenal experience of the self — self-conceptions and images — as adaptively and morally adequate, that is, as competent, good, coherent, unitary, stable, capable of free choice, capable of controlling important outcomes, and so on. I view these self-affirmation processes as being activated by information that threatens the perceived adequacy or integrity of the self » (Claude Steele, 1988, page 262).
Le concept de menace est de plus en plus présent en psychologie sociale. Nous l’avons
par exemple évoqué lors du chapitre précédent. Le titre même de l’article de Hakmiller
(1966b) — « Threat as a determinant of downward comparison » — nous indique que la
comparaison sociale se trouvait liée, dès les premières publications, à la notion de menace.
Rappelons que Hakmiller induisait celle-ci en apprenant aux participants qu’ils avaient eu un
score important à un test mesurant l’agressivité envers leurs parents, ce qui ne correspond très
vraisemblablement pas à une image de soi morale et adaptée (Steele, 1988). Une manière de
concevoir la menace serait donc la suivante : l’individu se sentirait menacé, lorsque
l’évaluation qu’il fait de lui-même l’amène à conclure qu’il n’est pas en adéquation avec ses
standards (e.g., Tesser, 2000 ; voir aussi Salovey, 1991).
La citation de début de chapitre indique que Steele (1988) conçoit l’adéquation avec
ces standards, cette image de soi-même, comme un besoin fondamental. Au même titre, le
modèle du Maintien de l’Evaluation de Soi (MES), présenté dans le chapitre précédent
(Tesser, 1988 ; voir également Beach et Tesser, 2000 ; Tesser, 1977), postule que le maintien
d’une évaluation positive serait un besoin fondamental ; sous-jacent à cette proposition, se
trouve également l’idée d’adéquation entre image de soi et standards (Tesser, 2000, 2001).
Ainsi, dans le cadre de l’évaluation des performances, la menace serait l’expression d’une
absence d’adéquation entre les performances et les standards ou buts que l’individu se serait
fixés (Tesser, 1988), et ce, consciemment ou non (Martin et Tesser, 1996). Si maintenir une
image de soi positive relève d’un besoin fondamental (Steele, 1988 ; Tesser, 1988), la
question se pose de savoir de quels moyens dispose l’individu pour réduire la menace
engendrée par une inadéquation entre performance et standards.
Chapitre 5 : Menace de l’auto-évaluation et performances
130
1 Ruminations mentales et théories de l’auto-régulation
Lorsque vous étiez tout(e) petit(e), il vous est certainement arrivé de tomber en vélo. Il
est facile d’imaginer qu’avoir le genou qui brûle ne faisait pas partie de vos buts dans la vie à
cette époque (ni aujourd’hui, remarquez bien). Si votre père était d’aussi bon conseil que le
mien, il pouvait vous dire des choses du genre : « n’y pense pas, ça va passer ». N’avez-vous
pas remarqué que plus vous essayiez de ne pas y penser, moins vous y parveniez ?
D’après le modèle de Martin et Tesser (1996), il est possible de penser qu’il en va de
même pour les menaces plus psychologiques que physiques. En effet, il semble que tenter de
ne pas penser au fait que nous n’avons pas atteint nos buts ne soit pas suffisant pour faire
disparaître cette menace. Pour Martin et Tesser (1996), l’inadéquation entre comportements et
buts engendre non seulement une menace, mais également un phénomène de rumination
mentale (ruminative thoughts)18. Ces auteurs définissent ce phénomène comme : « a class of
conscious thoughts that revolve around a common instrumental theme and that recur in the
absence of immediate environmental demands requiring the thoughts » (page 1). Ainsi,
l’individu aurait des pensées récurrentes à propos de cette inadéquation. Ces pensées
ruminantes seraient dues à la tendance que nous avons à persister jusqu’à l’atteinte de nos
buts ou à leur abandon (Martin et Tesser, 1996). Or, du fait de l’importance accordée à ces
standards (Steele, 1988 ; Tesser, 1988), leur abandon serait souvent difficile.
Ainsi, le plus sûr moyen de mettre un terme à ces pensées — et donc à la menace qui
leur est associée — serait d’atteindre lesdits standards (Martin et Tesser, 1996). En revanche,
essayer simplement de ne plus penser à cette inadéquation aurait comme effet paradoxal de
renforcer ces pensées, ce que Wegner et ses collaborateurs appellent un effet rebond (e.g.,
Wegner, 1994 ; Wegner et Erber, 1992 ; Wegner et Gold, 1995 ; Wegner, Quillian et
Houston, 1996 ; Wegner, Schneider, Carter et White, 1987 ; voir également Förster et
Liberman, 2001 ; Liberman et Förster, 2000 ; Macrae, Bodenhausen, Milne et Jetten, 1994).
En effet, dans un tout autre domaine que celui de la menace, Wegner et al. (1987) étudiaient,
dans leur célèbre expérience dite de « l’ours blanc », l’efficacité de ce qu’il convient
d’appeler la suppression de pensée. Ces auteurs démontraient que demander à des participants
d’essayer de ne pas penser à un ours blanc avait pour effet paradoxal de les amener à y penser
18 Notons que nous ne traitons pas ici du modèle de Martin et Tesser (1996) dans sa totalité. Celui-ci
permet, en effet, de rendre compte également de situations donnant lieu à des rumination mentales plus
Chapitre 5 : Menace de l’auto-évaluation et performances
131
plus souvent que des participants n’ayant pas eu la consigne de suppression. Il apparaît donc
que cette solution de facilité ne soit pas efficace.
Atteindre les buts et standards s’avère être le moyen le plus direct pour mettre un
terme à ces ruminations (Martin et Tesser, 1996). Les théories de l’auto-régulation proposent
un cadre théorique adapté à la conceptualisation d’une telle stratégie (e.g., Bandura, 1986 ;
Carver et Scheier, 1990 ; Kluger et DeNisi, 1996). Plusieurs fois évoquée, la théorie de
l’auto-régulation de Carver et Scheier (1990) propose, rappelons-le, un mécanisme de boucle
de rétroaction négative visant, lorsque cette boucle est activée (cf. Chapitre 2), à réduire la
divergence entre performance et standards. Ainsi, en se référant à la théorie de l’auto-
régulation, on peut penser que la menace aurait pour effet d’amener l’individu à s’investir
dans la tâche jusqu’à la résolution de la divergence — via une augmentation des
performances. De fait, il n’y aurait plus de rumination (cf. Martin et Tesser, 1996).
Cependant, comme nous l’avons vu au Chapitre 2, la théorie de l’auto-régulation
propose que la boucle de rétroaction négative cesserait son activité dès lors que le taux de
réduction de la divergence serait jugé trop faible (fonction d’évaluation de la progression ;
Carver et Scheier, 1990). En d’autres termes, lorsque l’attente de résultats, ou l’auto-efficacité
perçue pour reprendre les termes de Bandura (1986, 1997), est trop faible, l’individu se
désinvestirait de la tâche. Ce dernier cas de figure renvoie à ce que Kluger et DeNisi (1996)
qualifient d’abandon du standard.
La Théorie de l’Intervention des Feed-back (TIF ; Kulger et DeNisi, 1996), proche de
celle de Carver et Scheier (1990), propose une typologie de quatre stratégies visant à éliminer
ce que ces auteurs appellent l’écart feed-back-standard (feedback-standard gap). Ces quatre
stratégies se regroupent en deux types d’options : le changement et l’élimination.
La première option, celle impliquant un changement consiste à changer l’un des deux
termes du couple « comportement-standard ». Ceci peut alors prendre deux formes distinctes,
selon que le changement concerne l’un ou l’autre des composants du couple. Ainsi, quand le
changement porte sur le comportement — i.e., la performance —, les individus feraient plus
ou moins d’efforts selon le signe de la divergence. Notons que cette stratégie serait utilisée
uniquement si l’auto-efficacité perçue est suffisante. Lorsque le changement porte sur le
« positives ». Néanmoins, celles-ci n’étant pas directement pertinentes pour notre propos, elles ne seront pas
abordées ici.
Chapitre 5 : Menace de l’auto-évaluation et performances
132
standard, celui-ci serait augmenté ou diminué selon le sens de la divergence comportement-
standard.
L’option impliquant une élimination consiste, comme son nom l’indique, à éliminer
purement et simplement l’un des deux composants. Ainsi, cela peut mener soit à l’abandon du
standard, soit au rejet du feed-back. Au-delà des études réalisées dans le cadre de l’auto-
régulation19, un certain nombre de recherches illustrent, assez directement, les stratégies de
changement du comportement et d’abandon du standard. Ces études démontrent que
l’induction d’un faible nombre de feed-back d’échecs entraîne une amélioration de la
performance, alors qu’un nombre plus important induit une chute de la performance (e.g.,
Brockner et al., 1983 ; Mikulincer, 1988). Il est donc possible de voir ici une illustration des
stratégies de changement de comportement et d’abandon de standard (cf. Kluger et DeNisi,
1996). En effet, dans le premier cas, un seul feed-back ne suffisant pas à diminuer l’auto-
efficacité, la stratégie de changement du niveau d’effort pourrait être activée, d’où une
meilleure performance. En revanche, plusieurs feed-back d’échecs à la suite induiraient un
phénomène de résignation acquise (Mikulincer, 1988), expliquant l’abandon du standard et
donc une chute de performance. Réussir dans cette tâche ne ferait plus partie des buts de
l’individu.
Notons que Mikulincer (1988) interprète l’augmentation de performance comme une
illustration du phénomène de réactance (Brehm et Mann, 1975 ; Brehm, 1983). Ceci est
intéressant dans la mesure où le phénomène de réactance traduit l’état de tension
psychologique induit par la privation d’une liberté (Brehm et Mann, 1975 ; Brehm, 1983), en
d’autres termes d’une menace (cf. le « capable of free choice » de Steele, 1988, voir citation
de début de chapitre). En effet, selon Mikulincer (1988), l’état de réactance traduirait ici le
fait que l’individu veut réaffirmer sa « liberté » de parvenir à une bonne performance, en
d’autres termes, montrer qu’il dispose d’un contrôle sur celle-ci et qu’il peut donc être plus
performant.
Si la TIF (Kluger et DeNisi, 1996) possède beaucoup de points communs avec la
théorie de l’auto-régulation (Carver et Scheier, 1990), elle se distingue en postulant que
l’augmentation de l’effort ne mènerait pas toujours à une augmentation de performance. En
effet, pour Kluger et DeNisi (1996) le fait de se voir donner un feed-back pourrait diriger
19 Outre le fait que la théorie de l’auto-régulation n’utilise pas la notion de stratégie, nous remarquerons
la similitude entre ces deux stratégies et les principes proposés par Carver et Scheier (1990).
Chapitre 5 : Menace de l’auto-évaluation et performances
133
l’attention sur soi (voir Brunot, Huguet et Monteil, 2000), ce qui divertirait l’attention de la
tâche, créant ce que Baron et ses collaborateurs appelleraient une distraction (e.g., Baron,
1986 ; Groff et al., 1983 ; Sanders, 1981a). La TIF précise que l’attention sur soi favoriserait
les performances pour les tâches dominantes et inhiberait celles-ci pour les tâches non-
dominantes20. Kluger et DeNisi ajoutent que cette orientation de l’attention sur soi pourrait
entraîner une diminution des performances, du fait de la diminution des ressources cognitives
disponibles pour traiter la tâche. Ceci implique que le gain de motivation, induit par la
centration sur soi, ne favoriserait les performances que si la tâche est automatisée (donc, bien
apprise). Notons que la TIF ne prend pas en compte les effets du conflit attentionnel en tant
que tels, c’est-à-dire la focalisation sur les indices centraux, au détriment des indices
périphériques (Cohen, 1978). La TIF conduit, néanmoins, à penser que la simple présentation
de feed-back, ne correspondant pas aux standards, pourrait induire focalisation sur soi et
conflit attentionnel.
Dans le cadre de la TIF, deux éléments sont à prendre en compte, le feed-back, d’une
part et le but à atteindre, d’autre part. En effet, les études effectuées dans le cadre des théories
des feed-back ont, depuis longtemps, découvert le fait qu’un simple feed-back ne suffirait pas
à induire d’effet sur le comportement (e.g., Becker, 1978). En effet, il est également
nécessaire d’assigner un but, si celui-ci n’existait pas auparavant (e.g., Becker, 1978 ; Earley
et Erez, 1991). Earley et Erez (1991) suggèrent, à ce propos, que les individus accepteraient
assez facilement les buts qui leurs sont proposés. Il est probable que cela renvoie au fait
qu’une valeur de référence est nécessaire, en complément du feed-back lui-même, pour
pouvoir s’évaluer. Remarquons qu’un feed-back de comparaison sociale (i.e., un feed-back
comportant le score de l’individu ainsi que celui d’une cible de comparaison) permet de
répondre aux deux exigences, la performance d’autrui étant souvent utilisée comme standard
de référence (cf. chapitre précédent). Comme nous l’avons vu, lorsqu’un impact direct sur la
performance n’est pas possible, la TIF présente comme stratégies alternatives le fait de
changer ou d’éliminer le standard.
Ainsi, si la performance d’autrui sert effectivement de standard de référence, la
comparaison sociale des performances devrait, dans certains cas, amener l’individu à modifier
le standard, c’est-à-dire la performance d’autrui. Diminuer la performance d’autrui
20 Les termes « tâches dominantes » et « non-dominantes » sont repris tels qu’ils sont formulés dans
Kluger et DeNisi (1996). Pour ces auteurs, les tâches dominantes sont des tâches pour lesquelles, à l’inverse des
tâches non-dominantes, les automatismes amèneraient à des réponses correctes.
Chapitre 5 : Menace de l’auto-évaluation et performances
134
autoriserait, par voie de conséquence, la diminution de la menace de l’auto-évaluation (cf.
Tesser, 1988). Une étude réalisée dans le cadre du MES confirme une telle prédiction. En
effet, Tesser et Smith (1980) ont pu montrer que lorsque la dimension de comparaison est
importante pour les participants (ceci renforçant la menace induite par la comparaison), la
comparaison descendante les amenait à essayer de diminuer la performance de la cible (en
l’occurrence un ami).
De même, éliminer le standard en situation de comparaison sociale descendante
pourrait se traduire, quand la comparaison est menaçante, par un évitement de la comparaison
avec la cible et / ou une diminution de l’importance accordée à la dimension d’évaluation.
Tesser et ses collaborateurs (Tesser et Campbell, 1980 ; Tesser et Paulhus, 1983) ont
également pu vérifier une telle affirmation. En effet, dans l’étude de Tesser et Campbell
(1980), les participantes de la situation la plus menaçante — i.e., comparaison descendante
avec une autre fille présentée comme très similaire, donc très pertinente pour l’auto-
évaluation — donnaient des signes de différentiation sociale (Lemaine, 1974, 1980) ; celles-ci
préféraient ne plus se comparer à leur cible de comparaison, en choisissant de travailler sur
une tâche différente de celle sur laquelle elles avaient été infériorisées. De plus, la menace
amenait également les participantes à diminuer l’importance (self-relevance) de la dimension
associée à cette tâche (voir également Tesser et Paulhus, 1983).
Les données présentées ici signalent également la pertinence, dans une telle situation,
de la théorie de la différentiation sociale (Lemaine, 1974). Lemaine (1974) propose en effet la
notion de visibilité : les individus chercheraient à se distinguer, à être « vus », en occupant
des places privilégiées, notamment dans la comparaison à autrui (i.e., en situation de
comparaison descendante). Ce besoin d’originalité sociale se traduirait souvent, selon
Lemaine (1974), par des processus de différenciation sociale. Lorsque la comparaison avec
autrui n’est pas favorable et se caractérise par de faibles chances d’évolution positive,
l’individu mettrait en place des stratégies pour se distinguer positivement. Ainsi, quand
l’individu ne pense pas pouvoir atteindre une position dominante dans la comparaison (i.e.,
une situation de comparaison descendante), il mettrait en place des stratégies de
différentiation sociale. Pour ce faire, il pourrait notamment éviter la comparaison en
travaillant sur d’autres tâches, comme dans l’étude de Tesser et Campbell (1980). Il pourrait
également, lorsqu’il ne peut changer de tâche, introduire de nouveaux critères d’évaluation.
Lemaine (1974) présente par exemple une étude réalisée avec des enfants dans un
camp de vacances. Ces enfants étaient répartis en deux groupes et chaque groupe devait
Chapitre 5 : Menace de l’auto-évaluation et performances
135
construire une cabane. Il était précisé que le groupe réalisant la plus belle cabane serait
récompensé. L’un des deux groupes se voyait privé d’un élément important pour la réalisation
de cette tâche. Cette étude faisait apparaître que le groupe infériorisé tenta effectivement
d’instaurer un nouveau critère d’évaluation. Ils essayèrent selon les propres termes de
Lemaine (1974, page 35) : « to differentiate themselves from the others by doing ‘something
different’ from the favoured group ». En l’occurrence, ils construisirent un jardin devant leur
cabane et tentèrent de défendre l’idée que c’était sur ce nouveau critère que les performances
devaient être évaluées. Lemaine (1974) note que ceci n’était vrai que pour les enfants qui
n’avaient pas tout bonnement abandonné la tâche (en d’autres termes refusé la comparaison)
en voyant, qu’ils ne disposaient pas des moyens pour rivaliser avec leurs camarades du
groupe favorisé.
Ainsi, ces études démontrent que lorsque la réduction directe de la menace — via une
meilleure performance — n’est pas possible, l’individu dispose de multiples moyens pour y
parvenir de manière plus indirecte (e.g., Lemaine, 1974 ; Tesser et Campbell, 1980). Tesser
(2000, 2001), dans son modèle de la confluence (confluence model), propose de voir dans ces
différents types de résolution une illustration de la généralité des mécanismes associés à la
menace du soi.
2 Diminution de la menace et auto-évaluation
Nous avons vu en début de chapitre que Steele (1988), à l’instar de Tesser (1988),
suggère chez l’individu un besoin fondamental de diminution de la menace ; menace prise,
encore une fois, au sens d’une divergence entre l’état réel du sujet et l’image qu’il aimerait
avoir de lui-même (i.e., ses standards comportementaux). Pour Steele (1988), un certain
nombre de menaces pourrait être éliminé en réaffirmant l’intégrité du soi de quelque manière
que ce soit. Aussi, la théorie de l’auto-affirmation (Steele, 1988) postule-t-elle qu’un certain
nombre d’effets classiques de la psychologie sociale pourrait être expliqué par ce besoin
fondamental que Tesser (2000, 2001) qualifie d’estime de soi. En effet, Steele (1988) avance,
par exemple, que l’effet de rationalisation associé à la dissonance (Festinger, 1957) serait dû à
une motivation plus générale d’affirmation d’une image positive de soi. Ainsi, pour Steele
(1988), l’état de dissonance serait induit par l’inadéquation entre le comportement qu’un
individu est amené à adopter et l’image que celui-ci a de lui-même. De fait, si l’individu
dispose d’un moyen pour résoudre cette menace en réaffirmant l’intégrité du soi, l’effet de
Chapitre 5 : Menace de l’auto-évaluation et performances
136
rationalisation devrait disparaître. Or, Steele et Liu (1983) ont pu démontrer que le fait de
permettre aux individus de s’auto-affirmer faisait disparaître l’effet de rationalisation.
Tesser (2000, 2001), dans son modèle de la confluence, reprend l’idée qu’un très
grand nombre de mécanismes psychologiques — par exemple les phénomènes de
comparaison sociale, de dissonance et d’auto-affirmation — seraient sous-tendus par le même
besoin de maintien de l’auto-évaluation ou plus généralement d’une estime de soi positive.
Afin de le démontrer, Tesser invoque le principe de « substituabilité » (substituability), déjà
utilisé dans la démonstration de Steele et Liu (1983), et démontre que chacun de ces
mécanismes visant le même but — i.e., maintenir l’estime de soi — peut se substituer aux
autres. Steele et Liu (1983) démontraient que l’auto-affirmation pouvait se substituer à la
rationalisation, Tesser et al. (2000, étude 3) démontraient, pour leur part, que l’engagement
dans une situation de dissonance affectait notamment les mécanismes du MES.
Les participants de cette étude étaient placés en situation de dissonance forte ou faible
(Tesser et al., 2000, étude 3). Ils étaient amenés à accepter d’écrire un texte allant contre leurs
convictions dans une condition de faible choix (condition de faible dissonance) ou de libre
choix (condition de forte dissonance). Afin de voir si les mécanismes de MES étaient
influencés (et pouvaient donc se substituer) par ceux liés à la dissonance, les participants
devaient également décrire une situation de comparaison ascendante sur une dimension
importante pour eux (condition dite de « comparaison ») ou sur une dimension peu importante
(condition dite de « réflexion »). Selon le MES (Tesser, 1988), décrire une situation
impliquant une dimension pertinente pour le soi devait activer le processus de comparaison. A
l’inverse, décrire une situation impliquant une dimension pertinente pour le soi devait activer
le processus de réflexion. Rappelons que le MES postule qu’en cas d’activation de processus
de comparaison, plus la cible est proche psychologiquement et plus les situations de
comparaison ascendante sont menaçantes pour l’estime de soi. A l’inverse, le MES postule
qu’en cas d’activation de processus de réflexion et de situation de comparaison ascendante,
plus la cible est proche psychologiquement, plus le gain dans l’estime de soi est important. De
fait, si la situation de forte dissonance induisait effectivement une menace de l’estime de soi,
les participants de la condition dite de comparaison (i.e., dimension pertinente pour le soi)
devaient essayer de diminuer cette menace, en faisant référence à une comparaison impliquant
une cible de comparaison dont ils ne se sentaient pas proches psychologiquement. Cette
prédiction se trouvait confirmée par les résultats de cette étude. En effet, dans la condition de
comparaison, les participants en situation de forte dissonance tendaient à faire référence à des
Chapitre 5 : Menace de l’auto-évaluation et performances
137
cibles de comparaison dont ils étaient moins proches, que les participants de la situation de
faible dissonance. A l’inverse, les participants de la condition dite de réflexion (i.e.,
dimension non-pertinente pour le soi) devaient faire référence à des cibles de comparaison
plus proches d’eux, en situation de forte dissonance qu’en situation de faible dissonance. Ceci
était également confirmé par les données de cette étude. Les résultats obtenus sur la mesure
d’attitude concernant le thème dissonant ne révélaient, quant à eux, aucun changement
d’attitude. Selon Tesser et al. (2000), ceci confirmait que les mécanismes de réduction de la
menace, associés aux processus de comparaison et de réflexion, s’étaient substitués au
processus de réduction de la dissonance, c’est-à-dire la rationalisation. Ces recherches sont
intéressantes pour notre propos dans la mesure où elles indiquent l’importance et la généralité
des mécanismes visant à maintenir une auto-évaluation positive.
Les recherches effectuées par Koole, Smeets, van Knippenberg et Dijksterhuis (1999)
permettent d’illustrer les notions de pensées ruminantes (Martin et Tesser, 1996) et de
substituabilité (Tesser, 2000, 2001) abordées dans notre exposé. Cette étude comportait trois
conditions expérimentales. Les participants de deux de ces conditions étaient soumis à une
tâche censée mesurer les capacités analytiques, elles-mêmes corrélées avec l’intelligence
(Koole et al., 1999, étude 2). Les participants de ces deux conditions se voyaient attribuer un
feed-back d’échec. Ensuite, les participants de l’une de ces deux conditions remplissaient un
questionnaire portant sur un thème important pour eux (condition d’auto-affirmation). Ceux
de la seconde condition expérimentale recevaient un questionnaire portant sur un thème sans
importance (condition de non-affirmation). Enfin, les participants de la condition de contrôle
ne remplissaient aucun questionnaire et n’avaient pas effectué la première tâche. Pour finir,
tous les participants effectuaient une tâche de décision lexicale qui consistait à dire si les
suites de lettres présentées étaient des mots ou non.
Deux prédictions étaient testées. D’une part, l’échec devait induire des pensées
ruminantes (Martin et Tesser, 1996) et de fait augmenter l’accessibilité (Higgins, 1996) des
mots liés au concept d’intelligence. D’autre part, réaffirmer l’intégrité du soi, via l’induction
d’auto-affirmation, devait diminuer les pensées ruminantes et donc atténuer la différence
d’accessibilité entre les mots liés au concept d’intelligence et les mots neutres.
Les résultats de cette étude corroboraient ces deux prédictions. En effet, ces auteurs
observaient que les participants de la condition de « non-affirmation » étaient plus rapides
pour reconnaître les mots liés à l’intelligence, que les mots neutres. Ceci suggère, ce qui est
important pour notre propos, qu’un feed-back menaçant entraînerait effectivement des
Chapitre 5 : Menace de l’auto-évaluation et performances
138
pensées ruminantes. De plus, les participants de la condition d’auto-affirmation, tout comme
ceux de la condition de contrôle, ne montraient pas une plus grande rapidité pour les mots liés
à l’intelligence. Ainsi, la possibilité donnée aux participants de la condition d’auto-
affirmation de diminuer la menace les amenait à mettre un terme aux pensées ruminantes.
3 Performances et menace des stéréotypes
Nous venons de voir que l’échec dans une tâche censée mesurer l’intelligence tendait
à provoquer un phénomène de rumination mentale (Koole et al., 1999). Ces ruminations se
manifestaient par l’activation du concept d’intelligence. Que se passerait-il si les participants
n’avaient pas reçu de feed-back négatif mais avaient eu connaissance d’un stéréotype
d’infériorité de leur groupe sur une telle tâche ?
Une étude de Steele et Aronson (1995, étude 3) apporte une réponse à cette question.
Les deux tiers des participants de celle-ci apprenaient qu’ils allaient devoir réaliser deux
tâches. Pour un tiers des participants, la seconde tâche était présentée comme une tâche
permettant d’évaluer les capacités de raisonnement verbal et écrit, c’est-à-dire une tâche très
diagnostique de ces capacités (condition de tâche diagnostique). Un tiers des participants
apprenaient que leur capacité ne serait pas évaluée, mais qu’ils devaient tout de même essayer
de faire de leur mieux (condition de tâche non-diagnostique). Enfin, pour le dernier tiers des
participants, aucune mention n’était faite d’une seconde tâche (condition de contrôle). Les
participants réalisaient alors la première tâche qui était une tâche de complétion de mots.
Celle-ci consistait à ajouter des lettres pour des items du type « L A _ _ », afin d’en faire des
mots. Cette tâche mesurait le niveau d’activation des stéréotypes de la catégorie « Afro-
Américain ». En effet, le postulat est ici qu’en cas d’activation des stéréotypes de cette
catégorie, un item comme « L A _ _ » produirait le mot « LAZY » stéréotypique de cette
catégorie aux Etats-Unis. Les participants de cette étude étaient « noirs » ou « blancs ». Le
raisonnement des auteurs était que la présentation de la tâche comme une tâche diagnostique
d’une compétence associée à un stéréotype d’infériorité de la catégorie afro-américain, devait
entraîner une activation des stéréotypes pour les participants « noirs ».
Les résultats de cette étude confirmaient ces attentes. Ainsi, parmi les six conditions
d’un plan 2 (couleur : noir, blanc) × 3 (condition : diagnostique, non-diagnostique, contrôle),
une seule condition révélait un plus grand nombre de complétion de mots dans le sens des
stéréotypes : la condition noir-diagnostique. Steele et Aronson (1995) en concluent que les
situations d’évaluation de compétences associées à un stéréotype d’infériorité entraîneraient,
Chapitre 5 : Menace de l’auto-évaluation et performances
139
chez les victimes de ce stéréotype, une activation de pensées relatives à celui-ci. En d’autres
termes, ayant connaissance du stéréotype d’infériorité de leur groupe, les individus du groupe
stigmatisé seraient menacés par celui-ci, ce qui se traduirait par des pensées récurrentes.
Cette activation des stéréotypes a-t-elle des conséquences au niveau comportemental ?
Steele et Aronson (1995) font l’hypothèse que cette menace du stéréotype expliquerait, très
souvent, la différence de performance observée entre « blancs » et « noirs ». Ainsi, selon
Steele et Aronson (1995) les pensées récurrentes n’ayant pas trait à la résolution de la tâche,
elles pourraient créer de la distraction, réduire l’attention à un nombre d’éléments plus
restreints, augmenter l’anxiété, induire un désengagement de la tâche etc. et, de fait, réduire
les performances. Notons que ces auteurs n’évoquent pas la possibilité d’une amélioration de
la performance en situation de menace.
Lors de deux études princeps à la base d’un champ de recherche maintenant florissant,
ces auteurs (Steele et Aronson, 1995, études 1 et 2) sont effectivement parvenus à montrer
que les performances à un test standardisé de compétence verbale étaient grandement
modulées par le même type d’induction lié à la diagnosticité de la tâche. Le raisonnement des
auteurs était, encore une fois, que la présentation de la tâche comme une tâche diagnostique
d’une compétence associée à un stéréotype d’infériorité devait induire la menace liée aux
risques de confirmation de cette infériorité du groupe d’appartenance. Les résultats de cette
étude mettaient en évidence que les performances des participants « noirs » étaient
effectivement inférieures à celles des participants « blancs », mais uniquement lorsque la
tâche était présentée comme une tâche diagnostique. Lorsque la menace du stéréotype était
écartée, en présentant la tâche comme une tâche non diagnostique, les performances des
« noirs » et des « blancs » n’étaient plus significativement différentes21. Le phénomène de
menace des stéréotypes venait de naître. On parlera désormais de menace des stéréotypes :
« lorsque quelqu’un se trouve dans une situation telle qu’il risque de confirmer par son
comportement un stéréotype négatif dont son groupe social est la cible » (Désert et Leyens,
2002, page 128).
Les études réalisées à la suite de cette publication de Steele et Aronson (1995)
révèlent des effets similaires pour d’autres groupes réputés inférieurs. Ainsi, les performances
21 Notons que les analyses réalisées utilisaient le niveau de performance de base des participants comme
covariant. Dire que les différences entre noirs et blancs n’étaient plus significatives relèvent donc d’un abus de
langage. D’autres études réalisées sur la menace des stéréotypes sont cependant parvenues à montrer des effets
similaires sans avoir recours à de telles analyses (e.g., Croizet et Claire, 1998 ; Spencer, Steele et Quinn, 1999).
Chapitre 5 : Menace de l’auto-évaluation et performances
140
des participants de faible niveau socio-économique de l’étude (Croizet et Claire, 1998)
n’étaient plus inférieures à celles des participants de plus haut niveau socio-économique dès
lors que la tâche était présentée comme non diagnostique. De même, une diminution de la
menace des stéréotypes conduisait à faire disparaître les différences de performances entre
filles et garçons dans des tâches de mathématiques (e.g., Inzlicht et Ben-Zeev, 2000 ; Marx et
Roman, 2002 ; Spencer et al., 1999).
Inzlicht et Ben-Zeev (2000) utilisaient par exemple une induction très originale et
écologique. Ces auteurs manipulaient effectivement la composition des groupes de passation.
Ainsi, les performances des participantes sur une tâche de mathématiques étaient inférieures à
celles des garçons, mais uniquement lorsque les groupes de passation étaient mixtes. Aussi,
les performances des filles et des garçons étaient-elles équivalentes lorsque les groupes
étaient homogènes quant au genre. Il semble ici possible de penser que lorsque le groupe de
passation n’était pas mixte, la comparaison sociale intergroupe entre filles et garçons n’était
pas activée.
Dans le même ordre d’idée, Spencer et al. (1999) utilisaient des inductions quelque
peu différentes mais très pertinentes pour notre propos (voir également Blascovich, Spencer,
Quinn et Steele, 2001). La première étude avait pour objectif de s’assurer du fait qu’en
condition de passation classique, la performance en mathématiques des filles était inférieure à
celle des garçons. Ceci était confirmé dans le cas d’une tâche assez difficile ; aucune
différence n’était en revanche observée entre filles et garçons quand la tâche était plus facile.
Lors de la deuxième étude, la présentation des deux tâches (difficiles) proposées aux
participant(e)s était manipulée. L’expérimentateur leur précisait que la première tâche ne
révélait habituellement aucune différence entre filles et garçons (condition « pas de différence
de genre »), alors que tel n’était pas le cas pour la seconde (condition « différence de genre » ;
l’ordre des inductions était évidemment contre-balancé). Etant donné le stéréotype portant sur
l’infériorité des filles en mathématiques (voir Guimond et Roussel, 2002, pour des données en
Amérique du Nord et en France), nous pouvons penser que ces conditions s’apparentaient à
des conditions de comparaison latérale et ascendante (pour les filles) à un niveau intergroupe.
Notons, néanmoins, que les effets de la comparaison intergroupe ne mènent pas toujours aux
même types de résultats que ceux observés à un niveau interpersonnel (voir Rijsman, 1974,
1983). Dans certaines situations, on observe notamment de bonnes performances en
comparaison descendante intergroupe. Rijsman (1974, 1983) interprète ce type de résultat
comme le reflet d’une tendance à vouloir confirmer l’appartenance à un groupe supérieur.
Chapitre 5 : Menace de l’auto-évaluation et performances
141
Quoi qu’il en soit, dans la situation étudiée par Spencer et al. (1999), la diminution de la
menace, via la comparaison latérale (condition « pas de différence de genre »), faisait
disparaître l’infériorité des filles observée en condition « différence de genre », c’est-à-dire en
situation de comparaison ascendante. De plus, l’étude 3 permettait de confirmer que les
résultats de l’étude 2 traduisaient bien un effet positif de la diminution de la menace. En effet,
dans celle-ci, Spencer et al. observaient une différence entre les filles et les garçons dans une
condition de contrôle où rien n’était dit sur la différence filles-garçons. En revanche,
l’induction de comparaison latérale réduisait, une nouvelle fois, la menace : les performances
des filles n’étaient plus inférieures à celles des garçons.
Notons que l’utilisation d’une méthodologie assez similaire a permis à Aronson et al.
(1999) de montrer qu’il était possible de créer un stéréotype de « toutes pièces » (voir
également Leyens, Désert, Croizet et Darcis, 2000). En effet, pour la moitié des participants
(tous blancs et américains), il était expliqué que l’étude à laquelle ils allaient participer avait
pour but de découvrir pourquoi les étudiants asiatiques réussissaient mieux dans les tâches
mathématiques que les blancs. L’autre condition était une condition de contrôle. Les résultats
de cette étude révélaient que la performance des participants de la première condition (i.e.,
une condition de comparaison ascendante) était moins élevée que celle des participants du
groupe contrôle.
Nous remarquons donc que dans ces études, la menace, associée à la comparaison
ascendante induite ou intrinsèque au stéréotype, menait à la diminution des performances,
hormis quand la tâche n’était pas assez complexe (Spencer et al., 1999, étude 1). Prenons
également en considération le fait que les tâches utilisées sont toutes des tâches de
raisonnement verbal ou mathématique. Ceci nous amène à penser que ces résultats semblent
en accord avec les théories proposant (directement ou indirectement) que la menace induirait
des baisses de performance lorsque les tâches sont complexes, au sens où elles nécessitent la
prise en compte et l’articulation de beaucoup d’éléments (Baron, 1986 ; Cohen, 1978 ;
Easterbrook, 1959) et ne reposent pas sur des automatismes (Kluger et DeNisi, 1996).
Une étude récente augure d’une prise en compte plus importante des caractéristiques
des tâches utilisées dans ce champ de la littérature (Quinn et Spencer, 2001). Cela permettrait
d’explorer les mécanismes cognitifs sous-jacents à la diminution des performances. Cette
étude portait sur l’impact de la surcharge attentionnelle (due à la menace) sur la planification
dans la résolution de problèmes mathématiques. Quinn et Spencer (2001, étude 1) testaient
l’hypothèse que la menace des stéréotypes diminuerait les capacités à formuler des stratégies
Chapitre 5 : Menace de l’auto-évaluation et performances
142
de résolution de problèmes. Leur raisonnement était le suivant : si la diminution de ressources
cognitives attribuées à la tâche entrave la performance, en diminuant la capacité à formuler
des stratégies de résolution, aucun différence ne devrait apparaître lorsque la tâche ne requiert
pas une telle planification. Les auteurs proposaient donc deux types d’exercices de
mathématiques à des participant(e)s filles et garçons, en précisant clairement qu’il s’agissait
d’un test de mathématiques (ce qui est habituellement suffisant pour induire une différence
entre filles et garçons). Comme l’illustre le Tableau 1, le premier type de tâche (Word
problem test) était composé d’exercices de type problème. Ils ont la particularité de nécessiter
l’utilisation de stratégies de mise en équation de ce qui est présenté sous forme de mots. Le
second type renvoyait, quant à lui, aux mêmes connaissances mathématiques mais ne requiert
aucune stratégie de mise en équation.
Tableau 1. Exemple de problème présenté dans Quinn et Spencer (2001)
Exemple de « word problem test »
2. A sporting goods store sold 64 Frisbees in one week, some for $ 3.00 and the rest for $ 4.00 each. If the receipts from Frisbee sales for the week totalled $ 204, what is the fewest number of $ 4.00 Frisbees that could have been sold?
(a) 24 (b) 12 (c) 8 (d) 4 (e) 2
Exemple équivalent dans la version test numérique
2. 3 (64-x) + 4 (x) = 204
x =
(a) 24 (b) 12 (c) 8 (d) 4 (e) 2
Les résultats de cette étude confirmaient que les performances des garçons étaient
supérieures à celles des filles, mais uniquement pour la tâche de « word problem test ».
Lorsque la tâche ne nécessitait pas de stratégie de traduction en équation, la menace des
stéréotypes n’affectait pas les performances. Cette étude est très intéressante car elle souligne
l’importance de la prise en considération du type de tâche, afin de mieux cerner les
mécanismes cognitifs associés à la menace des stéréotypes. Notons qu’elle conforte, d’une
certaine manière, les résultats de Spencer et al. (1999) : la menace des stéréotypes n’apparaît
que sur des tâches complexes. Cette tâche est en effet plus complexe au sens où elle nécessite
l’intégration de plus d’informations. Si les compétences et connaissances mathématiques
nécessaires dans les deux tâches sont identiques (cf. Quinn et Spencer, 2001), il n’en reste pas
Chapitre 5 : Menace de l’auto-évaluation et performances
143
moins qu’une des deux tâches (celle de « word problem test ») sollicite l’intégration d’un plus
grand nombres d’éléments. De fait, la baisse de performance sur cette tâche (comme sur la
plupart des tâches utilisées dans le cadre de la menace des stéréotypes) pourrait également
traduire une augmentation de la focalisation attentionnelle.
Les travaux présentés sur la menace des stéréotypes paraissent supporter l’idée qu’une
menace de l’auto-évaluation — via l’appartenance au groupe et à la menace associée au
risque de confirmer l’image du groupe — amène à des régulations similaires à celles
observées jusque-là : centration sur soi, pensées ruminantes, focalisation de l’attention.
Notons, pour confirmer la parenté entre ce champ de recherche et ceux abordés plus avant,
que Croizet, Désert, Dutrévis et Leyens (manuscrit non publié, cité dans Croizet, Désert,
Dutrevis et Leyens, 2001) ont montré que l’utilisation d’une procédure de type « auto-
affirmation » (Steele, 1988) permettait d’éliminer les effets de menace des stéréotypes. Ceci
confirme l’hypothèse que les différents types de menace renverraient à un mécanisme plus
général de défense de l’auto-évaluation (Tesser, 2000, 2001).
Les résultats obtenus dans le cadre de la menace des stéréotypes peuvent également
évoquer, plus ou moins directement, deux lignes de recherches, dont l’une sera abordée plus
en détails dans la section suivante. Ces deux lignes de recherches concernent la théorie de
l’élaboration du conflit (Butera et Mugny, 2001 ; Pérez et Mugny, 1993 ; voir section
suivante) d’une part, et les études sur la mémoire auto-biographique d’autre part (Huguet,
Brunot et Monteil, 2001 ; Monteil, 1998).
Certaines études de cette seconde ligne de recherche sont assez proches de celles
effectuées dans le cadre de la menace des stéréotypes. Citons par exemple l’étude de Huguet
et al. (2001 ; voir aussi Monteil et Huguet, 1991) où les auteurs observaient que des
« mauvais élèves » (catégorisés comme tels sur la base de leur moyenne en classe)
réussissaient moins bien sur un test de reproduction de figure que des « bons élèves ».
Cependant, ceci était vrai uniquement quand la tâche était présentée comme une tâche de
géométrie. En effet, cette différence entre bons et mauvais élèves disparaissait dès lors que la
tâche était présentée comme une tâche de dessin.
La proximité entre ces résultats et ceux obtenus dans le contexte de la menace des
stéréotypes en manipulant la diagnosticité de la tâche est assez nette : lorsque la tâche renvoie
à un domaine associé à l’échec (soit personnel, soit « groupal »), les performances des
groupes stigmatisés, comme celles des mauvais élèves, se trouvent entravées. Huguet, Brunot
et Monteil (2001) voient néanmoins une différence importante. En effet, pour eux, les
Chapitre 5 : Menace de l’auto-évaluation et performances
144
antécédents des effets observés chez les mauvais élèves seraient plus à rechercher du côté de
l’adéquation entre la situation de feed-back et l’histoire de l’élève. Quoi qu’il en soit, dans les
deux cas, l’activation de pensées liées au soi produirait des perturbations émotionnelles et
cognitives susceptibles de diminuer les performances (Huguet, Brunot et Monteil, 2001). Ces
auteurs appellent à de nouvelles recherches visant à identifier les mécanismes communs à ces
deux phénomènes. Il serait, selon nous, intéressant de tester, par exemple, si une procédure
d’auto-affirmation serait à même de réduire, comme dans le cas de la menace des stéréotypes,
les effets délétères de la focalisation sur soi en milieu scolaire. Si tel était le cas, cela
attesterait de la parenté entre les effets de menace de l’auto-évaluation (Tesser, 2000) et ceux
liés à la mémoire auto-biographique.
En ce qui concerne les études sur l’influence sociale, nous allons voir, qu’à l’instar de
celles que nous avons vues sur la menace des stéréotypes, elles intègrent la notion de menace
dans la comparaison des compétences. De plus, il est possible de penser que ces recherches
supportent également l’idée d’un lien entre phénomènes de menace dans la comparaison et de
focalisation attentionnelle.
4 Menace et influence sociale
Si, comme nous allons le voir, il existe des points communs entre les recherches
abordées jusqu’à maintenant et celles réalisées dans le cadre de l’influence sociale, notons
cependant une différence fondamentale : l’individu est ici la cible d’une influence directe. En
effet, la plupart des études que nous avons évoquées traitaient d’influence sociale, au sens où
l’insertion sociale de l’individu modifiait son rapport à l’objet (Huguet et Monteil, 1992).
Cependant, les études portant sur l’influence sociale proprement dite s’intéressent, quant à
elles, à une influence que Zajonc (1980) qualifierait de « directive ». En effet, celles-ci
étudient l’impact de la prise de connaissance des réponses (sur le plan des opinions, comme
sur le plan des tâches d’aptitudes) d’autres individus ou groupe d’individus, ceci impliquant
des phénomènes d’imitation (e.g., Moscovici, 1980), de dissimilation (e.g., Lemaine, Lasch et
Ricateau, 1971), …
Les premières recherches tendaient à suggérer l’importance de la crédibilité des
sources d’influence (e.g., Hovland et Weiss, 1951 ; Kelman, 1961). Ainsi, dans cette
perspective, l’impact direct des sources d’influence se trouvait renforcé lorsque ces sources
étaient crédibles, comme par exemple des experts (Chaiken, 1987).
Chapitre 5 : Menace de l’auto-évaluation et performances
145
Toutefois, concernant l’influence que ces sources pouvaient avoir, des limites sont
rapidement apparues, tant dans le domaine des opinions (Moscovici, 1980) que des aptitudes
(Butera, Legrenzi et Mugny, 1993). Il apparaissait, en effet, que les sources de hauts statuts
(e.g., majorité, expert, …) voyaient souvent leur influence se limiter à un niveau direct, c’est-
à-dire immédiat ou manifeste. A l’inverse, les sources disposant a priori de moins de
« pouvoir social », les sources de bas statut (e.g., minorité, novice, …), se caractérisaient par
la possibilité de faire apparaître une influence plus indirecte, c’est-à-dire latente ou différée.
Cette idée se trouvait également confirmée par les études réalisées dans le cadre de
l’étude du développement social de l’intelligence (Doise et Mugny, 1997). Une de ces
expériences montrait que la coordination de points de vue avec des enfants de niveau de
développement cognitif très supérieur ne permettait pas aux enfants de niveau de
développement plus modeste de profiter réellement de l’interaction. Ceux-ci ne faisaient que
reprendre, c’est-à-dire imiter, les solutions proposées par les enfants plus sûrs de leurs
réponses (Doise et Mugny, 1997). La phase suivante, permettant de tester le niveau de
généralisation, démontrait en effet que les enfants plus jeunes n’avaient pas intégré le principe
organisateur de la réponse donnée en accord avec la source d’influence (i.e., l’enfant de
niveau de développement supérieur). En revanche, ces études ont permis d’attester de
l’existence d’effets de type constructiviste. Ainsi, sous certaines conditions (e.g., opposition
forcée de point de vue), il était possible de voir deux enfants de même (bas) niveau progresser
et ce, de manière stable. La confrontation avec une source d’influence de même niveau
permettait, grâce à la coordination des points de vue de chacun des deux enfants, de faire
naître des solutions nouvelles. Autrement dit, la confrontation à une source d’influence très
supérieure — i.e., une cible22 de comparaison ascendante forte — mènerait à une résolution
relationnelle, l’enfant reprenant la réponse d’autrui uniquement du fait de la supériorité de
statut de celui-ci. A l’inverse, la confrontation à une source de même niveau, voire de niveau
légèrement supérieur ou inférieur, mènerait à une résolution épistémique, c’est-à-dire centrée
sur la tâche. La bonne réponse n’étant pas a priori présente dans le champ, les enfants
seraient amenés à construire ensemble la situation et par-là même, découvrir les principes
organisateurs menant à une amélioration durable des compétences.
22 Le terme « cible » est pris ici dans son acceptation « comparaison sociale ». En effet, dans le champ
de l’influence sociale, le terme « cibles » se réfère aux cibles d’influence, donc les sujets eux-même. Ainsi, la
source d’influence — au sens « influence sociale » du terme — serait la cible de comparaison.
Chapitre 5 : Menace de l’auto-évaluation et performances
146
Ces deux types de résolution du conflit entre la réponse d’autrui et celle de l’individu
peuvent être rapprochés de deux types de motivations déjà abordés : d’une part, dans le cas
d’une résolution épistémique, la motivation à donner la meilleure réponse possible,
conception proche de l’amélioration de soi (self-improvement ; e.g., Ybema et Buunk, 1993) ;
d’autre part, dans le cas d’une résolution relationnelle, la motivation à conserver une image
positive de soi (self-enhancement ; e.g., Taylor et Brown, 1988 ; Brown, 1986). Concernant
cette dernière motivation, notons deux faits intéressants pour notre propos : 1) celle-ci est
souvent activée lorsqu’il y a une comparaison plus ou moins explicite des compétences (e.g.,
Mugny, Butera et Falomir, 2001) ; 2 ) elle s’accompagne souvent d’une restriction du champ
des réponses possibles, du fait que seul le point de vue de la source (ou dans certains cas du
sujet) est pris en compte.
Ces études de Doise et Mugny (1997) trouvent un écho dans le champ plus général de
l’influence sociale. En effet, si l’on s’accorde à penser que les sources d’influence
minoritaires sont généralement perçues comme moins compétentes que les sources
majoritaires (cf. Nemeth, 1986), on peut également avancer l’idée que ces deux types
d’influence joueraient différemment sur le traitement des informations. Les travaux de
Charlan Nemeth (1986) étayent cette proposition. Nemeth (1986) propose, en effet, que les
sources majoritaires engendreraient une focalisation de l’attention et diminueraient, par
conséquent, le nombre d’alternatives considérées. A l’inverse, pour Nemeth, les sources
minoritaires stimuleraient la prise en compte d’un plus grand nombre d’éléments, ce qui, dans
certaines situations, amènerait à détecter des solutions nouvelles et originales. Autrement dit,
les minorités induiraient un type de pensée divergent et les majorités un type de pensée
convergent (Nemeth, 1986). L’utilisation d’un test de figures cachées (hidden pattern test) a
permis à Nemeth et Wachtler (1983) d’illustrer cette idée. En effet, dans cette étude, la source
majoritaire induisait principalement un phénomène d’imitation ; les participants reprenaient
tout simplement la solution de la source. A l’inverse, la source minoritaire stimulait une
réexamination beaucoup plus active, « plus large », de la tâche, amenant à la proposition de
réponses nouvelles. De même, Nemeth et Kwan (1987) démontraient que, face à une majorité,
les participants ne faisaient que reprendre la stratégie utilisée par la source pour résoudre une
tâche d’anagramme. A l’inverse, la source minoritaire favorisait encore une fois l’utilisation
de stratégies plus différenciées (voir également Quiamzade, Tomei et Butera, 2000).
La Théorie de l’Elaboration du conflit (TEC ; Pérez et Mugny, 1993) permet, quant à
elle, de rendre compte des travaux de Nemeth (1986) et de ceux réalisés dans le cadre du
Chapitre 5 : Menace de l’auto-évaluation et performances
147
développement social de l’intelligence (Doise et Mugny, 1997). Outre les caractéristiques des
sources, la TEC propose de prendre en compte la représentation que les individus se font du
thème d’influence, autrement dit de la tâche. De plus, la TEC avance que caractéristiques de
la source et type de tâche (ou plus exactement représentation de la tâche) se combineraient
pour donner lieu à différentes formes de conflits. Les patterns d’influence observés seraient
directement liés à la forme prise par ces conflits. Un bon nombre d’études réalisées dans le
cadre de l’influence sociale traitent de tâches ayant des caractéristiques proches des tâches
que nous avons abordées tout au long de cette partie théorique. Ces tâches, dénommées tâches
d’aptitudes dans le cadre de la TEC, sont particulières pour deux raisons (Pérez et Mugny,
193). En premier lieu, les individus savent qu’il existe une réponse correcte mais ne savent
pas a priori laquelle. Les individus seraient, par ailleurs, motivés à trouver cette réponse. En
second lieu, ces tâches sont socialement ancrées. Répondre correctement donnerait de soi une
image de personne compétente, ce qui assignerait, en quelque sorte, à un (haut) niveau de
hiérarchisation sociale. Nous savons par ailleurs que les individus aiment à donner une image
positive d’eux-mêmes, sur des dimensions telles que la compétence (Steele, 1988).
Avec de telles tâches, l’influence d’une source majoritaire ou experte aurait pour
avantage de fournir une réponse ayant de fortes chances d’être correcte (cf. Nemeth, 1986).
L’individu serait donc tenté de l’imiter (Mugny et al., 2001). La confrontation à une source de
haut statut (i.e., experte ou majoritaire) présenterait néanmoins un désavantage. En effet,
comme le remarquent Mugny et al. (2001, page 227) : « considering the experts’ point of
view as the correct one results here in recognizing one’s own low competence — i.e., in
acknowledging a negative image in terms of competence ». Comme dans le cas des études de
Doise et Mugny (1997), on voit donc une nouvelle fois apparaître la confrontation entre des
aspects épistémiques — i.e., trouver la solution correcte pour la tâche proposée — et
relationnels c’est-à-dire liés à la comparaison sociale des compétences. Pour reprendre les
termes propres à cette approche, le conflit pourrait donc être d’ordre socio-cognitif ou d’ordre
relationnel (Pérez et Mugny, 1993 ; voir également Mugny et al., 2001).
La TEC postule en outre que c’est la perception des compétences relatives qui
déterminerait la forme prise par le conflit. Ainsi, lorsque la source d’influence est perçue
comme plus compétente que l’individu (i.e., comparaison ascendante), la comparaison sociale
des compétences serait menaçante et orienterait par conséquent vers un conflit de type
relationnel. A l’inverse, lorsque cette source ne représenterait pas une menace, en termes de
comparaison des compétences — cas des sources novices ou minoritaires — l’orientation du
Chapitre 5 : Menace de l’auto-évaluation et performances
148
conflit serait plutôt d’ordre socio-cognitive. Il est intéressant de noter que les théoriciens de
cette approche avancent que dans un tel contexte, la confrontation à une source de haut statut
conduirait à une focalisation de l’individu sur ses réponses propres ou sur celles de la source
(Butera et Buchs, sous presse). En revanche, face à une source de faible statut, apparaîtrait un
phénomène de décentration caractérisé par la diminution de la focalisation et la prise en
compte d’un plus grand nombre d’alternatives (Butera et Buchs, sous presse).
Dans la lignée de la TEC, le modèle de la gestion des compétences (Mugny et al.,
2001) introduit de façon encore plus explicite la notion de menace comme facteur explicatif.
Ainsi, même si la comparaison sociale des compétences avec une source de haut statut est
souvent menaçante, ce modèle conduit néanmoins à orthogonaliser les dimensions de
compétences perçues (i.e., le statut) de la source et de menace. Il deviendrait dès lors possible
de concevoir des situations où la comparaison sociale des compétences, avec une source plus
compétente que soi, ne serait pas menaçante. Ainsi, dans ces situations, le conflit ne serait
plus relationnel mais socio-cognitif, ce qui conduirait à une diminution de la focalisation sur
un nombre restreint d’informations, via un phénomène de décentration. A l’inverse, ceci rend
possible de concevoir des situations où la comparaison avec une cible de faibles compétences
serait tout de même menaçante et augmenterait cette fois la focalisation, ce qui diminuerait
par conséquent les effets constructivistes résultants de la décentration. Le conflit ne serait plus
socio-cognitif mais relationnel.
Nous avons vu que les études de Doise et Mugny (1997) faisaient apparaître des effets
constructivistes lorsque la résolution du conflit était orientée sur la tâche plus que sur la
comparaison sociale des compétences. Parmi les facteurs proposés pour expliquer ces effets,
nous avons vu que ces situations étaient caractérisées par une plus grande intégration des
différents points de vues. Nous allons maintenant présenter un certain nombre d’études testant
les différentes propositions dérivées de la TEC (Pérez et Mugny, 1993) et du modèle de
gestion des compétences (Mugny et al., 2001).
La première étape consistait à démontrer que les sources les moins menaçantes sur le
plan de la comparaison sociale, c’est-à-dire les sources de bas statut, favorisaient
effectivement l’apparition d’effets constructivistes, via une prise en compte plus importante
des différents points de vues. Pour ce faire, Butera, Legrenzi, Mugny et Pérez (1992) ont
utilisé une tâche de raisonnement inductif : la tâche du 2 – 4 – 6 de Wason. Le principe de
cette tâche est que les participants doivent proposer une hypothèse sous-tendant une suite de 3
chiffres (e.g., 2 – 4 – 6) et ensuite proposer un triplet pour tester cette hypothèse.
Chapitre 5 : Menace de l’auto-évaluation et performances
149
Classiquement, cette tâche fait apparaître un biais de confirmation d’hypothèse : les individus
proposent un triplet confirmatoire (e.g., 8 – 10 – 12, lorsque leur hypothèse est : chiffres de
deux en deux pairs et croissants), alors même que cette stratégie n’est pas diagnostique étant
donnée qu’elle ne renseigne pas sur la règle. En effet, une stratégie diagnostique est ici
d’utiliser un triplet infirmatoire, c’est-à-dire un triplet qui infirmerait l’hypothèse, s’il était
également en accord avec la règle (e.g., le triplet 12 – 10 – 8 pour tester le fait que la règle
implique une suite croissante). L’usage de stratégies infirmatoires étant l’exception, nous
parlerons ici d’effets constructivistes lorsque les participants utilisaient cette stratégie sans
que celle-ci ait été introduite explicitement par la source.
Butera et al. (1992) proposaient donc un exercice de ce type, en présentant en plus
l’hypothèse et le triplet précédemment proposé par une minorité versus une majorité de gens.
Le triplet proposé par la source représentait soit un test confirmatoire, soit un test
infirmatoire. Le raisonnement de Butera et al. (1992) était qu’une source minoritaire
centrerait moins les participants sur la comparaison des compétences et permettrait une
« ouverture du champ » (c’est-à-dire un phénomène de décentration ; Butera et Buchs, sous
presse) les amenant à prendre plus de solutions en compte (via un phénomène proche de celui
de pensée divergente de Nemeth, 1986). En conséquence, ceci favoriserait l’utilisation de
stratégies infirmatoires, non seulement quand la source elle-même utilisait cette stratégie
(condition « infirmatoire »), mais également quand elle ne l’avait pas utilisée (condition
« confirmatoire »). En revanche, la source majoritaire induisant un conflit de type plutôt
relationnel devait entraîner une focalisation sur la stratégie de la source et ne conduire à
l’utilisation de stratégie diagnostique (i.e., infirmatoire) que si la source l’avait elle-même
utilisée.
Les résultats mettaient en évidence que lorsque la source proposait un triplet
infirmatoire, aucune différence n’apparaissait entre source majoritaire et minoritaire. En
revanche, quand la stratégie diagnostique (i.e., infirmatoire) n’était pas utilisée par la source,
les participants confrontés à une minorité recouraient plus souvent à cette stratégie que ceux
confrontés à une majorité. Ce résultat était important car, dans cette condition, la stratégie
diagnostique (i.e., l’infirmation) n’avait pas été introduite dans le champ, il s’agissait donc
d’un effet constructiviste. Les participants confrontés à une source minoritaire n’avaient pas
été soumis à la menace de la comparaison avec une source de haut statut et pouvaient donc
résoudre la tâche en articulant toutes les informations disponibles (i.e., leur hypothèse et celle
de la source, ainsi que le triplet de la source).
Chapitre 5 : Menace de l’auto-évaluation et performances
150
L’étude de Butera et Mugny (1995) avait notamment comme objectif de généraliser
les résultats observés avec une source minoritaire, à une autre source de bas statut, c’est-à-
dire une source novice. Le second objectif était de montrer que l’effet « positif » d’une source
de bas statut disparaissait, si une menace dans la comparaison sociale des compétences était
introduite. Afin de renforcer la menace associée à la comparaison des compétences, les
participants de la condition dite d’interdépendance devaient, avant de commencer la tâche de
raisonnement, attribuer, à eux et à la source, des points de compétence. Cette attribution se
faisait sur un total de 100 points et de manière interdépendante (e.g., s’ils se donnaient 80
points, ils devaient donner 20 points à la source). A l’inverse, les participants de l’autre
condition pouvaient répartir ces points de manière indépendante sur un total de 200 points
(e.g., ils attribuaient à eux et à la source un score de 80 points, chacun pouvant avoir un score
de 0 à 100). Cette condition d’indépendance devait réduire au maximum la menace de la
comparaison des compétences, la compétence du sujet n’étant pas inversement
proportionnelle à celle de la source. L’hypothèse des auteurs était que la condition
d’interdépendance devait introduire une menace dans la comparaison des compétences et
donc diminuer les effets constructivistes normalement associés aux sources de bas statut
(Butera et al., 1992 ; Nemeth, 1986 ; Nemeth et Wachtler, 1983).
Comme attendu, les données de cette étude faisaient apparaître que la menace
introduite sur la comparaison des compétences diminuait l’utilisation de stratégies
d’infirmation23. Les participants de la condition d’interdépendance utilisaient moins souvent
cette stratégie que ceux de la condition d’indépendance. Ainsi, la menace associée à la
comparaison des compétences aurait recentré les participants sur leur propre hypothèse et par-
là même, les aurait amenés à utiliser une stratégie de confirmation.
Il restait à savoir s’il était possible de faciliter l’utilisation de stratégie d’infirmation
avec des sources de haut statut, en diminuant la menace intrinsèquement associée (du fait de
leur statut supérieur) à la comparaison des compétences avec ce type de source (Mugny et al.,
2001). Une étude présentée par Butera et Mugny (2001) permet de répondre à cette question.
La source utilisée dans cette étude était toujours une source experte, donc de haut statut. Afin
de diminuer la menace associée à la comparaison des compétences avec une source plus
compétente, Butera et Mugny (2001) avaient recours à deux inductions. La première
renvoyait à l’attribution de points de compétence de manière indépendante ou
23 Notons que dans cette étude la stratégie utilisée par la source était toujours confirmatoire.
Chapitre 5 : Menace de l’auto-évaluation et performances
151
interdépendante comme dans l’étude précédente. La seconde consistait à faire prendre
conscience à la moitié des participants de l’intérêt de la coordination de points de vue. Pour
ce faire, les auteurs utilisaient, avec la moitié des participants, l’induction de décentration
développée par Huguet, Mugny et Pérez (1991-92). Il s’agissait de demander aux participants
de décrire ce qu’ils voyaient dans une boite contenant une pyramide couchée. Une personne
regardait dans la boite sur l’un des côtés et voyait un carré, une autre personne regardait par-
dessus celle-ci et voyait un triangle. Seule la coordination des points de vue pouvait les
amener à conclure qu’il s’agissait d’une pyramide. Cette induction devait permettre aux
participants de réaliser l’importance de la prise en compte des informations dont dispose
chaque individu, indépendamment de ses compétences. De fait, ceci devait, au même titre que
l’induction d’indépendance, diminuer la tendance à se comparer défavorablement avec la
source et donc de la focalisation.
Rappelons que la source était toujours experte, la comparaison des compétences était
donc, a priori, menaçante. Les résultats de cette étude confirmaient que la diminution de cette
menace permettait de favoriser l’utilisation de stratégie infirmatoire. En effet, la condition où
le plus d’infirmations était observée était la condition d’indépendance couplée à l’induction
de décentration. A l’inverse, le plus faible taux d’infirmations apparaissait dans la condition
la plus menaçante, c’est-à-dire celle où les participants n’avaient pas participé à la procédure
de décentration et où la comparaison des compétences se faisait sur une échelle
d’interdépendance. Ainsi, cette étude suggérait qu’il était possible d’observer des effets
constructivistes (la source utilisait toujours une stratégie confirmatoire), même lorsque la
source était une source experte (donc de comparaison sociale ascendante). Pour ce faire, il
était néanmoins important de rendre la comparaison moins menaçante. Notons que des
résultats assez similaires ont pu être observés en utilisant une tâche d’anagrammes
(Quiamzade et al., 2000) et une tâche de figures cachées (Quiamzade, 2002, étude 2).
Dans l’ensemble, ces études illustrent l’idée que dans les situations d’influence
sociale, la menace dans la comparaison sociale des compétences mène à une moins grande
ouverture aux diverses informations (Butera et Buchs, sous presse). Dans ce contexte, la
menace induit donc une plus faible performance. A l’inverse, une moins grande centration sur
cette comparaison permet la prise en considération d’un nombre plus important d’éléments,
permettant dans une tâche de ce type de parvenir à une meilleure performance. Remarquons,
néanmoins, que la notion de bonne ou mauvaise performance peut parfois prêter à confusion.
En effet, pour prendre l’exemple des études sur le raisonnement inductif, comme le notent
Chapitre 5 : Menace de l’auto-évaluation et performances
152
Butera et Mugny (2001) les stratégies infirmatoires et confirmatoires ne sont pas bonnes ou
mauvaises en soi, elles renvoient uniquement à des stratégies adaptées à un contexte social
donné.
De plus, il est important de voir que, dans ces études, la focalisation de l’attention
n’est pas adaptée à la réponse définie comme correcte. Or, dans certains contextes et pour
certaines tâches, la focalisation de l’attention sur un petit nombre d’éléments peut être
bénéfique pour la performance. Une étude de Nemeth, Mosier et Chiles (1992) vient
confirmer ce raisonnement. En effet, dans cette étude, les auteurs proposaient à leurs
participants la célèbre tâche de Stroop. Rappelons que, dans cette tâche, la performance est
rendue difficile du fait qu’un élément — l’aspect sémantique du mot — vient interférer sur le
traitement de l’élément central dans la tâche, c’est-à-dire la couleur. Le raisonnement de
Nemeth et al. (1992) était qu’avec une tâche telle que celle-ci, la focalisation induite par les
sources majoritaires devait être bénéfique en termes de performance. Les résultats viennent
confirmer ce raisonnement : les participants confrontés à une source majoritaire réussissaient
mieux la tâche que les participants du groupe contrôle. Ainsi, la menace associée à la
comparaison avec une source d’influence de haut statut ne serait pas intrinsèquement
mauvaise pour les performances.
5 Menace, distraction et allocation d’attention
Comme nous l’avons vu en début de ce chapitre, le besoin d’une auto-évaluation
positive apparaît être un besoin fondamental (Steele, 1988 ; Tesser, 2000, 2001). De fait, nous
avons vu que la menace induite par une divergence entre standards et auto-évaluation pouvait
donner lieu à des pensées ruminantes (e.g., Koole et al., 1999). Aussi, les situations de
menace, ou de menace potentielle, de l’auto-évaluation tendent-elles à moduler l’attention
attribuée à la tâche. En d’autres termes, ces pensées ruminantes seraient des sources de
distraction (Baron, 1986 ; Sanders et al., 1978), une part de l’attention n’étant plus
directement centrée sur la tâche.
En accord avec cette idée, nous avons vu qu’en situation de menace, l’attention se
trouvait centrée sur un nombre plus restreint d’informations (Butera et Buchs, sous presse) et
qu’il était plus difficile d’intégrer les différentes informations présentées (Quinn et Spencer,
2001). A l’inverse, nous avons pu voir qu’une diminution de la menace de l’auto-évaluation
permettait de mettre un terme aux pensées ruminantes (Koole et al., 1999). En outre, les
individus intégraient un plus grand nombre d’éléments, dès lors qu’ils se trouvaient centrés
Chapitre 5 : Menace de l’auto-évaluation et performances
153
sur la tâche et non sur la comparaison des compétences (e.g., Mugny et al., 2001). Autrement
dit, lorsque la situation était moins menaçante pour l’auto-évaluation.
CHAPITRE 6 _______________________________________________________________________
Effet de coaction, focalisation attentionnelle et menace de l’auto-évaluation :
proposition d’un axe de recherche
Au cours de l’évocation des travaux sur les effets de facilitation-inhibition sociale,
deux questions ont été abordées. La première concernait l’effet de la présence d’autrui. Nous
avons vu que sous l’impulsion de Zajonc (1965), l’explication traditionnelle postule que cette
présence influencerait la hiérarchisation des réponses dans le répertoire comportemental. En
présence d’autrui, les réponses dominantes seraient renforcées : elles apparaîtraient plus
souvent et plus rapidement. Néanmoins, un certain nombre d’approches suggère désormais
que la présence d’autrui ne renforce pas les réponses dominantes, mais induit une
augmentation de la focalisation attentionnelle (e.g., Baron, 1986 ; Geen, 1989). La seconde
question portait sur les conditions d’apparition des effets de facilitation-inhibition sociale. La
simple présence d’une audience ou d’un coacteur est-elle suffisante comme le propose Zajonc
(1965) ? L’axe de recherche que nous présenterons tentera d’aborder ces deux questions, dans
le cadre plus spécifique des effets de coaction.
1 Effet de coaction : réponse dominante versus focalisation attentionnelle
La notion de réponse dominante est, bien évidemment, intimement liée à celle de drive
(cf. Zajonc, 1965, 1980). Cependant, nous avons pu voir qu’il est difficile de tester réellement
l’idée d’une augmentation du drive per se. Les preuves à l’appui du concept de drive sont
toujours plus ou moins indirectes. Celui-ci est inféré sur la base des effets observés ou sur la
base d’indices physiologiques, souvent discutables (e.g., Blascovich et al., 1999 ; Blascovich
et Tomaka, 1996). De plus, certains auteurs comme Easterbrook (1959) avancent que
l’augmentation du drive induirait une focalisation de l’attention. Dans de telles conditions, il
devient difficile d’opposer une approche attentionnelle à une approche en termes de drive. En
revanche, il reste possible d’opposer les explications en termes de réponses dominantes et de
focalisation attentionnelle. De fait, nous laisserons de côté la question du drive et nous
confronterons ces deux approches.
Il existe évidemment, comme nous l’avons dans le Chapitre 1, des preuves d’effets de
la présence d’autrui, interprétables en termes de réponses dominantes (voir Platania et Moran,
Chapitre 6 : Effet de coaction, focalisation attentionnelle et menace de l’auto-évaluation
156
2001, pour un exemple récent). Néanmoins, les résultats présentés lors du Chapitre 3
indiquent qu’il existe également des preuves en faveur d’un impact de la présence d’autrui sur
la focalisation attentionnelle (e.g., Geen, 1976). Peu de recherches ont toutefois opposé
directement ces deux approches. Les travaux de Huguet et ses collaborateurs (1999), évoqués
à maintes reprises, font exception dans ce domaine. En effet, ces études avaient pour but
explicite de confronter ces deux approches grâce à la tâche de Stroop. Rappelons que
l’interférence de Stroop serait due à l’incontrôlabilité de la lecture, qui en ferait la tendance
dominante (cf. Huguet et al., 1999, 2002). A l’appui de cet argument notons par ailleurs, que
dans sa forme classique, la tâche de Stroop ne fait pas apparaître d’interférence de la couleur24
sur la lecture des mots (e.g., Stroop, 1935). En effet, lorsque la tâche des sujets est de lire les
mots, les temps de réponse ne sont généralement pas ralentis par une couleur d’encre non-
congruente. Il est donc raisonnable de soutenir que la lecture est bien la tendance dominante25
dans cette tâche.
De fait, si cette tendance dominante était renforcée par la présence d’autrui, celle-ci
devrait induire un renforcement de l’interférence de Stroop (cf. Huguet et al., 1999, 2002). A
l’inverse, si la présence d’autrui favorisait la focalisation sur les indices centraux dans la
réalisation de la tâche — i.e., la couleur des mots —, celle-ci devrait atténuer l’interférence de
Stroop. Les données de Huguet et al. (1999) confortent l’idée que les effets de présence
d’audience et de coacteur seraient dus à un phénomène de focalisation attentionnelle. En effet,
ces études font ressortir des effets de facilitation et non d’inhibition en présence d’autrui
(Huguet et al., 1999). En résumé, l’utilisation de la tâche de Stroop présente donc clairement
deux avantages pour un test opposant une approche attentionnelle à une approche en termes
de réponses dominantes. En premier lieu, la focalisation de l’attention permet de rendre
aisément compte des effets de facilitation sociale observés dans cette tâche, du fait que seuls
les indices centraux (i.e., la couleur des mots) sont nécessaires et que les indices
périphériques (i.e., le sens des mots) interfèrent dans la réalisation de celle-ci. En second lieu,
24 Notons que dans la littérature, un tel effet est désigné du nom de Stroop inversé (e.g., Durgin, 2000). 25 Nous utilisons ici l’expression « tendance dominante » et non « réponse dominante ». Cette
expression est pour nous plus générale et peut renvoyer soit au processus dominant (ici la lecture) soit à la
réponse proprement dite. Lorsque le terme de tendance sera utilisé en référence à cette réponse, nous préciserons
« tendance dominante dans la production de réponse ». Notons que Zajonc (1965, 1980) n’opére pas une telle
distinction. De fait quand nous parlerons « d’approche en termes de réponses dominantes » ceci pourra renvoyer
soit au renforcement du processus lui-même, soit au renforcement d’un type de réponse comportementale.
Chapitre 6 : Effet de coaction, focalisation attentionnelle et menace de l’auto-évaluation
157
il semble clair que la tendance dominante dans cette tâche est la lecture, celle-ci s’imposant
de manière quasi-automatique (Kahneman et Chajczyk, 1983), tout au moins à un stade
précoce du traitement de l’information. Nous précisons ici « à un stade précoce du traitement
de l’information » car de l’avis même de Huguet et ses collaborateurs (2002 ; voir également
Galvaing, 2000) : « on admettra que la tendance dominante n’est plus la lecture des mots au
stade final de la production de réponse » (page 199, note 1). En effet, le processus de lecture,
s’il s’impose à un stade précoce dans le traitement de l’information, ne s’impose pas lors de la
production des réponses, ce qui se reflète dans le très faible taux d’erreurs observé (inférieur à
5 %) dans les études de Huguet et al. (1999). Ainsi, l’identification correcte des couleurs
pourrait être tenue pour la réponse dominante dans cette tâche, si l’on se réfère aux réponses
comportementales et non au processus dominant à un stade plus précoce dans le traitement de
l’information. Ceci autoriserait donc une réinterprétation en termes de réponses dominantes
des résultats observés sur la tâche de Stroop : autrui en renforçant la réponse dominante (i.e.,
l’identification correcte des couleurs) favoriserait les performances.
Afin d’éviter toutes réinterprétations en termes de réponses dominantes (Zajonc,
1965), nous tâcherons de tester l’effet de la coaction sur une tâche où le renforcement des
tendances dominantes au niveau de la production de réponse ne pourra favoriser les
performances. Pour ce faire, il sera important de tester l’effet de la coaction sur une tâche où
la probabilité d’apparition des bonnes réponses sera inférieure à 50 % en condition
d’isolement. En effet, un taux de bonnes réponses inférieur à 50 % indiquerait que les
réponses qui dominent ne sont pas correctes. De fait, si les réponses dominantes ne sont pas
correctes, le renforcement de celles-ci, par la présence d’autrui, devrait inhiber les
performances (Zajonc, 1965, 1980). Or, si cette tâche, comme celle de Stroop, permet
d’attendre un effet bénéfique de la focalisation, une approche attentionnelle mènerait à une
prédiction opposée, c’est-à-dire un effet bénéfique de la présence d’autrui.
Dans cet objectif, nous utiliserons une tâche classiquement utilisée pour faire
apparaître une illusion perceptive : les conjonctions illusoires. Cette tâche est très pertinente
pour notre propos, notamment parce que cette illusion serait due à un déficit dans la
focalisation attentionnelle (Treisman, 1998). Ainsi, si la présence d’un coacteur devait
favoriser la focalisation, cette illusion devrait être réduite. A l’inverse, comme nous le
verrons, le taux d’erreurs sur cette tâche est très souvent supérieur à 50 %, ce qui ferait de la
réponse dominante, une réponse incorrecte. Par conséquent, une approche en termes de
réponses dominantes prédirait, quant à elle, une augmentation des conjonctions illusoires.
Chapitre 6 : Effet de coaction, focalisation attentionnelle et menace de l’auto-évaluation
158
2 Conditions d’apparition des effets de coaction : vers une interprétation en termes de
menace de l’auto-évaluation
Comme l’une de ses appellations l’indique, la théorie de la simple présence d’autrui de
Zajonc (1965, 1980) postule que la présence d’autrui est une condition nécessaire et suffisante
à l’apparition des effets de facilitation-inhibition sociale. Ainsi, la simple présence d’un
coacteur devrait induire des effets de type drive. Guerin (1993), quant à lui, postule que la
présence d’autrui n’est pas toujours suffisante. Autrui doit notamment être imprévisible. Ceci
amène Guerin à défendre l’idée que la présence d’un coacteur serait moins susceptible de
faire apparaître des effets de facilitation-inhibition sociale. Un coacteur serait moins
imprévisible car il réalise la même tâche que le sujet.
Cependant, à l’encontre de la position de Guerin (1993), la présence d’un coacteur
peut parfois induire des effets de type drive (e.g., Harkins, 1987). Par ailleurs, à l’encontre de
celle de Zajonc (1965), la simple présence d’autrui ne semble pas toujours suffisante (e.g.,
Sanders et al., 1978). En effet, les études présentées dans le domaine de la comparaison
sociale tendent à montrer que ces effets sont dépendants du mouvement unidirectionnel vers
le haut (Rijsman, 1974 ; Seta, 1982). Les études présentées dans le cadre de la théorie du
conflit-distraction démontrent, pour leur part, que la présence du coacteur ne donne lieu à des
effets de type drive que si autrui est une source de distraction (Gastorf et al., 1980 ; Sanders et
al., 1978), notamment du fait qu’il est une source d’information de comparaison sociale.
Nous avons vu que la théorie du conflit-distraction (Baron, 1986) ne formule pas
directement de prédictions en rapport avec la direction de la comparaison sociale. Néanmoins,
dans le cadre de cette théorie autrui est une source de distraction car il représente un moyen
de répondre à la question de savoir si la performance réalisée est satisfaisante. De fait, comme
nous avons pu le voir dans le Chapitre 4, toutes cibles de comparaison ne représentent pas le
même intérêt pour l’auto-évaluation. Les cibles de comparaison descendante seraient, en
effet, moins pertinentes dans une telle optique. Sur la base de ces travaux et de ceux portant
sur les effets de la menace sur les performances, nous tâcherons de démontrer que les effets
de coaction sont modulés par la menace de l’auto-évaluation. Ainsi, nous tenterons de
montrer que la présence d’un coacteur n’induit de distraction, et donc de focalisation
attentionnelle, que s’il existe une menace ou un risque de menace (rendant la comparaison
pertinente) de l’auto-évaluation.
En résumé, l’articulation de la théorie du conflit-distraction avec les principes de la
comparaison sociale (notamment du mouvement unidirectionnel vers le haut) permet de
Chapitre 6 : Effet de coaction, focalisation attentionnelle et menace de l’auto-évaluation
159
formuler l’hypothèse de travail suivante : la simple présence d’un coacteur induit une
augmentation de la focalisation attentionnelle, dans la mesure où celui-ci est une source de
distraction, c’est-à-dire tant qu’il existe une menace ou un risque de menace de l’auto-
évaluation.
CHAPITRE 7 ______________________________________________________________________
Effet de coaction et focalisation attentionnelle, ou comment réduire l’effet de
conjonction illusoire
Le but principal de ce premier chapitre expérimental est de traiter la question de
l’impact de la coaction sur la focalisation attentionnelle. Pour ce faire, nous tâcherons de
montrer que la présence d’un coacteur permet de réduire une illusion perceptive,
classiquement interprétée en termes de déficit de traitement attentionnel. De plus, dans le
cadre de ce paradigme, les approches en termes de focalisation attentionnelle et de réponses
dominantes conduisent à formuler des prédictions opposées. Cette étude nous permettra par
ailleurs d’avancer de premiers arguments confortant l’idée que la présence d’un coacteur n’est
pas une condition suffisante à l’apparition de ces effets attentionnels. Aussi, présenterons-
nous des données permettant de penser qu’une diminution de la distraction, induite par la
présence de celui-ci, annule les effets de coaction.
1 Introduction
Selon les approches en termes de réponses dominantes (e.g., Cottrell et al., 1968 ;
Sanders et Baron, 1975 ; Zajonc, 1965), la présence d’autrui favoriserait les performances
lorsque celles-ci sont correctes et les inhiberait lorsqu’elles sont incorrectes. Les
interprétations attentionnelles proposent, quant à elles, que la présence d’autrui augmenterait
la focalisation (e.g., Baron, 1986 ; Cohen, 1978 ; Geen, 1989). Ceci implique qu’en présence
d’autrui, une part plus importante de l’attention serait attribuée aux éléments centraux, au
détriment des éléments plus périphériques dans la réalisation de la tâche. De fait, lorsque les
indices centraux sont suffisants, la présence d’autrui favoriserait les performances.
Néanmoins, si tous les éléments présentés sont nécessaires, la présence d’autrui inhiberait la
performance. Une stratégie de confrontation possible consiste à utiliser une tâche pour
laquelle la réponse dominante n’est pas correcte, mais où les indices centraux sont suffisants.
Baron (1986) et Cohen (1978) proposaient déjà de recourir, pour cela, à la tâche de Stroop.
Chapitre 7 : Effet de coaction et focalisation attentionnelle
162
1.1 Interférence de Stroop et effet de facilitation-inhibition sociale
Comme nous avons pu le voir dans les Chapitres 3 et 6, le recours à la tâche de Stroop
est en effet pertinent pour plusieurs raisons. Rappelons tout d’abord que dans cette tâche, les
participants doivent dénommer la couleur d’un certain nombre d’items. Ceux-ci sont soit des
items contrôles, e.g., des suites de croix (XXXX), soit des items tests, c’est-à-dire des mots
dont la signification est incongruente avec la couleur de l’encre (e.g., le mot BLEU écrit en
vert). L’interférence de Stroop désigne le fait que les temps de réponse sont généralement
plus longs sur les items tests que sur les items contrôles (cf. Mac Leod, 1991).
L’interprétation classique est que l’aspect sémantique du mot serait traité automatiquement et
viendrait donc perturber la réponse du sujet (voir MacLeod, 1991, pour une revue de
question). Cette tâche est directement pertinente du fait qu’une inhibition des indices
périphériques — i.e., le sens des mots — devrait mener à une diminution de l’interférence de
la lecture. Ainsi, une approche attentionnelle prédirait une diminution de l’interférence en
présence d’autrui. De plus, la lecture étant souvent considérée automatique (MacLeod, 1991 ;
voir Kahneman et Chajczyk, 1983 ; Logan et Zbrodoff, 1982 ; Logan, Zbrodoff et
Williamson, 1984, pour un point de vue divergent), il paraît possible de défendre l’idée que la
tendance dominante est la lecture (Huguet et al., 1999, 2002 ; Galvaing, 2000) ; une approche
en termes de réponses dominantes prédirait, par conséquent, une augmentation, et non une
diminution, de l’interférence en présence d’autrui.
Rappelons que pour la théorie du conflit-distraction (Baron, 1986), autrui induirait des
effets de facilitation-inhibition sociale du fait qu’il représente une source de distraction. Or,
Hartley et Adams (1974) montraient déjà qu’une source de distraction « physique » — i.e., du
bruit — diminuait l’interférence de Stroop ; un premier résultat en accord avec l’idée que la
distraction induirait une plus grande focalisation attentionnelle. Plus récemment, les études de
Huguet et al. (1999), déjà largement évoquées, avaient explicitement comme objectif la
confrontation des approches en termes de réponses dominantes et de focalisation
attentionnelle.
Lors de leur première étude, Huguet et al. (1999) comparent différentes situations de
présence d’autrui avec une condition d’isolement. En accord avec une approche
attentionnelle, les résultats de cette étude faisaient ressortir que la présence d’une audience
attentive (i.e., un compère regardant le participant pendant 60 % du temps de réalisation de la
tâche) diminuait l’interférence de Stroop. Ainsi, la présence d’autrui ne serait pas associée
avec un renforcement de la tendance dominante, mais plutôt à une augmentation de la
Chapitre 7 : Effet de coaction et focalisation attentionnelle
163
focalisation attentionnelle. Ces auteurs rapportent également que les mots utilisés comme
items tests (i.e., des mots associés à des couleurs, comme par exemple les mots CIEL,
CERISE, …) étaient moins bien reconnus lors de la tâche de reconnaissance présentée en
post-test. L’inhibition des indices périphériques — en l’occurrence l’aspect sémantique des
mots — induite par la présence d’autrui aurait donc empêchée l’encodage des mots tests. Ces
résultats, directement interprétables en termes de focalisation attentionnelle, confirmaient les
prédictions issues de la théorie du conflit-distraction (cf. Huguet et al., 1999).
Une seconde étude visait à tester l’impact de la présence d’autrui en situation de
coaction. Les participants étaient seuls ou en présence d’un coacteur. De plus, le coacteur (un
compère) était soit plus rapide (situation de comparaison ascendante), soit aussi rapide
(situation de comparaison latérale), soit moins rapide que les participants (situation de
comparaison descendante). Le raisonnement de Huguet et al. était que le coacteur étant
physiquement présent dans tous les cas, il serait par conséquent une source de distraction dans
toutes les conditions de coaction. Selon ces auteurs, la théorie du conflit-distraction prédirait,
de fait, une diminution de l’interférence dans toutes ces conditions. Huguet et al. formulaient,
pour leur part, des prédictions basées sur la notion de mouvement unidirectionnel vers le haut
(Festinger, 1954 ; Rijsman, 1974, 1983 ; Seta, 1982). Ainsi, après avoir rappelé que la
coaction ne semblait favoriser les performances qu’en situation de légère comparaison
ascendante (Seta, 1982 ; Seta et al., 1991 ; Rijsman, 1974) et de comparaison latérale
(Rijsman, 1974), Huguet et al. (1999) précisent :
« Although the role of distraction was not investigated in these studies, it seems that
the motivation to do better in the presence of others, and not distraction per se, explained the
performance effects. Likewise, if the motivation do to better than others plays a crucial role in
the Experiment 2 (i.e., if distraction is not the key process), Stroop interference should
decrease only when participants engage in lateral or slightly upward social comparison with
the person present. » (page 1017).
Globalement en accord avec ces prédictions, les données de cette étude font apparaître
une forte diminution de l’interférence en comparaison ascendante, mais pas en comparaison
descendante (l’interférence observée en comparaison latérale étant intermédiaire). De plus, là
encore, la condition présentant la plus faible interférence — i.e., la condition de comparaison
ascendante — présentait un taux de reconnaissance plus faible.
Selon Huguet et al. ces résultats n’étaient donc pas en accord avec la théorie du
conflit-distraction. En effet, pour eux, le coacteur serait dans tous les cas une source de
Chapitre 7 : Effet de coaction et focalisation attentionnelle
164
distraction. Par conséquent la notion de distraction ne pourrait rendre compte de ces résultats.
De plus, à l’appui de l’idée que le coacteur serait une source de distraction dans toutes les
conditions, Huguet et al. rapportent que les participants des trois conditions de comparaison
sociale étaient capables de rapporter correctement le fait que le coacteur était plus rapide,
aussi rapide ou moins rapide qu’eux. En revanche, pour ces auteurs, les prédictions formulées
sur la base du mouvement unidirectionnel vers le haut étaient confortées. En effet, la direction
de la comparaison sociale modulait bien les effets de coaction. De fait, Huguet et al. (2000,
page 382) interprètent ces résultats en termes de mouvement unidirectionnel vers le haut :
« our suggestion is that participants who compared upward engaged consciously or
strategically in attention focusing as a means to prevent further self-threatening comparison ».
La focalisation attentionnelle serait donc le résultat d’une inhibition stratégique (consciente)
de la lecture, motivée par la situation d’infériorité (Huguet et al., 2002 ; Huguet et al., 2000 ;
Huguet et al., 1999). Les participants, se rendant compte que la lecture les ralentit, seraient
motivés à inhiber celle-ci. La littérature concernant l’effet Stroop autorise une telle
interprétation en termes de stratégie d’inhibition. Certains auteurs ont effectivement démontré
que l’utilisation de stratégies pouvait diminuer, voire faire disparaître, l’interférence de
Stroop (e.g., Logan et al., 1984). En outre, notons que cette stratégie peut être systématique.
Les individus pourraient avoir inhibé la même tendance apprise — i.e., la lecture — sur
l’ensemble des items proposés.
Huguet et al. (2002) reconnaissaient, cependant, que la condition de comparaison
ascendante était la plus menaçante (en termes d’auto-évaluation) et pouvait donc induire une
plus forte distraction. Cette interprétation était toutefois rejetée sur la base des indices de
distraction auto-reportés et de l’exactitude dans l’estimation de la différence de performance
entre soi et autrui. Nous voyons, pour notre part, plusieurs raisons de ne pas rejeter d’emblée
une interprétation en termes de distraction.
En ce qui concerne les mesures de distraction auto-reportée, nous avons pu voir dans
le Chapitre 3, que celles-ci permettaient assez rarement de statuer sur les effets observés sur
les performances. La difficulté d’accès aux processus mentaux peut aisément expliquer
l’inconsistance des données récoltées par ce biais (Nisbett et Wilson, 1977).
A propos de la mesure d’exactitude dans l’évaluation de la direction de la
comparaison sociale, deux arguments permettent de ne pas voir là une remise en question de
l’idée que la condition de comparaison ascendante serait associée à une plus forte distraction.
Rappelons tout d’abord que la direction de la comparaison sociale était manipulée via la
Chapitre 7 : Effet de coaction et focalisation attentionnelle
165
rapidité du participant et du coacteur. De fait, il ne serait peut-être pas réellement nécessaire
de porter attention au coacteur tout au long de l’expérience pour se rendre compte que celui-ci
était plus ou moins rapide. Il nous apparaît donc possible qu’un jugement exact, concernant la
direction de la comparaison, ait pu être porté, sans pour autant nécessiter la même quantité
d’attention. Si l’on pousse ce raisonnement à l’extrême, on peut même penser qu’il suffisait
aux participants de noter qu’ils finissaient avant ou après le coacteur pour savoir s’ils étaient
ou non supérieurs à lui. Quoi qu’il en soit, la finesse de cette mesure ne semble pas permettre
de statuer sur l’attention portée au coacteur.
Le second argument renvoie à l’étude Sanders et al. (1978, voir Chapitre 3), étude qui
disposait du même type de mesure — i.e., évaluation de performances respectives. Au niveau
conceptuel, cette étude faisait apparaître un même résultat concernant les performances :
quand il n’y avait plus de menace dans la comparaison des performances — chez Huguet et
al. du fait de la direction de la comparaison sociale et chez Sanders et al. du fait qu’autrui
travaillait sur une autre tâche — l’effet de coaction disparaissait. Néanmoins, dans cette
étude, la condition où cet effet apparaissait s’accompagnait d’un niveau de distraction plus
élevé. En effet, les participants de cette condition étaient plus à même d’évaluer leur niveau
de performance et celui du coacteur que ceux de la condition où n’apparaissait pas l’effet de
coaction. Ceci suggérait, selon Sanders et al. (1978), qu’autrui était uniquement source de
distraction quand la comparaison était pertinente. Ces résultats contradictoires, du moins en
ce qui concerne les mesures auto-reportées, confirment qu’il est trop tôt pour rejeter
l’interprétation d’une distraction plus importante en comparaison ascendante.
L’étude de Sanders et al. (1978) amène donc à reformuler quelque peu l’interprétation
des résultats de Huguet et al. (1999) en termes de distraction. Remarquons pour cela que dans
l’étude de Sanders et al., la menace n’était pas réellement présente, elle était potentielle. En
effet, les participants de la condition « même tâche » n’étaient pas dans une condition de
comparaison défavorable, ils étaient incertains quant à leur performance et à celle du
coacteur. Ceci suggère que la menace n’a pas besoin d’être réelle, elle peut être uniquement
potentielle. Par conséquent, pour revenir à l’étude de Huguet et al. (1999), nous ne dirions pas
que la menace était plus importante en comparaison ascendante mais plutôt qu’elle était
diminuée en comparaison descendante. Dès lors, ce n’est plus la comparaison ascendante qui
augmenterait la focalisation, par rapport à la situation d’isolement, mais plutôt la comparaison
descendante qui diminuerait la focalisation associée à la présence d’un coacteur. En termes
plus simples, il ne s’agirait plus, dans cette réinterprétation, d’un effet positif de la
Chapitre 7 : Effet de coaction et focalisation attentionnelle
166
comparaison ascendante sur la focalisation mais d’un effet négatif de la comparaison
descendante sur celle-ci26. Cette dernière atténuerait la distraction, en diminuant la pertinence
de la comparaison. En effet, nous avons vu dans le Chapitre 4, qu’en comparaison
descendante les individus ne se compareraient plus avec le coacteur du fait que le mouvement
unidirectionnel vers le haut se trouve satisfait (Seta, 1982). La comparaison ascendante ne
ferait, pour sa part, que maintenir l’effet positif de la présence du coacteur.
Nous défendons donc l’idée qu’une approche en termes de distraction peut également
rendre compte de la différence observée entre comparaison ascendante et descendante dans
l’étude de Huguet et al. (1999). Néanmoins, il semble que les mesures de type auto-reportées
ne puissent réellement confirmer l’intérêt du recours aux principes de la théorie du conflit-
distraction. Pour ce faire nous proposons d’une part, de démontrer qu’en présence d’un
coacteur, il s’agissait bien d’un effet négatif en comparaison descendante. D’autre part, nous
proposons de recourir à une autre tâche que celle de Stroop. Cette tâche devrait présenter le
même avantage de diagnosticité — i.e., conduire à des prédictions opposées pour les
approches en termes de focalisation attentionnelle et de renforcement des réponses
dominantes — mais également diminuer la possibilité de recours à une stratégie d’inhibition
systématique d’un certain type de réponse comportementale. Une telle tâche serait donc
intéressante du fait que la théorie du conflit-distraction autoriserait la prédiction d’un effet de
facilitation sociale, en dépit de l’impossibilité du recours à une stratégie systématique
d’inhibition. La tâche que nous avons choisie, pour ce faire, est issue du champs de la
perception visuelle. Celle-ci est utilisée pour étudier l’effet de conjonction illusoire (e.g.,
Treisman et Schmidt, 1982).
1.2 Effet de conjonction illusoire et effet de facilitation-inhibition sociale.
Il existe un consensus sur le fait que le traitement de l’information visuelle est
analytique (cf. Ballaz, Chauvin, Marendaz et Peyrin, 2001 ; Wolfe, sous presse). Les
caractéristiques élémentaires (les primitives visuelles) sont extraites en parallèle, pour être
ensuite combinées lorsqu’elles appartiennent à un même objet. En accord avec cette idée, la
26 Afin d’alléger le discours, les termes « positif » et « négatif » indiqueront désormais le sens de
variation de l’intensité de focalisation. Ainsi, le terme d’effet positif renverra aux situations où la focalisation
sera plus importante que dans les situations prises tour à tour comme base de référence. Le terme d’effet négatif
renverra, pour sa part, aux situations où la focalisation sera moins importante que dans les situations prises tour
à tour comme base de référence.
Chapitre 7 : Effet de coaction et focalisation attentionnelle
167
théorie de l’intégration des caractéristiques de Anne Treisman (Feature Integration Theory ;
Treisman, 1988 ; Treisman, 1998) propose que l’extraction de ces différentes caractéristiques
élémentaires est un processus automatique, réalisé en parallèle. Comme son nom l’indique,
cette théorie traite plus spécifiquement de l’intégration de ces caractéristiques. Elle suggère
qu’un traitement attentionnel est nécessaire pour lier correctement ces dernières (voir
également Wolfe, sous presse).
Le modèle présenté sur la Figure 10 schématise les principes de cette théorie. Ce
modèle distingue deux types de cartes : des cartes de caractéristiques et une carte de
localisation. Notons que les premières sont regroupées en modules. A titre d’exemple dans la
schématisation présentée Figure 10, on trouve un module codant les couleurs et un module
codant l’orientation de barres. Chacune de ces cartes code une couleur ou une orientation
particulière. Si une carte code une caractéristique présente dans le champ visuelle — i.e., sur
la carte de localisation — celle-ci sera activée. Ce qui est symbolisé ici par la présence d’un
petit drapeau. Ces cartes codent donc le « quoi », en indiquant les caractéristiques présentes
dans le champ visuel. Notons que si la tâche d’un sujet était de déterminer si une cible rouge
est présente ou non parmi un ensemble de distracteurs de couleur verte, cette question
pourrait être traitée en parallèle, donnant lieu à un effet de « pop out ». En effet, quel que soit
le nombre de distracteurs le temps pour détecter la cible serait le même étant donné que la
simple activation de la carte codant le rouge renseigne sur la présence de la cible.
Chapitre 7 : Effet de coaction et focalisation attentionnelle
168
Figure 10. Théorie de l’intégration des caractéristiques (Treisman, 1998).
La carte de localisation traite, pour sa part, le « où ». Celle-ci permet de savoir où se
trouvent des caractéristiques, mais ne renseigne pas sur ce qu’elles sont. L’hypothèse
défendue par ce modèle est qu’un traitement attentionnel est nécessaire pour associer les
informations du « quoi » et du « où ». Ainsi, c’est uniquement lorsque le spot attentionnel
traite un endroit particulier de la carte de localisation qu’il est possible de détecter que l’objet
présent à cet endroit se compose des différentes caractéristiques codées par les cartes du
même nom. Dans l’exemple présenté sur la Figure 10, le traitement attentionnel de
l’emplacement spécifié, permet de voir qu’il s’agit d’une barre horizontale grise. En d’autres
termes, le traitement attentionnel serait nécessaire pour associer correctement les différentes
caractéristiques (e.g., barre horizontale et couleur grise) présentes dans le champ visuel. De
fait, si la cible n’est pas caractérisée par une caractéristique distincte (e.g., un objet rouge
parmi des objets verts), mais par une conjonction de plusieurs caractéristiques, un traitement
attentionnel pourrait se révéler nécessaire. Supposons une tâche où le participant doit dire si
un cercle rouge est présent ou non parmi un ensemble de figures. Supposons maintenant
qu’un cercle vert, un triangle jaune et un carré rouge lui sont présentés. Supposons, pour finir,
qu’un traitement attentionnel de ces informations n’est pas possible. Si le modèle de la théorie
Chapitre 7 : Effet de coaction et focalisation attentionnelle
169
de l’intégration des caractéristiques est correct, nous pourrions nous attendre à ce que cet
individu pense avoir vu la cible. En effet, rappelons que la cible est un cercle rouge, or, ses
deux caractéristiques sont présentes dans le champ visuel au travers du carré rouge et du
cercle vert. Ainsi, le simple fait que les deux caractéristiques soient présentes, pourrait donner
lieu à un effet de conjonction illusoire ; les deux caractéristiques de la cible — le cercle et la
couleur rouge — seraient combinées de manière illusoire.
Les études réalisées dans le cadre de cette théorie (e.g., Treisman, 1982 ; Treisman et
Paterson, 1984 ; Treisman et Schmidt, 1982), de même qu’un grand nombre d’études réalisées
par ailleurs (e.g., Ivry et Prinzmetal, 1991 ; Prinzmetal, Henderson et Ivry, 1995 ; Prinzmetal,
Hoffman et Vest, 1991), confirment l’existence d’un tel effet de conjonction illusoire. Ainsi,
un traitement attentionnel perturbé entraîne une apparition du phénomène de conjonction
illusoire. Les participants reportent la présence de la cible, lorsque la cible elle-même n’est
pas là mais que seules ses caractéristiques sont présentes. Classiquement, le traitement
attentionnel peut être perturbé, soit du fait d’un temps de présentation très court (e.g.,
Treisman et Paterson, 1984), soit d’une surcharge attentionnelle introduite en demandant au
sujet de réaliser une tâche principale en supplément de la tâche de détection de cible (e.g.,
Treisman et Schmidt, 1982),
A titre d’exemple, dans l’étude 4 de Treisman et Paterson (1984), les participants
devaient dire si la cible, le symbole dollar oblique — i.e., un S avec une barre ($) —, était
présente ou non parmi un ensemble de figures. Ces ensembles étaient constitués d’angles
droits, de S obliques et de barres obliques. De plus, pour un certain nombre d’items, une seule
des deux caractéristiques de la cible était présentée (i.e., le S ou la barre). Le temps de
présentation moyen était de 85 ms, empêchant le traitement attentionnel de l’ensemble du
pattern. Les résultats de cette étude font ressortir qu’en l’absence de la cible, les participants
faisaient plus d’erreurs (en disant que la cible était présente) sur les items contenant les deux
caractéristiques, que sur ceux n’en contenant qu’une seule. Ceci démontre l’existence d’une
tendance à associer de manière illusoire les caractéristiques d’une cible, quand seules ses
caractéristiques sont présentes. Aussi, les participants voyaient-ils la cible, lorsqu’elle était
présente, mais également lorsqu’elle ne l’était pas, la simple présence de ses composantes
étant suffisante.
Notons que cette illusion est robuste au point que les participants ont souvent du mal à
admettre que la cible était en fait absente (cf. Treisman, 1998). Treisman (1998), ayant elle-
même bien évidemment connaissance de l’illusion, reporte en être toujours victime.
Chapitre 7 : Effet de coaction et focalisation attentionnelle
170
Prinzmetal et al. (1995) ont, par exemple, pu montrer que cette illusion persistait, même avec
des temps de présentation plus longs. Ces auteurs concluent à la robustesse de cet effet.
Remarquons que cette illusion perceptive, à la différence de l’interférence de Stroop, n’est
pas directement dépendante d’un apprentissage comme celui de la lecture. En effet, il est
difficile de penser que le fait de voir le symbole « + » (Prinzmetal, 1981) ou un triangle bleu
(Treisman et Schmidt, 1982), lorsque ceux-ci sont absents (mais pas leurs caractéristiques),
soit lié à un apprentissage comme celui de la lecture. Cet effet est donc un effet proprement
perceptif27, moins dépendant des apprentissages de l’individu.
Nous avons vu que l’effet de conjonction était notamment dû à une surcharge
attentionnelle. Néanmoins, il ne faut pas en conclure que la présence d’autrui devrait
augmenter l’effet de conjonction illusoire, du fait de la surcharge attentionnelle induite par la
présence d’autrui. En effet, la charge attentionnelle est définie ici par le nombre d’objets à
traiter dans la tâche (Treisman, 1998). Ainsi, pour Treisman (1998, page 1350) : « binding
failures typically occur with high load displays when several objects must be processed under
time pressure ». Par conséquent, les conjonctions illusoires apparaîtront quand trop
d’éléments devront être traités dans un temps trop court. De ce fait, si la cible (e.g., le
symbole $ oblique) et ses caractéristiques (e.g., des barres obliques et des S obliques) sont
présentées parmi des distracteurs (e.g., des barres horizontales et verticales formant des
angles droits), un moyen de diminuer la charge attentionnelle, et donc les erreurs de
conjonctions (binding failures), serait de parvenir à focaliser l’attention uniquement sur les
caractéristiques de la cible. En effet, pour Treisman (1988, page 213) les caractéristiques de la
cible : « are accurately located and conjoined only when attention is narrowed to exclude the
features of other objects also present in the display ». Treisman (1988, 1998) ajoute, à ce
propos, qu’il est possible que les différentes zones de la carte de localisation soient activées
ou inhibées par le biais de liens descendants (non représentés sur la Figure 10) provenant des
cartes des caractéristiques. En d’autres termes, les cartes codant les caractéristiques de la cible
activeraient les zones correspondantes et les cartes codant les caractéristiques des distracteurs
inhiberaient les zones correspondantes. Il devient donc possible de penser que ces « liens
descendants » pourraient permettre la focalisation attentionnelle sur les zones contenant les
caractéristiques de la cible, celles-ci étant plus activées que celles contenant les
27 Notons que celui-ci peut néanmoins parfois être influencé par des processus de plus hauts niveaux tel
que le découpage des mots en syllabes (Prinzmetal et al., 1991). Toutefois, ce découpage syllabique favorise les
conjonctions illusoires à l’intérieur des syllabes, mais ne diminue pas l’effet en lui-même.
Chapitre 7 : Effet de coaction et focalisation attentionnelle
171
caractéristiques des distracteurs (Treisman, 1988, 1998). Remarquons que dans une telle
tâche, il est évident que les indices centraux dans la réalisation de la tâche sont justement les
caractéristiques élémentaires de la cible — e.g., les barres obliques et les S obliques, si la
cible est le symbole $ oblique — et que les indices périphériques sont les distracteurs — e.g.,
les barres horizontales et la barres verticales. Par conséquent, si la présence d’autrui induit
effectivement une focalisation sur les indices centraux (Cohen, 1978), aux dépens des indices
périphériques, celle-ci devrait diminuer la probabilité d’apparition des erreurs conjonctives28
en orientant l’attention sur les zones contenant les caractéristiques de la cible.
Cette tâche semble donc particulièrement pertinente pour tester l’hypothèse
attentionnelle de la théorie du conflit-distraction, du fait que l’effet de conjonction illusoire
est dû à un déficit de traitement des indices centraux (i.e., les caractéristiques de la cible). Qui
plus est, dans cette tâche purement perceptive (non dépendante de la lecture ; e.g., Treisman
et Schmidt, 1982) les conjonctions illusoires ne peuvent être diminuées en inhibant
stratégiquement et systématiquement un certain type de réponse, par exemple dire que la cible
est présente. Si une telle stratégie était employée, les participants feraient, ce faisant, un plus
grand nombre d’erreurs lorsque la cible est réellement présente. Enfin, comme nous le
verrons, dans le paradigme utilisé ici la tendance dominante sera de voir la cible présente. En
effet, les deux caractéristiques de la cible seront présentes dans l’ensemble des items proposés
(mis à part dans les deux études testant le matériel). De fait, le phénomène de conjonction
illusoire devrait amener les participants à voir la cible, que celle-ci soit présente ou non. Si la
présence d’autrui renforce les réponses dominantes (e.g., Zajonc, 1965), ceci devrait donc
renforcer encore la tendance (dominante) à voir la cible présente. Les conjonctions devraient,
par conséquent, être encore plus fréquentes en présence de celui-ci. Nous verrons également
que dans beaucoup d’études présentées dans la thèse, le pourcentage d’erreurs sur les items
critiques (i.e., ceux sur lesquels apparaissent les erreurs conjonctives) en condition
d’isolement était supérieur à 50 %29. De fait, il est clair que la tendance dominante dans la
28 Notons que nous utiliserons les termes erreurs conjonctives et conjonctions illusoires de manière
interchangeable. 29 Remarquons, dés à présent, qu’un taux d’erreurs de 50 % pourrait évoquer un taux de réponse au
hasard. Néanmoins, le phénomène de conjonctions illusoires explique que des taux d’erreurs supérieurs à 50 %,
sur les items conjonctifs (i.e., les items où apparaissent les effets de conjonction) puissent apparaître. Ainsi, la
présence des caractéristiques de la cible sur l’ensemble de ces items implique que ces caractéristiques
pourraient, dans certains cas extrêmes, être associées systématiquement de manière illusoire, induisant des taux
Chapitre 7 : Effet de coaction et focalisation attentionnelle
172
production de réponse sur ces items (i.e., dire que la cible est présente quand ce n’est pas le
cas) n’est pas correcte. A l’inverse des prédictions en termes de focalisation attentionnelle,
celles en termes de réponses dominantes devraient donc, encore une fois, prédire un
renforcement des conjonctions illusoires. Rappelons qu’avec la tâche de Stroop, il restait
possible de dire, du fait du faible taux d’erreur (inférieur à 5 %), que la tendance dominante
au stade final de production des réponses n’était plus la lecture, mais l’identification correcte
des couleurs (Huguet et al., 2002 ; cf. Chapitre 6). Nous avons vu que ceci pouvait permettre
une réinterprétation des effets obtenus sur la tâche de Stroop en termes de réponses
dominantes (Zajonc, 1965, 1980). Or, les taux d’erreurs supérieurs à 50 % (en condition
d’isolement) observés dans un grand nombre de nos études ne permettent pas d’avancer que
la tendance dominante au stade des réponses était correcte. Dans de telles conditions, une
approche en termes de réponses dominantes ne pourra donc en aucun cas prédire une
amélioration des performances en présence d’autrui.
Nous venons de voir en quoi une approche attentionnelle des effets de coaction
indique la possibilité de diminuer cette illusion perceptive, réputée très robuste (cf. Prinzmetal
et al., 1995). Le second objectif de cette étude est d’apporter des arguments soutenant l’idée
qu’une telle influence serait due à la distraction créée par la présence d’un coacteur. Il
convient pour cela de revenir à la question de savoir pourquoi autrui serait une source de
distraction.
1.3 Distraction et direction de la comparaison sociale
Dans le cadre de la théorie du conflit-distraction, le conflit attentionnel, induisant le
focus, serait dû au fait qu’autrui est une source de distraction (Baron, 1986). Afin de le
démontrer, les auteurs de cette théorie ont notamment manipulé le niveau de distraction
introduit par des sources physiques (Sanders et Baron, 1975) ou par la présence d’un coacteur
(Sanders et al., 1978). Dans cette dernière publication, et généralement dans cette théorie
(voir Baron, 1986 ; Chapitre 3), les auteurs avancent qu’autrui serait une source de distraction
car il permet d’évaluer si la performance réalisée est satisfaisante. Autrui servirait de standard
d’évaluation. Une proposition en accord avec Bandura (1986, voir Chapitre 4) et les travaux
réalisés dans le cadre de la comparaison sociale (voir Chapitre 4).
d’erreurs sur ces items de 100 %. De fait, un taux de 50 % pourrait refléter soit effectivement un taux de réponse
au hasard, si par exemple l’individu ne regardait même pas l’écran (ce qui est peu probable), soit tout
simplement la tendance à être victime de conjonction sur la moitié des items conjonctifs.
Chapitre 7 : Effet de coaction et focalisation attentionnelle
173
Sanders et al. (1978, étude 1) illustrent cette idée en montrant que la présence du
coacteur n’amènait à une facilitation de la performance (dans le cas d’une tâche simple), que
si les participants étaient motivés à se comparer avec celui-ci (voir également Gastorf et al.,
1980). De plus, l’étude 2 démontrait que la présence du coacteur entraînait des variations de
performances uniquement si autrui était une source pertinente de comparaison. Lorsque le
coacteur ne réalisait pas la même tâche, l’effet de coaction disparaissait.
Si, comme nous l’avons vu, les mesures de distraction posent un certain nombre de
problèmes, il reste possible de tester l’importance de cette notion en variant la pertinence de
la comparaison avec autrui. Cependant, Baron (1986) note que ces études ne sont pas
suffisantes et qu’il serait bon d’effectuer différentes réplications conceptuelles. En d’autres
termes, il conviendrait de répliquer ces effets en faisant varier la pertinence de la comparaison
avec le coacteur sur la base d’autres types d’opérationalisations. Or, si la distraction est liée
au besoin de répondre à une question du type : « ma performance est-elle satisfaisante ? »
(Sanders et al., 1978), les travaux présentés dans le Chapitre 4 nous amènent à penser que la
manipulation de la direction de la comparaison sociale répond à ce besoin de réplications
conceptuelles (voir également Gastorf et al., 1980).
En effet, la littérature sur la comparaison sociale amène à penser avec Wills (1986,
page 283) que « comparison process is strengthened when people face a potentially
unfavourable comparison ». Ainsi, la comparaison avec le coacteur serait pertinente, tant qu’il
subsiste un risque de comparaison ascendante. La simple présence d’un coacteur serait donc
suffisante. Néanmoins, le corollaire de cette idée est que la comparaison serait moins
pertinente quand l’individu se sait supérieur au coacteur, c’est-à-dire en comparaison
descendante. Les résultats obtenus par Seta (1982, voir Chapitre 4) confirment cette idée.
Lorsque la comparaison était descendante, la présence d’un coacteur n’induisait plus d’effet
de facilitation sociale (voir également Huguet et al., 1999, étude 2). Selon Seta (1982), le
mouvement unidirectionnel vers le haut (Festinger, 1954) impliquerait que les individus sont
généralement plus intéressés par la comparaison ascendante. Comme nous l’avons vu au
cours du chapitre 4, ceci est vrai tant en laboratoire qu’en milieu naturel (e.g., Nosanchuk et
Erickson, 1985 ; Wheeler et Miyake, 1992 ; voir Wood 1989 pour une revue de question). De
fait, lorsque l’incertitude concernant l’aptitude est faible et que l’auto-évaluation est
satisfaisante — i.e., en comparaison descendante — la comparaison sociale n’est plus
problématique et donc source de distraction. Par conséquent, en comparaison descendante il
ne devrait plus y avoir de conflit attentionnel entre la tâche et la recherche d’informations de
Chapitre 7 : Effet de coaction et focalisation attentionnelle
174
comparaison sociale. Dans ce cas, la théorie du conflit-distraction suggère que la performance
devrait être similaire à celle d’individus en situation d’isolement (Seta, 1982). Comme nous le
verrons, la première phase de la première étude réalisée ici opposera une condition « seul » à
une condition de simple coaction. En seconde phase, nous disposerons de trois conditions
expérimentales : 1) une condition « seul » où les participants seront totalement isolés (i.e.,
l’expérimentateur ne sera pas présent) ; 2) une condition de comparaison ascendante où les
participants seront amenés à penser qu’ils sont inférieurs au coacteur présent avec eux dans le
box expérimental ; 3) enfin, une condition de comparaison descendante où les participants
seront, encore une fois, en présence du coacteur, mais seront, cette fois-ci, amenés à penser
qu’ils sont supérieurs à lui. Ainsi, si la distraction est nécessaire à l’apparition des effets de
coaction, la performance devrait être supérieure à celle de la condition « seul » uniquement si
la comparaison n’est pas descendante, c’est-à-dire ici en comparaison ascendante. En d’autres
termes, dans la seconde phase, la seule condition pour laquelle les conjonctions illusoires
devraient être moins fréquentes — du fait de la focalisation attentionnelle — devrait être la
condition de comparaison ascendante.
Pour résumer, l’articulation proposée entre la théorie du conflit-distraction et la
théorie de la comparaison sociale amène à prédire que la coaction devrait produire un conflit
attentionnel (et donc augmenter la focalisation), aussi longtemps que la comparaison sociale
sera problématique. Le taux de conjonctions illusoires devrait donc être inférieur aux
conditions seul 1) en simple coaction, du fait de la possibilité d’une comparaison défavorable,
et 2) en comparaison ascendante, du fait d’une comparaison explicitement défavorable, mais
3) pas en comparaison descendante, le mouvement unidirectionnel vers le haut étant satisfait.
Notons également que si ces variations de performances ne sont pas dues à des stratégies
d’inhibition systématique de la réponse « absente », le taux d’erreurs non-conjonctives (i.e.,
dire ici que la cible était absente, lorsqu’elle était en fait présente) ne devrait pas être modulé.
En effet, les erreurs sur ce type d’item étant dues à des erreurs d’extraction des
caractéristiques, une amélioration de la focalisation attentionnelle ne saurait modifier ces
performances.
Chapitre 7 : Effet de coaction et focalisation attentionnelle
175
2 Test du matériel
2.1 Matériel
Les stimuli utilisés dans toutes les études que nous présenterons sont similaires à ceux
utilisés par Treisman et Paterson (1984). Cent soixante items ont été créés : 80 items
conjonctifs et 80 non-conjonctifs. Les items étaient des images de 9 cm par 9 cm présentées
les uns après les autres au centre de l’écran. Les items conjonctifs étaient des images
comprenant : cinq barres verticales, cinq barres horizontales, cinq barres obliques et cinq
« S » obliques. La Figure 11 présente un exemple d’items non-conjonctifs. Ceux-ci étaient
identiques à l’exception du fait qu’un « S » était remplacé par le symbole « $ » : la cible à
détecter par les participants. De fait, les deux caractéristiques simples de la cible (i.e., les
primitives visuelles) étaient un « S » et une barre, tous deux obliques. Les items sont qualifiés
de conjonctifs ou de non-conjonctifs selon qu’une erreur sur ceux-ci renvoie ou non à des
erreurs de conjonction. La cible étant absente (mais pas ses deux caractéristiques) des items
conjonctifs, une erreur renverra à la tendance à associer ses deux caractéristiques de manière
illusoire. La tâche perceptive avait lieu sur un ordinateur PC et un écran de 17 pouces.
L’ordre des items était aléatorisé par le logiciel.
Afin de simplifier la procédure de nos différentes études, seuls les deux types d’items
présentés précédemment ont été utilisés. Cependant, afin de s’assurer qu’un pourcentage
d’erreurs plus important sur les items conjonctifs (cible absente), que sur les items non-
conjonctifs (cible présente) représentait bien une tendance à associer, de manière illusoire, les
deux caractéristiques de la cible, deux études (Ns = 11) ont été réalisées. Au cours de ces
études, nous avons introduit des items contrôles, pour lesquels une seule des caractéristiques
de la cible était présente. Dans la première de ces études, seules des barres obliques étaient
présentes dans les items contrôles. Dans la seconde, les items contrôles disposaient soit des
barres obliques, soit des S (items similaires à ceux de Treisman et Paterson, 1984). Pour ces
items contrôles, la réponse à donner était la même que pour les items conjonctifs — i.e., la
bonne réponse étant que la cible était absente —, mais le pourcentage d’erreurs attendu ne
devait pas différer des items non-conjonctifs. En effet, sur ces items, une seule caractéristique
étant présente, les erreurs de conjonction ne pouvaient induire de mauvaises réponses.
Le second objectif de ces deux études était de vérifier que le pourcentage d’erreurs,
lors de la première phase, était supérieur à 50 % pour des participants isolés. Ceci afin de
Chapitre 7 : Effet de coaction et focalisation attentionnelle
176
pouvoir tester, par la suite, si la présence d’un coacteur induisait ou non un renforcement de la
réponse dominante, par conséquent, incorrecte.
2.2 Procédure
Dans toutes les études que nous présenterons, les participants devaient dire si le
symbole « $ » était présent (en appuyant sur la touche P) ou absent (en appuyant sur la touche
A) parmi un certain nombre de distracteurs. Comme on peut le voir sur la Figure 11, les items
étaient présentés pendant 70 millisecondes, après un point de fixation de 1000 millisecondes.
Chaque item était suivi d’un masque, composé de lignes de lettres aléatoires, présenté pendant
1700 millisecondes. Les participants devaient donner leur réponse pendant ce masque. Il avait
donc pour rôle d’annuler la persistance rétinienne, mais également de recueillir les réponses.
Le temps de présentation de 70 millisecondes pour les items a été choisi dans le but de
favoriser les conjonctions illusoires. En effet, ce temps de présentation était trop court pour
permettre un traitement attentionnel de l’ensemble de l’image (Treisman et Paterson, 1984).
Durant les instructions, l’expérimentateur spécifiait clairement que le but de l’expérience
n’était pas d’aller le plus vite possible, mais de faire le moins d’erreurs possibles.
Figure 11. Procédure de la tâche de détection de cible.
Ces études comportaient plusieurs phases. Premièrement, après les instructions, les
participants procédaient à quatre essais d’entraînements. Après s’être assuré de la bonne
compréhension de la tâche par les participants, l’expérimentateur leur demandait ensuite de
commencer la première phase expérimentale. Avant de s’absenter, il leur demandait d’ouvrir
Chapitre 7 : Effet de coaction et focalisation attentionnelle
177
la porte à la fin de la passation de la première phase, afin de ne jamais les déranger pendant
l’expérience. Ceci permettait notamment de ne risquer aucune distraction involontaire, due à
l’entrée de l’expérimentateur dans le box en cours de passation. Durant cette phase 35 items
étaient présentés (16 items conjonctifs et 16 items non-conjonctifs et 3 items contrôles).
Après ces 35 items, un message informait les participants que la première phase était terminée
et leur rappelait qu’ils devaient appeler l’expérimentateur. Il revenait alors et leur proposait
une pause de quelques minutes. Après cette pause, il leur demandait de commencer la
seconde phase expérimentale. Durant cette phase, 180 items étaient présentés (80 conjonctifs,
80 non-conjonctifs et 20 items contrôles). A la fin de celle-ci, les participants étaient
remerciés.
2.3 Résultats
Les résultats des premières phases de ces deux études annexes suggèrent, comme nous
l’espérions, que les pourcentages d’erreurs sur les items conjonctifs (M1 = 62.53 %, SD1 =
11.08 % et M2 = 53.98 %, SD2 = 21.52 % respectivement pour les études 1 et 2) étaient
supérieurs aux pourcentages d’erreurs sur les items non-conjonctifs (M1 = 15.34 %, SD1 =
14.35 % et M2 = 15.90 %, SD2 = 14.35 %), avec respectivement F(1, 10) = 43.69, p < .001,
hypothèse unilatérale, η2 = .81 et F(1, 10) = 23.33, p < .001, hypothèse unilatérale, η2 = .70.
Il est important de noter que dans ces deux études, les pourcentages d’erreurs sur les items
conjonctifs sont supérieurs à 50 %. De fait, ceci confirme que la réponse dominante sur ces
items est bien incorrecte. Qui plus est, la tendance générale dans cette première phase est
effectivement de voir la cible présente. Un renforcement de cette réponse dominante devrait,
par conséquent, se traduire par une augmentation du nombre d’erreurs conjonctives.
Les résultats des secondes phases répliquent la différence entre items conjonctifs et
non-conjonctifs. En effet, les pourcentages d’erreurs sur les items conjonctifs (M1 = 39.87 %,
SD1 = 23.06 % et M2 = 37.18 %, SD2 = 19.44 %) étaient supérieurs aux pourcentages
d’erreurs sur les items non-conjonctifs (M1 = 8.19 %, SD1 = 13.76 % et M2 = 9.31 %, SD2 =
9.48 %), avec respectivement F(1, 10) = 12.66, p = .002, hypothèse unilatérale, η2 = .55 et
F(1, 10) = 29.52, p < .001, hypothèse unilatérale, η2 = .74.
Ces secondes phases devaient également permettre de vérifier que la différence entre
items conjonctifs et non-conjonctifs n’était pas due simplement à un biais de réponse. En
effet, cette différence aurait pu être imputable à une préférence pour les réponses positives
(dire que la cible était présente). Si tel était le cas, les pourcentages d’erreurs sur les items
Chapitre 7 : Effet de coaction et focalisation attentionnelle
178
contrôles, ne présentant qu’une seule caractéristique de la cible, devaient également être
important. A l’inverse, si les erreurs sur les items conjonctifs représentaient bien des
conjonctions illusoires, les pourcentages d’erreurs sur les items conjoncifs devaient être plus
important que ceux observés sur les items contrôles.
Les résultats de ces deux études confirment qu’il ne s’agit pas d’un biais de réponse,
mais bien de conjonctions illusoires. En effet, les pourcentages d’erreurs sur les items
conjonctifs étaient également supérieurs aux pourcentages d’erreurs sur les items contrôles
(M1 = 0.90 %, SD1 = 2.0 % et M2 = 5.5 %, SD2 = 10.1 %), avec respectivement F(1, 10) =
31.10, p < .001, hypothèse unilatérale, η2 = .75 et F(1, 10) = 49.24, p < .001, hypothèse
unilatérale, η2 = .83. Notons que les pourcentages d’erreurs sur les items non-conjonctifs et
contrôles ne différaient pas (ps > .12).
3 Etude 1
3.1 Méthode
3.1.1 Population
Soixante-neuf étudiants de psychologie de l’université de Grenoble ont reçu des bons
d’expériences pour leur participation à ce qui était présenté comme une expérience sur la
perception visuelle. Neuf participants ont dû être retirés de l’analyse : trois parce qu’ils ne se
rappelaient pas de la direction de la comparaison et six autres pour cause de suspicion
expérimentale. Les participants étaient répartis aléatoirement dans l’une des trois conditions
expérimentales (seul, comparaison ascendante, comparaison descendante). L’âge moyen des
participants était de 21 ans (M = 21.58, SD = 2.99). La majorité des participants était
composée de femmes (N = 54)30.
3.1.2 Matériel
Les stimuli utilisés dans cette étude étaient identiques à ceux utilisés dans les études
annexes. A la fin de l’expérience, les participants devaient remplir un questionnaire contenant
un certain nombre de questions descriptives tels que l’âge, le sexe, etc.
30 Toutes les analyses présentées dans la thèse ont été effectuées à nouveau sans les hommes. Ces
analyses, bien évidemment moins puissantes, amènent toutefois à des conclusions similaires.
Chapitre 7 : Effet de coaction et focalisation attentionnelle
179
3.1.3 Procédure
Les participants devaient inscrire leur nom sur une feuille d’inscription sur laquelle
était stipulée que deux personnes pourraient participer en même temps. En fait, un seul vrai
participant prenait part à l’expérience, étant donné que le coacteur était toujours un compère.
Dans la condition « seul » (i.e., condition de contrôle), un seul participant était présent. Ainsi,
conformément aux indications de Guerin (1993), les participants de cette condition étaient
absolument seuls, tout au long des phases expérimentales. En effet, dans cette condition,
comme dans les deux conditions de coaction, l’expérimentateur restait en dehors du box
durant les phases expérimentales.
Pour les conditions de coaction, l’expérimentateur expliquait aux deux participants
que deux personnes passeraient en même temps l’expérience, afin de gagner du temps.
Comme indiqué plus haut, l’un des deux participants était un compère pour éviter tout
échange verbal durant les phases expérimentales. L’expérimentateur expliquait également que
pour des raisons indépendantes de sa volonté, il ne disposait que d’un seul box et qu’ils
seraient donc installés dans le même box expérimental. Les participants étaient alors installés
l’un en face de l’autre légèrement décalés. Notons que, de ce fait, les participants ne
pouvaient ni voir les réponses d’autrui, ni ce qui était affiché sur son écran.
Les participants prenaient chacun place devant un ordinateur, puis l’expérimentateur
leur expliquait la tâche. Au même titre que les études annexes présentées précédemment, cette
étude comportait deux phases expérimentales. Comme l’illustre la Figure 12, lors de la
première phase, les participants étaient seuls (condition de contrôle) ou en coaction. Durant
cette phase, 32 items étaient présentés (une moitié d’items conjonctifs et une moitié d’items
non-conjonctifs). Après ces 32 items, un message apparaissait sur l’écran et informait les
participants que la première phase était terminée. Il leur était également rappelé qu’ils
devaient appeler l’expérimentateur. Ce dernier revenait alors et leur proposait une pause de
quelques minutes.
Dans les deux conditions d’induction, l’expérimentateur profitait de la pause pour aller
(soi-disant) chercher les résultats de la première phase. Dans la condition de contrôle, il
s’agissait d’une pause tout à fait classique. Les participants jusqu’alors en simple coaction,
étaient répartis aléatoirement dans l’une des conditions de comparaison (ascendante versus
descendante) sur la base d’un pseudo feed-back. En effet, après être allé chercher les résultats,
l’expérimentateur, s’adressant aux participants, leur disait « tiens, vous avez fait plus / moins
d’erreurs que votre collègue », respectivement pour les conditions de comparaison ascendante
Chapitre 7 : Effet de coaction et focalisation attentionnelle
180
et descendante. Ensuite, l’experimentateur leur demandait de commencer la seconde phase
expérimentale. Durant celle-ci, 160 items étaient présentés (80 conjonctifs et 80 non-
conjonctifs).
Figure 12. Procédure générale (Etude 1).
Une fois la seconde phase terminée, les participants appelaient l’expérimentateur qui
leur demandait, pour finir, de remplir le questionnaire post-expérimental. L’expérimentateur
terminait en expliquant le but réel de l’expérience. Au moment de l’explication du pseudo
feed-back, l’expérimentateur disait « c’est pour cette raison que durant la pause, je vous ai dit
que vous aviez fait plus ou moins d’erreurs selon les conditions. Je vous ai dit ? ... ». Il
attendait alors que les participants lui répondent afin de savoir s’ils avaient bien entendu et
compris cette information. Après le débriefing, les participants étaient remerciés.
3.2 Résultats
3.2.1 Contrôle du paradigme
Afin de s’assurer de la présence de l’effet de conjonction illusoire sur le présent
matériel, le pourcentage d’erreurs devait être plus important sur les items conjonctifs que non-
conjonctifs. Une analyse de variance avec le type d’items (conjonctifs versus non-conjonctifs)
en mesures répétées a été réalisée sur les résultats du groupe contrôle. Cette analyse confirme
que dans la première phase, le pourcentage d’erreurs observé sur les items conjonctifs était
effectivement supérieur (M = 61.50 %, SD = 23.79 %) à celui observé sur les items non-
conjonctifs (M = 14.10 %, SD = 16.07 %), F(1, 19) = 34.85, p < .001, hypothèse unilatérale,
η2 = .64. Remarquons ici qu’une nouvelle fois, le pourcentage d’erreurs conjonctives est
Chapitre 7 : Effet de coaction et focalisation attentionnelle
181
supérieur à 50 %. De fait, en termes de réponses dominantes, la présence du coacteur devait
mener à un effet d’inhibition sociale, c’est-à-dire un taux d’erreurs plus important.
La même analyse réalisée sur les résultats de la seconde phase, nous amène à une
conclusion similaire concernant la différence entre items conjonctifs et non-conjonctifs. En
effet, le pourcentage d’erreurs observé sur les items conjonctifs (M = 42.49 %, SD = 21.15 %)
était également plus important que sur les items non-conjonctifs (M = 7.7 %, SD = 7.12 %),
F(1, 19) = 43.57, p < .001, hypothèse unilatérale, η2 = .69.
3.2.2 Contrôle de la manipulation
Comme nous l’avons noté précédemment, l’expérimentateur s’assurait, lors du
débriefing, que les participants avaient bien retenu l’information concernant le feed-back de
comparaison sociale. Trois participants, incapables de rappeler ce feed-back, ont dû être
retirés de l’analyse.
3.2.3 Mesure des erreurs
3.2.3.1 Phase 1
L’hypothèse dérivée de la théorie du conflit-distraction (Baron, 1986), prédisait un
pourcentage d’erreurs conjonctives moins important en présence du coacteur que seul. Ainsi,
comme nous l’attendions, un test de Mann-Whitney31 confirme que le pourcentage d’erreurs
conjonctives était moins important en situation de coaction (Me = 50.35 %) que seul (Me =
68.75 %), Z = 2.007, p = 0.023, hypothèse unilatérale. La même analyse réalisée sur les
erreurs non-conjonctives ne fait apparaître aucune différence, Z = 1.23, p = .22. Ainsi, à
l’encontre d’une approche en termes de réponses dominantes, la présence d’autrui a facilité,
et non inhibé, les performances.
31 Au cours de la première phase, les conditions de comparaison ascendante et descendante n’étaient
pas encore différenciées. De fait, le test devait opposer deux groupes très hétérogènes en termes de nombre de
participants (N = 40 versus N = 20 pour la condition « seul »), c’est pourquoi nous avons utilisé un test de
Mann-Withney. Notons toutefois que l’ANOVA donnait ici des résultats tout à fait équivalents.
Chapitre 7 : Effet de coaction et focalisation attentionnelle
182
3.2.3.2 Phase 2
L’articulation proposée entre les théories du conflit-distraction et de la comparaison
sociale (Festinger, 1954), nous a amené à prédire que lors de cette seconde phase, seuls les
participants en comparaison ascendante auraient un pourcentage d’erreurs conjonctives moins
important. Afin de tester ce modèle, deux tests orthogonaux ont été réalisés. Le premier de
ces deux tests était un contraste, à un degré de liberté (Judd, McClelland et Culhane, 1995 ;
Keppel, 1991 ; Rosenthal, Rosnow et Rubin, 2000), testant le modèle théorique. Les codes
lambda utilisés pour tester ce modèle étaient de la forme « 2 –1 –1 », respectivement pour les
conditions de comparaison ascendante, descendante et « seul ». Le second test effectué testait
la variance non expliquée par le modèle (c’est-à-dire le résidu en termes d’analyse de
tendance ; Keppel, 1991). Ces analyses révèlent que le test du modèle est significatif, F(1, 57)
= 6.78, p < .012, η2 = .10, contrairement à celui de la variance résiduelle F(1, 57) = .034.
Figure 13. Pourcentage d’erreurs conjonctives en fonction de la comparaison sociale
(Etude 1).
Chapitre 7 : Effet de coaction et focalisation attentionnelle
183
Comme le montre la Figure 13, la décomposition du modèle confirme nos attentes32.
En effet, le pourcentage d’erreurs conjonctives observé dans la condition de comparaison
ascendante était moins important que dans la condition « seul », F(1, 57) = 5.51, p = .011,
hypothèse unilatérale, η2 = .09. De même, le pourcentage d’erreurs observé dans la condition
de comparaison ascendante était moins important que dans la condition de comparaison
descendante, F(1, 57) = 4.68, p = .017, hypothèse unilatérale, η2 = .076. En revanche, les
conditions « seul » et descendante ne différaient pas, F(1, 57) < 1, p = .85. Il semble donc que
l’effet positif de la présence d’un coacteur disparait, dès lors que les participants ont pu se
penser supérieurs à autrui.
Etant donnée l’approche attentionnelle de notre modèle, aucune différence n’était
attendue sur le pourcentage d’erreurs non-conjonctives. Or, nous n’observons pas de variation
sur le pourcentage d’erreurs non-conjonctives, F(2, 57) < 1, p = .41. Ceci amène à penser que
les variations observées sur les erreurs conjonctives sont difficilement attribuables à une
stratégie systématique consistant à inhiber consciemment les réponses positives.
3.2.4 Temps de réaction
Il pourrait être avancé que les participants en comparaison ascendante ont pris plus de
temps pour répondre que les participants des autres conditions. Toutefois, nos résultats ne
font pas ressortir de variations, F(2, 57) = 1.34, p = .27, dans les temps de réponse observés
en phase 2 sur les items conjonctifs.
3.3 Discussion
3.3.1 Effet de coaction et focalisation attentionnelle
Sur la base de la théorie du conflit-distraction (Baron, 1986), nous nous attendions à
ce que la simple présence d’un coacteur favorise l’augmentation de la focalisation
attentionnelle sur les indices centraux pour réaliser cette tâche (cf. Cohen, 1978), c’est-à-dire
les S et les barres obliques. L’effet de conjonction illusoire étant dû à un déficit dans le
traitement attentionnel des caractéristiques de la cible (Treisman, 1988), une telle focalisation
devait se traduire, si elle se produisait, par une diminution des erreurs conjonctives en
32 L’analyse du modèle et de la variance résiduelle revient à tester la totalité de la variance due aux
manipulations expérimentales. Par conséquent, en toute rigueur statistiques, nous ne devrions pas pouvoir
effectuer de comparaisons deux à deux. Nous nous le permettrons néanmoins, dans la mesure où ceci revient
dans notre cas à décomposer, sur la base d’hypothèses a priori, un modèle qui est lui-même significatif.
Chapitre 7 : Effet de coaction et focalisation attentionnelle
184
présence du coacteur. De plus, comme nous ne postulions pas une inhibition stratégique
systématique d’un certain type de réponse, cette baisse dans le pourcentage d’erreurs
conjonctives ne devait pas s’accompagner d’une augmentation des erreurs non-conjonctives.
Ces prédictions se trouvent confirmées par nos données. En effet, lors de la première
phase, le pourcentage d’erreurs conjonctives était plus faible en présence d’autrui que seul.
Qui plus est, cet effet de facilitation sociale ne s’accompagnait pas d’une augmentation des
erreurs non-conjonctives. Par conséquent, cet effet bénéfique de la présence du coacteur n’est
pas interprétable en termes de stratégie de réponse (e.g., dire plus souvent absent en présence
du coacteur). Notons que ces résultats sont également difficilement interprétables en termes
de réponses dominantes. D’une part, la tendance générale à voir la cible n’a pas été renforcée.
D’autre part, nous avons vu que dans le groupe contrôle le pourcentage d’erreurs conjonctives
était supérieur à 50 %. Or, pour Zajonc (1980, page 41) : « when the probability of the correct
reponse is still lower than 0.5, social impairment occurs » (voir Hunt et Hillery, 1973, pour
les données en rapport avec cette affirmation). En effet, Zajonc suggère ici qu’un moyen de
déterminer si la réponse dominante est correcte ou non, et donc de prédire la direction de
l’impact de la présence d’autrui, est de se baser sur la probabilité de bonnes réponses. Ainsi,
lorsque cette probabilité est faible, ceci impliquerait que la réponse dominante (par exemple
ici dire que la cible était présente) est incorrecte et par conséquent que des effets d’inhibition
sociale devraient apparaître. De fait, le taux de bonnes réponses étant inférieur à 50 %, en
termes de réponses dominantes, nous aurions dû observer un effet d’inhibition sociale. Nos
données indiquent l’effet inverse. Ceci est d’autant plus intéressant que bien souvent les
auteurs concluent à la présence d’effet de type drive sur la base de l’interaction entre type de
tâche et présence d’autrui. L’effet simple de facilitation sociale serait, quant à lui, assez
difficile à faire apparaître (cf. Baron et al., 1978 ; Manstead et Semin, 1980 ; Sanders et
Baron, 1975) et ce, d’autant plus que la variable dépendante est de type qualitatif (Bond et
Titus, 1983), ce qui est pourtant notre cas.
Remarquons également que pour Guerin (1993), les effets de facilitation-inhibition
sociale sont moins probables en présence d’un coacteur, du fait que celui-ci est moins
imprévisible. Les effets observés auraient peut-être été plus importants avec une audience
plus imprévisible, toutefois la présence d’un coacteur semble ici suffisante pour induire un
effet de facilitation sociale. Nos résultats viennent, à ce propos, compléter ceux de Huguet et
al. (1999). En effet, ils confirment, comme nous le pensions, qu’au même titre que la
comparaison ascendante (Huguet et al., 1999 ; étude 2) et la présence d’une audience
Chapitre 7 : Effet de coaction et focalisation attentionnelle
185
attentive (Huguet et al., 1999 ; étude 1), la simple coaction peut favoriser la focalisation
attentionnelle.
3.3.2 Distraction, comparaison sociale et effet de coaction
La théorie du conflit-distraction présuppose qu’un coacteur est une source de
distraction, notamment parce qu’il permet de répondre au besoin d’évaluation des
compétences. Sur la base des travaux effectués dans le champ de la comparaison sociale, nous
faisions l’hypothèse que la présence du coacteur n’induirait plus de distraction, et donc d’effet
de focalisation attentionnelle, dès lors que les participants seraient rassurés quant au
mouvement unidirectionnel vers le haut. De ce fait, nous nous attendions à voir disparaître
l’effet positif de la coaction en situation de comparaison descendante (Seta, 1982). A
l’inverse, nous espérions que cet effet positif serait maintenu en comparaison ascendante, la
menace de l’auto-évaluation n’étant plus potentielle, mais réelle.
Les résultats de la seconde phase de cette première étude sont très encourageants. En
effet, le pattern de résultats attendus s’est trouvé confirmé par nos données : seuls les
participants de la condition de comparaison ascendante ont fait moins d’erreurs conjonctives.
Les participants de la condition de comparaison descendante, quant à eux, réalisaient une
performance similaire à celle du groupe contrôle. Pour ces derniers, tout se passe comme si le
coacteur n’était plus présent. Ces résultats sont, par conséquent, en accord avec la proposition
de Seta (1982), selon laquelle l’effet de coaction serait atténué en comparaison descendante ;
effet de coaction qui ne semble pas seulement atténué, mais totalement éliminé. Ils sont donc
également en accord avec l’idée que les effets de facilitation sociale sont dépendants du degré
de confiance quant au résultat de la comparaison à autrui (Rijsman, 1974).
Notons par ailleurs que nous n’observons pas de variation significative sur les
pourcentages d’erreurs non-conjonctives. Le taux plus faible de conjonctions en comparaison
ascendante ne peut donc s’expliquer par une plus grande tendance générale à répondre que la
cible était absente. Nous avons également pu voir que la différence de performance sur les
items conjonctifs ne peut s’expliquer par un temps de réflexion plus important avant de
répondre, les temps de réaction étaient similaires dans les trois conditions.
En accord avec les principes de la théorie du conflit-distraction, l’idée que nous nous
proposons de tester est qu’autrui serait une source de distraction, du fait qu’il offre des
informations pour l’auto-évaluation. Ces premiers résultats autorisent à penser que la
manipulation de la direction de la comparaison sociale permet d’apporter quelques éléments
Chapitre 7 : Effet de coaction et focalisation attentionnelle
186
de réponses. Il semble en effet, que lorsque les participants sont rassurés sur le résultat de
cette auto-évaluation, la situation devient moins menaçante et n’induit plus d’effet de
coaction. Néanmoins, ce raisonnement présuppose la prise en compte des résultats des deux
phases de l’expérience. C’est parce que la première phase démontre un impact positif de la
simple présence du coacteur, que nous nous autorisons à dire que la comparaison descendante
fait disparaître cet effet dans la seconde phase.
Afin d’affirmer plus fermement qu’il s’agit bien d’un effet négatif de la situation de
supériorité, il serait cependant préférable de pouvoir réaliser une comparaison directe entre
simple coaction et comparaison descendante. Huguet et al. (1999, étude 2) interprétent leurs
résultats en termes d’effets positifs de la comparaison ascendante. Or, si notre raisonnement
ne reposait pas sur une comparaison entre les deux phases, nous pourrions effectivement
penser que les résultats de la seconde phase traduisent plutôt un impact positif de la
comparaison ascendante. Impact positif qu’il est tout à fait légitime de postuler, étant donné
les résultats présentés au cours du Chapitre 4, concernant le mouvement unidirectionnel vers
le haut. Si dans les deux cas le mouvement unidirectionnel vers le haut est impliqué, il serait
seul responsable des effets observés, s’il s’agissait bien d’un impact positif de la comparaison
ascendante (Huguet et al., 1999). Le recours à la notion de distraction ne serait dès lors plus
nécessaire (Huguet et al., 1999). Dans l’étude suivante, nous tâcherons toutefois de démontrer
que nos résultats étaient bien dus à un impact négatif de la comparaison descendante. Nous
étendrons également l’application de la notion de menace de l’auto-évaluation. Ceci nous
conduira à démontrer que l’articulation proposée, entre les théories du conflit-distraction et de
la comparaison sociale, amène à prédire des effets positifs de la menace de l’auto-évaluation,
même lorsque le coacteur n’est pas physiquement présent.
CHAPITRE 8 _____________________________________________________
Menace de l’auto-évaluation et focalisation attentionnelle
La thèse que nous défendons suggère que la présence d’un coacteur induirait un
processus de focalisation attentionnelle, via la menace de l’auto-évaluation associée à cette
présence. L’étude 1 porte à croire que la présence d’un coacteur, à elle seule, provoquerait
effectivement une plus forte focalisation attentionnelle. Les études 2 et 3 nous conduirons à
vérifier si cet effet de simple présence d’un coacteur est réplicable.
L’étude 1 donne également de premières indications sur la pertinence de la conception
de menace de l’auto-évaluation pour expliquer ce phénomène de focalisation attentionnelle.
En effet, il est possible de penser que la simple présence d’un coacteur implique la possibilité
d’être moins compétent que lui (Geen, 1980). En outre, pour Wills (1986), les processus de
comparaison sociale sont souvent renforcés quand cette comparaison est potentiellement
défavorable. Les données de l’étude 1 autorisent effectivement à penser que l’effet de simple
coaction disparaît, si le risque d’une comparaison défavorable diminue (cas des situations de
comparaison descendante).
Au cours de ce chapitre, nous tâcherons de confirmer l’intérêt d’une telle approche.
L’étude 2 visera à répliquer et étendre les résultats de l’étude 1. Nous tenterons notamment de
montrer que les résultats de la première étude sont bien dus à un impact négatif de la
comparaison descendante. De plus, cette deuxième étude permettra d’étendre les prédictions
en termes de menace de l’auto-évaluation à des situations où le coacteur n’est pas
physiquement présent. Les effets de focalisation attentionnelle observés dans cette deuxième
étude seront donc interprétés en termes de menace de l’auto-évaluation. Les études 3, 4 et 5
auront pour objectif de tester la pertinence d’une telle interprétation. Pour ce faire, nous
montrerons que des manipulations en rapport avec la menace de l’auto-évaluation modulent
grandement les résultats obtenus dans l’étude 2.
Chapitre 8 : Menace de l’auto-évaluation et focalisation attentionnelle
188
1 Étude 2
Le raisonnement appliqué pour interpréter les résultats de l’étude 1 est qu’autrui serait
une source de distraction aussi longtemps que l’individu n’est pas rassuré en termes d’auto-
évaluation. Dans le cadre d’une situation de comparaison sociale interpersonnelle, le
mouvement unidirectionnel vers le haut (Festinger, 1954 ; Rijsman, 1974, 1983 ; Seta, 1982)
implique, par conséquent, qu’il y aurait distraction tant que l’individu ne se pense pas
supérieur à la cible de comparaison. Ceci nous amène, de ce fait, à interpréter les données de
cette étude comme le reflet d’un impact négatif de la comparaison descendante. Celle-ci ferait
perdre l’effet positif de la coaction sur la focalisation attentionnelle.
Cependant, nous avons vu que cette interprétation reposait sur une comparaison entre
les deux phases de l’étude 1. Une comparaison directe entre une condition de simple coaction
et de comparaison descendante (avec présence physique d’un coacteur) n’était pas possible.
De plus, dans cette première étude, il existe deux sources de variation entre le groupe contrôle
et les conditions de comparaison sociale. D’une part, les participants en condition de
comparaison étaient en présence d’un coacteur alors que ceux de la condition de contrôle
étaient seuls. D’autre part, les participants des deux conditions avec présence d’un coacteur
étaient en situations de comparaisons sociales explicites. L’un des objectifs de cette seconde
étude sera donc d’orthogonaliser ces deux dimensions — i.e., comparaison sociale et présence
d’un coacteur. Ainsi, nous croiserons la présence physique du coacteur, celui-ci étant dans le
même box expérimental que le sujet ou dans un box distinct33, avec la direction de la
comparaison sociale. Trois conditions de comparaison sociale seront utilisées : une condition
de comparaison ascendante (CA), une condition de comparaison descendante (CD) et une
condition sans induction de comparaison explicite (sans comparaison ; SC).
Rappelons à ce propos que dans l’étude 1, le sens de la comparaison sociale était
manipulé en indiquant au participant qu’il avait fait plus ou moins d’erreurs que le coacteur.
De fait, la perception de la distance entre la performance du sujet et celle de la cible de
comparaison ne pouvait être contrôlée. Etant donné que la littérature a abondamment
33 Dans cette étude, le coacteur sera ou non présent physiquement dans le box expérimental. Etant
donné qu’une autre personne réalise la même tâche que celle-ci soit présente physiquement ou non, cette
situation est, en toute rigueur, une situation de coaction. Néanmoins, en accord avec l’acception « facilitation
sociale » du terme, lorsque nous parlerons d’effet de coaction ou d’effet de la simple présence du coacteur, nous
nous référerons à la présence physique de celui-ci.
Chapitre 8 : Menace de l’auto-évaluation et focalisation attentionnelle
189
démontré l’importance de la différence perçue entre soi et autrui (e.g., Seta et al., 1991 ; voir
Chapitre 4), nous utiliserons dans cette étude un feed-back plus précis (e.g., respectivement
65 % et 50 % de bonnes réponses pour le sujet et le coacteur en condition de comparaison
descendante). Si la perception subjective de cette différence peut varier d’un individu à un
autre, ceci permet néanmoins de mieux la contrôler.
Ce plan expérimental, illustré sur la Figure 14, présente plusieurs intérêts. En première
phase, il permettra tout d’abord de tester une nouvelle fois l’effet de la simple coaction (i.e.,
sans induction de comparaison sociale explicite) sur la focalisation attentionnelle. En effet,
lors de cette phase, les participants seront seuls dans le box ou en présence physique d’un
coacteur.
Le deuxième intérêt de cette étude est qu’elle permettra de départager les deux
interprétations des résultats de la seconde phase de l’étude 1. Rappelons que la première de
ces interprétations postule que ces résultats seraient dus uniquement à un effet positif de la
comparaison ascendante (Huguet et al., 1999). La seconde repose sur l’idée que la
comparaison descendante diminuerait la distraction et ferait donc disparaître l’impact positif
de la coaction. En effet, si cette dernière interprétation est correcte, la condition de
comparaison descendante devrait être la seule des trois conditions avec présence physique du
coacteur à présenter un taux plus important de conjonctions illusoires. En tout état de cause,
afin de démontrer que la comparaison descendante fait perdre l’impact positif de la coaction,
le pourcentage d’erreurs conjonctives dans cette condition devra être supérieur à celui de la
condition de simple coaction (i.e., condition « sans comparaison / autrui présent »). Qui plus
est, cette condition de comparaison descendante devrait une nouvelle fois entraîner des
performances similaires à la condition de contrôle, soit ici la condition « sans
comparaison / autrui absent ».
Plus généralement, les résultats de cette seconde phase vont nous permettre de tester le
modèle proposé en termes de menace de l’auto-évaluation. Commençons par rappeler que
dans le cadre de la théorie du conflit-distraction (Baron, 1986), les effets de facilitation-
inhibition sociale seraient dus au conflit attentionnel introduit par la distraction. Il est
important de noter que cette distraction ne doit pas forcement être externe ou physique ; elle
pourrait également prendre la forme d’une distraction interne (Baron, 1986). Ceci implique
que le coacteur ne devrait pas nécessairement être présent physiquement dans le box pour
influer sur les performances. La théorie du conflit-distraction avance que l’une des raisons de
la distraction repose sur le besoin d’auto-évaluation. De fait, si la situation induit une
Chapitre 8 : Menace de l’auto-évaluation et focalisation attentionnelle
190
comparaison sociale explicite avec le coacteur, la menace associée à une comparaison
défavorable pourrait, elle-aussi, être une source de distraction. Le conflit attentionnel entre la
tâche à réaliser et cette distraction interne devrait donc également augmenter la focalisation.
Les recherches présentées au cours du chapitre sur les effets de la menace sur les
performances autorisent une telle proposition. Nous avons effectivement des raisons de
penser que la menace de l’auto-évaluation, et plus particulièrement ici la comparaison
ascendante, pourrait conduire à un phénomène de distraction interne. Avec Martin et Tesser
(1996), nous avons vu par exemple que le fait de ne pas atteindre un objectif créerait des
pensées ruminantes. Or, les travaux effectués dans le champ de la comparaison sociale
amènent à penser que, le fait d’être supérieur à autrui (Festinger, 1954), serait justement l’un
de ces objectifs.
De plus, les travaux de Koole et al. (1999) ont montré qu’un échec induisait
effectivement des pensées ruminantes. Il semble donc raisonnable de penser que, du fait du
mouvement unidirectionnel vers le haut, une situation de comparaison ascendante serait
source de distraction, et donc de focalisation attentionnelle, même lorsque le coacteur n’est
pas physiquement présent.
A l’appui de cette idée, les travaux réalisés dans le champ de la menace des
stéréotypes proposent également que les situations de menace des stéréotypes (voir Chapitre
5) induiraient des pensées distractives, non-liées à la tâche à réaliser (e.g., Spencer et al.,
1999 ; Steele et Aronson, 1995). De plus, certains de ces travaux démontrent que la
diminution de la menace de l’auto-évaluation fait disparaître ces effets (e.g., Croizet, Désert,
Dutrévis et Leyens ; manuscrit non publié cité dans Croizet et al., 2001).
De même, les travaux réalisés dans le cadre de l’influence sociale suggèrent que la
menace dans la comparaison des compétences tendrait effectivement à moduler l’attention
attribuée à la tâche (Butera et Buchs, sous presse). Ces travaux amenant même à penser que la
menace, créée par la comparaison avec une cible (au sens comparaison sociale du terme) plus
compétente, centrerait l’attention des individus sur un nombre plus restreint d’informations
(Butera et Mugny, 2001 ; voir également Nemeth et al., 1992).
Toutes ces considérations suggèrent que l’application de la notion de menace de
l’auto-évaluation amène à prédire une plus grande focalisation attentionnelle, dès lors qu’il
existe une menace ou un risque de menace. Ainsi, la simple présence d’un coacteur
impliquant la potentialité d’une comparaison défavorable (Geen, 1980), nous devrions
retrouver un taux plus faible de conjonctions illusoires dans cette condition que dans la
Chapitre 8 : Menace de l’auto-évaluation et focalisation attentionnelle
191
condition « seul » et ce, dans les deux phases de l’expérience. De même, la focalisation
attentionnelle devrait être favorisée dans les conditions où il existe une menace (et non plus
un risque) de l’auto-évaluation, c’est-à-dire les deux conditions de comparaison ascendante.
En premier lieu, du fait d’un maintien de l’effet de coaction lorsque le coacteur sera présent
physiquement (i.e., condition « comparaison ascendante / autrui présent » ; Seta, 1982). En
second lieu, en vertu d’un effet positif de la comparaison ascendante per se, lorsque le
coacteur ne sera pas physiquement présent (i.e., condition « comparaison ascendante / autrui
absent » ; Seta, 1982 ; Rijsman, 1974).
Pour finir, le taux de conjonctions illusoires devrait être plus important que pour ces
trois conditions (i.e., « sans comparaison / autrui présent », « comparaison ascendante / autrui
présent » et « comparaison ascendante / autrui absent ») dans les trois situations restantes,
c’est-à-dire les deux conditions de comparaison descendante et la condition de contrôle (i.e.,
« sans comparaison / autrui absent »). En effet, dans ces trois conditions, il n’existerait pas
(i.e., « sans comparaison / autrui absent », « comparaison descendante / autrui absent ») ou
plus (i.e., « comparaison descendante / autrui présent ») de menace de l’auto-évaluation, le
taux de conjonctions illusoires devrait donc être plus important que dans les conditions où la
menace ou la potentialité de menace est toujours présente.
En résumé, lors de la première phase, nous devrions retrouver un effet positif de la
coaction. En seconde phase, trois conditions devraient présenter des taux de conjonctions plus
faibles — i.e., les conditions « sans comparaison / autrui présent », « comparaison
ascendante / autrui présent » et « comparaison ascendante / autrui absent » — et les trois
autres — i.e., les conditions « sans comparaison / autrui absent », « comparaison
descendante / autrui présent » et « comparaison descendante / autrui absent » — des taux de
conjonctions plus élevés. Notons qu’une fois encore, nous n’attendons pas de différence sur
les erreurs non-conjonctives.
1.1 Méthode
1.1.1 Population
Soixante-huit étudiants en psychologie de l’université de Grenoble ont reçu des bons
d’expériences, en échange de leur participation à une étude sur la perception visuelle. Cinq
participants ont dû être retirés de l’analyse : trois parce qu’ils étaient suspicieux quant aux
feed-back et deux, parce qu’ils n’ont pas pu rappeler leur score ou celui du coacteur. Les
participants étaient répartis aléatoirement dans l’une des six conditions expérimentales du
Chapitre 8 : Menace de l’auto-évaluation et focalisation attentionnelle
192
plan inter-sujets 2 (présence d’autrui : absent, présent) × 3 (direction de la comparaison
sociale : sans comparaison sociale, comparaison sociale descendante, comparaison sociale
ascendante). La moyenne d’âge était de 20 ans (M = 20.11, SD = 2.99). La majorité des
participants était des femmes (N = 52).
1.1.2 Matériel
Le matériel utilisé dans cette étude était quasiment identique à celui de l’étude 1. La
seule exception concernait le questionnaire post-expérimental qui comportait deux questions
supplémentaires. Les participants devaient, en effet, rappeler le score de bonnes réponses qui
leur avaient été attribués en première phase ainsi que celui du coacteur.
1.1.3 Procédure
La procédure était relativement similaire à celle de l’étude 1. Lorsque les participants
arrivaient pour l’expérience, l’expérimentateur leur expliquait (condition autrui présent) ou
non (condition autrui absent) que pour des raisons de dernière minute, le second box
expérimental n’était plus libre et qu’ils seraient donc installés dans un seul et même box. En
effet, dans la condition autrui présent, l’expérience se déroulait dans un box expérimental où
deux ordinateurs étaient placés, comme dans l’étude 1, l’un en face de l’autre, légèrement
décalés.
Avant d’installer les participants, excepté dans la condition de contrôle (c’est-à-dire
seul et sans feed-back), les instructions étaient données aux deux participants en même temps.
Dans la condition autrui absent, ce n’est qu’après ces instructions que l’expérimentateur
plaçait les participants chacun dans un box différent. En résumé, comme l’illustre la Figure
14, la moitié des participants était chacun dans un box, tandis que l’autre moitié des
participants partageait ce box avec le compère.
Chapitre 8 : Menace de l’auto-évaluation et focalisation attentionnelle
193
Figure 14. Procédure générale (Etude 2).
Le déroulement de la tâche était identique à celui de l’étude 1. Ici encore, l’induction
expérimentale de la comparaison sociale avait lieu durant la pause. Il est à rappeler que pour
les deux conditions « sans comparaison », la pause était une pause classique. En revanche,
pour les conditions de comparaison ascendante et descendante, l’expérimentateur expliquait
aux participants qu’un délai de quelques minutes serait nécessaire, avant l’obtention des
résultats de la première phase. Il sortait alors de la salle d’expérience et revenait pour
l’induction des pseudo feed-back.
Dans la condition « autrui présent », l’expérimentateur expliquait aux participants que
les résultats étaient traités par l’ordinateur central et les scores apparaissaient directement sur
l’écran de leur ordinateur. Le score attribué aux participants était toujours de 65 % de bonnes
réponses. Celui du coacteur était, lui, fonction de la condition de comparaison sociale avec
80 % et 50 %, respectivement pour les conditions de comparaison ascendante et descendante.
Dans la condition « autrui absent », l’expérimentateur expliquait également que les
résultats étaient traités par l’ordinateur central. Il allait ensuite chercher les résultats et
revenait avec des feuilles comportant lesdits résultats (fictifs). Il disait alors aux participants
qu’ils avaient obtenu des scores de 80 % ou 50 % de bonnes réponses, respectivement pour
les conditions de comparaison ascendante et descendante. Immédiatement après, il rectifiait
en disant qu’il s’était trompé de ligne et que le score qu’il venait de leur indiquer était celui
de l’autre participant. Finalement, après s’être excusé pour cette erreur, il leur apprenait que
Chapitre 8 : Menace de l’auto-évaluation et focalisation attentionnelle
194
leur score était de 65 % de bonnes réponses. C’est à la suite de ce pseudo feed-back, que les
participants commençaient la seconde phase34.
Lorsque la seconde phase était achevée, les participants remplissaient le questionnaire
post-expérimental. Une fois ce questionnaire rempli, le but de l’expérience était expliqué aux
participants puis ils étaient remerciés.
1.1.4 Plan expérimental
Dans cette expérience nous avions deux variables indépendantes inter-sujets. La
première était la présence d’autrui (autrui absent, autrui présent). Les participants étaient un
par box ou en présence physique du coacteur durant toute l’expérience. La seconde variable
indépendante concernait la direction de la comparaison sociale (comparaison ascendante,
comparaison descendante, sans comparaison). Dans la condition de comparaison ascendante,
les participants obtenaient un score de bonnes réponses inférieur à celui de la cible de
comparaison (65 % pour eux et 80 % pour le coacteur). Dans la condition de comparaison
descendante, les participants obtenaient un score de bonnes réponses supérieur à celui de la
cible (65 % pour eux et 50 % pour le coacteur). Dans la condition sans comparaison, aucun
feed-back n’était fourni. De fait, il n’y avait pas de comparaison sociale explicite.
1.2 Résultats
1.2.1 Contrôle du paradigme
Une analyse de variance avec le type d’items (conjonctifs et non-conjonctifs) en
mesures répétées a été réalisée sur les résultats du groupe contrôle en phase 1. Comme dans
l’étude 1, le pourcentage d’erreurs observé sur les items non-conjonctifs (M = 10.69 %, SD =
11.09 %) était inférieur à celui observé sur les items conjonctifs (M = 58.75 %, SD = 19.76
%) ; F(1, 11) = 35.65, p < .001, hypothèse unilatérale, η2 = .76. La même analyse réalisée sur
les résultats du groupe contrôle en seconde phase révèle, qu’une fois encore, le pourcentage
d’erreurs sur les items non-conjonctifs (M = 3.96 %, SD = 3.44 %) était inférieur à celui
observé sur les items conjonctifs (M = 44.28 %, SD = 25.13 %), F(1, 11) = 29.18, p < .001,
34 Notons qu’il existe par conséquent une différence dans la forme de l’induction entre les conditions
« autrui présent » (affichage des deux scores sur l’écran) et « autrui absent » (erreur de ligne). Néanmoins,
comme nous le verrons, cette différence n’affecte pas les résultats obtenus.
Chapitre 8 : Menace de l’auto-évaluation et focalisation attentionnelle
195
hypothèse unilatérale, η2 = .73. Ces résultats sont fondamentaux du fait qu’ils garantissent
encore une fois la validité du matériel et de la procédure.
1.2.2 Contrôle des manipulations
Comme nous l’avons indiqué précédemment, les participants devaient rappeler leur
score et celui du coacteur, en fin d’expérience. Ces deux questions permettaient de vérifier si
les participants se rappelaient bien des deux scores. Deux participants ont dû être exclus de
l’analyse, du fait qu’ils n’ont pu rappeler leur score et / ou celui du coacteur.
1.2.3 Mesure des erreurs
1.2.3.1 Phase 1
Nous attendions ici, comme dans la première étude, un effet positif de la simple
présence d’autrui sur le pourcentage d’erreurs conjonctives. Afin de tester l’effet de la simple
coaction, une ANOVA avec la présence d’autrui (autrui absent versus autrui présent) comme
variable inter-sujets a été réalisée. Cette analyse, conduite sur le pourcentage d’erreurs
conjonctives, confirme nos prédictions et démontre que ces résultats sont en accord avec ceux
de l’étude 1. En effet, les participants en présence du coacteur ont fait moins d’erreurs
conjonctives (M = 47.91 %, SD = 21.08 %) que les participants seuls dans leur box (M =
56.56 %, SD = 18.08 %), F(1, 61) = 3.045, p = .043, hypothèse unilatérale, η2 = .047. De
plus, la différence sur les erreurs non-conjonctives s’est révélée non significative, F(1,
61) < 1.
1.2.3.2 Phase 2
Rappelons qu’une approche en termes de menace de l’auto-évaluation prédit ici un
pattern de performance à deux niveaux, comportant tout d’abord un niveau avec un
pourcentage d’erreurs conjonctives plus important pour les deux conditions de comparaison
descendante (i.e., autrui présent et absent) et pour la condition « sans comparaison / autrui
absent ». Ensuite, un second niveau de performance, avec un pourcentage d’erreurs
conjonctives moins important, devait apparaître pour les deux conditions de comparaison
ascendante et pour la condition de simple coaction. Afin de tester ce modèle, deux tests
orthogonaux ont été réalisés. Le premier de ces deux tests était un contraste, à un degré de
liberté, testant le modèle théorique proposé. Les codes lambda utilisés étaient de la forme « –1
1 1 1 –1 –1 », respectivement associés aux conditions « sans comparaison / autrui présent »,
Chapitre 8 : Menace de l’auto-évaluation et focalisation attentionnelle
196
« sans comparaison / autrui absent », « comparaison descendante / autrui présent »,
« comparaison descendante / autrui absent », « comparaison ascendante / autrui présent » et
« comparaison ascendante / autrui absent ». Le second test effectué concernait la variance
non-expliquée par le modèle. En d’autres termes, celui-ci testait la somme de tous les effets
non prévus par le modèle. Ces analyses révèlent que le test du modèle est significatif, F(1, 57)
= 13.28, p < .001, η2 = .189, mais pas celui de la variance résiduelle, F(4, 57) < 1, p = .7735.
Figure 15. Pourcentage d’erreurs conjonctives en fonction de la présence d’autrui et
de la comparaison sociale (Etude 2).
Comme le montre la Figure 15, la décomposition du modèle confirme nos attentes.
Ainsi, un effet de simple présence du coacteur est apparu une nouvelle fois ; quand aucune
comparaison sociale explicite n’était induite, le pourcentage d’erreurs était moins important
quand le coacteur était présent physiquement que lorsqu’il était absent, F(1, 57) = 8.06, p =
.0031, hypothèse unilatérale, η2 = .12.
De plus, en accord avec notre interprétation des résultats de l’étude 1 en termes
d’impact négatif de la comparaison descendante, le pourcentage d’erreurs de la condition
« sans comparaison / autrui présent » était également inférieur à celui de la condition
35 Afin d’être moins conservateurs, là où nous n’attendions pas d’effet, tous les tests de résidus
présentés dans la thèse ont également été testés avec un seul degré de liberté (Keppel, 1991). Ces analyses nous
ont amenés aux mêmes conclusions.
Chapitre 8 : Menace de l’auto-évaluation et focalisation attentionnelle
197
« comparaison descendante / autrui présent » F(1, 57) = 3.98, p = .025, hypothèse unilatérale,
η2 = .065. Notons que la différence observée entre les conditions « comparaison
ascendante / autrui présent » et « sans comparaison / autrui absent » réplique le résultat de
l’étude 1, F (1, 57) = 6.64, p = .006, hypothèse unilatérale, η2 = .10.
Par ailleurs, ces données permettent de constater qu’en l’absence de présence physique
d’autrui, l’induction de comparaison ascendante amène à un pourcentage d’erreurs
conjonctives plus faible que celui de la condition sans comparaison, F(1, 57) = 4, p = .025,
hypothèse unilatérale, η2 = .066.
Pour finir, la différence entre condition de comparaison ascendante et descendante
était significative que le coacteur soit présent, F(1, 57) = 3.039, p = .043, hypothèse
unilatérale, η2 = .051 ou non, F(1, 57) = 3.20, p = .039, hypothèse unilatérale, η2 = .053.
Rappelons que le modèle prédisait une meilleure performance en comparaison ascendante
qu’en comparaison descendante, indépendamment de la présence du coacteur. Cette
prédiction a pu être testée avec un contraste opposant comparaison ascendante et descendante,
sans prendre en compte la présence ou l’absence du coacteur. Comme nous pouvions nous y
attendre, ce contraste était également significatif, F(1, 57) = 6.23, p = .008, hypothèse
unilatérale, η2 = .09836.
Etant donnée l’approche attentionnelle de notre modèle, aucune différence n’était
attendue sur le pourcentage d’erreurs non-conjonctives. Une analyse de variance à un facteur
confirme que le pourcentage d’erreurs non-conjonctives n’était pas influencé par les
conditions expérimentales, F(5, 57) = 1.33, p = .26.
1.2.4 Temps de réaction
Il pourrait être avancé que les participants des conditions critiques ont pris plus de
temps pour répondre. Toutefois, cette interprétation ne pourrait pas expliquer nos résultats
dans la mesure où aucune variation n’apparaît, F(5, 57) < 1, p = .74, sur les temps de réponse
observés en phase 2 pour les items conjonctifs.
36 L’hypothèse postulait que ceci devait être vrai indépendamment de la présence du coacteur. Or,
l’interaction avec la variable présence d’autrui associée à cette différence n’était effectivement pas significative,
F(1, 57) < 1, p = .91
Chapitre 8 : Menace de l’auto-évaluation et focalisation attentionnelle
198
1.3 Discussion
Avant toutes choses, il apparaît que ces résultats, comme ceux de l’étude 1 et de
Huguet et al. (1999), tendent à favoriser une approche attentionnelle des effets de coaction.
Ici encore, la simple présence d’un coacteur faisait émerger un effet de facilitation sociale, le
pourcentage d’erreurs conjonctives étant plus faible que dans la condition « seul ». Dans cette
étude, nous observons cet effet lors de la première phase, mais également lors de la seconde.
Notons qu’une approche en termes de réponses dominantes pourrait rendre compte de
cet effet de facilitation sociale, mais uniquement dans le cas de la seconde phase. En effet,
dans la condition « seul », la réponse dominante était incorrecte (pourcentage d’erreurs
supérieur à 50 %) lors de la première phase et correcte (pourcentage d’erreurs inférieur à
50 %) lors de la seconde. De fait, en termes de réponses dominantes, nous devrions voir
apparaître des effets d’inhibition et de facilitation, respectivement pour la première et la
seconde phase. Or, nos données font apparaître un effet de facilitation dans les deux cas, un
résultat plus en accord avec une vision attentionnelle des effets de coaction. Les résultats sont
également en accord avec cette vision attentionnelle, dans la mesure où sur l’ensemble de
cette étude, aucun effet n’est apparu sur les erreurs non-conjonctives.
L’un des objectifs de cette seconde étude était de mettre en évidence le fait que les
résultats de la seconde phase de l’étude 1 reflétaient bien une diminution de la distraction
induite par la menace de l’auto-évaluation. Autrement dit, nous voulions montrer que la
situation de comparaison descendante avait effectivement annihilé l’impact positif de la
présence du coacteur. Si tel était le cas, nous devions pouvoir démontrer qu’en présence du
coacteur, la performance serait moins bonne en comparaison descendante qu’en simple
coaction, c’est-à-dire sans comparaison. Les résultats de cette deuxième étude confirment
cette prédiction. De plus, parmi les conditions où le coacteur était présent, cette condition de
comparaison descendante était la seule à ne pas différer de la condition de contrôle. Par
ailleurs, nous retrouvons comme dans l’étude 1, un pourcentage d’erreurs conjonctives plus
faible en condition « comparaison ascendante / autrui présent » que dans les conditions de
contrôle et « comparaison descendante / autrui présent ». Remarquons que cette condition ne
diffère pas de la condition de simple coaction (i.e., condition « sans comparaison / autrui
présent »). Il est de ce fait possible de dire qu’en situation de coaction, la comparaison sociale
descendante annule l’effet positif de la coaction, effet que la comparaison ascendante ne fait
que maintenir.
Chapitre 8 : Menace de l’auto-évaluation et focalisation attentionnelle
199
Cette étude révèle, néanmoins, que lorsque le coacteur n’était pas présent
physiquement, la performance n’était pas influencée par la comparaison descendante, mais
elle était facilitée par la comparaison ascendante. Ainsi, en comparaison ascendante, le
pourcentage d’erreurs conjonctives a pu être abaissé sans présence physique du coacteur. Ce
résultat confirme que la présence physique d’un coacteur n’est pas toujours nécessaire pour
induire une meilleure focalisation attentionnelle. De plus, il renforce l’idée que la menace de
l’auto-évaluation serait un facteur important dans l’explication des effets de facilitation-
inhibition sociale. En effet, si la distraction explique les effets de coaction et si celle-ci peut
être une distraction interne (cf. Baron, 1986), il était important de montrer qu’elle pouvait agir
malgré l’absence physique du coacteur.
Pris dans leur ensemble, les résultats de la seconde phase sont en accord avec les deux
niveaux de performance que nous attendions. Un premier niveau de performance comparable
à celui du groupe contrôle. Comme prévu, nous retrouvons à ce niveau les deux conditions où
le risque de menace de l’auto-évaluation était atténué, c’est-à-dire les deux conditions de
comparaison descendante. Pour la première de ces conditions, c’est-à-dire la condition
« comparaison descendante / autrui absent », l’introduction de la comparaison descendante ne
modulerait pas les performances, du fait qu’autrui n’était pas présent physiquement et que de
surcroit, la cible de comparaison était inférieure aux participants. Dans la seconde de ces deux
conditions, c’est-à-dire la condition « comparaison descendante / autrui présent », la
satisfaction du besoin d’auto-évaluation positive aurait rendu la comparaison avec le coacteur
moins pertinente. Ceci avait entrainé l’élimination de l’impact positif de la simple coaction.
En bref, la comparaison descendante ne modifiait pas les performances lorsqu’autrui n’était
pas physiquement présent. En revanche, elle diminuait l’impact positif de la simple coaction,
lorsqu’autrui était présent dans le box.
Au second niveau de performance, on retrouve les trois conditions avec des
pourcentages de conjonctions inférieurs à celui du groupe contrôle. Ce niveau était atteint,
comme nous l’attendions, dès lors qu’il existait une menace ou un risque de menace de l’auto-
évaluation. En effet, ce niveau était atteint d’une part, pour les deux conditions où il existait
une menace, car la performance n’est pas satisfaisante en termes de mouvement
unidirectionnel vers le haut (Festinger, 1954), c’est-à-dire ici lorsque les participants étaient
inférieurs à la cible de comparaison ; d’autre part, lorsqu’il subsistait une incertitude quant à
une éventuelle menace due à une comparaison défavorable, i.e., en simple coaction.
Chapitre 8 : Menace de l’auto-évaluation et focalisation attentionnelle
200
2 Vers une interprétation en termes de menace de l’auto-évaluation : études 3, 4 et 5
Les trois études qui vont être présentées maintenant ont pour objectif général de
mettre à l’épreuve l’interprétation basée sur la notion de menace de l’auto-évaluation. Ainsi,
nous tâcherons de démontrer qu’il est possible d’interpréter les résultats de l’étude 2 à partir
de l’idée de menace ou de risque de menace de l’auto-évaluation.
Figure 16. Test du modèle théorique sur la base de l’étude 2.
Nous proposons que l’effet de simple coaction peut en partie s’expliquer par la
menace potentielle, pour l’individu, d’être inférieur à la cible de comparaison. Comme
l’illustre la Figure 16, l’étude 3 visera à tester cette proposition. Cette étude mènera
également à explorer la possibilité d’induire une menace de l’auto-évaluation sur la base d’un
autre standard de performance, un standard de performance qui ne serait pas lié directement à
la comparaison interpersonnelle.
Les taux importants de conjonctions obtenus en condition de comparaison descendante
ont été expliqués en termes de faible menace de l’auto-évaluation. L’étude 4 aura pour
objectif de démontrer qu’il est possible d’induire une menace, et donc une meilleure
focalisation attentionnelle, même en situation de comparaison descendante.
Enfin, les pourcentages de conjonctions plus faibles observés en comparaison
ascendante ont été attribués à la menace de l’auto-évaluation. L’étude 5 tentera de montrer
qu’il est possible de diminuer la menace associée à la comparaison défavorable avec le
Chapitre 8 : Menace de l’auto-évaluation et focalisation attentionnelle
201
coacteur. Une telle diminution de la menace devrait s’accompagner d’une diminution de la
focalisation (et donc d’un taux de conjonctions plus important), même si la comparaison
interpersonnelle reste insatisfaisante.
3 Etude 3
Au cours des études 1 et 2, nous avons introduit la menace de l’auto-évaluation sur la
base de la comparaison interpersonnelle. Les travaux sur la comparaison sociale, et plus
particulièrement sur la notion de mouvement unidirectionnel vers le haut (Festinger, 1954),
permettaient de penser que la performance du coacteur pouvait définir un standard de
performance à atteindre. En effet, comme le rapportent Seta et al. (1991, page 560) : « they
may use the performance level of a coactor as a standard, or goal, to define success and
failure ». De fait, nous avons proposé que l’échec sur la base de la comparaison
interpersonnelle introduisait un conflit attentionnel, via la distraction (interne) induite par le
fait de ne pas atteindre ce standard (Martin et Tesser, 1996). En accord avec cette idée,
l’expérience 2 a permis de montrer qu’en l’absence physique du coacteur, la comparaison
ascendante permettait une meilleure focalisation attentionnelle.
Afin d’explorer les implications de telles propositions, revenons quelques instants à la
notion même de mouvement unidirectionnel vers le haut (Festinger, 1954). Lorsque nous
avions mentionné la théorie de Festinger, nous avions souligné que le mouvement
unidirectionnel vers le haut pouvait s’appliquer indifféremment à tous les types de standard.
De ce fait, la performance d’autrui ne serait qu’un standard d’évaluation parmi d’autres. Nous
retrouvons déjà cette idée avec l’hypothèse II de Festinger (1954), qui stipule que l’évaluation
des opinions et des aptitudes se fait en comparaison à autrui, uniquement si l’individu ne
dispose pas de moyens objectifs, non sociaux. Pour notre propos, nous retiendrons que le
mouvement unidirectionnel vers le haut définit le besoin d’atteindre une « bonne »
performance, que le standard d’évaluation de celle-ci soit interpersonnel ou non (voir
Chapitre 4).
De ce fait, quand la question est de la forme « cette performance est-elle
satisfaisante ? », plusieurs moyens d’évaluation sont possibles. Le recours à la comparaison
interpersonnelle en serait un et nous avons vu, dans le Chapitre 4, qu’il s’agirait même d’un
moyen privilégié. Cependant, pour Bandura (1986), les individus disposeraient effectivement
de différents types de standards pour l’auto-évaluation (voir Harkins et Szymanski, 1988 ;
Szymanski et Harkins, 1987). Parmi ces différents standards, nous avons pu voir que le
Chapitre 8 : Menace de l’auto-évaluation et focalisation attentionnelle
202
« fameux » milieu de l’échelle, très souvent utilisé en milieu scolaire, se rapprochait de ce
qu’il qualifie de standards normatifs (Bandura, 1986). Aussi, le milieu de l’échelle — e.g., le
10 / 20 de nos écoles — serait-il un autre standard de référence possible pour l’auto-
évaluation.
Si les résultats obtenus jusqu’ici sont interprétables en termes de menace de l’auto-
évaluation, il devrait être possible de démontrer que la menace introduite par une
comparaison négative avec ce standard de référence devrait également induire une meilleure
focalisation attentionnelle. Ici encore, apprendre que la performance obtenue n’est pas
satisfaisante devrait induire les pensées ruminantes associées à la divergence (i.e., à la
« discrepancy ») entre standard et performance (Koole et al., 1999 ; Martin et Tesser, 1996).
Autrement dit, cette divergence devrait également introduire de la distraction. Distraction qui
devrait se traduire par une meilleure focalisation attentionnelle (Baron, 1986). Dans la
présente expérience, ce standard de référence — le milieu de l’échelle — sera operationnalisé
en attribuant aux participants des feed-back de 65 % ou de 35 % de bonnes réponses. Nous
qualifierons ces deux conditions respectivement de « bonne » et « mauvaise performance »,
ces performances étant satisfaisantes ou non par rapport au milieu de l’échelle, c’est-à-dire
50 %37. Notre modèle théorique nous amène à prédire que la menace de l’auto-évaluation
induite en condition « mauvaise performance » (i.e., condition 35 %), sur la base de ce
standard de référence, devrait conduire à moins de conjonctions illusoires que dans la
condition « bonne performance » (i.e., 65 %).
Si la prédiction précédente se trouvait confirmée, nous pourrions, par ailleurs, mettre à
l’épreuve notre interprétation des effets de coaction en termes de menace potentielle de
l’auto-évaluation. Avant toutes choses, précisons que le plan expérimental utilisé dans cette
étude croisera la variable que nous venons de présenter (bonne versus mauvaise
performance), avec la variable « présence d’autrui » : autrui présent versus absent. Notons
que dans cette expérience, les participants de la condition « autrui absent » seront réellement
seuls, au sens où il n’y aura aucun coacteur (même dans un autre box). L’application de la
notion de menace potentielle nous amène à prédire que le fait d’être rassuré sur sa
performance, sur la base de ce standard de référence, ne sera pas suffisant dès lors qu’il
37 Notons qu’un étudiant de psychologie averti pourrait ne pas considérer le 50 % comme le milieu de
l’échelle, mais plutôt comme un score correspondant à des réponses au hasard. Toutefois, les participants de
cette étude étaient tous étudiants en première année de psychologie. Qui plus est, l’étude s’est déroulée en début
d’année universitaire.
Chapitre 8 : Menace de l’auto-évaluation et focalisation attentionnelle
203
subsistera un risque de comparaison ascendante. Ainsi, la simple présence d’un coacteur
devrait amener à une meilleure focalisation attentionnelle, même lorsque la performance
attribuée expérimentalement sera satisfaisante (i.e., 65 %). Autrement dit, l’impact négatif
(encore une fois en termes des focalisation attentionnelle), du fait d’être rassuré par rapport au
standard de référence, serait éliminé par la simple potentialité d’une comparaison défavorable
(les participants de cette étude n’auront jamais accès à la performance du coacteur).
En résumé, notre modèle théorique prédit, encore une fois, une meilleure focalisation
attentionnelle dans toutes les conditions où il existera une menace ou un risque de menace de
l’auto-évaluation. De fait, une seule condition devrait mener à des taux de conjonctions plus
important : la condition « autrui absent / bonne performance ». En effet, cette condition sera
la seule pour laquelle il n’existera ni menace, ni potentialité de menace.
3.1 Méthode
3.1.1 Population
Soixante étudiants en psychologie de l’université de Grenoble ont reçu des bons
d’expériences, en échange de leur participation à une étude présentée comme une étude
d’ergonomie. Cinq participants ont dû être retirés de l’analyse : deux parce qu’ils étaient
suspicieux quant au feed-back et trois parce qu’ils n’ont pas pu rappeler leur score. Les
participants étaient répartis aléatoirement dans l’une des quatre conditions expérimentales
d’un plan inter-sujets 2 (présence d’autrui : absent, présent) × 2 (Feed-back fictif : bonne
performance, mauvaise performance). La moyenne d’âge était de 21 ans (M = 21.22, SD =
4.43). La majorité des participants était composée de femmes (N = 49).
3.1.2 Matériel
Le matériel utilisé dans cette étude était le même que celui utilisé dans l’étude 2. Une
seule différence est tout de même à noter : durant le questionnaire post-expérimental les
participants ne devaient plus reporter que leur propre pourcentage de bonnes réponses (les
participants de cette étude n’étaient jamais informés du score du coacteur).
Chapitre 8 : Menace de l’auto-évaluation et focalisation attentionnelle
204
3.1.3 Procédure
La procédure de cette expérience était approximativement la même que celle de
l’étude 2. Une partie de la cover-story était, néanmoins, différente. Cette étude était présentée
comme une recherche d’ergonomie cognitive38. La moitié des participants se présentait seul
(condition autrui absent) à l’expérience. L’autre moitié des participants arrivait en même
temps que le coacteur et était installée une nouvelle fois dans un même box expérimental
(condition autrui présent).
Le feed-back était cette fois fourni par l’ordinateur, dans toutes les conditions. Les
participants de cette étude n’étaient jamais informés de la performance du coacteur. Il est à
rappeler que dans cette étude, comme dans les deux précédentes, le coacteur était toujours un
compère. Cette précaution permettait notamment d’éviter que les participants n’échangent
leurs scores respectifs. Afin d’induire une menace de l’auto-évaluation, sur la base du
standard de référence, la moitié des participants se voyait attribuer un pseudo feed-back de
35 % de bonnes réponses (condition « mauvaise performance »). Les participants restant se
voyaient attribuer, comme dans l’étude 2, un pourcentage de 65 % (condition « bonne
performance »). Ainsi, la moitié des participants avait une performance supérieure au milieu
de l’échelle — i.e., le standard de référence — et l’autre moitié des participants une
performance inférieure à ce standard de 50 %.
3.1.4 Plan expérimental
Dans cette expérience, nous avions deux variables indépendantes inter-sujets. La
première était la présence d’autrui (autrui absent, autrui présent). Les participants étaient
seuls ou en présence physique d’un coacteur durant toute l’expérience. La seconde variable
concernait la valeur du feed-back (bonne performance, mauvaise performance).
38 La section psychologie du travail et ergonomie étant liée au laboratoire de psychologie sociale, une
telle présentation de l’étude permettait de justifier l’utilisation d’une tâche « purement » cognitive dans la cadre
d’une expérience au sein d’un laboratoire de psychologie sociale.
Chapitre 8 : Menace de l’auto-évaluation et focalisation attentionnelle
205
3.2 Résultats
3.2.1 Contrôle du paradigme
Etant donné que dans cette étude il n’y avait pas de réel groupe contrôle, les
conjonctions illusoires ont été testées sur l’ensemble de l’échantillon, indépendamment des
conditions expérimentales. Deux ANOVA, avec le type d’items (conjonctifs et non
conjonctifs) en mesures répétées, ont été réalisées, une première sur les pourcentages
d’erreurs en phase 1 et une seconde pour ceux de la phase 2. La première analyse révèle
qu’ici encore, le pourcentage d’erreurs sur les items non-conjonctifs (M = 11.02 %, SD =
12.10 %) était inférieur à celui des erreurs sur les items conjonctifs (M = 53.92 %, SD = 24.11
%), F(1, 54) = 119.74, p < .001, hypothèse unilatérale, η2 = . 69. La seconde confirme ce
résultat. En effet, le pourcentage d’erreurs sur les items non-conjonctifs (M = 2.93 %, SD =
3.91 %) était une nouvelle fois inférieur à celui des items conjonctifs (M = 20.33 %, SD =
16.95 %), F(1, 54) = 54.20, p < .001, hypothèse unilatérale, η2 = .50.
Comme dans l’étude 2, les participants devaient rappeler le score attribué pour la
première phase dans le questionnaire post-expérimental. Trois participants ont dû être exclus
de l’analyse, étant incapables de rappeler celui-ci.
3.2.2 Mesure des erreurs
3.2.2.1 Phase 1
Étant donné que lors de cette phase les participants étaient seuls ou en présence
d’autrui, nous attendions, comme dans les deux premières études, un effet positif de la simple
coaction. Afin de tester cette prédiction, une ANOVA avec la présence d’autrui (autrui
absent, autrui présent) comme variable inter-sujets a été effectuée sur les deux types de
pourcentage d’erreurs. L’analyse réalisée sur les pourcentages d’erreurs conjonctives indique
que les effets positifs de la simple coaction, observés dans les deux premières études, sont
répliqués. En effet, le pourcentage d’erreurs conjonctives était moins important en présence
du coacteur (M = 46.18 %, SD = 17.42 %) que lorsque les participants étaient seuls dans le
box (M = 61.37 %, SD = 27.43 %), F(1, 53) = 5.94, p = .009, hypothèse unilatérale, η2 = .10.
Aucun effet n’apparaît sur les erreurs non-conjonctives, F(1, 53) < 1.
Chapitre 8 : Menace de l’auto-évaluation et focalisation attentionnelle
206
3.2.2.2 Phase 2
Rappelons qu’une approche en termes de menace de l’auto-évaluation prédit ici un
pattern de performance à deux niveaux, comportant tout d’abord un niveau avec un
pourcentage d’erreurs conjonctives plus important pour la condition « bonne
performance / autrui absent ». Ensuite, un second niveau de performance, avec un
pourcentage d’erreurs conjonctives moins important, devait apparaître pour les trois
conditions restantes. Afin de tester ce modèle, deux tests orthogonaux ont été réalisés. Le
premier de ces deux tests était un contraste, à un degré de liberté, testant le modèle théorique
proposé. Les codes lambda utilisés étaient de la forme « 3 –1 –1 –1 », respectivement associés
aux conditions « bonne performance / autrui absent », « mauvaise performance / autrui
absent », « bonne performance / autrui présent » et « mauvaise performance / autrui présent ».
Le second test effectué était celui de la variance résiduelle. Ces analyses révèlent que le test
du modèle est significatif, F(1, 51) = 19.14, p < .001, η2 = .27, contrairement à celui de la
variance résiduelle, F(2, 51) < 1, p = .73.
Figure 17. Pourcentage d’erreurs conjonctives en fonction de présence d’autrui et de
la performance obtenue (Etude 3).
Chapitre 8 : Menace de l’auto-évaluation et focalisation attentionnelle
207
Comme l’illustre la Figure 17, la décomposition du modèle confirme nos prédictions.
En effet, en dehors de toutes comparaisons sociales interpersonnelles — i.e., dans la condition
autrui absent — le pourcentage d’erreurs conjonctives était plus faible dans la condition
mauvaise performance, que dans la condition bonne performance, F(1, 51) = 10.23, p = .001,
hypothèse unilatérale, η2 = .17. Toutefois cet impact « négatif », du fait d’être rassuré sur sa
performance sur la base du standard de référence, disparaît chez les participants en présence
d’autrui. En effet, dans la condition bonne performance le pourcentage d’erreurs conjonctives
était plus faible en présence d’autrui qu’en l’absence de celui-ci, F(1, 51) = 12.28, p < .001,
hypothèse unilatérale, η2 = .19.
D’après l’approche attentionnelle de notre modèle, aucune différence n’était, une fois
encore, attendue sur le pourcentage d’erreurs non-conjonctives. Une analyse de variance à un
facteur confirme que le pourcentage d’erreurs non-conjonctives n’était pas influencé par les
conditions expérimentales, F(3, 51) < 1, p = .74.
3.2.3 Temps de réaction
Notons, une nouvelle fois, qu’une interprétation basée sur les temps de réaction ne
pourrait rendre compte du pattern observé sur les pourcentages d’erreurs conjonctives. Une
fois de plus, nos résultats ne révèlent aucune variation, F(3, 51) = 1.27, p = .29, dans les
temps de réponse observés en phase 2, pour les items conjonctifs.
3.3 Discussion
Au cours de la première phase de cette étude, les participants étaient seuls ou en
présence d’autrui. Nous pouvions donc espérer une nouvelle fois un effet de facilitation
sociale dû à la simple coaction. Nos données confirment, pour la quatrième fois39, que la
simple présence d’un coacteur produit un effet de facilitation sociale sur une tâche requérant
une focalisation attentionnelle. Cet effet apparaît, encore une fois, malgré une probabilité
d’erreurs conjonctives supérieure à 50 % (i.e., 61 %) en situation d’isolation. A l’instar des
résultats de Huguet et al. (1999), nos résultats favorisent par conséquent, assez nettement, une
approche attentionnelle des effets de facilitation-inhibition sociale.
L’un des buts principaux de cette recherche était toutefois de tester l’impact d’une
menace de l’auto-évaluation sur la base d’un standard de comparaison différent de la
39 Ce décompte prend en considération le fait que nous avons observé cet effet une fois dans l’étude 1
(première phase), deux fois dans l’étude 2 (première et seconde phase) et une fois dans la présente étude.
Chapitre 8 : Menace de l’auto-évaluation et focalisation attentionnelle
208
comparaison interpersonnelle. D’après notre modèle théorique, ceci devait mettre en évidence
qu’une telle induction susciterait également une plus grande focalisation attentionnelle. Les
résultats de cette troisième étude confirment cette proposition. Lorsque les participants étaient
seuls, le pourcentage d’erreurs conjonctives était moins important lorsque la performance
attribuée expérimentalement était inférieure à ce standard que lorsqu’elle était supérieure à
celui-ci. Ainsi, la menace occasionnée par une performance inférieure à ce standard de
référence favorisait bien la focalisation attentionnelle. Néanmoins, nous faisions l’hypothèse
que le fait d’être rassuré, quant à ce standard de référence, ne suffirait plus dès lors qu’une
menace potentielle subsistait sur la base de la comparaison interpersonnelle. En d’autres
termes, s’il existait un risque de comparaison ascendante, être rassuré quant au standard de
référence ne devait plus être suffisant Or, nos résultats confirment que pour la condition
« bonne performance », le pourcentage d’erreurs conjonctives était plus faible quand une
cible de comparaison interpersonnelle — i.e., un coacteur — était introduite. En fait, tout se
passe comme si le fait d’avoir une bonne ou un mauvaise performance n’importait plus, dès
lors que le coacteur était présent. Il apparaît donc que la menace potentielle associée à
l’incertitude quant à la performance du coacteur amenait à une meilleure performance.
Ce résultat nous renvoie également à l’hypothèse II de Festinger (1954) selon laquelle
l’individu utiliserait l’information de comparaison sociale uniquement s’il ne dispose pas de
moyens « objectifs », non sociaux d’auto-évaluation. En effet, on pourrait considérer le
standard de référence que nous avons utilisé comme un moyen objectif. Il est vrai que celui-ci
ne renvoie pas directement à une information sociale. Si tel était le cas, nos résultats
infirmeraient la proposition de Festinger (1954), dans la mesure où cette information
« objective » ne paraît pas supplanter celle de comparaison sociale interpersonnelle.
Néanmoins, même si la mesure, c’est-à-dire un chiffre de 0 à 100, et son milieu (i.e., 50 %)
sont des données très certainement objectives, nous nous accordons à penser avec Tajfel
(1972) que celles-ci ne prennent leur sens qu’en conjonction avec une signification sociale.
En l’occurrence le fait que le milieu de l’échelle est très souvent associé à la moyenne des
individus et qu’il est souvent utilisé comme critère de réussite. Par conséquent, comme nous
l’avons argumenté lors du Chapitre 4, nous ne pensons pas que ce standard de référence soit
réellement un moyen objectif d’évaluation. En effet, celui-ci renverrait plutôt à une
comparaison sociale (beaucoup) plus indirecte, n’ayant pas forcément plus de poids que la
comparaison interpersonnelle. Nous aurons l’occasion de revenir sur ce point avec
l’expérience suivante.
Chapitre 8 : Menace de l’auto-évaluation et focalisation attentionnelle
209
Notons que ces résultats apportent également des précisions sur les mécanismes sous-
jacents à l’impact positif de la comparaison ascendante. Nous avons vu que celui-ci pouvait
être attribué d’une part, au mouvement unidirectionnel vers le haut (Huguet et al., 1999 ;
Seta, 1982 ; Rijsman, 1974) et d’autre part, au fait que la performance d’autrui représente une
source d’inspiration (Buunk, 1995 ; Huguet et al., 2001). Dans le premier cas, l’impact positif
de la comparaison serait dû au fait que nous ne sommes pas satisfaits d’être inférieurs à
autrui. Dans le second, au fait que la performance d’autrui serait une source d’inspiration au
sens où elle nous indique le niveau de performance qu’il est possible d’atteindre. Le problème
est que bien souvent ces deux explications sont confondues et ne peuvent être évaluées
indépendamment. Or, si les données présentées ici permettent de confirmer que l’effet de
coaction est dû, en partie, à la crainte d’une éventuelle comparaison défavorable, celles-ci
suggèrent du même coup, que le mouvement unidirectionnel vers le haut peut, à lui seul,
favoriser les performances. En effet, dans une telle situation, la présence du coacteur implique
un risque de comparaison défavorable mais sa performance ne peut servir de source
d’inspiration, les participants n’ayant pas accès à cette information. La performance d’autrui
ne peut donc servir de source d’inspiration.
Enfin, les résultats obtenus dans cette condition « bonne performance / autrui présent »
sont importants à un autre égard. En effet, cette condition favorise la focalisation
attentionnelle, en dépit du fait que le seul feed-back dont disposaient les participants était
satisfaisant. Il aurait pu être proposé que nos résultats traduisent un changement de stratégie
de réponse, suite à des feed-back problématiques (i.e., comparaison ascendante et / ou
mauvaise performance). Ainsi, si l’on se réfère par exemple à la théorie de l’auto-régulation
de Carver et Scheier (1990), nos résultats précédents pourraient être expliqués en avançant
que la focalisation attentionnelle est augmentée uniquement parce qu’il existe une divergence
entre standard de performance et performance obtenue. Or, dans cette condition, la
focalisation était favorisée, alors même qu’il n’y avait pas de feed-back problématique. Il n’y
aurait donc aucune raison, a priori, pour changer de stratégie de réponses. Le seul moyen
d’expliquer nos résultats, dans le cadre strict de la théorie de Carver et Scheier, serait de
revenir à leur explication des effets de facilitation-inhibition sociale (Carver et Scheier, 1981).
Il pourrait être proposé qu’une performance de 65 % n’était pas réellement suffisante pour les
individus, mais que la présence d’autrui était nécessaire pour enclencher la boucle de
rétroaction négative (Carver et Scheier, 1981). Néanmoins, ce faisant, la différence observée
entre les conditions bonne et mauvaise performance, quand autrui n’était pas présent, ne
Chapitre 8 : Menace de l’auto-évaluation et focalisation attentionnelle
210
pourrait plus être expliquée. Une approche en termes de menace (ou risque de menace) de
l’auto-évaluation explique, quant à elle, ces deux effets. Comme nous l’avons vu, cette
approche permettait de prédire l’ensemble du pattern de résultats obtenus, c’est-à-dire un
pourcentage d’erreurs conjonctives plus important pour la seule condition où il n’existait ni
menace, ni menace potentielle.
Les résultats de cette troisième étude nous donnent les moyens de mettre une nouvelle
fois à l’épreuve notre modèle théorique. Nous savons maintenant qu’il est possible
d’introduire une menace sur la base d’un autre standard que celui de la comparaison
interpersonnelle. Nous allons donc essayer de démontrer que la comparaison à ce standard
peut induire une menace de l’auto-évaluation, dans l’une des situations les moins menaçantes
utilisées jusqu’à présent : la situation de comparaison descendante. L’induction de cette
menace devrait faire apparaître une meilleure focalisation attentionnelle, même lorsque la
comparaison interpersonnelle est favorable.
4 Etude 4
L’étude précédente suggère que des effets de focalisation sont possibles sans menace
directe, c’est-à-dire uniquement sur la base d’une potentialité de menace. Ces résultats sont en
accord avec ceux de Huguet et al. (2002, étude 2). En effet, les résultats de Huguet et ses
collaborateurs signalent qu’il est possible de diminuer l’interférence de Stroop (signe d’une
plus grande focalisation attentionnelle) en condition de comparaison descendante. Ceci est
vrai lorsque les participants sont amenés à penser que la cible de comparaison n’aurait peut
être pas fait son maximum. De fait, ces participants ne sont pas dans une situation de menace
mais seulement dans la potentialité d’une menace. Ces données sont intéressantes pour notre
propos. D’une part, parce qu’elles sont conformes avec ce que nous venons d’établir. D’autre
part, parce qu’elles suggèrent qu’une plus grande focalisation reste possible en comparaison
descendante. Ceci est en accord avec ce que nous allons essayer de démontrer : être supérieur
à autrui n’exclut pas toujours une menace de l’auto-évaluation.
Ainsi, l’objectif spécifique de cette quatrième étude est d’établir la possibilité
d’induire une menace, et donc une meilleure focalisation, au cœur de l’une des situations les
plus favorables : une situation de comparaison descendante sans présence physique du
coacteur. En effet, dans une telle situation, la comparaison avec la cible est favorable et
l’impact de la présence d’autrui n’a pas à être éliminé (comme cela serait le cas dans une
Chapitre 8 : Menace de l’auto-évaluation et focalisation attentionnelle
211
condition du type « comparaison descendante / autrui présent », voir études 1 et 2), car autrui
n’est pas présent physiquement.
Dans cette quatrième étude, nous croiserons donc les deux standards d’évaluation que
nous avons utilisés jusqu’ici, c’est-à-dire la comparaison interpersonnelle (ascendante versus
descendante) et le standard de référence (bonne performance versus mauvaise performance).
Ainsi, l’hypothèse testée plus spécifiquement ici, est que la focalisation attentionnelle devrait
être favorisée en comparaison descendante, dès lors qu’il existe une menace sur la base du
standard de référence.
L’objectif plus général est de tester l’idée que la performance sur les items conjonctifs
est favorisée, dès lors qu’il existe une menace de l’auto-évaluation sur l’un de ces deux
standards. Ceci implique que nous devrions trouver deux niveaux de performances, avec en
premier lieu un pourcentage d’erreurs conjonctives plus important pour la seule condition où
ces deux standards seront atteints, c’est-à-dire la condition « comparaison
descendante / bonne performance ». En second lieu, la focalisation attentionnelle devrait être
favorisée quand l’auto-évaluation ne sera pas satisfaisante. Tout d’abord en situation de
« comparaison ascendante / bonne performance », cette condition est identique à celle
présentée dans l’étude 2. Dans cette condition le standard de référence (i.e., 50 %) est atteint,
mais le standard de comparaison interpersonnelle ne l’est pas : la cible est supérieure au sujet.
Ensuite, en situation de « comparaison ascendante / mauvaise performance » où les deux
standards ne sont pas atteints : autrui est supérieur et la performance est en dessous du milieu
de l’échelle. Enfin, et surtout, la situation de « comparaison descendante / mauvaise
performance » où le standard de comparaison interpersonnelle sera atteint, mais pas celui de
référence. Cette condition est intéressante car elle permettrait de montrer, en accord avec
Huguet et al. (2002, étude 2), qu’une menace de l’auto-évaluation est possible, même quand
la comparaison à autrui est favorable. Ce résultat compléterait celui de Huguet et ses
collaborateurs dans la mesure où, ici, nous introduisons réellement un autre standard
d’évaluation. En effet, dans l’expérience de Huguet et al. la menace potentielle continue à
porter sur la comparaison interpersonnelle. Ce résultat, si nous l’obtenons, tendrait à
démontrer que le fait de savoir la comparaison interpersonnelle favorable, n’est pas toujours
suffisant en termes d’auto-évaluation.
Chapitre 8 : Menace de l’auto-évaluation et focalisation attentionnelle
212
4.1 Méthode
4.1.1 Population
Soixante-deux étudiants en psychologie de l’université de Grenoble ont reçu des bons
d’expériences, en échange de leur participation à une étude présentée comme une étude
d’ergonomie. Huit participants ont dû être retirés de l’analyse : cinq parce qu’ils étaient
suspicieux quant aux feed-back et trois parce qu’ils n’ont pas pu rappeler leur score et / ou
celui du coacteur. Les participants étaient répartis aléatoirement dans l’une des quatre
conditions expérimentales d’un plan inter-sujets 2 (Direction de la comparaison sociale :
descendante, ascendante) × 2 (Feed-back fictif : bonne performance, mauvaise performance).
La moyenne d’âge était de 20 ans (M = 20.33, SD = 3.35). La majorité des participants était
composée de femmes (N = 51).
4.1.2 Matériel et procédure
Le matériel de cette expérience était exactement le même que celui de l’étude 2. La
procédure était approximativement la même que celle de l’étude 3. Néanmoins, cette fois-ci
les participants étaient toujours un par box expérimental. Comme pour les autres études, les
explications étaient données aux deux participants en même temps (l’un d’eux étant toujours
un compère). Durant la pause, la procédure était la même que celle de la condition autrui
absent de l’étude 2. L’expérimentateur disait aux participants qu’ils avaient obtenu un score
de 80 % (ou 50 % par la condition « mauvaise performance ») ou 50 % (ou 20 % dans la
condition « mauvaise performance ») de bonnes réponses, respectivement pour les conditions
de comparaison ascendante et descendante. Tout de suite après, l’expérimentateur s’excusait
en disant qu’il n’avait pas lu la bonne ligne sur la feuille de résultats et que le score qu’il
venait de leur indiquer était celui de l’autre personne. Il rectifiait alors et annonçait aux
participants que leur score était de 65 % (ou 35 % dans la condition « mauvaise
performance ») de bonnes réponses. En résumé, comme on peut le voir dans le Tableau 2, les
patterns de feed-back étaient 65 / 50, 65 / 80, 35 / 20 et 35 / 50, respectivement pour les
conditions « comparaison descendante / bonne performance », « comparaison
ascendante / bonne performance », « comparaison descendante / mauvaise performance » et
« comparaison ascendante / mauvaise performance ».
Chapitre 8 : Menace de l’auto-évaluation et focalisation attentionnelle
213
Tableau 2. Pattern de feed-back (étude 4)
Mauvaise Perf. Bonne Perf.
Soi : 35 % Soi : 65 % Comp. Asc.
Autrui : 50 % Autrui : 80 %
Soi : 35 % Soi : 65 % Comp. Desc.
Autrui : 20 % Autrui : 50 %
4.2 Résultats
4.2.1 Contrôle du paradigme
Dans cette étude, comme dans la précédente, il n’y avait pas de réel groupe contrôle.
Les conjonctions illusoires ont donc été testées sur l’ensemble de l’échantillon,
indépendamment des conditions expérimentales. Deux ANOVA avec le type d’items
(conjonctifs et non-conjonctifs) en mesures répétées ont été réalisées, une première pour les
pourcentages d’erreurs en phase 1 et une seconde pour ceux de la phase 2. La première
analyse révèle qu’ici encore, le pourcentage d’erreurs sur les items non-conjonctifs (M =
10.04 %, SD = 11.43 %) était inférieur à celui des erreurs sur les items conjonctifs (M = 56.67
%, SD = 24.10 %), F(1, 53) = 110.75, p < .001, hypothèse unilatérale, η2 = .67. La seconde
conforte ce résultat. En effet, le pourcentage d’erreurs sur les items non-conjonctifs (M = 3.41
%, SD = 4.6 %) était, une nouvelle fois, inférieur à celui des items conjonctifs (M = 20.66 %,
SD = 15.05 %), F(1, 53) = 69.33, p < .001, hypothèse unilatérale, η2 = .56.
4.2.2 Contrôle des manipulations
Comme dans les deux études précédentes, les participants devaient rappeler leur score
et celui du coacteur. Dans cette étude, comme nous l’avons déjà précisé, trois participants ont
dû être exclus de l’analyse, étant dans l’incapacité de rappeler leur score et / ou celui du
coacteur.
Chapitre 8 : Menace de l’auto-évaluation et focalisation attentionnelle
214
4.2.3 Mesure des erreurs
4.2.3.1 Phase 240
Rappelons qu’une approche en termes de menace de l’auto-évaluation prédit, ici
encore, un pattern de performance à deux niveaux, comportant tout d’abord un niveau avec un
pourcentage d’erreurs conjonctives plus important pour la condition « comparaison
descendante / bonne performance ». Ensuite, un second niveau de performance, avec un
pourcentage d’erreurs conjonctives moins important, devait apparaître pour les trois
conditions restantes. Afin de tester ce modèle, deux tests orthogonaux ont été réalisés. Le
premier de ces deux tests était un contraste, à un degré de liberté, testant le modèle théorique
proposé. Les codes lambda utilisés étaient de la forme « 3 –1 –1 –1 », associés respectivement
aux conditions « comparaison descendante / bonne performance », « comparaison
descendante / mauvaise performance », « comparaison ascendante / bonne performance » et
« comparaison ascendante / mauvaise performance ». Le second test effectué était celui de la
variance résiduelle. Ces analyses révèlent que le test du modèle est significatif, F(1, 50) =
10.10, p = .002, η2 = .168, contrairement à celui de la variance résiduelle, F(2, 50) < 1, p =
.70.
40 Nous ne présentons pas ici d’analyse pour la première phase étant donné qu’aucune variable n’était
introduite lors de celle-ci.
Chapitre 8 : Menace de l’auto-évaluation et focalisation attentionnelle
215
Figure 18. Pourcentage d’erreurs conjonctives en fonction de la comparaison sociale et de la
performance obtenue (Etude 4).
Comme l’illustre la Figure 18, la décomposition du modèle confirme nos prédictions.
Premièrement, pour les participants en condition bonne performance, la différence observée
dans l’étude 2 était répliquée : le pourcentage d’erreurs conjonctives était moins important en
comparaison ascendante qu’en comparaison descendante, F(1, 50) = 4.78, p = .017, hypothèse
unilatérale, η2 = .087. Nous faisions l’hypothèse qu’un effet positif du feed-back était possible
en comparaison descendante. Ces résultats vont dans le sens de cette prédiction. En effet, en
comparaison descendante le pourcentage d’erreurs conjonctives était moins important en
condition mauvaise performance, qu’en condition bonne performance, F (1, 50) = 8.66, p =
.0025, hypothèse unilatérale, η2 = .15.
Aucune différence n’était encore une fois attendue sur le pourcentage d’erreurs non-
conjonctives. Une analyse de variance à un facteur confirme que le pourcentage d’erreurs
non-conjonctives n’était pas influencé par les conditions expérimentales, F(3, 50) = 1.22, p =
.31.
4.2.4 Temps de réaction
Une fois encore, une interprétation basée sur les temps de réaction ne pourrait pas
rendre compte du pattern observé sur les pourcentages d’erreurs conjonctives. En effet, nos
résultats, ne révèlent aucune variation, F(3, 50) < 1, p = .79, sur les temps de réponse
observés en phase 2, pour les items conjonctifs.
4.3 Discussion
Avant toutes choses, remarquons que les résultats de cette quatrième étude permettent
de répliquer ceux de l’étude 2. En effet, lorsque la performance attribuée était de 65 %, les
conjonctions illusoires étaient plus rares en comparaison ascendante, qu’en comparaison
descendante. De fait, ceci signale une seconde fois que la comparaison ascendante permet, à
elle seule (i.e., sans présence physique du coacteur), de favoriser la focalisation attentionnelle.
A un niveau plus général, l’objectif était de tester si nous obtenions effectivement les
deux niveaux prévus par notre modèle. En premier lieu, un niveau plus élevé d’erreurs
conjonctives pour la condition où les deux standards d’évaluation étaient atteints — i.e., celle
de « comparaison descendante / bonne performance ». En second lieu, un niveau plus faible
de conjonctions pour les trois conditions où au moins l’un des deux standards n’était pas
Chapitre 8 : Menace de l’auto-évaluation et focalisation attentionnelle
216
atteint. Les résultats observés confirment ces prédictions. De fait, la condition de
« comparaison ascendante / mauvaise performance », comme celle de « comparaison
ascendante / bonne performance », favorisait la focalisation. Il faut noter que ce résultat n’est
pas aussi trivial qu’on pourrait le penser. En effet, les théories de l’auto-régulation nous
apprennent que lorsque les individus sont peu optimistes sur les chances d’atteindre un
objectif, ceci peut entraîner un désengagement cognitif (e.g., Bandura, 1986 ; Carver et
Scheier, 1990 ; Kluger et DeNisi, 1996 ; voir Chapitre 5). Or, le fait de n’atteindre aucun des
deux standards aurait pu mener à un tel désengagement. Cependant, nos résultats ne font pas
apparaître un tel effet.
Le but plus spécifique de cette étude était de voir s’il était possible de susciter une
meilleure focalisation attentionnelle, lorsque la comparaison avec autrui était favorable. Pour
ce faire, nous avons introduit une menace de l’auto-évaluation sur la base du standard de
référence (situation de « comparaison descendante / mauvaise performance »). A l’instar des
résultats de Huguet et al. (2002), nous sommes parvenus à induire une meilleure focalisation
attentionnelle en comparaison descendante. En effet, le pourcentage d’erreurs conjonctives
observé en condition « comparaison descendante / mauvaise performance » était inférieur à
celui de la condition « comparaison descendante / bonne performance ». De plus, dans cette
condition, la performance était similaire à celles des deux conditions de comparaison
ascendante. Ainsi, cette étude autorise à penser que l’impact négatif de la comparaison
descendante peut être contrecarré, en introduisant une menace de l’auto-évaluation sur la base
d’un autre standard (en l’occurrence le milieu de l’échelle). En d’autres termes, les
participants de cette condition « 35 / 20 » étaient supérieurs à la cible de comparaison, mais
leur performance étant faible, ceci a mené à une diminution du taux de conjonctions. Ce
résultat est important car il signale que le fait d’être supérieur au coacteur n’est pas suffisant
pour que les participants soient satisfaits de leur performance. Il faut également que leur
performance soit supérieure à ce standard de référence. Que ce soit pour eux une « bonne »
performance.
Si un standard de référence, tel que le milieu de l’échelle, peut attenuer l’impact
négatif de la comparaison descendante, il faut toutefois noter qu’il serait erroné d’en déduire
que ce standard est plus important que celui de comparaison interpersonnelle. En effet, si tel
était le cas, nous n’aurions pas observé d’effet de facilitation dans les situations de
« comparaison ascendante / bonne performance » (dans cette étude et dans l’étude 2) ; les
participants se seraient contentés du fait que leur performance était supérieure à 50 %. De
Chapitre 8 : Menace de l’auto-évaluation et focalisation attentionnelle
217
plus, les résultats de l’étude 3 n’auraient pas fait apparaître un impact positif d’un simple
risque de comparaison défavorable.
Cette quatrième étude apporte la confirmation que différents types d’induction de
menace de l’auto-évaluation peuvent s’articuler et favoriser la focalisation attentionnelle.
Néanmoins, il nous reste à démontrer qu’il est possible d’atténuer la focalisation en
comparaison ascendante, via une diminution de la menace.
5 Etude 5
Nous avons pu montrer au travers des études 1 et 2 que la comparaison descendante
interpersonnelle réduisait la potentialité de comparaison défavorable associée aux situations
de présence d’un coacteur. Cette diminution de menace potentielle s’est traduite par une
réduction de la focalisation attentionnelle, mise en évidence par une augmentation des erreurs
conjonctives.
Les travaux réalisés dans le cadre de l’influence sociale suggèrent que la comparaison
(des compétences) avec des sources plus compétentes (i.e., des cibles de comparaison
ascendante pour reprendre le vocabulaire classique du champ de la comparaison sociale)
focalise sur un nombre d’informations plus restreint (Butera et Buchs, sous presse). Toutefois
et dans le même ordre d’idée, ces travaux révèlent que dans de telles situations de
comparaisons ascendantes, la diminution de la menace des compétences peut entraîner une
réduction de cette focalisation (Butera et Buchs, sous presse ; Butera et Mugny, 2001 ; voir
Chapitre 5). Un plus grand nombre d’informations est alors pris en compte (ce que Butera et
Buchs appellent un phénomène de décentration). Ainsi, nous devrions pouvoir montrer
qu’une diminution de la menace, liée à nos situations de comparaison ascendante, devrait
également réduire la focalisation et donc augmenter les conjonctions illusoires.
Afin de tester cette idée, nous utiliserons une condition a priori chargée de menace de
l’auto-évaluation : une condition de « comparaison ascendante / mauvaise performance ».
Dans une telle condition, les deux standards de performance sont problématiques. D’une part,
la comparaison interpersonnelle est défavorable et d’autre part, la performance (35 %) est
inférieure au standard de référence que représente le milieu de l’échelle. Notre objectif est de
démontrer que la diminution de la menace, dans une telle situation, entraîne une augmentation
des erreurs conjonctives. Pour ce faire, nous tâcherons de modifier la signification attribuée,
par défaut, aux deux standards que sont le milieu de l’échelle et la performance du coacteur.
Chapitre 8 : Menace de l’auto-évaluation et focalisation attentionnelle
218
En ce qui concerne la comparaison interpersonnelle, notre raisonnement repose sur les
travaux démontrant que les individus utilisent la comparaison avec autrui, pour en inférer leur
niveau de performance par rapport au groupe ou plus généralement à la population (Gilbert et
al., 1995 ; Kulik et Gump, 1997). Ainsi, si l’individu est inférieur à une cible de comparaison
donnée, il aurait tendance à en inférer que sa performance est également inférieure à la
moyenne du groupe. De fait, la menace de l’auto-évaluation associée à cette condition
pourrait être atténuée, en amenant les participants à penser que cette inférence est erronée.
Pour ce faire, la moitié des participants se verront expliquer que leur performance (i.e., 35 %
de bonnes réponses) est très bonne par rapport à la population générale. Les participants de
cette condition ne pourront donc plus inférer, de leur infériorité à autrui, qu’ils sont médiocres
par rapport à la population en général.
Dans le Chapitre 4, nous relevions le fait qu’un standard de référence, tel que le milieu
de l’échelle, ne représente pas toujours le critère objectif qu’il semble être. Plus exactement
ce critère prendrait toute sa signification en conjonction avec des informations sociales
(Tajfel, 1972). Nous remarquions à ce propos que beaucoup de personnes parlent du fameux
10 / 20 en terme de « moyenne ». Aussi, les élèves accèdent-ils à la classe supérieure, si leurs
résultats sur l’année sont au-dessus de la « moyenne ». Or, nous avons noté que l’utilisation
de ce terme de « moyenne » (qui en toute rigueur n’est pas correct) pouvait renvoyer à la
croyance, souvent justifiée, que la moyenne des élèves correspond au milieu de l’échelle. Si
tel est le cas, notre induction devrait également empêcher une telle inférence.
En résumé, nous faisons l’hypothèse qu’il est possible d’augmenter les erreurs
conjonctives en comparaison ascendante, en diminuant la menace de l’auto-évaluation. Pour
ce faire, les participants seront informés ou non, que leur performance est très bonne par
rapport à ce que font les gens, en général. En d’autres termes, cette induction placera les
participants dans une situation où la menace associée à la comparaison ascendante
interpersonnelle sera compensée par la comparaison descendante à un niveau plus général.
Les travaux de Huguet et al. (2002, étude 1) ont déjà pu montrer que l’induction d’une
comparaison descendante, par rapport au groupe, diminuait la focalisation attentionnelle. Le
raisonnement présenté plus haut nous amène à faire l’hypothèse que ceci sera également vrai,
dans une situation croisant ces différents niveaux de comparaison (i.e., comparaison
interpersonnelle et comparaison au groupe).
Chapitre 8 : Menace de l’auto-évaluation et focalisation attentionnelle
219
5.1 Méthode
5.1.1 Population
Vingt-quatre étudiants en psychologie de l’université de Grenoble ont reçu des bons
d’expériences, en échange de leur participation à une étude présentée comme une étude de
psychologie sociale. Deux participants ont dû être retirés de l’analyse parce qu’ils n’ont pas
pu rappeler leur score et / ou celui du coacteur. Les participants étaient répartis aléatoirement
dans l’une des deux conditions expérimentales (feed-back par rapport à la population : aucun,
très bon). La moyenne d’âge était de 19 ans (M = 19.27, SD = 1.69). La majorité des
participants était composée de femmes (N = 17).
5.1.2 Matériel
Le matériel utilisé dans cette étude était le même que dans les autres études, excepté le
fait que lors du questionnaire post-expérimental, les participants devaient évaluer leur
performance par rapport à l’ensemble des participants dans ce type de tâche. Les réponses
étaient collectées sur une échelle en sept points (1 = très en dessous de la moyenne à 7 = très
au-dessus de la moyenne). Dans cette étude, les participants devaient également indiquer dans
quelle mesure ils connaissaient l’autre participant à l’aide d’une échelle en 7 points (1 =
absolument pas à 7 = très bien).
5.1.3 Procédure
La procédure utilisée dans cette dernière étude était approximativement la même que
pour l’étude 3. Les participants étaient toujours seuls, même si encore une fois, les
explications étaient données aux deux personnes en même temps, avant de les répartir chacun
dans un box. Dans cette étude, les binômes étaient constitués de deux « vrais » participants.
L’étude était, cette fois-ci, présentée comme une étude s’intéressant à l’impact des feed-back
de comparaison sociale sur les performances. Ce faisant, les participants n’étaient pas surpris
d’être informés de leur performance, de celle du coacteur et pour la moitié d’entre eux, d’être
comparés à la population générale. Tous les participants se voyaient attribuer un pourcentage
de 35 % de bonnes réponses, tandis que le coacteur obtenait, lui, un pourcentage de 50 % de
bonnes réponses. Toutefois, la moitié des participants était amenée à penser que dans cette
tâche, leur performance était bonne, comparée à ce que font les gens en général. Cette
dernière induction était introduite par l’expérimentatrice quelques minutes après l’apparition
des scores sur l’écran de l’ordinateur. Celle-ci leur disait : « Hum, 35 % de bonnes réponses...
Chapitre 8 : Menace de l’auto-évaluation et focalisation attentionnelle
220
En comparaison avec ce que font les gens d’habitude dans cette tâche, c’est vraiment très
bon ! ». L’autre moitié des participants était laissée libre, quant à l’interprétation de leur
score.
5.2 Résultats
5.2.1 Contrôle du paradigme
Dans cette étude, l’effet de conjonction illusoire a également été testé sur l’ensemble
de l’échantillon. Deux ANOVA avec le type d’items (conjonctifs et non-conjonctifs) en
mesures répétées ont été réalisées. L’effet classique de conjonction illusoire est apparu sur
l’ensemble de l’échantillon pour les deux phases. En effet, en première phase le pourcentage
d’erreurs sur les items non-conjonctifs (M = 25.26 %, SD = 20.77 %) était inférieur à celui
des erreurs sur les items conjonctifs (M = 45.60 %, SD = 17.86 %), F(1, 21) = 10.09, p =
.0022, hypothèse unilatérale, η2 = .32. De même, en seconde phase, le pourcentage d’erreurs
sur les items non-conjonctifs (M = 12.59 %, SD = 12.23 %) était, encore une fois, inférieur à
celui des items conjonctifs (M = 41.48 %, SD = 27.92 %), F(1, 21) = 23.30, p < .001,
hypothèse unilatérale, η2 = .52.
5.2.2 Contrôle des manipulations
Comme ce fut le cas dans les autres études, les participants devaient rappeler leur
score et celui du coacteur. Dans cette étude, deux participants n’ont pas pu rappeler
correctement ces deux scores et ont, par conséquent, été exclus de l’analyse. Outre le rappel
de ces deux scores, les participants devaient évaluer leur performance en comparaison à celle
de la population. L’ANOVA, effectuée sur cette mesure, a permis de confirmer que
conformément à nos attentes, l’induction expérimentale a amené les participants à évaluer
leur performance plus favorablement. Ainsi, les participants de la condition contrôle ont
évalué leur performance moins positivement par rapport à la moyenne de la population (M =
2.72, SD = 0.47), que les participants de la condition expérimentale (« très bon par rapport à
la population générale » ; M = 3.72, SD = 0.78), F(1, 20) = 13.15, p = .0017, η2 = .39. De
plus, il faut noter que les participants de la condition contrôle pensaient leur performance en-
dessous de celle de la moyenne de la population, ce qui n’était pas le cas des participants de la
condition expérimentale. En effet, un test contre le milieu de l’échelle révèle une différence
significative pour les premiers, t(10) = 9.04, p < .001, mais pas pour les seconds, t(10) = 1.15,
p = .27.
Chapitre 8 : Menace de l’auto-évaluation et focalisation attentionnelle
221
5.2.3 Mesure des erreurs
5.2.3.1 Phase 2
Une ANOVA effectuée41 sur le pourcentage d’erreurs conjonctives révèle, comme
nous nous y attendions, un pourcentage d’erreurs conjonctives plus important dans la
condition expérimentale (M = 56 %, SD = 25.94 %), que dans la condition contrôle, (M =
26 %, SD = 22.39 %), F(1, 20) = 7.90, p = .005, hypothèse unilatérale, η2 = .28. A l’inverse,
une ANOVA conduite sur le pourcentage d’erreurs non-conjonctives ne révèle pas de
différence significative F(1, 20) < 1, p = .69.
5.2.4 Temps de réaction
Les participants de la condition expérimentale auraient-ils pris plus ou moins de temps
pour répondre ? La réponse à cette question est négative. En effet, l’ANOVA conduite sur les
temps de réponse aux items conjonctifs, pour la deuxième phase, n’indique pas de différence
significative, F(1, 20) = 2.06, p = .16.
5.3 Discussion
Cette dernière étude avait pour but de tester l’idée qu’une diminution de la menace,
associée à une situation de comparaison ascendante, ferait perdre les bénéfices de cette
menace en termes de focalisation attentionnelle. Afin de diminuer la menace, il nous fallait
empêcher les participants d’inférer de leur (mauvaise) performance une position inférieure à
la moyenne de la population (Gilbert et al., 1995 ; Kulik et Gump, 1997). Les résultats de
cette étude s’avèrent conformes à nos attentes. D’une part, les participants de la condition
expérimentale ne pensaient plus être inférieurs à la moyenne de la population. D’autre part,
être rassuré sur la valeur d’une performance de 35 % de bonnes réponses en situation de
comparaison ascendante a effectivement mené à une augmentation des erreurs conjonctives,
signe d’un relâchement de la focalisation attentionnelle. Cette étude démontre donc qu’il est
possible d’atténuer la focalisation attentionnelle en situation de comparaison ascendante
41 Rappelons que dans cette étude, les deux participants étaient de « vrais » participants. Afin de
contrôler d’éventuels effets liés à la proximité psychologique (e.g., Tesser, 1988), nous demandions aux
participants de préciser dans quelle mesure ils connaissaient le coacteur. L’analyse des performances a
également été réalisée en utilisant cette mesure comme covariant : celle-ci mène à des conclusions identiques.
Chapitre 8 : Menace de l’auto-évaluation et focalisation attentionnelle
222
interpersonnelle. Il faut cependant pour cela que la comparaison avec le groupe de référence
soit favorable.
Ce dernier résultat conforte et complète ceux de Huguet et al. (2002, étude 1) qui
démontraient un impact positif de la comparaison ascendante par rapport au groupe. En effet,
il nous permet de voir que la comparaison au groupe produit le même type d’effet que la
comparaison interpersonnelle. Huguet et al. (2002) trouvaient un effet positif de la
comparaison ascendante au groupe et nous trouvons, quant à nous, un effet négatif de la
comparaison descendante au groupe. De plus, à la différence de Huguet et al., notre induction
était insérée dans un contexte de comparaison ascendante interpersonnelle. Ceci pourrait
suggérer un poids plus important de la comparaison au groupe. Un point qu’il conviendrait
d’explorer plus en détails. En effet, si nos résultats et ceux de Huguet et al. (2002) confirment
l’importance de la comparaison au groupe, les résultats de Rijsman (1974, étude 1) ne
menaient pas à la même conclusion.
Dans l’étude de Rijsman (1974), évoquée au cours du Chapitre 4, les participants
étaient informés que le temps de réaction moyen des précédents participants dans cette
expérience était de 182 ms. Selon les conditions expérimentales, ils apprenaient ensuite que
leur temps de réponse moyen était inférieur, équivalent ou supérieur à cette valeur. La
direction de la comparaison interpersonnelle était également manipulée. Les résultats de cette
étude ne révélaient pas d’effet de la comparaison au groupe. Néanmoins, les deux variables
n’étaient pas réellement croisées. En effet, parmi les cinq conditions expérimentales (deux
conditions de comparaison ascendante, deux de comparaison descendante et une de
comparaison latérale) de cette étude, on ne trouve qu’une condition de comparaison
ascendante au groupe et une condition de comparaison descendante au groupe (les trois autres
conditions étant des comparaisons latérales à celui-ci). Or, ces deux conditions de
comparaison au groupe sont couplées avec les conditions de comparaison interpersonnelle
(e.g., « comparaison ascendante interpersonnelle / comparaison ascendante au groupe »). Il
est de fait impossible d’isoler l’effet de la comparaison au groupe. Notons, néanmoins, que
ces deux conditions de double comparaison ascendante et descendante correspondaient
respectivement aux meilleures et plus mauvaises performances observées dans la tâche en
termes de temps de réponse.
Quoi qu’il en soit, les résultats de l’étude 5 démontrent, comme nous l’espérions, qu’il
est possible de diminuer la focalisation en comparaison ascendante interpersonnelle. Afin d’y
parvenir, il nous aura fallu, en accord avec notre modèle théorique, diminuer la menace
Chapitre 8 : Menace de l’auto-évaluation et focalisation attentionnelle
223
associée à cette condition de comparaison (interpersonnelle) ascendante et de « mauvaise
performance » (i.e., 35 %). A l’instar des travaux réalisés dans le cadre de l’influence sociale,
nous voyons par conséquent qu’en situation de comparaison ascendante interpersonnelle, la
diminution de la menace dans la comparaison sociale des compétences réduit bien la
focalisation attentionnelle (Butera et Buchs, sous presse ; Butera et Mugny, 2001).
CHAPITRE 9 ________________________________
Discussion générale et conclusion
1 Discussion générale
Avant de discuter les résultats de ces recherches, rappelons le modèle théorique issu
de l’articulation entre les théories du conflit-distraction (Baron, 1986) et de la comparaison
sociale (Festinger, 1954), que nous nous sommes proposés de tester : la simple présence d’un
coacteur induit une augmentation de la focalisation attentionnelle, dans la mesure où celui-ci
est une source de distraction, c’est-à-dire tant qu’il existe une menace ou un risque de menace
de l’auto-évaluation.
Comme on peut le voir, notre optique était moins large que celle de la théorie du
conflit-distraction et ce pour deux raisons. La première renvoie au fait que nous nous sommes
limités à l’étude des effets de coaction. Notre intérêt pour les mécanismes de comparaison
sociale nous a, en effet, amené à favoriser l’étude des effets de coaction à ceux de la présence
d’une audience. La seconde raison est également liée à notre intérêt pour les processus de
comparaison sociale et plus généralement d’auto-évaluation. La théorie du conflit-distraction
ne postule pas que le besoin d’auto-évaluation est la seule raison pour laquelle autrui est une
source de distraction (Baron, 1986 ; Sanders et Baron, 1975). Elle propose, effectivement,
qu’autrui peut également être une source de distraction pour des raisons totalement étrangères
à ce besoin (e.g., bruit, risque de violence physique, …). Nous nous sommes limités, pour
notre part, à l’étude de cette cause de distraction. Ces remarques indiquent que notre travail
visait à mettre en évidence le rôle de ce facteur de distraction — i.e., la menace de l’auto-
évaluation — sans pour autant nier l’existence d’autres facteurs susceptibles d’induire les
mêmes effets. Quoi qu’il en soit, l’optique générale de notre travail était d’étudier l’impact
des processus d’auto-évaluation sur la focalisation attentionnelle.
Chapitre 9 : Discussion générale et conclusion
226
1.1 Effet de facilitation-inhibition sociale et focalisation attentionnelle
Pendant très longtemps, et encore de nos jours (e.g., Platania et Moran, 2001),
l’explication la plus défendue des effets de facilitation-inhibition sociale renvoyait à la notion
de réponses dominantes (e.g., Cottrell et al., 1968 ; Sanders et Baron, 1975 ; Zajonc, 1965).
La présence d’autrui favoriserait l’apparition des réponses dominantes. Ce qui induirait une
facilitation des performances, si ces réponses sont correctes et une inhibition des
performances, lorsqu’elles sont incorrectes.
Des conceptions alternatives sont, cependant, venues contester ces explications. Pour
certains, le facteur important n’est pas l’exactitude des réponses dominantes, mais plutôt la
représentation que l’individu se fait de la difficulté de la tâche (e.g., Bond, 1982 ; Carver et
Scheier, 1981). Pour d’autres, la présence d’autrui ne renforcerait pas la réponse dominante
mais entraînerait une plus grande focalisation de l’attention. Les indices les moins centraux
(i.e., périphériques), dans la réalisation de la tâche, se verraient attribuer une part moins
importante de l’attention au bénéfice des indices plus centraux. De fait, lorsque les indices
périphériques ne sont pas nécessaires (voire néfastes pour les performances), la présence
d’autrui favoriserait la performance (Cohen, 1978 ; Geen, 1976). En revanche, lorsque ceux-
ci sont nécessaires, la présence d’autrui inhiberait la performance.
Huguet et al. (1999) ont fourni l’un des tests les plus diagnostiques pour une
opposition entre les interprétations attentionnelles et celles en termes de réponses dominantes.
Comme nous l’avons vu, le recours à la tâche de Stroop, préconisé par Baron (1986) et Cohen
(1978), a permis de montrer que la présence d’une audience attentive ou d’un coacteur
permettait de diminuer une interférence due à des indices périphériques perturbateurs (les
contenus sémantiques des mots). Ce résultat est clairement interprétable en termes de
focalisation attentionnelle — la focalisation sur les indices centraux diminue l’impact négatif
des indices périphériques — mais pose de sérieux problèmes pour une approche basée sur la
notion de réponses dominantes. En effet, l’interférence de Stroop serait due à l’automaticité
de la lecture (MacLeod, 1991 ; mais voir Kahneman et Chajczyk, 1983). La lecture étant
automatique et incontrôlable, il est possible de considérer qu’elle est la tendance dominante
dans cette tâche (cf. Galvaing, 2000 ; Huguet et al., 1999). De fait, la présence d’autrui aurait
dû augmenter l’interférence et non la diminuer.
Néanmoins, Huguet et al. (2002 ; voir aussi Galvaing, 2000) reconnaissent que les
défenseurs de la notion de réponses dominantes pourraient invoquer le fait que dans la tâche
Chapitre 9 : Discussion générale et conclusion
227
de Stroop, la réponse dominante est de donner la bonne réponse (voir Galvaing, 2000, pour
une discussion détaillée de ce point). En effet, le taux d’erreur observé dans ces études est
inférieur à 5 %. L’un de nos objectifs était d’apporter une nouvelle preuve, en faveur d’une
vision attentionnelle des effets de facilitation-inhibition sociale, en utilisant une tâche pour
laquelle la réponse dominante serait clairement incorrecte. Qui plus est, une tâche pour
laquelle une augmentation de la focalisation attentionnelle devait se traduire par une
facilitation de la performance (Treisman, 1988 ; Treisman, 1998 ; Treisman et Paterson,
1984 ; Treisman et Schmidt, 1982). Pour ce faire, nous avons donc choisi un paradigme
classique des recherches sur la perception visuelle : le paradigme des conjonctions illusoires
(e.g., Treisman, 1998).
Le recours à cette tâche nous a permis d’apporter un nouveau témoignage en faveur
d’une vision attentionnelle des effets de facilitation-inhibition sociale. En effet, par quatre
fois, nous avons mis en évidence que la simple présence d’un coacteur induisait des effets de
facilitation sociale. La simple présence d’un coacteur conduisait, en effet, à des pourcentages
d’erreurs conjonctives plus faibles qu’en condition « seul ».
Il est d’ailleurs intéressant de remarquer que nos résultats, comme ceux de Huguet et
al. (1999), font ressortir un effet de facilitation sociale. Ceci n’est pas anodin car Baron et al.
(1978 ; voir également Manstead et Semin, 1980 ; Sanders et Baron, 1975) observaient que
les études de ce champ de recherche reportent souvent des effets d’interaction entre présence
d’autrui et type de tâche, mais plus rarement des effets simples de facilitation et d’inhibition.
Par conséquent, même dans le cadre de la facilitation-inhibition sociale, il n’est pas trivial de
trouver l’effet simple de facilitation sociale. Par ailleurs, la méta-analyse de Bond et Titus
(1983) suggère que l’effet simple de facilitation est souvent moins fort que celui d’inhibition.
De plus, cette méta-analyse signale que l’effet de facilitation ressort le plus souvent sur des
tâches quantitatives (e.g., temps de réponse). L’effet de facilitation sociale sur des tâches
qualitatives (e.g., proportion de bonnes réponses) serait quant à lui plus que ténu (cf. Chapitre
1). Or, après avoir mis en évidence un effet de facilitation sur une tâche quantitative (e.g., la
tâche de Stroop ; Huguet et al., 1999), l’approche attentionnelle adoptée ici nous a également
permis de faire apparaître cet effet sur une tâche pourtant qualitative (i.e., la tâche de
conjonctions illusoires) et ce, quatre fois consécutives. Ainsi, l’apparition aussi systématique
d’un effet normalement ténu — i.e., l’effet de facilitation sur une tâche qualitative — souligne
très nettement la pertinence d’une telle approche dans l’étude des effets de la présence
d’autrui.
Chapitre 9 : Discussion générale et conclusion
228
Par ailleurs, nous avons vu avec les deux tests du matériel et dans les études 1, 2 et 3,
que les taux d’erreurs, en première phase et sur les items conjonctifs, étaient supérieurs à
50 %, lorsque les participants étaient seuls dans le box expérimental. Ainsi, la probabilité de
répondre correctement étant inférieure à 0.5, une approche en termes de réponses dominantes
devait prédire un effet d’inhibition sociale (cf. Hunt et Hillery, 1973 ; Zajonc, 1980). Notons,
en outre, que du fait des conjonctions illusoires, les participants percevaient la cible
lorsqu’elle était présente mais également lorsqu’elle ne l’était pas (seules ses caractéristiques
étant présentes). De fait, la réponse dominante était ici de dire que la cible était présente. Par
conséquent, si la présence d’autrui favorisait effectivement la réponse dominante, ces deux
raisonnements amenaient à prédire des effets d’inhibition sociale. Or, en accord avec une
vision attentionnelle, le résultat inverse est apparu.
Un autre intérêt de cette tâche provenait du fait que nous avions deux types d’items et
que la réponse correcte pour chacun d’eux était opposée : la réponse correcte était « absente »
pour les items conjonctifs et « présente » pour les items non-conjonctifs. De ce fait, il était
impossible de recourir à une inhibition stratégique systématique d’une certaine réponse
comportementale (e.g., éviter les réponses « présente »). En effet, si les participants avaient
simplement inhibé leur tendance à répondre que la cible était présente, nous aurions observé
une diminution des erreurs conjonctives, mais également une augmentation des erreurs non-
conjonctives. Or, nous n’avons jamais observé de variation sur les pourcentages d’erreurs
non-conjonctives. Notons par ailleurs que les effets de facilitation ne se sont pas non plus
accompagnés de variation sur les temps de réponses. Il ne peut donc être avancé que les
participants ont pris plus de temps pour répondre dans les conditions critiques.
La question reste de savoir s’il était possible d’inhiber stratégiquement la réponse
« présente », mais uniquement sur les items conjonctifs. Une telle suggestion est toutefois peu
convaincante dans la mesure où l’effet de conjonction illusoire est, comme son nom l’indique,
une illusion perceptive. Comme le note Treisman (1998), il est souvent difficile de convaincre
les individus que la cible n’était pas réellement présente. Il était donc très difficile pour les
participants de différencier les items conjonctifs des items non-conjonctifs. En effet, le but
même de la tâche était de les différencier. Par conséquent, si les participants étaient capables
de le faire aisément, les taux d’erreurs auraient été très faibles pour les deux types d’items, or
ce n’était pas le cas.
A l’instar des résultats obtenus sur la tâche de Stroop par Huguet et ses collaborateurs
(1999), nos données illustrent la pertinence d’une approche attentionnelle des effets de
Chapitre 9 : Discussion générale et conclusion
229
facilitation-inhibition sociale. Nos résultats permettent, à ce propos, de rendre encore moins
probable une interprétation des résultats observés sur la tâche de Stroop, en termes de
réponses dominantes. En effet, une vision attentionnelle autorise très clairement
l’interprétation des effets de facilitation sociale obtenus sur ces deux tâches. En revanche, une
approche en termes de réponses dominantes ne pourrait qu’expliquer (et encore, seulement si
l’on s’accorde à dire que la réponse dominante est de donner la réponse correcte) cet effet
dans le cadre de la tâche de Stroop.
L’une des théories les plus reconnues recourant à la notion de réponses dominantes est
celle de Zajonc (1965, 1980). Les résultats que nous venons de rappeler sont donc en
désaccord avec celle-ci. Cette théorie postule également que la simple présence d’une
audience ou d’un coacteur serait suffisante pour provoquer des effets de facilitation-inhibition
sociale. Nous allons voir maintenant que nos résultats s’opposent également à une telle
proposition.
1.2 Menace de l’auto-évaluation et focalisation attentionnelle
Nos résultats complètent également ceux de Huguet et al. (1999), dans la mesure où
ils suggèrent une plus grande focalisation attentionnelle en situation de simple coaction. En
effet, l’étude 2 de Huguet et ses collaborateurs indiquait une diminution de l’interférence de
Stroop en situation de coaction. Toutefois, cet effet était confondu avec celui de la
comparaison ascendante. En effet, les résultats de cette étude font apparaître un impact positif
de la coaction sur la focalisation attentionnelle, mais uniquement en situation de comparaison
ascendante. Le plan expérimental ne disposait pas d’une condition simple coaction permettant
de statuer sur l’existence d’une plus grande focalisation attentionnelle introduite par la
coaction per se. Par conséquent, il restait possible de penser que la comparaison ascendante
était nécessaire pour un effet positif de la coaction (Huguet et al., 1999). Comme nous venons
de le voir dans la section précédente, nos données ont néanmoins permis de mettre en
évidence un tel effet. La simple coaction — i.e., sans l’induction d’une comparaison
défavorable — permettait l’apparition d’un effet de facilitation sociale. Notons d’ailleurs que
ceci est quelque peu en désaccord avec la proposition de Guerin (1993), selon laquelle un
coacteur n’induirait pas ou peu d’effet de facilitation-inhibition sociale, dans la mesure où son
statut même de coacteur le rend plus prévisible (voir Chapitre 1). En effet, une telle
proposition rendrait difficilement compte du fait que la simple coaction a fait apparaître
Chapitre 9 : Discussion générale et conclusion
230
systématiquement un effet pourtant qualifié de ténu par Bond et Titus (1983), c’est-à-dire
l’effet de facilitation sociale sur une tâche qualitative.
Seta (1982) suggère que les effets de coaction seraient atténués lorsque le coacteur —
i.e., la cible de comparaison — est inférieur au sujet. Pour Seta (1982, page 285) : « social
comparison is assumed to be an upwardly mobile process », ce qui rendrait la comparaison
avec une cible inférieure moins pertinente (Seta, 1982). Ceci expliquerait également que dans
son étude, comme dans celle de Huguet et al. (1999, étude 2), les conditions de comparaison
descendante ne différaient pas de celles où les participants étaient seuls. De même, les
résultats de notre première étude laissaient à penser que la comparaison descendante, en
diminuant la pertinence de la comparaison avec le coacteur, faisait disparaître l’effet positif
de la coaction. Dans la seconde phase de cette première étude, en effet, le taux de conjonction
était plus faible en coaction que seul mais uniquement lorsque la cible de comparaison était
supérieure aux participants. Cependant, dans cette première étude, comme dans celles de Seta
(1982, étude 1) et de Huguet et al. (1999, étude 2), le plan expérimental n’autorisait pas une
conclusion ferme. Pour pouvoir conclure à la disparition de l’impact positif de la coaction en
comparaison descendante, il était nécessaire de pouvoir comparer directement cette condition
avec une condition de simple coaction. Notre deuxième étude permettait une telle
comparaison.
Dans la seconde phase de cette étude, rappelons que les participants étaient seuls ou en
présence d’un coacteur. De plus, cette variable était croisée avec la variable direction de la
comparaison sociale (sans comparaison, comparaison ascendante et comparaison
descendante). Les résultats de cette étude sont en accord avec Seta (1982) et notre articulation
entre les théories du conflit-distraction et de la comparaison sociale, suggérant un impact
négatif de la comparaison descendante en situation de coaction. Dans cette étude, nous
obtenons bien un impact positif de la simple coaction que la comparaison descendante fait
disparaître. En effet, le pourcentage d’erreurs conjonctives de la condition de simple coaction
(i.e., « autrui présent / sans comparaison ») était inférieur à celui de la condition de contrôle
(i.e., « autrui absent / sans comparaison ») ainsi qu’à celui de la condition « comparaison
descendante / autrui présent », ces deux conditions ne différant pas l’une de l’autre. Ces deux
comparaisons permettent de conclure de manière décisive : la simple coaction induit un effet
positif que la comparaison descendante fait disparaître. Notons qu’en coaction, la
comparaison ascendante semblait seulement maintenir l’effet positif de la présence d’un
coacteur. En résumé, ces résultats confirment l’idée selon laquelle autrui favoriserait la
Chapitre 9 : Discussion générale et conclusion
231
focalisation attentionnelle, uniquement s’il est une source de comparaison pertinente, c’est-à-
dire lorsque la comparaison est défavorable (i.e., condition de comparaison ascendante) ou
potentiellement défavorable (i.e., condition de simple coaction).
Cette deuxième étude testait également un autre aspect de la théorie du conflit-
distraction et de notre modèle théorique : la comparaison avec autrui devait faciliter la
focalisation attentionnelle, même lorsqu’il n’était pas physiquement présent, dès lors qu’il
existait une menace de l’auto-évaluation. En d’autres termes, la simple comparaison
défavorable, même sans présence physique d’autrui, devait créer une distraction interne
(Martin et Tesser, 1996) et donc diminuer les erreurs conjonctives. Nos résultats étayent cette
proposition. La condition « autrui absent / comparaison ascendante » amenait effectivement à
un pourcentage d’erreurs conjonctives plus faible que dans la condition de contrôle. A
l’image des résultats obtenus dans le champ de la comparaison sociale, la performance dans
cette condition était également meilleure qu’en comparaison descendante (Rijsman, 1974 ;
Seta, 1982).
Dans leur ensemble, les résultats de l’étude 2 étaient en accord avec notre modèle
théorique. La tendance aux conjonctions illusoires était réduite dans toutes les conditions où il
existait une menace ou un risque de menace de l’auto-évaluation, c’est-à-dire dans la
condition de simple coaction (risque de comparaison ascendante) et dans les deux conditions
de comparaison ascendante. De plus, il n’apparaissait aucune différence, ni sur les erreurs
non-conjonctives, ni sur les temps de réponse aux items conjonctifs. Ainsi, le pattern de
résultats observés est bien attribuable à une meilleure focalisation et pas à un changement de
stratégie de réponse.
Afin de renforcer une interprétation en termes de menace de l’auto-évaluation, nous
avons ensuite voulu voir s’il était possible de moduler ceux-ci, en manipulant le degré de
menace. Pour ce faire, nous avons rappelé que pour Festinger (1954), le mouvement
unidirectionnel vers le haut ne se définissait pas seulement par le besoin d’être supérieur à
autrui, mais plus généralement comme un « unidirectional push to do better and better » (page
125). La performance d’autrui ne serait alors qu’un moyen d’évaluer cette progression. De
fait, d’autres moyens d’évaluation pourraient être utilisés (cf. Hypothèse II, Festinger, 1954 ;
voir également Bandura, 1986). L’étude 3 permet de confirmer une telle proposition. Nous
avons, en effet, montré qu’en l’absence d’autrui, le fait d’avoir une performance inférieure au
milieu de l’échelle amenait à une meilleure focalisation attentionnelle, en tout cas meilleure
que celle des participants d’une condition dont la performance était supérieure à cette valeur.
Chapitre 9 : Discussion générale et conclusion
232
Ainsi, l’usage d’un autre standard d’auto-évaluation, un standard qui n’était pas un standard
de comparaison interpersonnelle, pouvait induire une menace (Koole et al., 1999) et favoriser
la focalisation. Cet effet est important pour notre propos car il valide l’interprétation donnée
(c’est-à-dire en termes de menace de l’auto-évaluation et de distraction interne) pour
l’augmentation de la focalisation dans la condition de simple comparaison ascendante (i.e.,
sans présence d’autrui) de l’étude 2 ; en manipulant la menace de l’auto-évaluation de deux
façons différentes — i.e., comparaison interpersonnelle et comparaison au standard de
référence — nous retrouvons une plus grande focalisation dans des situations où la distraction
ne peut être qu’interne (autrui n’étant pas présent).
Ceci nous a également permis de valider l’interprétation donnée à l’effet de coaction.
Nous avions notamment interprété celui-ci comme le reflet d’un risque de comparaison
défavorable. Si tel était le cas, une augmentation de la focalisation attentionnelle devait
pouvoir apparaître même si les participants étaient rassurés quant au standard de référence (le
milieu de l’échelle), à la condition qu’un coacteur soit physiquement présent. En effet, la
simple présence d’un coacteur (i.e., sans comparaison explicite) devait induire la potentialité
d’une comparaison défavorable, rendant caduque le fait d’avoir une performance supérieure
au standard de référence. Les résultats de l’étude 3 supportent une telle proposition. L’effet
« rassurant » d’un feed-back de 65 % de bonnes réponses disparaissait lorsqu’un coacteur
était présent. D’une part, le taux de conjonctions observé en condition de bonne performance
était plus faible en présence d’autrui que lorsqu’il était absent. D’autre part, la seule condition
de ce plan 2 (bonne performance, mauvaise performance) × 2 (présence d’autrui, absence
d’autrui) présentant un taux de conjonctions plus important était la condition « bonne
performance / autrui absent », c’est-à-dire la seule condition où il n’existait ni risque de
comparaison ascendante, ni menace de l’auto-évaluation sur la base du standard de référence.
L’étude 4 avait pour objectif spécifique de démontrer qu’il était possible d’induire une
menace de l’auto-évaluation, et donc de favoriser la focalisation même lorsque la
comparaison interpersonnelle était satisfaisante, c’est-à-dire en comparaison descendante.
Pour ce faire, nous avons croisé les deux standards d’auto-évaluation. Notre modèle théorique
permettait de prédire une meilleure focalisation pour les conditions où il existait une menace
de l’auto-évaluation sur au moins l’un des deux standards. Les données de cette quatrième
étude confirment cette proposition : la seule condition où apparaissait un taux de conjonctions
plus important était la condition où la performance des participants était à la fois supérieure à
la cible de comparaison et au standard de référence. Ces résultats révèlent, par conséquent,
Chapitre 9 : Discussion générale et conclusion
233
qu’il est possible de favoriser la focalisation attentionnelle en comparaison descendante. Pour
ce faire, il convenait d’induire une menace de l’auto-évaluation sur le second standard
d’évaluation. En effet, le pourcentage d’erreurs conjonctives observé en condition
« comparaison descendante / mauvaise performance » était inférieur à celui de la condition
« comparaison descendante / bonne performance » et ne différait pas de ceux des deux
conditions de comparaison ascendante.
La dernière étude devait nous permettre de montrer qu’une réduction de la menace,
habituellement associée aux conditions de comparaison ascendante, devait générer une
diminution de la focalisation. Afin de tester cette hypothèse, nous avons utilisé une condition
de « double menace », c’est-à-dire la condition « comparaison ascendante / mauvaise
performance ». Ici, la performance attribuée n’était satisfaisante sur aucun des deux critères
précédemment utilisés. Le raisonnement était qu’il était possible de changer la signification
du feed-back, et donc la menace lui étant associée, en amenant les participants à penser
qu’une performance de 35 % était une bonne performance dans ce type de tâche. Ceci devait
diminuer la menace, en atténuant la tendance à inférer la position par rapport au groupe, sur la
base de la comparaison à un autrui spécifique (Gilbert et al., 1995 ; Kulik et Gump, 1997).
Ceci devait également atténuer la tendance à penser que 50 % représentait la performance
« moyenne ». Les résultats de cette dernière étude étaient concluants : les participants de cette
condition expérimentale ne se pensaient plus inférieurs à la moyenne de la population. Il n’y
avait donc plus réellement de menace de l’auto-évaluation. Cette diminution de la menace
s’était doublée, comme nous l’attendions, d’un pourcentage de conjonctions supérieur à celui
de la condition contrôle (ici une condition « comparaison ascendante / mauvaise
performance »). Ces résultats démontraient, par conséquent, qu’une diminution de la menace,
même dans cette situation de « double échecs », réduisait le phénomène de focalisation
attentionnelle.
L’ensemble de ce programme de recherche tend à conforter l’idée générale qu’une
menace ou un risque de menace de l’auto-évaluation favorise la focalisation attentionnelle. Le
principe de « risque de menace » s’avère intéressant pour rendre compte des effets de simple
coaction. La présence d’un coacteur serait intrinsèquement liée à la crainte d’une
comparaison défavorable (Geen, 1980). En accord avec cette idée, nous avons pu montrer
dans l’étude 1, et de manière encore plus parlante dans l’étude 2, que la présence d’un
coacteur n’induisait plus de facilitation sociale quand la comparaison avec celui-ci était
favorable. En d’autres termes, lorsque les risques de menace dans la comparaison des
Chapitre 9 : Discussion générale et conclusion
234
compétences étaient atténués. Notons que le pattern de résultats obtenus dans l’étude 2
s’oppose à l’idée que la simple présence d’un coacteur serait une condition suffisante à
l’apparition d’effets de facilitation-inhibition sociale (Zajonc, 1965, 1980).
Cette deuxième étude permettait également, en reprenant la notion de distraction
interne de la théorie du conflit-distraction (Baron, 1986), d’étendre la validité de notre
modèle. En effet, les données de cette étude démontrent que la menace, induite par la
comparaison interpersonnelle, favorise également la focalisation attentionnelle lorsque la
cible de comparaison — i.e., le coacteur — n’est pas présente physiquement. Le fait qu’une
situation de comparaison ascendante telle que celle-ci favorise les performances, est en
accord avec un grand nombre de travaux réalisés dans le cadre de la notion de mouvement
unidirectionnel vers le haut (Huguet et al., 1999 ; Rijsman, 1974, 1983 ; Seta, 1982 ; Seta et
al., 1991). Nos résultats complètent cependant ceux-ci, en revenant à la notion même de
mouvement unidirectionnel vers le haut (Festinger, 1954). Comme nous l’avons vu, pour
Festinger, ce mouvement vers le haut renvoie à un besoin plus général de « progression de la
performance », autrement dit d’une recherche constante de performance satisfaisante. Dans
cette optique, la comparaison sociale interpersonnelle n’est qu’un moyen, parmi d’autres,
d’évaluer cette « progression ». Nous avons ainsi pu montrer (étude 4) que le fait d’être
supérieur à autrui n’est pas, en soi, un critère suffisant. Les participants de la condition
« comparaison descendante / mauvaise performance » ont effectivement atteint une
performance comparable à celles des conditions de comparaison ascendante. Ainsi,
l’évaluation de sa performance sur d’autres critères que celui de la comparaison
interpersonnelle, peut amener à en relativiser les conclusions.
Nos résultats sont également en accord avec l’idée générale que la menace des
compétences augmente la focalisation attentionnelle. Or, nous avons vu dans le Chapitre 5,
que cette idée pourrait s’appliquer aux travaux réalisés dans des domaines aussi variés que la
menace des stéréotypes (e.g., Quinn et Spencer, 2001) et de l’influence sociale (e.g., Butera et
Buchs, sous presse ; Butera et Mugny, 2001). Si le lien avec les travaux réalisés dans le
champ de la menace des stéréotypes reste à éclaircir (cf. Huguet, Brunot et Monteil, 2001),
ceux réalisés dans le cadre de la théorie de l’élaboration du conflit (Pérez et Mugny, 1993)
montrent déjà clairement, que la menace des compétences induit une centration sur un plus
faible nombre d’éléments de la tâche à traiter. Il reste que, mis à part les résultats de Nemeth
et al. (1992), cette centration amenait à de plus faibles performances, les tâches utilisées dans
ce champ de la littérature nécessitant l’intégration d’un maximum d’informations.
Chapitre 9 : Discussion générale et conclusion
235
Notre programme de recherche apporte des éléments d’informations sur la théorie
même du conflit-distraction. Comme nous l’avons vu, il conforte principalement l’idée que
les effets de facilitation-inhibition sociale seraient en partie liés à une régulation de la
sélection d’information (Baron, 1986, modèle B et C). En accord avec l’approche
attentionnelle de Cohen (1978), nous avons pu voir que la présence d’autrui induit bien une
plus grande attribution d’attention aux éléments centraux, au détriment d’éléments plus
périphériques dans la réalisation de la tâche.
La théorie du conflit-distraction postule également que la présence d’autrui provoque
les effets de facilitation-inhibition sociale, car elle est une source de distraction (e.g., Baron,
1986 ; Baron et al., 1978 ; Sanders et Baron, 1975). Lors de sa revue de question, Baron
(1986) relevait que des études comme celles de Sanders et al. (1978) nécessitaient un certain
nombre de réplications conceptuelles, afin de renforcer l’idée que le besoin d’auto-évaluation
était un facteur déterminant dans l’apparition des effets de facilitation-inhibition sociale.
Rappelons que les études de Sanders et al. montraient que les effets de coaction
n’apparaissaient que si les participants étaient motivés à se comparer avec le coacteur, un
résultat que nous avons pu répliquer conceptuellement en manipulant la direction de la
comparaison interpersonnelle. Qui plus est, l’ensemble des recherches que nous avons
présentées confirme, sur la base de diverses inductions, l’importance de la perception de
menace de l’auto-évaluation dans l’apparition des effets de coaction.
1.3 Limites et ouvertures
Les résultats que nous avons présentés sont en accord, sur certains points, avec les
travaux réalisés dans le champ de la paresse sociale (voir Karau et Williams, 1993, pour une
méta-analyse). L’effet de paresse sociale définit la baisse de performance observée lorsque les
individus travaillent collectivement (voir Geen, 1991 ; Karau et Williams, 1993). Or, les
travaux de Harkins et de ses collaborateurs (e.g., Bartis, Szymanski et Harkins, 1988 ;
Harkins, 1987 ; Harkins et Szymanski, 1988 ; Szymanski et Harkins, 1987, 1993) mettent en
évidence que cet effet apparaîtrait quand les individus ne peuvent s’évaluer ou être évalués.
Classiquement, les conditions de type « paresse sociale » empêchent toute évaluation en
amalgamant les réponses de tous les participants présents durant la passation. Selon les
propres termes de Harkins (1987, page 15) : « In social facilitation, working together
enhances evaluation potential; in social loafing, working together reduces it ». Rendant
impossible toute evaluation des performances, on comprend alors que les situations de paresse
Chapitre 9 : Discussion générale et conclusion
236
sociale puissent diminuer les risques de menace et par conséquent inhiber les performances
pour des tâches simples. En effet, les recherches effectuées dans ce domaine montrent, par
ailleurs, que cette diminution du potentiel d’évaluation, et donc de menace, s’accompagne
d’une facilitation des performances, lorsque les tâches à réaliser sont complexes (Jackson et
Williams, 1985). Un tel résultat semble en accord avec notre raisonnement en termes de
focalisation attentionnelle ainsi qu’avec les travaux réalisés dans le domaine de l’influence
sociale (e.g., Butera et Mugny, 2001).
Encore plus précisément, les études réalisées dans ce domaine ont pu montrer que
l’effet de paresse sociale était atténué quand les participants disposaient de standards
d’évaluation, que ces standards soient objectifs (Harkins et Szymanski, 1988) ou relatifs
(Szymanski et Harkins, 1987). Cependant, Szymanski, Garczynski et Harkins (2000) ont
récemment proposé que le potentiel pour l’auto-évaluation ne contribuerait pas aux effets de
facilitation, en tout cas lorsqu’il existe la possibilité d’une évaluation externe, c’est-à-dire
quand la performance peut être évaluée par l’expérimentateur ou le coacteur. La question se
pose donc de savoir si les effets que nous avons observés ne sont pas interprétables
uniquement en termes d’évaluation par l’une de ces deux sources.
En ce qui concerne l’expérimentateur, il est vrai que dans les études que nous avons
menées, aucun effort explicite n’a été fait pour diminuer le potentiel d’évaluation par
l’expérimentateur. Néanmoins, ce potentiel d’évaluation restait constant à travers les
différentes conditions expérimentales, alors que les résultats, eux, mettaient en évidence un
grand nombre de variations. De plus, les résultats de Harkins (1987) montraient que l’effet de
coaction apparaissait, qu’il existe ou non une potentialité d’évaluation par l’expérimentateur.
Cette évaluation aurait pour effet d’augmenter ou de diminuer l’ensemble des moyennes
observées de manière homogène. Notons à ce propos, que nous avons retrouvé des effets
similaires à ceux de Huguet et al. (1999, étude 2), alors que dans cette étude le potentiel
d’évaluation par l’expérimentateur était minimisé. En effet, dans cette étude
l’expérimentateur expliquait aux participants qu’il ne voulait que leurs impressions sur la
tâche et que l’ordinateur n’enregistrerait pas leurs réponses. Il semble donc que le potentiel
d’évaluation par l’expérimentateur ne puisse expliquer les résultats de Huguet et al. (1999), ni
les nôtres, par voie de conséquence. Le seul moyen d’expliquer nos résultats, mais pas ceux
de Huguet et al. (l’expérimentateur ne pouvant évaluer la performance), serait de postuler que
c’est l’anticipation d’un certain type d’évaluation, de la part de l'expérimentateur, qui
expliquerait nos résultats. A titre d’exemple, l’effet positif de la condition « comparaison
Chapitre 9 : Discussion générale et conclusion
237
ascendante / autrui présent » serait interprétée comme le reflet d’une anticipation d’évaluation
négative. Néanmoins, outre le fait que nos résultats sont identiques à ceux de Huguet et al. et
que cette explication ne peut rendre compte de leurs résultats, nous avons pu montrer qu’il ne
s’agissait pas d’un effet positif du feed-back de comparaison ascendante. Cette condition ne
faisait, en effet, que maintenir l’effet positif de la coaction. De plus, dans une telle optique il
serait difficile d’interpréter l’effet de focalisation observé dans la condition « bonne
performance / autrui présent ». Ainsi, dans cette condition, le seul feed-back disponible (i.e.,
65 %) permettrait l’anticipation d’une évaluation positive.
Par ailleurs, comme nous venons de le faire remarquer, les résultats de l’étude de
Harkins (1987) faisaient apparaître un effet de simple coaction, même quand il n’existait pas
d’évaluation possible par l’expérimentateur. Afin de rendre compte de cet effet de simple
coaction, Szymanski, Garczynski et Harkins (2000) proposent de voir là l’impact de
l’évaluation par le coacteur lui-même. S’il est aisé de concevoir une telle interprétation dans
les situations où le coacteur peut évaluer le niveau de performance des participants (e.g.,
Szymanski, Garczynski et Harkins, 2000), il est difficile d’imaginer que les participants de
nos conditions de simple coaction aient pu être influencés par l’idée que le coacteur était en
train de les évaluer. Celui-ci ne disposait, en effet, d’aucun moyen de connaître leur
performance. Une telle interprétation pourrait, il est vrai, rendre compte des effets observés
dans les conditions où les deux participants avaient accès aux deux feed-back (i.e., le leur et
celui du coacteur). Tel était le cas notamment dans les études 1 et 2. Cependant, dans l’étude
2, ceci n’était vrai que pour les participants en présence d’autrui. En effet, pour la condition
« autrui absent », le type d’induction (pour mémoire, l’expérimentateur leur indiquait « par
mégarde » la performance du coacteur) ne permettait pas aux participants de penser que le
coacteur aurait également accès à leur performance. Il faudrait donc, pour expliquer ce
résultat, revenir à l’idée d’une anticipation d’évaluation négative de la part de
l’expérimentateur.
Comme on peut le voir, nos résultats sont difficilement interprétables dans une telle
optique. L’interprétation que nous avons proposée permet, pour sa part, de rendre compte de
l’ensemble des résultats en ayant recours à un seul et même principe : la menace ou le risque
de menace de l’auto-évaluation. Nous devons néanmoins concéder, encore une fois, qu’il
existe dans tous les cas une potentielle évaluation par l’expérimentateur. Les résultats de
Huguet et al. (1999, étude 2), nous autorisent néanmoins à penser que sans cette dernière, nos
résultats seraient similaires. Cependant, il est vrai également que dans l’étude de Huguet et al.
Chapitre 9 : Discussion générale et conclusion
238
(1999), le coacteur pouvait représenter une source d’évaluation. Celui-ci avait accès, au
même titre que les participants, à l’information de comparaison sociale (i.e., la rapidité dans
les réponses). Néanmoins, les résultats observés en situation de présence d’une audience
attentive (Huguet et al., 1999, étude 1) suggèrent qu’un effet de focalisation reste possible,
même sans cette évaluation par le coacteur. Ces interprétations en termes d’évaluations
externes (Harkins, White et Utman, 2000), ne semblent donc pas rendre compte de manière
convaincante et simple de l’ensemble de nos résultats. Cependant, que l’on ne s’y trompe pas,
il n’est pas dans notre intention de dire que ces différentes sources d’évaluation ne peuvent
contribuer aux effets de facilitation sociale. L’argumentation développée ici tend plutôt à
défendre l’idée que ces interprétations ne rendent pas compte à elles seules des données
présentées et que le recours à la notion de menace de l’auto-évaluation reste nécessaire.
Comme on a pu le voir, notre programme de recherche est très complémentaire de
celui de Huguet et ses collaborateurs (1999). Ces deux lignes de recherche témoignent de
l’intérêt d’une perspective attentionnelle pour l’étude des effets de facilitation-inhibition
sociale. En accord avec les principes de Cohen (1978), elles démontrent que la présence
d’autrui induit des effets de facilitation sociale, lorsque seuls les indices centraux sont
nécessaires (voir également Geen, 1976). Chacune à leur manière, ces deux lignes de
recherche soulignent les limites d’une approche en termes de réponses dominantes (e.g.,
Zajonc, 1965, 1980).
Cependant, ces deux lignes de recherche n’ont pas encore traité le problème de
l’inhibition sociale. Il reste, en effet, à démontrer que la présence d’autrui inhibe les
performances quand les indices périphériques sont nécessaires pour une bonne performance.
Dans cette optique, le recours aux conjonctions illusoires pourrait une nouvelle fois être utile.
En effet, un certain nombre d’études font apparaître des conjonctions illusoires en
utilisant un paradigme de double tâche (e.g., Prinzmetal et al., 1995 ; Treisman et Schmidt,
1982). Dans ce type d’étude, les participants doivent donner la priorité à une tâche principale.
Il leur est également demandé de réaliser une tâche annexe. A titre d’exemple dans l’étude 1
de Prinzmetal et al. (1995), les participants voyaient des chiffres défiler rapidement au centre
de l’écran. La tâche principale était d’appuyer sur un bouton chaque fois qu’ils voyaient
apparaître le chiffre « 0 ». Dans le même temps apparaissait dans l’un des quatres coins de
l’écran un ensemble de quatres lettres composé de trois « O » servant de distracteurs et d’une
cible (i.e., un « X », un « T » et un « L »). Deux de ces « O » étaient toujours blancs et
toujours aux extrémités. Les deux lettres du milieu étaient donc constituées d’un « O » et de
Chapitre 9 : Discussion générale et conclusion
239
la lettre cible, toutes deux colorées. Cette tâche, qui était présentée comme une tâche
secondaire, consistait à nommer la lettre cible et sa couleur à la fin de chaque essai. L’effet de
conjonctions illusoires se traduisait ici par les erreurs d’association des caractéristiques dans
la tâche secondaire ; le taux d’erreurs le plus important concernait l’association illusoire de la
couleur de la lettre cible avec celle du « O » du milieu (e.g., répondre qu’il s’agissait d’un
« X » vert lorsqu’un « X » rouge et un « O » vert étaient présentés). Dans ce type de
paradigme, comme on vient de le voir, les conjonctions illusoires apparaissent sur la tâche
secondaire. Si la présence d’autrui augmente la focalisation sur les indices centraux (dans le
cas présent ceux nécessaires pour la tâche principale) aux dépens des indices périphériques
(ici la tâche secondaire), celle-ci devrait induire une augmentation, et non une réduction, des
conjonctions illusoires.
Si un tel résultat apparaissait, ceci correspondrait à une moins bonne performance en
présence d’autrui, c’est-à-dire un effet d’inhibition sociale. De plus, comme nous l’avons
montré, l’effet de coaction est lisible en termes de risques de menace de l’auto-évaluation. De
fait, un risque de menace serait associé à une diminution de la performance et ce à cause
d’une plus grande focalisation attentionnelle. Ce résultat serait en accord avec les travaux
réalisés dans le champ de la menace des stéréotypes (e.g., Steele et Aronson, 1995). En effet,
dans ces travaux, le simple risque de confirmation du stéréotype induit une diminution de la
performance. Diminution qui pourrait alors être lue, comme certains résultats peuvent le
suggérer (Quinn et Spencer, 2001), en termes d’augmentation de la focalisation attentionnelle
(voir Chapitre 5), un trop faible nombre d’information étant pris en compte.
De plus, un tel résultat confirmerait, encore un peu plus, la pertinence du parallèle que
nous avons fait entre nos résultats et ceux obtenus dans le champ de l’influence sociale. En
effet, comme nous l’avons vu, ces travaux tendent à démontrer que la menace des
compétences diminue les performances, en centrant les individus sur un nombre plus restreint
d’informations.
Quoi qu’il en soit, à l’inverse des travaux réalisés dans ces deux champs de recherche,
les résultats obtenus ici indiquent que la menace de l’auto-évaluation n’est pas toujours liée à
une inhibition des performances. Nous proposons donc que cet apparent paradoxe serait dû au
type de tâche utilisée, ce que suggèrent d’ailleurs les résultats de l’étude de Nemeth et al.
(1992 ; voir Chapitre 5). Ceux-ci mettaient effectivement en évidence que l’influence d’une
source majoritaire favorisait la focalisation dans la tâche de Stroop et favorisait donc les
performances.
Chapitre 9 : Discussion générale et conclusion
240
Nous avons par ailleurs débuté, assez récemment, un programme de recherche en
collaboration avec Olivier Corneille, Vincent Yzerbyt et Fabrizio Butera. Celui-ci a pour
objectif de tester l’idée que la menace des stéréotypes peut effectivement favoriser la
focalisation attentionnelle. Nous avons, pour ce faire, utilisé le même paradigme que dans les
études présentées dans la thèse. L’induction consistait à comparer le groupe des participants à
un autre groupe. Pour ce faire, dans la condition comparaison ascendante intergroupe, nous
informions les participants que cette étude visait à déterminer pourquoi les étudiants de
psychologie (i.e., leur groupe d’appartenance) étaient généralement meilleurs que les
étudiants en filière d’éducateurs sociaux. Dans la condition de comparaison descendante
intergroupe la direction de la comparaison était tout simplement inversée. Ceci nous
permettait de créer in situ un stéréotype d’infériorité ou de supériorité du groupe
d’appartenance de nos participants. Nous disposions également d’une condition de contrôle
sans induction.
En accord avec une perspective attentionnelle, les résultats de cette étude préliminaire
indiquaient que la menace associée à l’infériorité du groupe ne diminuait pas la performance,
mais la favorisait. En effet, le pourcentage de conjonctions illusoires observé dans cette
condition était inférieur à celui de la condition de contrôle. Ceci confirme que la menace des
stéréotypes ne mène pas toujours à la diminution des performances.
Notons cependant que le pourcentage d’erreurs conjonctives de la condition de
supériorité du groupe était également inférieur à la condition de contrôle. Un résultat qu’il
peut être intéressant d’interpréter en termes de menace potentielle. En effet, Rijsman (1974,
1983) propose qu’en situation de supériorité du groupe d’appartenance, les individus
pourraient craindre de ne pas être eux-mêmes performants. Ce faisant, ils ne profiteraient pas,
bien au contraire, du statut dominant de leur groupe. Ainsi, apprendre que les membres de son
groupe sont normalement supérieurs et risquer d’être une exception pourrait être une source
de menace, ceci créant ce que Cheryan et Bodenhausen (2000) appellent un « chock under
pressure ».
Quoi qu’il en soit, ces résultats suggèrent que la menace, due à la réputation
d’infériorité du groupe d’appartenance, peut parfois mener à de meilleures performances. En
effet, tel semble être le cas lorsque la tâche nécessite une focalisation de l’attention.
Néanmoins, ces données ne sont que des résultats préliminaires qu’il nous faudra approfondir.
Le résultat obtenu dans la condition de comparaison descendante intergroupe (i.e., la
condition de réputation de supériorité du groupe d’appartenance) peut également être
Chapitre 9 : Discussion générale et conclusion
241
rapproché des résultats d’une étude de Huguet et al. (2002, étude 2). Rappelons que cette
étude mettait en évidence un effet de focalisation dans une condition de comparaison
(interindividuelle) descendante. Pour ce faire, les participants étaient amenés à penser que le
coacteur n’avait peut-être pas fait son maximum lors de la première phase. De fait il
subsistait, selon nos propres termes, une potentialité de menace de l’auto-évaluation. Il restait
en effet possible que le coacteur fasse plus d’efforts et soit donc plus performant qu’eux dans
la seconde phase. Par conséquent, le résultat de la comparaison n’était pas stable. Il pouvait
évoluer en leur défaveur. Dans le même ordre d’idée, notre situation de comparaison
descendante intergroupe a pu être jugée instable par nos participants. Ainsi, le résultat de la
comparaison était a priori à leur avantage, mais cela pouvait ne pas être vrai pour eux. Le
résultat de la comparaison était donc également instable. Il subsistait pour eux la potentialité
d’être une des exceptions.
Néanmoins, il semble que ce facteur de perception de stabilité, autrement dit de
réversibilité, soit un facteur déterminant dans le contexte de la comparaison des compétences.
Outre l’intérêt intrinsèque de cette notion, ces résultats, tout comme ceux présentés dans cette
thèse, confirment l’importance de la notion de potentialité de menace. Ces résultats suggèrent,
en effet, que celle-ci peut amener à des phénomènes de focalisation, alors même qu’il n’existe
pas de menace in situ.
Ainsi, la perception d’instabilité dans la comparaison des compétences permet de
favoriser la focalisation attentionnelle en comparaison descendante. Deux raisons nous
conduisent à penser qu’il est également possible que la perception de stabilité puisse, dans
certains cas, atténuer, voire inverser, les effets observés en comparaison ascendante. En
premier lieu, la perception de stabilité pourrait augmenter la différence perçue entre soi et
autrui. La situation de comparaison deviendrait, de ce fait, une situation de forte comparaison
ascendante. Or, les travaux réalisés dans le cadre de la comparaison sociale (Festinger, 1954 ;
voir Chapitre 4) nous montrent que les situations de forte comparaison ascendante ne
favorisent pas les performances (Seta, 1982 ; Seta et al., 1991). Par conséquent, lorsque la
comparaison est perçue comme défavorable et stable, il est possible de penser qu’autrui ne
serait plus une cible de comparaison pertinente.
En second lieu, cette perception de stabilité pourrait mener à un phénomène de
désengagement cognitif (Carver et Scheier, 1990). La perception de progression vers le but —
i.e., le standard de comparaison — étant faible ou nulle, les individus renonceraient à ce
Chapitre 9 : Discussion générale et conclusion
242
standard d’évaluation (cf. Chapitre 2). Autrui n’étant plus, de fait, une source d’information
de comparaison sociale, il n’induirait plus de menace et donc de focalisation attentionnelle.
Notons que les résultats obtenus pour l’instant dans ce domaine ne témoignent pas de
tels effets de désengagement dans les situations de comparaison ascendante, même lorsque la
situation est assez défavorable. En effet, dans l’étude 4 présentée ici, nous avions vu que le
fait d’échouer sur les deux standards (i.e., standards de référence et interpersonnel) aurait pu
mener à un tel désengagement. Or, la performance observée dans cette condition était toute
aussi bonne que dans les conditions de « simple » menace. De même, dans l’étude 2 de
Huguet et al. (2002), le fait de penser que le coacteur avait fait son maximum ou non ne
modulait pas les performances observées en comparaison ascendante. Ces deux résultats
semblent suggérer, ce que nous appellerions « une forte résistance au désengagement » en
comparaison ascendante. Une piste à explorer pour faire apparaître un tel désengagement
serait peut-être de manipuler, comme dans l’étude des phénomènes de résignation acquise
(e.g., Mickulincer, 1988 ; voir Chapitre 5), le nombre de feed-back de comparaison sociale.
On peut penser qu’un certain nombre de feed-back de comparaison ascendante pourrait
produire un tel effet de désengagement.
2 Conclusion
Les effets de facilitation-inhibition sociale définissent le fait que la présence d’autrui
peut soit faciliter, soit inhiber les performances. Deux grandes questions ont été abordées
dans le cadre de ce champ de la littérature : pourquoi et quand ces effets apparaissent-ils ?
En ce qui concerne la première question, c’est-à-dire celle du pourquoi, nous avons vu
que l’interprétation la plus répandue est que la présence d’autrui favoriserait les réponses
dominantes (e.g., Zajonc, 1965, 1980). A cette interprétation, nous avons opposé une
alternative attentionnelle qui postule que la présence d’autrui augmenterait la focalisation de
l’attention (e.g., Baron, 1986, Geen, 1989). Dès l’étude 1, nos résultats ont permis, comme
nous l’espérions, de favoriser une approche attentionnelle des effets de simple présence d’un
coacteur (i.e., l’effet coaction). La simple présence de celui-ci atténuait les conjonctions
illusoires, phénomène interprété en termes de focalisation attentionnelle (e.g., Treisman,
1998). La réponse que nous avons apportée à la question du « pourquoi » était donc une
réponse attentionnelle.
Après avoir établi, grâce à cette tâche de conjonctions illusoires, que cette approche
semblait la plus pertinente pour expliquer le « pourquoi » des effets de facilitation-inhibition
Chapitre 9 : Discussion générale et conclusion
243
sociale, nous avons utilisé cette même tâche pour nous intéresser à la question du « quand ».
Nous savions déjà que la simple présence d’un coacteur favorisait la focalisation
attentionnelle et nous voulions mettre en évidence que ceci était vrai uniquement quand la
présence de celui-ci induisait une menace ou un risque de menace de l’auto-évaluation.
Construite autour de la notion de menace de l’auto-évaluation, notre approche de cette partie
du problème (i.e., la question du « quand ») était donc clairement motivationnelle.
L’ensemble de ce programme de recherche nous a donc amené à manipuler des variables liées
à ce facteur motivationnel. En résumé, la position défendue ici quant à la question du
« pourquoi » était attentionnelle et donc cognitive pour renvoyer à une classification plus
générale, alors que la position défendue quant à la question du « quand » était
motivationnelle. Cette distinction entre position cognitive et motivationnelle est omniprésente
et donne lieu à un grand nombre de débats, des plus acharnés, en psychologie sociale. La
question étant : « doit-on favoriser des interprétations motivationnelles ou cognitives ? Les
phénomènes observés sont-ils dus à des problèmes relevant du traitement de l’information ou
aux besoins intrinsèques des individus ? ».
Que dire de notre approche du problème des effets de facilitation-inhibition sociale ?
En effet, pour répondre à une même problématique générale — i.e., les effets de la présence
d’un coacteur sur les performances — nous avons articulé des approches cognitives et
motivationnelles, chacune répondant à un aspect de cette même problématique. Nous
pourrions être tentés de qualifier notre approche de motivationnelle, dans la mesure où se sont
des facteurs motivationnels que nous plaçons en début de chaîne causale, cependant nous
préférons dire qu’il s’agit d’une articulation entre ces deux approches. En effet, nous ne
saurions négliger le fait que nous défendions clairement une approche attentionnelle, en
opposition à une approche plus béhavioriste (i.e., en termes de réponses dominantes), pour
répondre à une partie importante de la problématique de départ, c’est-à-dire la question du
« pourquoi ». Nous préférons par conséquent conclure en défendant l’idée que notre approche
générale se trouve au-delà du clivage entre approches motivationnelle et cognitive.
Plus qu’une articulation entre des approches cognitive et motivationnelle, nous
pourrions dire que la thèse défendue ici articule trois des quatre niveaux d’analyse proposés
par Doise (1982). Cet auteur propose une typologie de quatre niveaux. Le premier de ces
niveaux renvoie aux processus intra-individuels, niveau auquel nous avons eu très largement
recours en défendant une perspective attentionnelle pour rendre compte du « pourquoi » des
effets de facilitation-inhibition sociale. Doise définit un deuxième niveau qu’il qualifie
Chapitre 9 : Discussion générale et conclusion
244
d’interindividuel et situationnel. En guise d’illustration de ce niveau d’analyse, Doise (1982)
lui-même prend comme exemple la théorie de la comparaison sociale de Festinger (1954),
celle-ci reposant principalement sur la comparaison entre individus. Etant donnée
l’importance accordée aux processus de comparaison sociale dans la thèse que nous avons
proposée, il est clair que nous avons également intégré ce niveau d’analyse interindividuel. Le
troisième niveau d’analyse, c’est-à-dire le niveau positionnel ou intergroupe que distingue
Doise n’est pas directement abordé dans les travaux que nous avons présentés ici. Néanmoins,
comme nous l’avons vu dans la discussion générale, notre ligne de recherche devrait
permettre de prendre également en compte les rapports intergroupes. Le dernier niveau
d’analyse proposé par Doise est qualifié d’idéologique et renvoie aux systèmes de croyances,
d’évaluations et de normes. Nous pensons que ce niveau est également partie intégrante de
notre approche dans la mesure où nous avons fait appel à un standard d’évaluation
socialement déterminé. De plus, Festinger lui-même précise que la notion de mouvement
unidirectionnel vers le haut pourrait ne pas être applicable à toutes les sociétés. En résumé, la
thèse que nous avons défendue ne dépasse pas simplement le clivage entre approches
cognitive et motivationnelle, elle articule actuellement les niveaux I, II et IV de Doise. Elle
devrait, en outre, nous amener à intégrer le niveau III.
Nous avons également été conduits à dépasser un second clivage afin de répondre à
cette question du « pourquoi » : le clivage entre psychologie cognitive et sociale. On entend
souvent, de-ci delà, des remarques du type « oh mais ça c’est de la psychologie sociale, je n’y
ai jamais rien compris » ou bien du type « oui mais enfin je ne sais pas c’est un truc de
cognitive alors tu sais moi… ». Ceci peut parfois donner l’impression que les recherches
réalisées en psychologie cognitive et celles réalisées en psychologie sociale renvoient à deux
planètes totalement distinctes. Les études présentées dans ce programme de recherche
illustrent plutôt les points communs qu’il peut exister entre ces approches. Si les objets
d’investigation sont souvent différents, les méthodologies utilisées sont souvent très proches.
De plus, selon Allport (1968), l’objet d’étude de la psychologie sociale serait : « an
attempt to understand and explain how the thought, feeling, and behavior of individuals are
influenced by the actual, imagined, or implied presence of others » (page 3). Si l’on en croit
cette définition, les études reportées ici sont au cœur des préoccupations de la psychologie
sociale. Or, nous avons pu voir en quoi les résultats de la psychologie cognitive peuvent être
utiles dans la compréhension des phénomènes de facilitation-inhibition sociale. Ceux-ci nous
ont, en effet, permis de favoriser une approche attentionnelle de ces phénomènes.
Chapitre 9 : Discussion générale et conclusion
245
Néanmoins, la relation est loin d’être à sens unique. Les résultats obtenus ici, comme
ceux obtenus sur la tâche de Stroop (Huguet et al., 1999) ou encore sur le raisonnement
inductif (e.g., Butera, Mugny, Legrenzi et Pérez, 1996), démontrent en quoi il est souvent
important d’étudier les phénomènes cognitifs en prenant en compte l’insertion sociale des
individus (voir Levine, Resnick et Higgins, 1993). Dans le cadre de la perception visuelle, et
plus particulièrement dans celui du modèle de Treisman (1988, 1998), nous avons pu voir que
le traitement attentionnel était nécessaire pour associer les caractéristiques élémentaires (i.e.,
les primitives visuelles). Nous avons également vu que ce modèle proposait l’existence de
« liens descendants », provenant des cartes codant les caractéristiques. Dans le modèle de
Treisman, ces liens pourraient dans certains cas conduire à l’activation plus importante des
zones contenant les caractéristiques de la cible à détecter. En diminuant le nombre de zones à
inspecter, et donc la charge attentionnelle (celle-ci étant définie ici sur la base du nombre
d’éléments à traiter visuellement), la focalisation devait permettre une détection de la cible
plus efficace dans les cas où la cible se définit par l’association de plusieurs caractéristiques
(i.e., dans notre tâche un « S » et une barre inclinée formant le symbole $ incliné également).
L’apport des études présentées ici à un tel modèle théorique provient du fait qu’elles valident
de telles propositions sans jamais modifier la tâche elle-même. En effet, nous avons par
exemple pu montrer que la simple présence d’un coacteur, donc une variable purement
situationnelle, augmentait la focalisation attentionnelle et diminuait par conséquent les
conjonctions illusoires. Un résultat tout à fait en accord avec les propositions de Treisman
(1988, page 213), si l’on rappelle qu’elle avance que les caractéristiques de la cible : « are
accurately located and conjoined only when attention is narrowed to exclude the features of
other objects also present in the display ». Les études réalisées en psychologie cognitive
confirmaient déjà un tel bénéfice de la focalisation attentionelle pour l’association des
caractéristiques. Néanmoins, pour ce faire, des aspects de la tâche elle-même devaient être
modifiés (voir Ivry et Prinzmetal, 1991).
A titre d’exemple, Prinzmetal, Presti et Posner (1986) mettaient en évidence une
diminution des conjonctions illusoires en utilisant une procédure « d’indiçage ». En effet, ces
auteurs démontraient que les conjonctions illusoires étaient moins fréquentes lorsqu’un indice
signalait l’endroit approximatif où allait apparaître la cible. L’apport de nos études est de
renforcer l’idée qu’une association correcte des caractéristiques peut être induite via la
focalisation attentionnelle, mais cette fois sans modifier la tâche. Pour revenir au modèle de
Chapitre 9 : Discussion générale et conclusion
246
Treisman, il semble donc que ces liens descendants puissent être activés42 sans modifier ni la
tâche, ni les consignes données à l’individu mais uniquement en manipulant une variable
situationnelle telle que la simple présence d’un coacteur. Le croisement des travaux en
psychologie cognitive (Treisman, 1998) et des travaux en psychologie sociale (Baron, 1986)
nous a donc permis de valider l’idée qu’une variable situationnelle, comme la simple présence
d’autrui, pouvait favoriser le traitement visuel. De fait, une insertion sociale aussi minimale
que celle-ci a pu moduler une illusion perceptive, aussi robuste que les conjonctions illusoires
(cf. Prinzmetal et al., 1995). En menant à un enrichissement mutuel, cette articulation de
différents champs de recherche démontre une nouvelle fois l’intérêt de croiser les différents
niveaux d’analyse des phénomènes psychologiques (Doise, 1982).
Pour revenir à notre seconde question de départ, c’est-à-dire la question du « quand »
dans l’étude des phénomènes de facilitation-inhibition sociale, nous avons eu recours à la
notion de menace de l’auto-évaluation. Il est globalement ressorti de ces études que les
individus ne focalisaient plus leur attention, dès lors qu’ils étaient rassurés à propos de leur
auto-évaluation. Or, nous avons vu qu’ils étaient rassurés uniquement lorsque leur
performance était supérieure aux deux standards d’évaluation. Autrement dit, lorsque leur
performance était supérieure au milieu de l’échelle et supérieure à celle d’autrui. La seule
exception à cette règle concernait la condition où ces deux standards n’étaient pas atteints,
mais où ils apprenaient que leur performance était bonne par rapport à ce que les gens
faisaient en général dans cette tâche. Selon nous, ces résultats sont très directement liés au fait
que les individus ont généralement besoin d’avoir une vision positive d’eux-mêmes (Steele,
1988 ; Tesser, 1988). Dans une situation de passation expérimentale cela se traduirait par le
besoin de se sentir compétent, de vouloir être « bon » dans la tâche qui leur est proposée. Or,
un tel besoin ne serait pas satisfait tant qu’il subsiste un doute sur la base des standards
activés in situ.
On peut cependant se demander ce que veut dire être « bon ». Nous avons vu lors du
Chapitre 4 que peu de propriétés peuvent être définies dans l’absolu (Gilbert et al., 1995). On
peut donc penser qu’être « bon » ne veut rien dire dans l’absolu et qu’un tel qualificatif, une
telle propriété, ne prend de sens que dans un certain cadre de référence. Prenons un exemple
pour illustrer cette idée. Imaginons une personne qui n’a jamais joué, ni vu jouer au basket-
42 Notons qu’une fois activés, ces liens peuvent eux-mêmes activer (e.g., cas des zones comportant les
caractéristiques de la cible) ou inhiber (e.g., cas des zones ne comportant pas les caractéristiques de la cible) les
zones concernées.
Chapitre 9 : Discussion générale et conclusion
247
ball. Afin d’évaluer ses compétences dans ce domaine, elle décide de réaliser 10 lancers.
Admettons maintenant qu’elle réussisse à en marquer plus de la moitié (e.g., 6). Si elle
applique alors le critère de réussite qu’on lui a inculqué à l’école, que l’on associe souvent à
la moyenne, elle pourra considérer avoir réussi cette tâche. Le critère de réussite est donc ici
le fait de marquer plus de 5 lancers sur 10. Pourriez-vous et pourrait-elle en conclure qu’elle
est « bonne » en basket-ball ? La réponse est assurément négative car vous savez qu’elle a
réussi mais ceci ne suffit pas à évaluer sa performance. Il vous manque une information de
taille : la distance à laquelle elle était placée par rapport au panneau, en d’autres termes, la
difficulté de la tâche. Avoir réussi plus de la moitié des lancers ne dit pas que sa performance
est réellement bonne. En effet, imaginez qu’elle se soit placée à un mètre du panier. Vous
savez d’expérience que réussir 6 paniers sur 10 est loin d’être un exploit, vous savez que
« tout le monde » marquerait 10 paniers sur 10 à une telle distance. Est-ce cependant suffisant
pour dire qu’elle n’est pas « bonne » ? Encore une fois non, car nous n’avons pas précisé qu’il
s’agissait d’une fillette de cinq ans. Dans ce cas le critère de comparaison ne serait plus « tout
le monde » mais les enfants de cette tranche d’âge.
Cette illustration souligne simplement le fait qu’être « bon » ne veut rien dire dans
l’absolu et que cela renvoie très souvent (toujours ?) à la comparaison avec autrui et plus
particulièrement, avec les gens qui nous sont plus ou moins similaires (Goethals et Darley,
1977), ceux de notre groupe de référence. En conclusion, s’évaluer revient à chercher à
donner du sens à une information en la replaçant dans un contexte social. Or, la définition
même du concept de comparaison sociale ne renvoit-elle pas justement à l’usage que nous
faisons des informations sur autrui, et plus généralement des informations sociales (Wood,
1996), afin de donner du sens au monde et à ce que nous sommes (Buunk et Gibbons, 2000) ?
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ANNEXES __________________________________________________________
1 Matériel
Exemple d’items non-conjonctifs
Exemple d’items conjonctifs
2 Résultats
2.1 Etudes annexes
2.1.1 Phase 1
2.1.1.1 Etude annexe 1
NB : PRNCJ1 = pourcentage d’erreurs non-conjonctives en phase 1
PRCJ1 = pourcentage d’erreurs conjonctives en phase 1
PRCONT2 = pourcentage d’erreurs sur les items contrôles en phase 2
Statistiques descriptives : +----------+--------------------------------+ | STAT. |Moy. (cont1pdtth.sta) | | MANOVA |2 Variables | | GENERALE | | +----------+----------+----------+----------+ | | | | | | | PRNCJ1 | PRCJ1 | N actifs | +----------+----------+----------+----------+ | Moy. | ,153409 | ,625379 | 11 | +----------+----------+----------+----------+ +----------+--------------------------------+ | STAT. |Ecarts-Types (cont1pdtth.sta) | | MANOVA |2 Variables | | GENERALE | | +----------+----------+----------+----------+ | | | | | | | PRNCJ1 | PRCJ1 | N actifs | +----------+----------+----------+----------+ | Ecarts-T | ,143515 | ,110847 | 11 | +----------+----------+----------+----------+
Items conjonctifs vs. non-conjonctifs +----------+------------------------------------------------------+ | STAT. |Compar. Planifiée (cont1pdtth.sta) | | MANOVA |1-NCJCJ | | GENERALE | | +----------+----------+----------+----------+----------+----------+ | Test | Somme | | Moy. | | | | Univar. | Carrés | dl | Carrés | F | niveau p | +----------+----------+----------+----------+----------+----------+ | Effet | 1,225155 | 1 | 1,225155 | 43,68966 | ,000060 | | Erreur | ,280422 | 10 | ,028042 | | | +----------+----------+----------+----------+----------+----------+
2.1.1.2 Etude annexe 2
Statistiques descriptives : +----------+--------------------------------+ | STAT. |Moy. (cont2these.sta) | | MANOVA |2 Variables | | GENERALE | | +----------+----------+----------+----------+ | | | | | | | PRNCJ1 | PRCJ1 | N actifs | +----------+----------+----------+----------+ | Moy. | ,159091 | ,539773 | 11 | +----------+----------+----------+----------+ +----------+--------------------------------+ | STAT. |Ecarts-Types (cont2these.sta) | | MANOVA |2 Variables | | GENERALE | | +----------+----------+----------+----------+ | | | | | | | PRNCJ1 | PRCJ1 | N actifs | +----------+----------+----------+----------+ | Ecarts-T | ,143515 | ,215190 | 11 | +----------+----------+----------+----------+
Items conjonctifs vs. non-conjonctifs +----------+------------------------------------------------------+ | STAT. |Compar. Planifiée (cont2these.sta) | | MANOVA |1-NCJCJ | | GENERALE | | +----------+----------+----------+----------+----------+----------+ | Test | Somme | | Moy. | | | | Univar. | Carrés | dl | Carrés | F | niveau p | +----------+----------+----------+----------+----------+----------+ | Effet | ,797053 | 1 | ,797053 | 23,33160 | ,000691 | | Erreur | ,341619 | 10 | ,034162 | | | +----------+----------+----------+----------+----------+----------+
2.1.2 Phase 2
2.1.2.1 Etude annexe 1
Statistiques descriptives : +----------+-------------------------------------------+ | STAT. |Moy. (cont1pdtth.sta) | | MANOVA |3 Variables | | GENERALE | | +----------+----------+----------+----------+----------+ | | | | | | | | PRNCJ2 | PRCONT2 | PRCJ2 | N actifs | +----------+----------+----------+----------+----------+ | Moy. | ,081934 | ,009091 | ,398740 | 11 | +----------+----------+----------+----------+----------+
+----------+-------------------------------------------+ | STAT. |Ecarts-Types (cont1pdtth.sta) | | MANOVA |3 Variables | | GENERALE | | +----------+----------+----------+----------+----------+ | | | | | | | | PRNCJ2 | PRCONT2 | PRCJ2 | N actifs | +----------+----------+----------+----------+----------+ | Ecarts-T | ,137614 | ,020226 | ,230601 | 11 | +----------+----------+----------+----------+----------+ Items conjonctifs vs. non-conjonctifs +----------+------------------------------------------------------+ | STAT. |Compar. Planifiée (cont1pdtth.sta) | | MANOVA |1-NCJCTCJ | | GENERALE | | +----------+----------+----------+----------+----------+----------+ | Test | Somme | | Moy. | | | | Univar. | Carrés | dl | Carrés | F | niveau p | +----------+----------+----------+----------+----------+----------+ | Effet | ,835044 | 1 | ,835044 | 31,10861 | ,000235 | | Erreur | ,268429 | 10 | ,026843 | | | +----------+----------+----------+----------+----------+----------+ Items conjonctifs vs. items contrôles +----------+------------------------------------------------------+ | STAT. |Compar. Planifiée (cont1pdtth.sta) | | MANOVA |1-NCJCTCJ | | GENERALE | | +----------+----------+----------+----------+----------+----------+ | Test | Somme | | Moy. | | | | Univar. | Carrés | dl | Carrés | F | niveau p | +----------+----------+----------+----------+----------+----------+ | Effet | ,835044 | 1 | ,835044 | 31,10861 | ,000235 | | Erreur | ,268429 | 10 | ,026843 | | | +----------+----------+----------+----------+----------+----------+
2.1.2.2 Etude annexe 2
Statistiques descriptives : +----------+-------------------------------------------+ | STAT. |Moy. (cont2these.sta) | | MANOVA |3 Variables | | GENERALE | | +----------+----------+----------+----------+----------+ | | | | | | | | PRCONT2 | PRNCJ2 | PRCJ2 | N actifs | +----------+----------+----------+----------+----------+ | Moy. | ,055263 | ,093127 | ,371802 | 11 | +----------+----------+----------+----------+----------+ +----------+-------------------------------------------+ | STAT. |Ecarts-Types (cont2these.sta) | | MANOVA |3 Variables | | GENERALE | | +----------+----------+----------+----------+----------+ | | | | | | | | PRCONT2 | PRNCJ2 | PRCJ2 | N actifs | +----------+----------+----------+----------+----------+ | Ecarts-T | ,109012 | ,094841 | ,194478 | 11 | +----------+----------+----------+----------+----------+
Items conjonctifs vs. non-conjonctifs +----------+------------------------------------------------------+ | STAT. |Compar. Planifiée (cont2these.sta) | | MANOVA |1-CTNCJCJ | | GENERALE | | +----------+----------+----------+----------+----------+----------+ | Test | Somme | | Moy. | | | | Univar. | Carrés | dl | Carrés | F | niveau p | +----------+----------+----------+----------+----------+----------+ | Effet | ,427130 | 1 | ,427130 | 29,52717 | ,000287 | | Erreur | ,144656 | 10 | ,014466 | | | +----------+----------+----------+----------+----------+----------+
Items conjonctifs vs. items contrôles
+----------+------------------------------------------------------+ | STAT. |Compar. Planifiée (cont2these.sta) | | MANOVA |1-CTNCJCJ | | GENERALE | | +----------+----------+----------+----------+----------+----------+ | Test | Somme | | Moy. | | | | Univar. | Carrés | dl | Carrés | F | niveau p | +----------+----------+----------+----------+----------+----------+ | Effet | ,551082 | 1 | ,551082 | 49,24034 | ,000036 | | Erreur | ,111917 | 10 | ,011192 | | | +----------+----------+----------+----------+----------+----------+
2.2 Etude 1:
2.2.1 Contrôle du paradigme (uniquement sur le groupe contrôle)
2.2.1.1 Phase 1:
Items conjonctifs vs. non-conjonctifs +----------+------------------------------------------------------+ | STAT. |Compar. Planifiée (m1eq.sta) | | MANOVA |1-NCJCJ | | GENERALE | | +----------+----------+----------+----------+----------+----------+ | Test | Somme | | Moy. | | | | Univar. | Carrés | dl | Carrés | F | niveau p | +----------+----------+----------+----------+----------+----------+ | Effet | 2,246365 | 1 | 2,246365 | 34,84608 | ,000011 | | Erreur | 1,224842 | 19 | ,064465 | | | +----------+----------+----------+----------+----------+----------+
2.2.1.2 Phase 2:
Items conjonctifs vs. non-conjonctifs +----------+------------------------------------------------------+ | STAT. |Compar. Planifiée (m1eq.sta) | | MANOVA |1-NCJCJ | | GENERALE | | +----------+----------+----------+----------+----------+----------+ | Test | Somme | | Moy. | | | | Univar. | Carrés | dl | Carrés | F | niveau p | +----------+----------+----------+----------+----------+----------+ | Effet | 1,210217 | 1 | 1,210217 | 43,56970 | ,000003 | | Erreur | ,527755 | 19 | ,027777 | | | +----------+----------+----------+----------+----------+----------+
2.2.2 Mesure des erreurs:
2.2.2.1 Phase 1:
Statistiques descriptives : +------------+--------------------------------+ | STAT. |Moy. (m1eq.sta) | | MANOVA |2 Variables | | GENERALE | | +------------+----------+----------+----------+ | | | | | | SESSION | PRNCJCO1 | PRCJCO1 | N actifs | +------------+----------+----------+----------+ | csa | ,157102 | ,506994 | 20 | | csd | ,193718 | ,500064 | 20 | | seul | ,141042 | ,615000 | 20 | +------------+----------+----------+----------+ | Tous Group | ,163954 | ,540686 | 60 | +------------+----------+----------+----------+ +------------+--------------------------------+ | STAT. |Ecarts-Types (m1eq.sta) | | MANOVA |2 Variables | | GENERALE | | +------------+----------+----------+----------+ | | | | | | SESSION | PRNCJCO1 | PRCJCO1 | N actifs | +------------+----------+----------+----------+ | csa | ,100906 | ,127939 | 20 | | csd | ,186532 | ,224960 | 20 | | seul | ,160757 | ,237919 | 20 | +------------+----------+----------+----------+ | Tous Group | ,152644 | ,206430 | 60 | +------------+----------+----------+----------+
Seul vs. Présence d'un coacteur sur les items conjonctifs +----------+------------------------------------+ | STAT. |Test U de Mann-Whitney (m1eq.sta) | | TESTS |par la var. SESSPH1 | | NON_PARA |Groupe1: 1-coaction Groupe2: 2-seul | +----------+------------+-----------+-----------+ | | | | Z | | Variable | Z | niveau p | ajusté | +----------+------------+-----------+-----------+ | PRCJCO1 | -2,00720 | ,044737 | -2,01703 | +----------+------------+-----------+-----------+ Seul vs. Présence d'un coacteur sur les items non-conjonctifs +----------+------------------------------------+ | STAT. |Test U de Mann-Whitney (m1eq.sta) | | TESTS |par la var. SESSPH1 | | NON_PARA |Groupe1: 1-coaction Groupe2: 2-seul | +----------+------------+-----------+-----------+ | | | | Z | | Variable | Z | niveau p | ajusté | +----------+------------+-----------+-----------+ | PRNCJCO1 | 1,230978 | ,218340 | 1,246558 | +----------+------------+-----------+-----------+
2.2.2.2 Phase 2:
Statistiques descriptives : +------------+--------------------------------+ | STAT. |Moy. (m1eq.sta) | | MANOVA |2 Variables | | GENERALE | | +------------+----------+----------+----------+ | | | | | | SESSION | PRNCJCO2 | PRCJCO2 | N actifs | +------------+----------+----------+----------+ | csa | ,059184 | ,278590 | 20 | | csd | ,108212 | ,413382 | 20 | | seul | ,077050 | ,424932 | 20 | +------------+----------+----------+----------+ | Tous Group | ,081482 | ,372301 | 60 | +------------+----------+----------+----------+ +------------+--------------------------------+ | STAT. |Ecarts-Types (m1eq.sta) | | MANOVA |2 Variables | | GENERALE | | +------------+----------+----------+----------+ | | | | | | SESSION | PRNCJCO2 | PRCJCO2 | N actifs | +------------+----------+----------+----------+ | csa | ,045328 | ,130711 | 20 | | csd | ,182229 | ,233878 | 20 | | seul | ,071198 | ,211497 | 20 | +------------+----------+----------+----------+ | Tous Group | ,115781 | ,204963 | 60 | +------------+----------+----------+----------+
Items conjonctifs :
Test du modèle
+----------+------------------------------------------------------+ | STAT. |Compar. Planifiée (m1eq.sta) | | MANOVA |1-SESSION | | GENERALE | | +----------+----------+----------+----------+----------+----------+ | Test | Somme | | Moy. | | | | Univar. | Carrés | dl | Carrés | F | niveau p | +----------+----------+----------+----------+----------+----------+ | Effet | ,263455 | 1 | ,263455 | 6,783358 | ,011714 | | Erreur | 2,213794 | 57 | ,038838 | | | +----------+----------+----------+----------+----------+----------+
Comparaisons deux à deux (bilatérales)
+----------------+-------------------------------------+ | STAT. |Test LSD; variable PRCJCO2 (m1eq.sta)| | MANOVA |Probas des Tests Post Hoc | | GENERALE |EFFET PRINC.:SESSION | +----------------+----------+----------+----------+----+ | | {1} | {2} | {3} | | SESSION | ,2785899 | ,4133820 | ,4249322 | +----------------+----------+----------+----------+ | csa {1} | | ,034759*| ,022356*| | csd {2} | ,034759*| | ,853624 | | seul {3} | ,022356*| ,853624 | | +----------------+----------+----------+----------+
Items non-conjonctifs :
F omnibus +----------+------------------------------------------------------+ | STAT. |Compar. Planifiée (m1eq.sta) | | MANOVA |1-SESSION | | GENERALE | | +----------+----------+----------+----------+----------+----------+ | Test | Somme | | Moy. | | | | Univar. | Carrés | dl | Carrés | F | niveau p | +----------+----------+----------+----------+----------+----------+ | Effet | ,024626 | 2 | ,012313 | ,915913 | ,405959 | | Erreur | ,766288 | 57 | ,013444 | | | +----------+----------+----------+----------+----------+----------+
2.2.3 Temps de réaction sur les items conjonctifs (phase 2)
F omnibus +----------+------------------------------------------------------+ | STAT. |Compar. Planifiée (m1eq.sta) | | MANOVA |1-SESSION | | GENERALE | | +----------+----------+----------+----------+----------+----------+ | Test | Somme | | Moy. | | | | Univar. | Carrés | dl | Carrés | F | niveau p | +----------+----------+----------+----------+----------+----------+ | Effet | 48994, | 2 | 24496,88 | 1,344136 | ,268904 | | Erreur | 1038826, | 57 | 18225,01 | | | +----------+----------+----------+----------+----------+----------+
2.3 Etude 2:
2.3.1 Contrôle du paradigme (uniquement sur le groupe contrôle)
2.3.1.1 Phase 1:
Items conjonctifs vs. non-conjonctifs +----------+------------------------------------------------------+ | STAT. |Compar. Planifiée (m2.sta) | | MANOVA |1-NCJCJ | | GENERALE | | +----------+----------+----------+----------+----------+----------+ | Test | Somme | | Moy. | | | | Univar. | Carrés | dl | Carrés | F | niveau p | +----------+----------+----------+----------+----------+----------+ | Effet | 1,385734 | 1 | 1,385734 | 35,64507 | ,000093 | | Erreur | ,427635 | 11 | ,038876 | | | +----------+----------+----------+----------+----------+----------+
2.3.1.2 Phase 2:
Items conjonctifs vs. non-conjonctifs +----------+------------------------------------------------------+ | STAT. |Compar. Planifiée (m2.sta) | | MANOVA |1-NCJCJ | | GENERALE | | +----------+----------+----------+----------+----------+----------+ | Test | Somme | | Moy. | | | | Univar. | Carrés | dl | Carrés | F | niveau p | +----------+----------+----------+----------+----------+----------+ | Effet | ,975251 | 1 | ,975251 | 29,17762 | ,000216 | | Erreur | ,367671 | 11 | ,033425 | | | +----------+----------+----------+----------+----------+----------+
2.3.2 Mesure des erreurs:
2.3.2.1 Phase 1:
Statistiques descriptives : +---------------------+--------------------------------+ | STAT. |Moy. (m2.sta) | | MANOVA |2 Variables | | GENERALE | | +---------------------+----------+----------+----------+ | | | | | | COMP PRES | PRNCJ1CO | PRCJ1CO | N actifs | +---------------------+----------+----------+----------+ | compasc coaction | ,153380 | ,457663 | 11 | | compasc seul | ,208854 | ,518263 | 8 | | compdesc coaction | ,177976 | ,540380 | 10 | | compdesc seul | ,153247 | ,576190 | 11 | | sanscomp coaction | ,126515 | ,445022 | 11 | | sanscomp seul | ,106921 | ,587500 | 12 | +---------------------+----------+----------+----------+ | Tous Groupes | ,150765 | ,521707 | 63 | +---------------------+----------+----------+----------+ +---------------------+--------------------------------+ | STAT. |Ecarts-Types (m2.sta) | | MANOVA |2 Variables | | GENERALE | | +---------------------+----------+----------+----------+ | | | | | | COMP PRES | PRNCJ1CO | PRCJ1CO | N actifs | +---------------------+----------+----------+----------+ | compasc coaction | ,129151 | ,223026 | 11 | | compasc seul | ,289708 | ,175888 | 8 | | compdesc coaction | ,286154 | ,216579 | 10 | | compdesc seul | ,128460 | ,175801 | 11 | | sanscomp coaction | ,071620 | ,200662 | 11 | | sanscomp seul | ,110940 | ,197642 | 12 | +---------------------+----------+----------+----------+ | Tous Groupes | ,175382 | ,199819 | 63 | +---------------------+----------+----------+----------+
Seul vs. Présence d'un coacteur sur les items conjonctifs +----------+------------------------------------------------------+ | STAT. |Compar. Planifiée (m2.sta) | | MANOVA |1-PRES | | GENERALE | | +----------+----------+----------+----------+----------+----------+ | Test | Somme | | Moy. | | | | Univar. | Carrés | dl | Carrés | F | niveau p | +----------+----------+----------+----------+----------+----------+ | Effet | ,117687 | 1 | ,117687 | 3,044721 | ,086036 | | Erreur | 2,357817 | 61 | ,038653 | | | +----------+----------+----------+----------+----------+----------+
Seul vs. Présence d'un coacteur sur les items non-conjonctifs +----------+------------------------------------------------------+ | STAT. |Compar. Planifiée (m2.sta) | | MANOVA |1-PRES | | GENERALE | | +----------+----------+----------+----------+----------+----------+ | Test | Somme | | Moy. | | | | Univar. | Carrés | dl | Carrés | F | niveau p | +----------+----------+----------+----------+----------+----------+ | Effet | ,000074 | 1 | ,000074 | ,002365 | ,961374 | | Erreur | 1,906974 | 61 | ,031262 | | | +----------+----------+----------+----------+----------+----------+
2.3.2.2 Phase 2:
Statistiques descriptives : +---------------------+--------------------------------+ | STAT. |Moy. (m2.sta) | | MANOVA |2 Variables | | GENERALE | | +---------------------+----------+----------+----------+ | | | | | | COMP PRES | PRNCJ2CO | PRCJ2CO | N actifs | +---------------------+----------+----------+----------+ | compasc coaction | ,093657 | ,219491 | 11 | | compasc seul | ,076721 | ,253125 | 8 | | compdesc coaction | ,027596 | ,377664 | 10 | | compdesc seul | ,040952 | ,425642 | 11 | | sanscomp coaction | ,044318 | ,196663 | 11 | | sanscomp seul | ,039665 | ,442829 | 12 | +---------------------+----------+----------+----------+ | Tous Groupes | ,052919 | ,323418 | 63 | +---------------------+----------+----------+----------+ +---------------------+--------------------------------+ | STAT. |Ecarts-Types (m2.sta) | | MANOVA |2 Variables | | GENERALE | | +---------------------+----------+----------+----------+ | | | | | | COMP PRES | PRNCJ2CO | PRCJ2CO | N actifs | +---------------------+----------+----------+----------+ | compasc coaction | ,111738 | ,166862 | 11 | | compasc seul | ,103646 | ,161846 | 8 | | compdesc coaction | ,028176 | ,226305 | 10 | | compdesc seul | ,062757 | ,246263 | 11 | | sanscomp coaction | ,053140 | ,153033 | 11 | | sanscomp seul | ,034438 | ,251339 | 12 | +---------------------+----------+----------+----------+ | Tous Groupes | ,072017 | ,223924 | 63 | +---------------------+----------+----------+----------+
Items conjonctifs :
Test du modèle +----------+------------------------------------------------------+ | STAT. |Compar. Planifiée (m2.sta) | | MANOVA |1-SESSION | | GENERALE | | +----------+----------+----------+----------+----------+----------+ | Test | Somme | | Moy. | | | | Univar. | Carrés | dl | Carrés | F | niveau p | +----------+----------+----------+----------+----------+----------+ | Effet | ,572683 | 1 | ,572683 | 13,27897 | ,000581 | | Erreur | 2,458243 | 57 | ,043127 | | | +----------+----------+----------+----------+----------+----------+
Comparaisons deux à deux (bilatérales) +----------------+-----------------------------------------------------------------+ | STAT. |Test LSD; variable PRCJ2CO (m2.sta) | | MANOVA |Probas des Tests Post Hoc | | GENERALE |EFFET PRINC.:SESSION | +----------------+----------+----------+----------+----------+----------+----------+ | | {1} | {2} | {3} | {4} | {5} | {6} | | SESSION | ,4428293 | ,1966628 | ,2531250 | ,4256418 | ,2194910 | ,3776643 | +----------------+----------+----------+----------+----------+----------+----------+ | seulssfb {1} | | ,006249*| ,050124 | ,843538 | ,012599*| ,466650 | | deuxssfb {2} | ,006249*| | ,560774 | ,012295*| ,797492 | ,050857 | | csaseul {3} | ,050124 | ,560774 | | ,079123 | ,728709 | ,211278 | | csdseul {4} | ,843538 | ,012295*| ,079123 | | ,023482*| ,599033 | | csadeux {5} | ,012599*| ,797492 | ,728709 | ,023482*| | ,086692 | | csddeux {6} | ,466650 | ,050857 | ,211278 | ,599033 | ,086692 | | +----------------+----------+----------+----------+----------+----------+----------+
Items non-conjonctifs :
F omnibus
+----------+------------------------------------------------------+ | STAT. |Compar. Planifiée (m2.sta) | | MANOVA |1-SESSION | | GENERALE | | +----------+----------+----------+----------+----------+----------+ | Test | Somme | | Moy. | | | | Univar. | Carrés | dl | Carrés | F | niveau p | +----------+----------+----------+----------+----------+----------+ | Effet | ,033697 | 5 | ,006739 | 1,334453 | ,262905 | | Erreur | ,287865 | 57 | ,005050 | | | +----------+----------+----------+----------+----------+----------+
2.3.3 Temps de réaction sur les items conjonctifs (phase 2)
F omnibus
+----------+------------------------------------------------------+ | STAT. |Compar. Planifiée (m2.sta) | | MANOVA |1-SESSION | | GENERALE | | +----------+----------+----------+----------+----------+----------+ | Test | Somme | | Moy. | | | | Univar. | Carrés | dl | Carrés | F | niveau p | +----------+----------+----------+----------+----------+----------+ | Effet | 38567,6 | 5 | 7713,52 | ,552107 | ,736049 | | Erreur | 796350,1 | 57 | 13971,06 | | | +----------+----------+----------+----------+----------+----------+
2.4 Etude 3 :
2.4.1 Contrôle du paradigme
2.4.1.1 Phase 1 :
Items conjonctifs vs. non-conjonctifs +----------+------------------------------------------------------+ | STAT. |Compar. Planifiée (m4.sta) | | MANOVA |1-NCJCJ | | GENERALE | | +----------+----------+----------+----------+----------+----------+ | Test | Somme | | Moy. | | | | Univar. | Carrés | dl | Carrés | F | niveau p | +----------+----------+----------+----------+----------+----------+ | Effet | 5,060935 | 1 | 5,060935 | 119,7414 | ,000000 | | Erreur | 2,282340 | 54 | ,042266 | | | +----------+----------+----------+----------+----------+----------+
2.4.1.2 Phase 2 :
Items conjonctifs vs. non-conjonctifs +----------+------------------------------------------------------+ | STAT. |Compar. Planifiée (m4.sta) | | MANOVA |1-NCJCJ | | GENERALE | | +----------+----------+----------+----------+----------+----------+ | Test | Somme | | Moy. | | | | Univar. | Carrés | dl | Carrés | F | niveau p | +----------+----------+----------+----------+----------+----------+ | Effet | ,832467 | 1 | ,832467 | 54,20657 | ,000000 | | Erreur | ,829295 | 54 | ,015357 | | | +----------+----------+----------+----------+----------+----------+
2.4.1.3 Phase 1 vs. Phase 2
+----------+------------------------------------------------------+ | STAT. |Compar. Planifiée (m4.sta) | | MANOVA |1-RFACTOR1 | | GENERALE | | +----------+----------+----------+----------+----------+----------+ | Test | Somme | | Moy. | | | | Univar. | Carrés | dl | Carrés | F | niveau p | +----------+----------+----------+----------+----------+----------+ | Effet | 1,193613 | 1 | 1,193613 | 319,1045 | ,000000 | | Erreur | ,201987 | 54 | ,003741 | | | +----------+----------+----------+----------+----------+----------+
2.4.2 Mesure des erreurs
2.4.2.1 Phase 1:
Statistiques descriptives : +---------------------+--------------------------------+ | STAT. |Moy. (m4.sta) | | MANOVA |2 Variables | | GENERALE | | +---------------------+----------+----------+----------+ | | | | | | NB PERF | PRNCJ1CO | PRCJ1CO | N actifs | +---------------------+----------+----------+----------+ | seul perf65 | ,126488 | ,647357 | 14 | | seul perf35 | ,112500 | ,580060 | 14 | | deux perf65 | ,102335 | ,453297 | 13 | | deux perf35 | ,098852 | ,469855 | 14 | +---------------------+----------+----------+----------+ | Tous Groupes | ,110184 | ,539176 | 55 | +---------------------+----------+----------+----------+ +---------------------+--------------------------------+ | STAT. |Ecarts-Types (m4.sta) | | MANOVA |2 Variables | | GENERALE | | +---------------------+----------+----------+----------+ | | | | | | NB PERF | PRNCJ1CO | PRCJ1CO | N actifs | +---------------------+----------+----------+----------+ | seul perf65 | ,144445 | ,271570 | 14 | | seul perf35 | ,128415 | ,283179 | 14 | | deux perf65 | ,075200 | ,178220 | 13 | | deux perf35 | ,133468 | ,176859 | 14 | +---------------------+----------+----------+----------+ | Tous Groupes | ,121064 | ,241116 | 55 | +---------------------+----------+----------+----------+
Seul vs. Présence d'un coacteur sur les items conjonctifs +----------+------------------------------------------------------+ | STAT. |Compar. Planifiée (m4.sta) | | MANOVA |1-NB | | GENERALE | | +----------+----------+----------+----------+----------+----------+ | Test | Somme | | Moy. | | | | Univar. | Carrés | dl | Carrés | F | niveau p | +----------+----------+----------+----------+----------+----------+ | Effet | ,316847 | 1 | ,316847 | 5,949545 | ,018103 | | Erreur | 2,822553 | 53 | ,053256 | | | +----------+----------+----------+----------+----------+----------+
Seul vs. Présence d'un coacteur sur les items non-conjonctifs +----------+------------------------------------------------------+ | STAT. |Compar. Planifiée (m4.sta) | | MANOVA |1-NB | | GENERALE | | +----------+----------+----------+----------+----------+----------+ | Test | Somme | | Moy. | | | | Univar. | Carrés | dl | Carrés | F | niveau p | +----------+----------+----------+----------+----------+----------+ | Effet | ,004944 | 1 | ,004944 | ,333149 | ,566254 | | Erreur | ,786502 | 53 | ,014840 | | | +----------+----------+----------+----------+----------+----------+
2.4.2.2 Phase 2:
Statistiques descriptives : +---------------------+--------------------------------+ | STAT. |Moy. (m4.sta) | | MANOVA |2 Variables | | GENERALE | | +---------------------+----------+----------+----------+ | | | | | | NB PERF | PRNCJ2CO | PRCJ2CO | N actifs | +---------------------+----------+----------+----------+ | seul perf65 | ,035714 | ,352908 | 14 | | seul perf35 | ,029532 | ,173821 | 14 | | deux perf65 | ,019267 | ,152986 | 13 | | deux perf35 | ,032165 | ,130037 | 14 | +---------------------+----------+----------+----------+ | Tous Groupes | ,029350 | ,203337 | 55 | +---------------------+----------+----------+----------+
+---------------------+--------------------------------+ | STAT. |Ecarts-Types (m4.sta) | | MANOVA |2 Variables | | GENERALE | | +---------------------+----------+----------+----------+ | | | | | | NB PERF | PRNCJ2CO | PRCJ2CO | N actifs | +---------------------+----------+----------+----------+ | seul perf65 | ,050206 | ,225138 | 14 | | seul perf35 | ,034629 | ,108623 | 14 | | deux perf65 | ,030479 | ,124701 | 13 | | deux perf35 | ,040341 | ,096126 | 14 | +---------------------+----------+----------+----------+ | Tous Groupes | ,039125 | ,169565 | 55 | +---------------------+----------+----------+----------+
Items conjonctifs :
Test du modèle
+----------+------------------------------------------------------+ | STAT. |Compar. Planifiée (m4.sta) | | MANOVA |1-CONDRECO | | GENERALE | | +----------+----------+----------+----------+----------+----------+ | Test | Somme | | Moy. | | | | Univar. | Carrés | dl | Carrés | F | niveau p | +----------+----------+----------+----------+----------+----------+ | Effet | ,419943 | 1 | ,419943 | 19,13872 | ,000060 | | Erreur | 1,119046 | 51 | ,021942 | | | +----------+----------+----------+----------+----------+----------+
Comparaisons deux à deux (bilatérales) +----------------+-------------------------------------------+ | STAT. |Test LSD; variable PRCJ2CO (m4.sta) | | MANOVA |Probas des Tests Post Hoc | | GENERALE |EFFET PRINC.:CONDRECO | +----------------+----------+----------+----------+----------+ | | {1} | {2} | {3} | {4} | | CONDRECO | ,3529077 | ,1738214 | ,1529857 | ,1300366 | +----------------+----------+----------+----------+----------+ | seul65 {1} | | ,002374*| ,000963*| ,000218*| | seul35 {2} | ,002374*| | ,716477 | ,437802 | | deux65 {3} | ,000963*| ,716477 | | ,689191 | | deux35 {4} | ,000218*| ,437802 | ,689191 | | +----------------+----------+----------+----------+----------+
Items conjonctifs :
+----------+------------------------------------------------------+ | STAT. |Compar. Planifiée (m4.sta) | | MANOVA |1-CONDRECO | | GENERALE | | +----------+----------+----------+----------+----------+----------+ | Test | Somme | | Moy. | | | | Univar. | Carrés | dl | Carrés | F | niveau p | +----------+----------+----------+----------+----------+----------+ | Effet | ,002000 | 3 | ,000667 | ,421537 | ,738341 | | Erreur | ,080661 | 51 | ,001582 | | | +----------+----------+----------+----------+----------+----------+
2.4.3 Temps de réaction
F omnibus
+----------+------------------------------------------------------+ | STAT. |Compar. Planifiée (m4.sta) | | MANOVA |1-CONDRECO | | GENERALE | | +----------+----------+----------+----------+----------+----------+ | Test | Somme | | Moy. | | | | Univar. | Carrés | dl | Carrés | F | niveau p | +----------+----------+----------+----------+----------+----------+ | Effet | 68812,3 | 3 | 22937,44 | 1,275120 | ,292810 | | Erreur | 917411,6 | 51 | 17988,46 | | | +----------+----------+----------+----------+----------+----------+
2.5 Etude 4 :
2.5.1 Contrôle du paradigme
2.5.1.1 Phase 1 :
Items conjonctifs vs. non-conjonctifs +----------+------------------------------------------------------+ | STAT. |Compar. Planifiée (m3rest.sta) | | MANOVA |1-RFACTOR1 | | GENERALE | | +----------+----------+----------+----------+----------+----------+ | Test | Somme | | Moy. | | | | Univar. | Carrés | dl | Carrés | F | niveau p | +----------+----------+----------+----------+----------+----------+ | Effet | 4,908490 | 1 | 4,908490 | 110,7504 | ,000000 | | Erreur | 2,348976 | 53 | ,044320 | | | +----------+----------+----------+----------+----------+----------+
2.5.1.2 Phase 2 :
Items conjonctifs vs. non-conjonctifs +----------+------------------------------------------------------+ | STAT. |Compar. Planifiée (m3rest.sta) | | MANOVA |1-RFACTOR1 | | GENERALE | | +----------+----------+----------+----------+----------+----------+ | Test | Somme | | Moy. | | | | Univar. | Carrés | dl | Carrés | F | niveau p | +----------+----------+----------+----------+----------+----------+ | Effet | ,803779 | 1 | ,803779 | 69,33597 | ,000000 | | Erreur | ,614404 | 53 | ,011593 | | | +----------+----------+----------+----------+----------+----------+
2.5.1.3 Phase 1 vs. phase 2
+----------+------------------------------------------------------+ | STAT. |Compar. Planifiée (m3rest.sta) | | MANOVA |1-RFACTOR1 | | GENERALE | | +----------+----------+----------+----------+----------+----------+ | Test | Somme | | Moy. | | | | Univar. | Carrés | dl | Carrés | F | niveau p | +----------+----------+----------+----------+----------+----------+ | Effet | 1,007763 | 1 | 1,007763 | 171,6111 | ,000000 | | Erreur | ,311235 | 53 | ,005872 | | | +----------+----------+----------+----------+----------+----------+
2.5.2 Mesure des erreurs
2.5.2.1 Phase 1
Statistiques descriptives : +---------------------+--------------------------------+ | STAT. |Moy. (m3rest.sta) | | MANOVA |2 Variables | | GENERALE | | +---------------------+----------+----------+----------+ | | | | | | PERF COMP | PRNCJ1CO | PRCJ1CO | N actifs | +---------------------+----------+----------+----------+ | perf65 asc | ,109226 | ,518452 | 14 | | perf65 desc | ,135162 | ,610204 | 14 | | perf35 asc | ,098214 | ,531453 | 14 | | perf35 desc | ,052083 | ,433681 | 12 | +---------------------+----------+----------+----------+ | Tous Groupes | ,100397 | ,526772 | 54 | +---------------------+----------+----------+----------+ +---------------------+--------------------------------+ | STAT. |Ecarts-Types (m3rest.sta) | | MANOVA |2 Variables | | GENERALE | | +---------------------+----------+----------+----------+ | | | | | | PERF COMP | PRNCJ1CO | PRCJ1CO | N actifs | +---------------------+----------+----------+----------+ | perf65 asc | ,093729 | ,267944 | 14 | | perf65 desc | ,171069 | ,198895 | 14 | | perf35 asc | ,094036 | ,252950 | 14 | | perf35 desc | ,058590 | ,279144 | 12 | +---------------------+----------+----------+----------+ | Tous Groupes | ,114385 | ,251007 | 54 | +---------------------+----------+----------+----------+
2.5.2.2 Phase 2 :
Statistiques descriptives : +---------------------+--------------------------------+ | STAT. |Moy. (m3rest.sta) | | MANOVA |2 Variables | | GENERALE | | +---------------------+----------+----------+----------+ | | | | | | PERF COMP | PRNCJ2CO | PRCJ2CO | N actifs | +---------------------+----------+----------+----------+ | perf65 asc | ,050263 | ,192377 | 14 | | perf65 desc | ,039286 | ,308678 | 14 | | perf35 asc | ,019711 | ,171078 | 14 | | perf35 desc | ,026068 | ,145807 | 12 | +---------------------+----------+----------+----------+ | Tous Groupes | ,034120 | ,206658 | 54 | +---------------------+----------+----------+----------+ +---------------------+--------------------------------+ | STAT. |Ecarts-Types (m3rest.sta) | | MANOVA |2 Variables | | GENERALE | | +---------------------+----------+----------+----------+ | | | | | | PERF COMP | PRNCJ2CO | PRCJ2CO | N actifs | +---------------------+----------+----------+----------+ | perf65 asc | ,064669 | ,152090 | 14 | | perf65 desc | ,044359 | ,132035 | 14 | | perf35 asc | ,030640 | ,134259 | 14 | | perf35 desc | ,033891 | ,143921 | 12 | +---------------------+----------+----------+----------+ | Tous Groupes | ,046071 | ,150486 | 54 | +---------------------+----------+----------+----------+
Items conjonctifs :
Test du modèle
+----------+------------------------------------------------------+ | STAT. |Compar. Planifiée (m3rest.sta) | | MANOVA |1-CONDRECO | | GENERALE | | +----------+----------+----------+----------+----------+----------+ | Test | Somme | | Moy. | | | | Univar. | Carrés | dl | Carrés | F | niveau p | +----------+----------+----------+----------+----------+----------+ | Effet | ,199873 | 1 | ,199873 | 10,09949 | ,002544 | | Erreur | ,989519 | 50 | ,019790 | | | +----------+----------+----------+----------+----------+----------+
Comparaisons deux à deux (bilatérales) +----------------+-------------------------------------------+ | STAT. |Test LSD; variable PRCJ2CO (m3rest.sta) | | MANOVA |Probas des Tests Post Hoc | | GENERALE |EFFET PRINC.:CONDRECO | +----------------+----------+----------+----------+----------+ | | {1} | {2} | {3} | {4} | | CONDRECO | ,1923766 | ,1710782 | ,3086779 | ,1458070 | +----------------+----------+----------+----------+----------+ | asc65 {1} | | ,690450 | ,033425*| ,404086 | | asc35 {2} | ,690450 | | ,012610*| ,649912 | | desc65 {3} | ,033425*| ,012610*| | ,004918*| | desc35 {4} | ,404086 | ,649912 | ,004918*| | +----------------+----------+----------+----------+----------+
Items non-conjonctifs :
F omnibus
+----------+------------------------------------------------------+ | STAT. |Compar. Planifiée (m3rest.sta) | | MANOVA |1-CONDRECO | | GENERALE | | +----------+----------+----------+----------+----------+----------+ | Test | Somme | | Moy. | | | | Univar. | Carrés | dl | Carrés | F | niveau p | +----------+----------+----------+----------+----------+----------+ | Effet | ,007707 | 3 | ,002569 | 1,225793 | ,310103 | | Erreur | ,104786 | 50 | ,002096 | | | +----------+----------+----------+----------+----------+----------+
2.5.3 Temps de réaction
+----------+------------------------------------------------------+ | STAT. |Compar. Planifiée (m3rest.sta) | | MANOVA |1-CONDRECO | | GENERALE | | +----------+----------+----------+----------+----------+----------+ | Test | Somme | | Moy. | | | | Univar. | Carrés | dl | Carrés | F | niveau p | +----------+----------+----------+----------+----------+----------+ | Effet | 11513,7 | 3 | 3837,91 | ,348350 | ,790481 | | Erreur | 550869,9 | 50 | 11017,40 | | | +----------+----------+----------+----------+----------+----------+
2.6 Etude 5 :
2.6.1 Contrôle du paradigme
2.6.1.1 Phase 1
Items conjonctifs vs. non-conjonctifs +----------+------------------------------------------------------+ | STAT. |Compar. Planifiée (m5.sta) | | MANOVA |1-RFACTOR1 | | GENERALE | | +----------+----------+----------+----------+----------+----------+ | Test | Somme | | Moy. | | | | Univar. | Carrés | dl | Carrés | F | niveau p | +----------+----------+----------+----------+----------+----------+ | Effet | ,454755 | 1 | ,454755 | 10,09533 | ,004536 | | Erreur | ,945969 | 21 | ,045046 | | | +----------+----------+----------+----------+----------+----------+
2.6.1.2 Phase 2
Items conjonctifs vs. non-conjonctifs +----------+------------------------------------------------------+ | STAT. |Compar. Planifiée (m5.sta) | | MANOVA |1-RFACTOR1 | | GENERALE | | +----------+----------+----------+----------+----------+----------+ | Test | Somme | | Moy. | | | | Univar. | Carrés | dl | Carrés | F | niveau p | +----------+----------+----------+----------+----------+----------+ | Effet | ,918121 | 1 | ,918121 | 23,29907 | ,000090 | | Erreur | ,827524 | 21 | ,039406 | | | +----------+----------+----------+----------+----------+----------+
2.6.2 Contrôles de manipulations
Comparaison de soi avec la moyenne de la population
+----------+------------------------------------------------------+ | STAT. |Compar. Planifiée (m5.sta) | | MANOVA |1-SESSION | | GENERALE | | +----------+----------+----------+----------+----------+----------+ | Test | Somme | | Moy. | | | | Univar. | Carrés | dl | Carrés | F | niveau p | +----------+----------+----------+----------+----------+----------+ | Effet | 5,500000 | 1 | 5,500000 | 13,15217 | ,001681 | | Erreur | 8,363636 | 20 | ,418182 | | | +----------+----------+----------+----------+----------+----------+
2.6.3 Mesure des erreurs
2.6.3.1 Phase 1 :
Statistiques descriptives : +------------+--------------------------------+ | STAT. |Moy. (m5.sta) | | MANOVA |2 Variables | | GENERALE | | +------------+----------+----------+----------+ | | | | | | POP | PRNCJ1 | PRCJ1 | N actifs | +------------+----------+----------+----------+ | rien | ,179924 | ,494697 | 11 | | bien | ,325437 | ,417316 | 11 | +------------+----------+----------+----------+ | Tous Group | ,252681 | ,456006 | 22 | +------------+----------+----------+----------+ +------------+--------------------------------+ | STAT. |Ecarts-Types (m5.sta) | | MANOVA |2 Variables | | GENERALE | | +------------+----------+----------+----------+ | | | | | | POP | PRNCJ1 | PRCJ1 | N actifs | +------------+----------+----------+----------+ | rien | ,104911 | ,161494 | 11 | | bien | ,260648 | ,194069 | 11 | +------------+----------+----------+----------+ | Tous Group | ,207697 | ,178667 | 22 | +------------+----------+----------+----------+
2.6.3.2 Phase 2 :
Statistiques descriptives : +------------+--------------------------------+ | STAT. |Moy. (m5.sta) | | MANOVA |2 Variables | | GENERALE | | +------------+----------+----------+----------+ | | | | | | POP | PRNCJ2 | PRCJ2 | N actifs | +------------+----------+----------+----------+ | rien | ,115377 | ,269678 | 11 | | bien | ,136555 | ,560062 | 11 | +------------+----------+----------+----------+ | Tous Group | ,125966 | ,414870 | 22 | +------------+----------+----------+----------+ +------------+--------------------------------+ | STAT. |Ecarts-Types (m5.sta) | | MANOVA |2 Variables | | GENERALE | | +------------+----------+----------+----------+ | | | | | | POP | PRNCJ2 | PRCJ2 | N actifs | +------------+----------+----------+----------+ | rien | ,119949 | ,223921 | 11 | | bien | ,129593 | ,259361 | 11 | +------------+----------+----------+----------+ | Tous Group | ,122336 | ,279273 | 22 | +------------+----------+----------+----------+
Items conjonctifs :
+----------+------------------------------------------------------+ | STAT. |Compar. Planifiée (m5.sta) | | MANOVA |1-SESSION | | GENERALE | | +----------+----------+----------+----------+----------+----------+ | Test | Somme | | Moy. | | | | Univar. | Carrés | dl | Carrés | F | niveau p | +----------+----------+----------+----------+----------+----------+ | Effet | ,463778 | 1 | ,463778 | 7,900214 | ,010798 | | Erreur | 1,174089 | 20 | ,058704 | | | +----------+----------+----------+----------+----------+----------+
Items non-conjonctifs :
+----------+------------------------------------------------------+ | STAT. |Compar. Planifiée (m5.sta) | | MANOVA |1-SESSION | | GENERALE | | +----------+----------+----------+----------+----------+----------+ | Test | Somme | | Moy. | | | | Univar. | Carrés | dl | Carrés | F | niveau p | +----------+----------+----------+----------+----------+----------+ | Effet | ,002467 | 1 | ,002467 | ,158223 | ,695011 | | Erreur | ,311822 | 20 | ,015591 | | | +----------+----------+----------+----------+----------+----------+
2.6.4 Temps de réaction
+----------+------------------------------------------------------+ | STAT. |Compar. Planifiée (m5.sta) | | MANOVA |1-SESSION | | GENERALE | | +----------+----------+----------+----------+----------+----------+ | Test | Somme | | Moy. | | | | Univar. | Carrés | dl | Carrés | F | niveau p | +----------+----------+----------+----------+----------+----------+ | Effet | 48947,9 | 1 | 48947,85 | 2,064069 | ,166267 | | Erreur | 474284,9 | 20 | 23714,25 | | | +----------+----------+----------+----------+----------+----------+