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UNIVERSITE IBN TOFAIL Année Universitaire 2018-2019
FACULTE DES SCIENCES
DEPARTMENT DE CHIMIE
KENITRA
Master Spécialisé
Systèmes de Protection des Métaux :
Conception et Environnement
La biocorrosion
1ère Partie
O. BENALI
Le but de ce polycopié étant de pouvoir alimenter un
fonds commun servant à toutes et à tous, et non
pas de dire : "C'est moi qui ai tout inventé."
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INTRODUCTION
La Corrosion Influencée Microbiologiquement (C.I.M.) ou biocorrosion est un
phénomène électrochimique de dissolution d'un métal qui touche toutes les industries où
peuvent se développer des micro-organismes et notamment des bactéries. Elle a fait
l'objet de nombreuses publications.
La première étape de la biocorrosion consiste obligatoirement en la formation d'un
biofilm sur la surface métallique.
Les micro-organismes présents, dans les différents milieux environnants jouent,
souvent, un rôle décisif dans les phénomènes de détérioration.
Pour définir cette altération particulière Chantereau, historiquement le premier en France, a
proposé : "la corrosion bactérienne rassemble tous les phénomènes de corrosion où les
bactéries agissent directement, ou par l'intermédiaire de leur métabolisme, en créant les
conditions favorables à son établissement".
De nombreux termes sont employés pour décrire cette corrosion : biodétérioration des
matériaux métalliques, biocorrosion, corrosion microbienne, corrosion bactérienne, corrosion
biochimique, corrosion influencée ou induite par les micro-organismes mais seules corrosion
microbienne et corrosion bactérienne sont définies et retenues dans la norme internationale
ISO 8044 (1999).
Il s'agit, en fait, d'interactions entre le monde du vivant et les matériaux ; tout matériau en
contact avec un milieu biologiquement actif est susceptible d'être victime de la biocorrosion.
En réalité, les micro-organismes ne "grignotent" pas les matériaux mais modifient, de façon
drastique, de part leur métabolisme, la physico-chimie à l'interface matériau-environnement
(pH, concentration en oxygène, concentration chimique, …) créant les conditions à l'origine
de la corrosion. Les micro-organismes peuvent être considérés comme de formidables
catalyseurs d'un phénomène de nature électrochimique : la corrosion.
De nombreux secteurs sont concernés par ces phénomènes de dégradation induite par les
micro-organismes :
L’industrie pétrolière affectée au niveau des puits d’extraction, des oléoducs, des
plates-formes en mer,
Les installations portuaires maritimes et fluviales : palplanches, portes d’écluses,
Circuits de refroidissement, circuits incendies, …); toutes les installations, en général, qui
utilisent les eaux naturelles (systèmes de climatisation, …),
Les ossatures métalliques des ouvrages d'art : ponts, pontons, passerelles,
l’industrie navale, la pêche, mais aussi, la géothermie;
L’aérospatial (exemple de corrosion microbienne dans des réservoirs de kérosène) ;
L’industrie nucléaire pour le stockage des déchets que ce soit en surface ou en site
profond ;
L’industrie agroalimentaire et le secteur médical.
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La corrosion microbienne n'est donc pas une nouvelle forme de corrosion, mais résulte de la
conjonction défavorable de trois facteurs:
Un milieu aqueux dont les principales propriétés sont connues,
Un matériau choisi comme étant compatible avec les conditions d'exposition,
Des micro-organismes dont la présence est le plus souvent inattendue.
Au regard de ces données, il apparaît clairement que la corrosion microbienne est un domaine
multidisciplinaire par excellence. Deux mondes scientifiques très différents : la science des
matériaux et celle du vivant, doivent travailler de concert pour élucider des mécanismes
complexes.
Il est essentiel pour chacun de simplifier le dialogue et les connaissances propres à son
domaine pour les rendre compréhensibles par l’autre, afin de progresser pour répondre aux
questions actuellement posées.
Pour qu’il y ait corrosion microbienne trois acteurs doivent être présents :
• un matériau,
• un milieu,
• des micro-organismes.
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CHAPITRE I
Bases microbiologiques indispensables
à la compréhension de la biocorrosion
Certaines notions microbiologiques, théoriques et pratiques, doivent être rappelées
pour appréhender les mécanismes de biocorrosion. C’est pourquoi très synthétiquement, dans
un langage simplifié, des données d’importance sont rappelées pour faciliter la
compréhension générale concernant les données sur les bactéries et les mécanismes de
biocorrosion.
I.1 GÉNÉRALITÉS
Il existe deux grandes catégories morphologiques de bactéries :
• les bacilles, en forme de bâtonnets,
• les coques (ou cocci) de forme approximativement sphérique.
Les dimensions varient de 0,5 à 10 µm en moyenne mais, des chaînes ou des bactéries
filamenteuses peuvent mesurer plusieurs dizaines de micromètres. Les observations au
microscope doivent tenir compte de ce paramètre.
La structure bactérienne peut être schématiquement décrite par deux unités :
• Le cytoplasme, milieu interne de la cellule, est le siège des fonctions vitales. Il
contient le matériel génétique, et les enzymes nécessaires au déroulement des
processus métaboliques et à la synthèse des constituants structuraux.
• La paroi est l’enveloppe externe de la bactérie. Sa rigidité assure l’intégrité
structurale de la cellule. La structure de la paroi détermine deux grands groupes de
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bactéries : les bactéries Gram-positives et les bactéries Gram-négatives, du nom
d’une coloration spécifique.
• Les bactéries Gram positives ont une paroi épaisse (20 à 80 nm), les bactéries Gram
négatives ont une paroi plus fine (10 à 15 nm).
I-2 Multiplication bactérienne
Le cycle de croissance d’une bactérie est simple. A son stade initial, elle a une taille et
une masse minimale. Elle grossit et s’allonge ensuite jusqu’à une taille critique, puis se divise
par scission binaire, laissant ainsi place à deux cellules filles strictement identiques à la cellule
mère. Chacune de ces cellules entame alors le même cycle. Le nombre de bactéries double
ainsi à chaque génération. Le développement des bactéries dans un milieu de culture se
déroule généralement en plusieurs phases : une phase de latence, une phase d’initiation de la
croissance, une phase exponentielle, une phase de ralentissement, une phase stationnaire ces
deux dernières intervenant lorsqu’au moins un des composants du milieu est épuisé, une
phase de lyse plus ou moins prononcée correspondant à la mort des cellules.
Les bactéries à Gram positif ou négatif ont mises en évidence par une technique de coloration appelée
coloration de Gram.
Les bactéries à gram positif apparaissent alors mauves au microscope.
Les bactéries à gram négatif apparaissent alors roses au microscope.
La technique de coloration repose sur les caractéristiques membranaires et de paroi de la bactérie. La
coloration au Gram est un facteur déterminant dans la taxinomie (classification) bactérienne.
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La multiplication des bactéries comprend une phase de croissance et une phase de division
(division par scissiparité)
Croissance = variation de la masse (ou du volume) / temps.
La durée de la division est quasiment fixe (20 min), c'est la phase de croissance qui varie
selon les conditions de nutrition
La croissance des bactéries est exponentielle avec des temps de doublement de population qui
peuvent varier de 20 minutes à plusieurs jours. Cette remarque est d’importance car elle
introduit la notion de stérilité. En effet, éradiquer des bactéries dans un système signifie
qu’il est nécessaire de les éliminer, toutes, au risque de constater, quelques temps après la
désinfection, une nouvelle contamination indésirable.
La stérilité est une valeur fondamentale pour les microbiologistes que les corrosionnistes
doivent apprendre à maîtriser. Le microbiologiste doit sensibiliser les corrosionnistes à
travailler stérilement.
La principale finalité des bactéries est d’assurer la multiplication de leur espèce par
reproduction cellulaire. Pour atteindre cet objectif deux métabolismes synergiques,
indispensables à la vie microbienne, sont mis en place un métabolisme d’assimilation ou
nutritif et un métabolisme de dissimilation ou énergétique.
I.3 Métabolisme d’assimilation ou nutritif
Les bactéries se multiplient à partir des nutriments composant les milieux de cultures
ou qu’elles trouvent dans leur écosystème. Les bactéries ont toutes un certain nombre de
besoins communs, certains éléments doivent impérativement être présents dans leur
environnement de développement : eau, carbone (matière organique, CO2), hydrogène,
oxygène, azote (nitrates, nitrites, ammonium, matière organique), phosphore
(phosphates, matière organique), soufre (sulfates, sulfites, soufre, sulfures, matière
organique) et autres éléments minéraux. Dans ces conditions, beaucoup peuvent croître et
se multiplier.
Le carbone est l’élément constitutif principal des micro-organismes. Les bactéries utilisent
différentes sources de carbone pour pourvoir à leurs besoins en carbone cellulaire.
Les bactéries autotrophes utilisent le CO2 comme seule source de carbone.
Beaucoup d’entre elles peuvent toutefois aussi utiliser une source de carbone organique
présente dans leur milieu : elles sont autotrophes facultatives.
Les bactéries ne pouvant utiliser que des sources de carbone organiques sont appelées
hétérotrophes.
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I.4 Métabolisme de dissimilation ou énergétique.
Le métabolisme énergétique des bactéries se résume à des réactions d’oxydoréduction en
chaîne. Ces réactions correspondent à un transfert d’électrons entre un réducteur (donneur
d’électrons, molécule de bas potentiel) et un oxydant (accepteur d’électrons, molécule de plus
haut potentiel).
Définition du métabolisme: Le métabolisme est l'ensemble des transformations
moléculaires et des transferts d'énergie qui se déroulent de manière ininterrompue dans
la cellule ou l'organisme vivant.
Première étape : oxydation d’un substrat de bas potentiel électrochimique, donneur
d’électrons :
Substrat D + H2O Substrat D oxydé + H+ + e-
Deuxième étape : réduction d’un substrat de haut potentiel électrochimique, accepteur
d’électrons :
Substrat A + H+ + e- Substrat A réduit + H2O
Rappelons que pour que ces réactions aient lieu il est nécessaire qu’elles répondent au
critère thermodynamique «ΔG < 0».
L’énergie libre ΔG doit être négative ; dans le cas contraire, la réaction s’effectue en sens
inverse.
L'énergie de ces réactions d'oxydo-réduction successives est récupérée dans les
systèmes microbiens pour aboutir à la formation d'une molécule biochimique, l'ATP
(Adénosine TriPhosphate) ; cette molécule qui joue le rôle de carburant dans les cellules
vivantes, stocke réversiblement l'énergie au niveau de sa liaison triphosphate :
ATP ADP + Pi + Energie
ADP : (adénosine diphosphate)
Pi : (phosphate inorganique)
Les substrats énergétiques des micro-organismes sont :
• *Donneurs d’électrons ou réducteurs : matière organique, hydrogène, fer, fer (II),
Mn (II), ion ammonium, sulfures, soufre,
• *Accepteurs d’électrons ou oxydants : oxygène, nitrates, nitrites, fer (II), fer (III),
Mn (IV), carbonates, CO2, matière organique.
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L’accepteur terminal d’électrons est impérativement de l’oxygène moléculaire pour les
bactéries aérobies strictes, et est une espèce ionique pour les bactéries anaérobies strictes, par
exemple : SO42- pour les Bactéries Sulfato-Réductrices, et S2O3
2- pour les Bactéries
Thiosulfato Réductrices.
Il est important de souligner que l’accepteur terminal d’électrons a une telle importance pour
le microbiologiste que cette donnée est retrouvée dans la qualification même des bactéries.
Par exemple, les bactéries Ferro-Oxydantes ont comme accepteur terminal d’électrons les ions
Fe2+, les bactéries Sulfo-Oxydantes ont comme accepteur terminal d’électrons les ions S2-. Le
donneur d’électrons est, dans la majorité des cas, de la matière organique : un acide, un sucre,
...etc
I.5 Généralités sur les enzymes
Le plus souvent, les bactéries ne peuvent utiliser directement les éléments présents dans leur
environnement, elles vont alors produire des enzymes intra ou extracellulaires permettant la
transformation des molécules afin qu’elles deviennent utilisables.
Les réactions métaboliques indispensables à la vie microbienne sont régies par des
activités enzymatiques. Les enzymes sont des protéines (macromolécules constituées
d’un enchaînement d’acides aminés) produites par les micro-organismes, vivants, pour
catalyser l’ensemble des réactions du métabolisme. Ces enzymes sont intra ou extra
cellulaires. Par exemple, pour permettre l’assimilation d’une molécule de gros poids
moléculaire, les microorganismes excrètent des enzymes spécifiques pour rendre cette
dernière assimilable.
Les réactions métaboliques indispensables à la vie microbienne sont régies par des
activités enzymatiques. Les enzymes sont des protéines (macromolécules constituées
d’un enchaînement d’acides aminés) produites par les micro-organismes, vivants, pour
catalyser l’ensemble des réactions du métabolisme. Ces enzymes sont intra ou extra
cellulaires. Par exemple, pour permettre l’assimilation d’une molécule de gros poids
moléculaire, les microorganismes excrètent des enzymes spécifiques pour rendre cette
dernière assimilable.
La capacité enzymatique d’un micro-organisme définit, pour lui, la possibilité de
réaliser certaines réactions métaboliques. L’enzymologie, a pris une place d’importance,
depuis une dizaine d’années, dans l’explication des phénomènes de biocorrosion.
I.6 Généralités sur les biofilms
Un biofilm est une communauté de micro-organismes (bactéries, champignons, algues),
adhérant entre eux et à une surface, et marquée par la sécrétion d'une matrice adhésive
et protectrice.
Sa structure est hétérogène, souvent sous forme d'une matrice extracellulaire, et
composée de substances polymères.
Il est important de prendre en compte dans toute démarche scientifique et notamment dans
l’explication des phénomènes de biocorrosion, la réalité physique et biologique d’un biofilm.
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La matrice du biofilm à proprement parler, en plus de contenir les éléments dont sont faits les
organismes qu'elle abrite (protéines, lipides, ADN, ARN, ...) est également constituée de
polysaccharides, (peptidoglycanes, cellulose) et d'une importante proportion d'eau.
un biofilm a la surface d'une eau stagnante
Le biofilm est une accumulation en surface, qui n’est pas spatialement ou temporellement
uniforme. Un biofilm est composé de 80-95% d’eau, de polymères extracellulaires (EPS,
ExoPolySacharides) constituant 85-98% de la matière organique, de micro-organismes :
bactéries, champignons, levures, micro-algues... Les biofilms bactériens sont, à ce jour, les
mieux connus car les plus étudiés. Pour de nombreuses bactéries, l’adhérence sur une surface,
par formation d’un biofilm, est un mode de survie en situation de carence alimentaire. Les
biofilms sont présents dans tout système délimité par une surface sur laquelle est adsorbé un
milieu aqueux contenant des nutriments (des quantités infiniment faibles de nutriments
suffisent à l’établissement d’un biofilm). La croissance du biofilm compte plusieurs étapes,
les plus notables sont les phases d’adhésion réversible et irréversible. En effet, lorsque les
bactéries produisent des exopolysacharides, leur adhésion devient irréversible, il est alors
impossible, par une simple attaque mécanique, de les décrocher de leur support.
Le biofilm peut être considéré comme un ensemble complexe vivant qui crée, à l’interface
matériau-environnement, des zones chimiquement et physiquement très hétérogènes. Le
biofilm est un système dynamique en constante évolution dans lequel le milieu circule avec
difficulté.
Il est important de souligner que la chimie du milieu n'est pas toujours représentative de
la chimie dans le biofilm. Ainsi des chercheurs. ont mis au point des microélectrodes
permettant de mesurer le pH à l'interface métal-biofilm. Lors de leurs travaux, ils ont
enregistré dans un biofilm formé sur un acier inoxydable immergé en eau de mer, des pH<1.
Il est bien évident que certaines bactéries peuvent localement abaisser le pH de façon
dramatique vis-à-vis de la tenue à la corrosion des matériaux.
Autre exemple, essentiellement constitué d'algues
couvrant une eau stagnante. Ce type de biofilm ne
perdure généralement pas (quelques jours à une ou
deux semaines)
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A notre connaissance, des pH alcalins n'ont pas été enregistrés dans le biofilm marin.
Cependant, il n'est pas à exclure que certains micro-organismes aient la capacité métabolique
d'augmenter localement le pH.
Au travers de ces données le microbiologiste doit didactiquement faire prendre conscience
au corrosionniste comment les bactéries sulfurogènes sont de véritables catalyseurs de la
Corrosion Induite par les micro-organismes. Cette famille bactérienne étant la plus citée dans
la litterature rapportant des cas de biocorrosion.
Le spécialiste des matériaux doit retenir, que selon certaines conditions environnementales
(T°C, pH, présence de matière organique, d’ions : SO42-, …), ces micro-organismes
particuliers ont la capacité de produire localement, dans le biofilm adhérant à la surface
métallique, des quantités importantes de sulfures, de modifier à l’échelle microscopique le
pH, la concentration en oxygène dissous à l’interface matériau environnement, et d’excréter
des enzymes qui pourraient jouer un rôle déterminant dans les phénomènes étudiés. Ces
modifications peuvent avoir une action positive ou négative sur le comportement des
matériaux.
Le microbiologiste et le corrosionniste doivent, sans relâche, suivre les modifications de
la composition physico-chimique du milieu en constituants indispensables au
développement des bactéries.
Certaines molécules revêtent un caractère différent pour les microbiologistes et les
corrosionnistes. Ainsi, le microbiologiste s’attachera à connaître, globalement, la
concentration en matière organique, voire en molécules organiques ciblées et la présence ou
non de certains ions; connaissances indispensables pour appréhender la caractérisation
microbiologique du milieu ou les possibilités de développement d’un micro-organisme donné.
Le corrosionniste, quant à lui, regardera, précisément, les propriétés physico-chimiques du
milieu pour évaluer l’agressivité de ce dernier.
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CHAPITRE II
Données sur les bactéries sulfurogènes
II.1Généralités
Les bactéries sulfurogènes sont considérées, à ce jour, comme les micro-organismes les Plus
agressifs vis-à-vis des matériaux métalliques, Ce paragraphe ne précise que certaines
indications métaboliques et physiologiques indispensables à la compréhension des
phénomènes étudiés.
En effet, l’un des rôles du microbiologiste est d’expliquer au corrosionniste comment les
micro-organismes, de part leur activité métabolique (métabolisme nutritif et
énergétique), peuvent modifier la physico-chimie du milieu. Le microbiologiste doit en
retour comprendre comment ces changements dans l’environnement favorisent ou non
l’établissement de la corrosion microbienne.
II.2 Les Bactéries Sulfato-Réductrices (BSR)
Les BSR sont les bactéries sulfurogènes les plus étudiées, de nombreuses références
concernant leur métabolisme et leur rôle dans les phénomènes de biodégradation des
matériaux sont disponibles.
Le métabolisme des bactéries sulfato-réductrices se caractérise par la propriété, que
possèdent ces bactéries, d'utiliser le sulfate comme accepteur terminal d'électrons
(oxydant).
Ce processus est couplé à l'oxydation d'un donneur d'électrons (réducteur) qui est, le plus
souvent, une substance organique. La physiologie et la taxonomie des BSR ont subi
d’énormes changements durant ces vingt dernières années et environ 40 genres et 150 espèces
de sulfato-réducteurs.
Les BSR ont une parfaite adaptation à la plupart des écosystèmes, qu’ils soient terrestres ou
subterrestres, qui résulte certainement d’une grande versatilité métabolique.
Ces bactéries sont en effet capables d’utiliser une multitude de substrats qu’elles peuvent
dégrader complètement pour certains.
Parmi les substrats utilisables par les BSR en présence de sulfate comme accepteur
terminal d’électrons (oxydant), citons l’hydrogène, les acides organiques, les alcools, les
sucres et même les hydrocarbures aliphatiques.
On leur reconnaît également la capacité d’intervenir dans la biodégradation des polluants
environnementaux.
Jusqu’en 1980, les BSR étaient considérées comme des micro-organismes anaérobies stricts,
puis il a été démontré qu’elles pouvaient tolérer la présence transitoire de l’oxygène
moléculaire. La capacité d’une vraie respiration aérobie a été mise en évidence chez quelques
souches.
Cependant, aucune croissance avec de l’oxygène comme accepteur terminal d’électrons n’a
été rapportée.
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L'importance paradoxale de l'oxygène est confirmée par un certain nombre d'observations
faites en milieu naturel. Elles ont montré que la corrosion influencée par les bactéries
sulfatoréductrices était relativement faible dans des conditions strictement anaérobies, alors
que des concentrations localisées d'oxygène l'accéléraient de façon souvent dramatique, et
obligatoirement cantonnée aux seules zones parfaitement anaérobies.
Les BSR font partie intégrante d’un cycle appelé le cycle biologique du soufre
Le Cycle du Soufre
Le soufre est un élément nécessaire à tous les organismes vivants, sous la forme de protéines
(en tant que composant de la méthionine et de la cystéine) et des cofacteurs coenzymes A,
thiamine et biotine. Dans la biosphère oxygénée, la source de soufre la plus abondante et la
plus stable du point de vue énergétique est le sulfate, son niveau d'oxydation est alors le plus
élevé (+6)
Thiamine (vitamine B1)
En conditions anaérobies, le sulfure est la forme réduite finale et énergétiquement stable du
cycle du soufre. En milieu acide, ce dernier est transformé en H2S qui peut alors être oxydé
par différentes bactéries aérobies, telles que les bactéries du soufre, comme les espèces du
genre Thiobacillus et les espèces filamenteuses de Beggiatoa. Le produit principal de cette
oxydation est le sulfate.
II.2 Les Bactéries Thiosulfato-Réductrices (BTR)
(Ion thiosulfate S2O32-
Il est désormais évident que des micro-organismes thiosulfato-réducteurs existent dans une
grande variété d’écosystèmes en environnement terrestres et subterrestres, bon nombre
d’auteurs l’ont démontré durant ces dernières années.
Thiamine (vitamine B1) Biotineine (vitamine B8)
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La thiosulfatoréduction a été démontrée en culture pure en laboratoire, en croissance sous
conditions anaérobies strictes ou facultatives.
L’oxydation en anaérobiose du thiosulfate en tétrathionate a été récemment démontrée dans
un groupe bactérien aérobie hétérotrophe obligatoire avec Pseudomonas stutzeri. L’équipe de
recherche du Laboratoire de Microbiologie de l’IRD Marseille a récemment démontrée, pour
la première fois, l’existence d’une activité thiosulfato-réductrice anaérobie due à des micro-
organismes non sulfato-réducteurs.
A partir de quatre sols de rizières situées en France et aux Philippines, cette équipe a isolé 18
souches de bactéries thiosulfato-réductrices non sulfato-réductrices, protéolytiques, n’utilisant
pas le glucose et produisant du sulfure en présence de thiosulfate et d’hydrogène.
La production de thiosulfate résulte de l’oxydation chimique du sulfite sous conditions
aérobies ou anaérobie. Il a été démontré que le thiosulfate joue un rôle intermédiaire au cours
du cycle des sulfures dans les sédiments marins . Dans les zones oxiques des sédiments, le
thiosulfate peut être oxydé par des espèces chimiolithotrophes (telle que Thiobacillus) en
acide sulfurique. L’oxydation complète ou la disproportionation du thiosulfate diminue
pendant que la réduction du thiosulfate augmente avec la profondeur des sédiments, ce qui
indique que la thiosulfato-réduction est un processus biologique significativement important
en environnement sédimentaire anoxique.( tétrathionate S4O62-, Sulfite SO3
2-)
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CHAPITRE III
Corrosion Bactérienne des Métaux
INTRODUCTION
La corrosion bactérienne rassemble tous les phénomènes de corrosion où les bactéries
agissent directement, ou par l’intermédiaire de leur métabolisme, jouant un rôle primordiale,
soit en accélérant un processus déjà établi, soit en créant les conditions favorables à son
établissement.
La corrosion des matériaux métalliques en milieu aqueux est de nature électrochimique :
Cela inclut:
➢ La corrosion en solution aqueuse mais également la corrosion atmosphérique qui est
liée à la présence d’un film d’humidité à la surface du métal,
➢ La corrosion dans les sols liée à également à la présence d’humidité dans les sols.
➢ Les microorganismes ne viennent pas modifier ce caractère électrochimique.
Rappel:
La réaction partielle anodique est l’oxydation du métal:
M Mn+ + Ne-
Alors que la réaction partielle cathodique implique la réduction d’un composé du milieu
aqueux;
En milieu naturel, il s’agit le plus souvent, de l’oxygène dissous s’il est présent
O2 + 4H+ + 4e- 2H2O
Ou dans les solutions désaérées :
2H+ + 2e - H2
Les vitesses des réactions partielles anodique et cathodique doivent être égales afin de
préserver l’électroneutralité.
C’est la réaction partielle la plus lente qui impose donc sa cinétique. On distingue ainsi les
réactions de corrosion sous contrôle anodique et sous contrôle cathodique, l’étape limitante
pouvant être liée:
➢ Au transport de masse de l’oxydant ou des produits de la réaction.
➢ Au transfert de charge anodique ou cathodique.
➢ Aux propriétés du film passif
Lorsque cette étape limitante est accélérée, le terme dépolarisation est parfois utilisé,
dépolarisation anodique ou cathodique suivant la réaction partielle considérée. Il convient de
souligner que cette terminologie n’est plus conseillée en corrosion aqueuse classique.
La présence de microorganismes vient donc modifier ou accélérer une de ces réactions
anodique ou cathodique.
Les effets microbiologiques sont constitués de moyens par lesquels les bactéries peuvent
accélérer la vitesse de corrosion ou déclencher des corrosions localisées.
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On distingue le plus souvent:
1. La production de composés corrosifs.
De nombreuse bactéries peuvent produire des métabolites qui s’avèrent corrosifs pour les
matériaux métalliques:
Acides minéraux ou organiques, ammoniaque, sulfures. Par exemple, les thiobacillus
thiooxidans générent de l’acide sulfurique à partir des sulfures, d’où des dégradations rapides
des matériaux métalliques en présence de H2SO4 (pH1)
2. La formation de cellule de concentration
à la surface des matériaux et en particulier, de cellules d’aération différentielles.
Ceci se produit principalement lorsqu’un biofilm se développe à la surface du matériau. Le
caractère hétérogène du biofilm, telle que mis en évidence dans le chapitre précédent, conduit
à des hétérogénéités à la surface du matériau. En milieu aérobie, c’est la présence simultanée
de zones avec et sans oxygène à la surface du matériau sur le quel le biofilm se développe qui
est le plus souvent rencontré: d’où la formation de cellules d’aération différentielle.
3. Formation de dépôts à la surface des matériaux.
Les microorganismes peuvent former des dépôts denses (en eaux de mer par exemple) qui
conduisent à des corrosions par des effets de crevasses, sur les aciers inoxydables.
4. La modification d’inhibiteurs de corrosion ou de revêtements protecteurs.
Un certain nombre de bactéries peuvent utiliser dans leur métabolisme, des inhibiteurs de
corrosion et ainsi les détruire. C’est le cas par exemple de celles qui transforment les nitrates
(inhibiteurs de corrosion pour l’aluminium) en nitrite ou amoniaque. (NO3-,NO2-,NH3)
5. La fragilisation par l’hydrogène.
De nombreux microorganismes génèrent au niveau de leur métabolisme de l’hydrogène, d’où
un certain nombre d’études qui concernent leur influence éventuelle sur la fragilisation par
l’hydrogène.
6. La stimulation directe des réactions directes des réaction anodiques ou cathodiques
Il s’agit alors de l’utilisation par les bactéries des produits de la réaction anodique (Mn+) ou
cathodique (H2 par exemple. Si cette action directe des bactéries a, ou a eu, la faveur de
nombreux microbiologistes (dépolarisation cathodique par les bactéries sulfatoréductrices),
elle est loin d’avoir convaincu les corrosionnistes, car souvent en contradiction avec les
observations ou les mesures électrochimiques.
Quelques exemples de matériaux
I. Les aciers au carbones
En ce qui concerne les aciers au carbones, il convient de distinguer trois cas principaux dans
lesquels une dégradation peut se produire, et qui se différencient par la présence d’oxygène:
• Conditions aérobies strictes, donc milieu totalement aéré;
• Conditions anaérobies strictes, donc milieu totalement désaéré, sans oxygène.
• Conditions mixtes d’aérobiose et d’anaérobiose, le plus souvent rencontrées
lorsqu’il y a formation d’un biofilm
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I.1.Conditions aérobies strictes
Outre le cas de la corrosion des aciers due à la production d’acide sulfurique par les bactéries
sulfo-oxydantes du genre Thiobacillus, il faut signaler également le cas classique de la
corrosion interne des tuyauteries en acier par les ferrobactéries, qui est schématisé sur la
figure 1.
Ces ferrobactéries (Gallionella ferruginae, Crenothrix sp, Leptothix sp) sont aérobies et tirent
leur énergie de l’oxydation des ions ferreux en ions ferriques, ce qui se traduit par la
formation d’un dépôt plus ou moins gélatineux (vésicule) d’hydroxyde ferrique sous lequel
peut se former une zone d’anaérobiose.
Ainsi, dès qu’il y a formation d’un biofilm, des hétérogénéités apparaissent dans la répartition
de l’oxygène à la surface du matériau, de conditions mixtes d’aérobiose et d’anaérobiose
partielles.
Figure 1 : Action des ferrobactéries
Les bactéries ferro-oxydantes, appelées ferro-bactéries. Ces bactéries contribuent à
l’encrassement des surfaces en générant d’important dépôts favorisant ainsi le développement
de corrosion caverneuse par aération différentielle.
Ces types de bactéries prolifèrent de préférence dans un milieu acide (pH d’environ 3,5) et à
des températures de 25 à 30°C.
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I.2. anaérobiose stricte
En absence d’oxygène, la vitesse de corrosion, de l’acier au carbone, est faible dans un milieu
aqueux proche de la neutralité ou basique. Cette vitesse est limitée par celle de la réaction
cathodique: 2H+ + 2e- H2
Cependant, des attaques sévères ont plusieurs fois été mises en évidence en milieu désaérés,
que ce soit sur des tuyauteries enterrés, ou des circuits de refroidissement d’eau désaérée ou
des canalisation de transport de pétrole. Il s’agit de corrosion localisée dont les vitesses sont
supérieures de plusieurs ordres de grandeur à celles attendues et qui atteignent le millimètre
ou la dizaine de millimètre par an.
Il est admis que ces attaques sévères sont attribuables aux bactéries sulfatoréductrices (BSR)?
Il faut cependant souligner que les BSR sont présentes dans presque tous les environnements
anaérobies, mais que ces dégradations sévères ne surviennent heureusement que dans un
nombre limité de cas.
Les différents mécanismes proposés pour expliquer ces corrosions en absence d’oxygène et
en présence de BSR sont rassemblés sur le tableau suivant:
Tableau I
Récapitulatif historique des principaux mécanismes de la corrosion bactérienne en
anaérobiose des aciers au carbone en présence de bactéries sulfato-réductrices (BSR°
Corrosion caverneuse sous dépôt
suite à la présence de ferro-bactéries
dans l’eau prélevée en surface de la
nappe phréatique; Nombreuses
perforations de la canalisation en
acier
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Nom (donné dans la littérature) Mécanisme
Théorie de la dépolarisation
cathodique (1934)
Consomation de l’hydrogène cathodique par
l’hydrogènase des BSR
dépolarisation anodique par
formation de FeS, (1952)
Augmentation de la vitesse de la réaction
anodique par la réaction
Fe2+ + S2- FeS
Mécanisme d’Iverson (1966) Production par les BSR d’un composé
phosphoré volatil
Corrosion Galvanique Fe/FeS,
(1973)
FeS étant plus noble que Fe, les zones où
l’acier est à nu se corrodent plus que celles où
il est recouvert par FeS
Dépolarisation cathodique par H2S,
(1974)
Nouvelle réaction cathodique:
H2S + e- HS- + H2
Cellule de concentration de soufre
(1980)
En présence d’un biofilm, hétérogénéités à la
surface du matériau dans les concentrations en
espèce soufrées non complètement réduites
Acidification locale (1993) Régulation par les BSR de leur pH optimal de
croissance, acide pour certaines espèces.
Théorie de la dépolarisation cathodique
Cette théorie a été émise dès 1934 par Von Wolgazen Khür et Van der Vlugt pour expliquer
le rôle des BSR dans la corrosion du fer en milieu anaérobie: Elle postule la consommation
microbiologique de l’hydrogène provenant de la réaction cathodique par le mécanisme
suivant:
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La réaction globale s’établissant comme suit :
Cette théorie a été abandonnée car elle suppose que seule les BSR capable de réaliser cette
réaction soient la cause de corrosion de l’acier en anaérobiose alors que dans les années 70/80
il a été démontré d’autres réactions par les BSR peuvent causer la corrosion.
La dépolarisation anodique
La production de sulfures dans le milieu par le métabolisme des bactéries sulfato-réductrices
est par contre très importante dans le processus de corrosion. Tout d'abord, ces sulfures
peuvent catalyser les réactions anodiques par sulfuration de l'anode.
Ensuite, ils précipitent avec les ions ferreux pour former des zones de sulfure de fer. La
libération d’ions sulfures S2- par les bactéries favorise la dissolution du métal :
Cette réaction est alors accélérée par les ions sulfures S2- :
En milieu désaéré, c’est en général la réaction cathodique qui limite la corrosion. Cette
dépolarisation anodique par formation de FeS ne peut conduire à une augmentation de la
vitesse de corrosion que si une nouvelle réaction cathodique se produit.
Dépolarisation cathodique par H2S
La présence d’hydrogène sulfuré, lié à l’activité des BSR, a conduit d’autres auteurs à
proposer une nouvelle réaction cathodique lié à la présence de H2S Conduisant à cette
dépolarisation cathodique.
La réaction cathodique serait alors, suivant le pH
H2S + 2e- S2- + H2 ou HS- + e- S2- + H2
Aux pH les plus souvent considérés (7 à 8), l’espèce prédominante est HS-. Il faut cependant
souligner que les BSR produisent des sulfures S- qui doivent auparavant s’équilibrer suivant
les réactions :
S2- + H+ HS- et HS + H+ H2S
Avant de pouvoir être utilisées à la cathode.
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Corrosion abiotique par l’H2S Les propriétés corrosives d’H2S pour le fer sont bien connues. En milieu abiotique sulfuré neutre ou alcalin, le fer se corrode uniformément. La réaction
anodique se compose d’une séquence d’étapes de chimisorption et de décharges anodiques :
Dans cette séquence, l’H2S est tout d’abord adsorbé chimiquement à la surface métallique.
Surviennent ensuite les réactions de décharge électronique. C’est la troisième réaction de la
séquence qui exerce le contrôle cinétique sur la séquence de réactions anodiques. Dans la
quatrième réaction, Fe++ est incorporé à la couche de mackinawite existante.
La réaction cathodique est gouvernée par la réduction du sulfure d’hydrogène comme suit :
En milieu liquide saturé en H2S (3,5 g.l-1), l’acier doux se corrode uniformément dans une
gamme de pH compris entre 6 et 13. Les produits de corrosion progressent des formes riches
en fer jusqu’aux formes riches en sulfures dans l’ordre suivant : mackinawite, sulfure ferreux
cubique, troïlite, pyrrhotite, pyrite.
Le tableau 3 rassemble les différentes formes cristallines de sulfure de fer possibles
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Mécanisme d’Iverson L’utilisation réelle des phosphates dans le métabolisme des BSR, a conduit Iverson à supposer
que l’action des BSR est liée à la présence d’un composé phosphoré très réactif avec le fer.
Cependant, aucun composé phosphoré lié au fer n’a été mis en évidence par analyse et ce
mécanisme est plutôt cité ici à titre d’information.
Les trois mécanismes (dépolarisation anodique par formation de FeS, dépolarisation
cathodique par H2S ou mécanisme d’Iverson) peuvent éventuellement expliquer une
augmentation de la corrosion généralisée de l’acier au carbone en présence de BSR (Figure 2)
Dans ce cas l’action des sulfures est prépondérante et concerne probablement à la fois la
réaction anodique et cathodique (figure 3).
Cependant ces mécanismes ne permettent pas d’expliquer le caractère localisé de la corrosion
de l’acier au carbone en présence de BSR. De plus les mesures expérimentales réalisées avec
des cultures de BSR ne mettent pas en évidence des vitesses de corrosion généralisées très
importantes, comme celle relevées sur (plusieurs mm par an).
Les trois derniers mécanismes du tableau I tiennent compte de cet aspect localisé des
dégradations en présence de BSR. Parmi ceux-ci deux sont liés à la présence des sulfures :
Figure 2: Influence des bactéries
sulfato-réductrices sur la vitesse de
corrosion généralisée d’un acier non
allié
Figure 3: Réactions anodiques et
cathodiques possibles en présence
de sulfures produits par les
bactéries sulfato-réductrices;
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Corrosion galvanique Fe/FeS Le sulfure de fer (FeS) est plus noble que le fer lui-même en milieu sulfuré. Il peut donc se
produire une corrosion galvanique entre une zone ou l’acier se trouve à nu (anode) et la
surface recouverte de FeS (cathode). Cette hétérogénéité de surface pourrait être liée au
sulfure de fer lui-même: La Mackinawite (FeS1-x) étant réputé protectrice, alors que la
pyrhotite (Fe1-xS) le serait beaucoup moins.
Cellule de concentration de soufre
La réduction incomplète des sulfates ou l’oxydation des sulfures par voie chimique ou
biochimique conduirait à la présence de soufre; les zones enrichies en soufre deviennent
cathodes et la corrosion se développe sur des zones sans soufre.
Conditions mixtes d’aérobiose et d’anaérobiose En milieu naturel, le biofilm qui se forme sur l’acier au carbone est hétérogène que ce soit au
niveau chimique (présence de zones aérobies et anaérobies) ou microbiologique (croissance
de microcolonnies interdépendante: les bactéries en utilisant l’oxygène rendent possible le
développement de bactéries anaérobies). Ce sont donc des conditions favorables à
l’établissement de cellules de concentration, en particulier d’aération différentielle.
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Les bactéries anaérobies sulfato et thiosulfatoréductrice BSR et BTR :
Ces bactéries se développent en l’absence d’oxygène, ce qui leur permet d’intervenir dans des
zones mal aérées, sous dépôts d’oxyde par exemple.
Elles produisent sous dépôts des substances corrosives tels que des sulfures, de l’acide
sulfurique ou de l’hydrogène sulfuré (H2S) contribuant à favoriser (ou accélérer) le
développement de corrosion caverneuse sous dépôt.
Exemple de corrosion en présence de BSR et BTR :
Kit Labège permettant la mise en culture de BSR et BTR
800 m de tuyauterie DN300 en acier inoxydable 304 L.Perforations
constatées au niveau de nombreux cordons de soudure, 2 à 3 mois
après un essai de mise sous pression réalisé avec de l’eau de
puits.Développement de BSR et BTR dans les zones oxydées
occasionnées par l’absence de protection gazeuse lors du soudage
de la tuyauterie.
Nombreuses cupules au niveau du cordon de soudure et en zone
affectée thermiquement caractéristiques du développement d’une
corrosion caverneuse.
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CHPITRE IV
Corrosion bactérienne du béton
Le béton est unanimement reconnu comme un matériau facile à façonner, économique et
durable et son utilisation dans le monde ne fait que croître tant dans les domaine du bâtiment
que dans ceux des ouvrages d'art, du génie civil et des équipements industriels.
Durable ne veut pas dire pour autant invulnérable dans n'importe quelle condition comme cela
a été trop souvent pensé à tort par association d'idée entre la pierre naturelle et la pierre
artificielle que constitue le béton.
Le béton en réalité peut être extrêmement sensible aux effets du vieillissement et des
agressions externes et, si certaines précautions ne sont pas prises, des déboires
importants peuvent survenir, quelquefois à très court terme
IV.1 Attaque bactérienne des bétons
IV.1.1 Comportement des réseaux d'assainissement
Bien que des cas aient été décrits dans quelques milieux spécifiques, les principaux problèmes
de dégradation bactérienne des bétons se situent dans les ouvrages d'assainissement, du fait de
la présence d'H2S. Les problèmes ont principalement été analysés aux Etats Unis, et en
Allemagne, mais ils se retrouvent dans de nombreux pays. L'action agressive de l'acide
sulfurique sur les bétons est connue de longue date. Toutefois, le mécanisme de
transformation de l'hydrogène sulfuré en acide sulfurique n'était pas bien compris. Des
recherches ont permis de mettre en évidence le fait que des bactéries en étaient à l'origine.
Dans les ouvrages d'assainissement autonomes, les investigations menées en France ont
permis de montrer la nature et la localisation des désordres. Le béton dégradé est humide,
d'apparence blanchâtre, recouvert par un film visqueux, avec effritement. Le pH de surface est
voisin de 1. Ces phénomènes se produisent dans les compartiments les moins ventilés des
fosses.
IV.2 Le béton en milieu riche en hydrogène sulfuré
IV.2.1 Mécanismes de dégradation
Le dégagement d'hydrogène sulfuré peut se produire dans des ouvrages tels que les
fosses septiques, les stations d'épuration ou les réseaux d'assainissement. Ce
dégagement a pour origine la décomposition en milieu anaérobie des composés du
soufre contenus dans les effluents brassés ou circulant dans les ouvrages.
• Les composés souffrés proviennent des sulfates et des produits organiques de type
protéines végétales et animales. La réduction des ces composés est due à l'action de
bactéries anaérobies sulfato-réductrices et nécessite un milieu pauvre en oxygène
(O2<0.1 mg/l)
• Par consommation de l'hydrogène sulfuré au cours de leur métabolisme, les sulfato-
bactéries rejetent de l'acide sulfurique H2SO4.
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Tous les matériaux à base de liants hydrauliques calciques sont très sensibles au contacts de
ces acides (formation d'un bio-film : dépôt gélatineux superficiel permettant à l'activité
bactérienne de se poursuivre directement au contact du béton). Les acides secrétés peuvent
correspondre à des solutions dont le pH peut être proche de zéro.
L'action de H2S se résume principalement à une attaque par H2SO4 qui se décompose elle-
même en :
un phénomène d'attaque acide qui induit la dégradation du béton par dissolution des
composés calciques et silico-calciques de la pâte ciment et
une réaction sulfatique avec néoformation de minéraux à caractère expansif : gypse (CaSO4,
2(H2O) ), ettringite (Ca6Al2(SO4)3(OH)12 - 26H2O )…
Conclusion Correctement conçu et mis en oeuvre, le béton est capable de résister à un grand nombre
d'agressions chimiques, dont celles induites par des bactéries. Ces dernières sont les sources
principales des dégradations constatées dans les réseaux d'assainissement. L'hydrogène
sulfuré, produit en milieu anaérobie par des bactéries du genre Desulfovibrio, est à l'origine de
cette altération, sa formation dépendant principalement des conditions d'aération locales des
effluents. Le mécanisme d'attaque du béton fait intervenir la production d'acide sulfurique en
milieu aérobie par des bactéries du genre Thiobacillus. Cette altération se traduit presque
essentiellement par la formation de gypse, sur des épaisseurs parfois importantes, pouvant
mettre en danger l'intégrité de la structure.
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CHAPITRE V
CORROSION DANS LE BÉTON
Une étude effectuée en Angleterre a montré qu'entre 1974 et 1978, la corrosion des aciers
d'armature a été la cause directe de l'effondrement d'au moins 8 structures de béton. Ces
structures étaient âgées de 12 à 40 ans (une structure avait seulement 2 ans !).
Les dommages dus à la corrosion se manifestent par des expansions qui conduisent à la
formation de fissures qui provoquent éventuellement le décollement du couvert de béton
(l'enrobage) (Fig I , II).
En plus de la disparition du couvert de béton, des dommages structuraux de la structure
peuvent survenir en raison de la perte d'adhérence des barres et de la diminution de leur
diamètre effectif (perte de capacité en traction).
Le béton est un milieu très alcalin (pH=13) et constitue un environnement relativement
agréable pour les aciers d'armature.
A ce niveau de pH, les aciers d'armature ne se corrodent pas car ils sont recouverts d'un film
passif formé d'une solution solide de Fe3O4 - Fe2O3 dont l'épaisseur est de 10-3 à 10-1 μm.
La corrosion des aciers d'armature peut débuter si le film passif est détruit ou si les pH de la
solution interstitielle devient trop faible (< 12).
Délamination dues à la corrosion dans une
poutre en béton armé. Les problèmes de
corrosion sont, en partie, causés par un joint mal
entretenu.
Délamination à la base d'une poutre
caisson en béton armé.