Transcript of Essais de Montaigne (self-edition)
Essais de Montaigne (self-edition)The Project Gutenberg EBook of
Essais de Montaigne (self-edition), by
Michel de Montaigne
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Title: Essais de Montaigne (self-edition)
Author: Michel de Montaigne
Last Updated: August 16, 2015
Language: French
*** START OF THIS PROJECT GUTENBERG EBOOK ESSAIS DE MONTAIGNE
(SELF-EDITION) ***
Produced by Claudine Corbasson and the Online Distributed
Au lecteur
Cet ouvrage se compose de quatre volumes, comprenant:
1er VOLUME.—Avertissement, table générale des chapitres, texte et
traduction du commencement au chapitre 6 inclus du livre II.
2e VOLUME.—Texte et traduction du chapitre 7 inclus du livre II au
chapitre 35 inclus de ce même livre.
3e VOLUME.—Texte et traduction du chapitre 36 du livre II jusqu'à
la fin.
4e VOLUME *.—Notice sur Montaigne, etc.; sommaire des Essais,
variantes, notes, lexique,
etc.
ILLUSTRATIONS:
1er vol.—Portrait de l'auteur, armoiries et signature.
2e vol.—Plan du domaine et perspective du manoir de
Montaigne.
3e vol.—Vue de la tour de Montaigne et plan des étages.
4e vol.—Fac-similé d'une page du manuscrit de Bordeaux.
Voir sur ces illustrations, la notice insérée à cet effet au
quatrième volume, en tête des Notes.
* Ce volume, indépendant des autres, est susceptible par sa
contexture d'être aisément utilisé avec n'importe quelle édition
des Essais ancienne ou moderne, moyennant un simple tableau de
concordance de pagination facile à établir soi-même.
AVERTISSEMENT.
La présente édition des Essais de Montaigne (self-édition)
comprend: le texte original de cet ouvrage d'après l'édition de
1595 et sa traduction en langage de nos jours, avec sommaires
intercalés; un ensemble de ces mêmes sommaires, les citations
classées par ordre alphabétique, de très nombreuses notes hors
texte inédites et autres; un glossaire; un lexique des noms
propres, avec index analytique des principales matières, etc.;
enfin, une notice sur l'auteur et sur son œuvre.
Montaigne se distingue entre tous par le sujet qu'il traite et la
forme simple et humoristique qu'il y emploie: «Il a cela pour lui,
dit Pascal, qu'un homme bête ne le comprendra jamais»; de son côté,
Laboulaye le tient «comme le seul moraliste qu'on lise avec
plaisir, quand on n'a plus quarante ans»; et il ajoute: «On peut
ouvrir les Essais au hasard, toute page en est sérieuse et donne à
réfléchir.»
Son sujet, c'est l'homme, qu'il étudie dans sa réalité, avec ses
besoins, ses passions et les conditions en lesquelles il se trouve
pour y satisfaire; et, pour plus de vérité, c'est lui- même qu'il
analyse. Mais s'il parle de lui, c'est de manière à nous occuper de
nous; et qui le lit, s'y reconnaît aujourd'hui comme il y a trois
siècles, au temps où l'auteur écrivait, parce que ce qu'il a peint,
ce n'est pas la société humaine qui, elle, change constamment, mais
l'homme lui-même lequel, pour si «ondoyant et divers» qu'il soit,
au fond demeure toujours le même.
Certainement Montaigne a vieilli; il émet bien des assertions qui,
avec le progrès des mœurs, le développement des sciences, les idées
nouvelles, les événements accomplis, ne sont plus exactes; sa
lecture n'en demeure pas moins intéressante et profitable, parce
que ces assertions, accompagnées d'observations sur la nature
humaine, qui sont et seront toujours vraies, présentées d'une
manière saisissante, éveillent en nous un retour inconscient sur
nous-mêmes; l'humanité peut continuer à progresser, les Essais
seront toujours d'actualité; et à qui, en ce siècle essentiellement
utilitaire, demanderait à quoi aujourd'hui peut encore servir cette
lecture, on peut, en toute assurance, répondre que nulle n'est plus
propre à nous garder d'une présomption exagérée, à nous inspirer de
l'indulgence pour autrui, nous maintenir en possession de
nous-mêmes, amener en nous la résignation contre la souffrance ou
la mauvaise fortune, et, quoi qu'il advienne, faire le calme en nos
âmes.
Mais il n'en est pas de même de la langue que parle leur auteur;
plus on s'éloigne de l'époque où il écrivait, moins elle demeure
facilement intelligible, en raison des mots et des tournures de
phrase hors d'usage qui s'y rencontrent parfois en grand nombre,
surtout quand il disserte, au lieu de raconter. Déjà, en 1790, un
de ses éditeurs disait, sans cependant le réaliser, «qu'il fallait
mettre les Essais à la portée de ceux auxquels manque le loisir de
les déchiffrer». Ce qui était déjà vrai alors, l'est plus encore
maintenant, où moins de gens qu'autrefois sont inoccupés, où les
occupations de chacun se sont
multipliées, et où le nombre de ceux qui s'adonnent aux études
littéraires va diminuant constamment. C'est en raison de cet état
de choses que la présente édition a été entreprise; son but est de
faire que la lecture de cet ouvrage, si foncièrement profitable à
quiconque vit ou a vécu tant soit peu de la vie agitée de ce monde,
devienne aussi facile et intéressante aujourd'hui pour tous qu'elle
l'était autrefois pour quelques-uns.
Les érudits y trouveront, conforme à l'édition de 1595, d'Abel
Langelier, la meilleure qui ait été publiée, un texte auquel ils
pourront s'en tenir. S'ils veulent pousser plus loin, les relevés
des variantes de l'exemplaire manuscrit de Bordeaux et de l'édition
de 1588 satisferont leur légitime désir, en même temps que la table
des citations leur donnera possibilité de se reporter aisément à
telle édition que ce soit. De plus, les sommaires placés en regard
aideront leurs recherches et même leurs lectures, en précisant
l'idée que le texte développe, aidant ainsi à sa compréhension,
parfois difficile dans tout ouvrage philosophique, et même dans
Montaigne, si peu semblable qu'il soit à cet égard à tous autres
qui se sont occupés de ces questions.—Dans les passages les
laissant indécis, ils auront encore la ressource de consulter la
traduction en langage de nos jours qui accompagne le texte
original; ils y trouveront une interprétation qu'ils seront
toujours libres de ne pas accepter et même de critiquer.
Je crois cependant devoir faire observer à ceux chez lesquels cette
prédisposition existe, que la différence est grande entre
l'attention passagère permettant de relever les imperfections que,
de-ci, de-là, peuvent présenter quelques membres de phrase et le
travail de longue haleine qu'est l'expression, dans leur
intégralité de la totalité des idées contenues dans un ouvrage
aussi considérable; et que, de fait, une traduction de Montaigne
présente de très réelles difficultés pour arriver à lui conserver,
dans la mesure du possible, la concision et la délicatesse des
nuances qui abondent en lui et rendre d'une façon compréhensible
certains passages obscurs ou ambigus. Cette difficulté n'apparaît
pas de prime abord: mais, pour s'en rendre compte, il suffit d'en
lire à haute voix un fragment de quelque étendue, une page entière
par exemple, la première venue; on verra de suite combien elle est
aujourd'hui difficilement lisible et parfois même peu
compréhensible; et si, ensuite, la plume à la main, on s'essaie à
traduire cette même page, de manière que la lecture à haute voix en
soit courante et nettement saisissable, on constatera combien
malaisément on est arrivé à un résultat satisfaisant; c'est une
épreuve à laquelle je convie nos critiques, avant qu'ils ne
formulent leurs appréciations. Pourront- elles, du reste, être plus
sévères que celles émises par anticipation par Naigeon, il y a cent
ans passés: «Le projet de récrire les Essais dans notre langue,
peut passer comme tant d'autres idées par la tête d'un ignorant et
d'un sot, mais n'entrera jamais dans celle d'un lecteur judicieux,
instruit et d'un goût délicat et sûr»; j'ai indiqué ci-dessus les
raisons qui, nonobstant, nous ont fait passer outre. Du reste,
envisageant cette traduction non plus au point de vue esthétique,
mais sous le rapport utilitaire, G. Guizot n'a-t-il pas dit: «Pour
bien saisir les idées de Montaigne et les juger à leur valeur, il
faut se résigner à un travail déplaisant; il faut les dépouiller de
leur forme ancienne et originale et les traduire en langage
d'aujourd'hui.»
Ceux auxquels le vieux français est moins familier, ne seront plus
absolument privés
d'entrer en connaissance de cette œuvre si pleine d'intérêt et
d'originalité. La traduction, qui serre d'assez près le texte, leur
procurera cette satisfaction, en même temps que les notes et le
lexique leur donneront tous les renseignements qu'une curiosité,
qui naîtra d'elle-même, leur fera désirer quand le temps ne les
pressera pas trop.
Si exacte que puisse être une traduction de Montaigne, et le
proverbe italien est ici, comme ailleurs, de toute vérité:
«Traduttore traditore», elle ne saurait pourtant rendre «la
précision, l'énergie, la hardiesse de son style, le naturel, qui en
font un de ses principaux charmes et donnent à son ouvrage un
caractère si particulier et si piquant; son parler en effet a une
grâce qui ne se peut égaler en langage moderne». Pour suppléer à
cette infériorité et ne pas faire tort à l'auteur, que notre
intention est de vulgariser et non d'amoindrir, texte et traduction
ont été juxtaposés: juxtaposition que nous tenons comme tellement
juste et indispensable, que nous nous ferions un véritable scrupule
de consentir, aujourd'hui et plus tard, à ce que cette traduction,
dont du reste elle permet de juger de la fidélité, soit publiée
séparément.
Dans les Essais, les en-tête des chapitres n'ont que rarement un
rapport tel avec les sujets si divers qui y sont traités, qu'ils
renseignent suffisamment; la table qui en a été faite et son annexe
constituent un fil conducteur simple et utile, pour s'orienter dans
ce fouillis inextricable par lui-même.—L'ensemble des sommaires
ajoute à cette première facilité et la complète en faisant
ressortir la liaison, toujours si difficile à saisir dans ce
pêle-mêle de pensées ingénieuses, mais jetées le plus souvent sans
ordre et au hasard; il rend possible à tous de se faire une idée
précise de l'ouvrage et de s'y reconnaître à coup sûr; aussi
sera-t-il fréquemment consulté, d'autant que des renvois, établis
paragraphe par paragraphe, reportent, sans hésitation, au texte
lui-même.
Il a semblé également intéressant de donner un relevé des passages
des Essais les plus fréquemment cités, avec indication de l'endroit
du texte où ils se trouvent; pouvant ainsi les replacer dans le
cadre d'où ils ont été tirés, on sera à même, le cas échéant, de
leur restituer leur véritable sens dont, assez souvent, ils sont
détournés.
En outre des mots et locutions hors d'usage dont nous avons déjà
parlé, des faits historiques peu connus, des allusions à des
événements de l'époque, des indications à préciser, des erreurs
même se rencontrent fréquemment dans Montaigne. Les notes qui
accompagnent cette édition sont de toutes sortes; elles ont pour
objet d'élucider ces divers points, et aussi de renseigner
succinctement sur les principaux personnages mis en cause, signaler
certains emprunts faits à notre auteur, ainsi que quelques-unes des
appréciations émises par ses commentateurs, les sources où lui-même
a puisé, enfin de consigner des rapprochements que la lecture de
l'ouvrage fait naître spontanément.
C'est cet ensemble qui, donnant possibilité à chacun de lire les
Essais avec intérêt et de les méditer à sa convenance, suivant
l'instruction qu'il possède et le temps dont il dispose, fait que
la présente édition justifie d'être à la portée de tous.
De ces diverses parties, seule la traduction en langage de nos
jours qui, à la vérité, en dehors du texte original, en constitue
le gros œuvre, est uniquement de nous; et encore y
avons-nous inséré, à peu près telles quelles, les traductions des
citations latines, grecques, etc., auxquelles ont successivement
collaboré tous les éditeurs de Montaigne, depuis Mademoiselle de
Gournay à laquelle en est due la presque totalité.
Les sommaires ont été relevés dans Amaury Duval; généralement, on
s'est borné à les transcrire sans y rien changer, parfois cependant
ils ont été complétés: dans les derniers chapitres notamment,
modifications et additions sont assez fréquentes.
Les notes, toujours trop nombreuses pour les érudits, jamais assez
pour les autres, ont, en raison de leur multiplicité et pour
conserver au texte sa physionomie, été groupées dans un volume
séparé. Pour la plupart d'entre elles, tous ceux qui jusqu'ici se
sont particulièrement occupés de Montaigne, les Coste, Naigeon,
Jamet, Leclerc, G. Guizot, Payen, Margerie, Bonnefon et autres,
ainsi que les auteurs dont il s'est principalement inspiré:
Hérodote, Cicéron, Sénèque, Pline, Tite-Live, Plutarque, Diogène
Laerce, etc..., ont été largement mis à contribution; du reste la
part contributive de chacun est mentionnée partout où elle s'est
exercée.
Le lexique comprend tous les noms propres qui se rencontrent dans
le texte.
L'index analytique des principales matières a été établi en
s'aidant des éditions antérieures comme, du reste, toutes en ont
agi avec celles qui les ont précédées.
Notes et lexique ont reçu une très notable extension, en vue de
faire que l'ouvrage se suffise à lui-même.
Pour donner satisfaction à certains, il a été joint un glossaire
que d'autres considèrent presque comme une superfétation, la
traduction et les notes permettant en effet, la plupart du temps,
de s'en passer.
Ce faisant, nous croyons avoir, avec l'aide de nos devanciers,
ajouté à leur œuvre, sans nous dissimuler que les Essais se prêtent
à tant de dissertations et de commentaires, que beaucoup demeure
qui pourrait être fait; touchant même ce qui est, peut-être
devrions- nous, avant de le livrer à la publicité, maintes fois
encore «sur le métier remettre notre ouvrage», mais l'âge nous
gagne.
Gal M.
ANNEXE ALPHABÉTIQUE
Nota.—Les en-tête des chapitres sont ceux du texte original; la
traduction ne suit que si elle en diffère. Les indications entre
parenthèses sont celles de l'idée principale qui est traitée dans
le chapitre: elle n'est mentionnée que lorsque l'en-tête même ne la
fait pas ressortir suffisamment; ces mêmes indications, classées
par ordre alphabétique, sont reproduites après la présente table,
dans une annexe.
Les chiffres romains indiquent le volume, à la table particulière
duquel il y a lieu de se reporter pour avoir la page.
Volume. AV LECTEVR.—L'auteur au lecteur I
LIVRE PREMIER Ch. 1. —Par diuers moyens l'on arriue à pareille
fin.—(Moyens divers
d'obtenir la commisération de ses ennemis). I
Ch. 2. —De la tristesse. I Ch. 3. —Nos affections s'emportent au
delà de nous.—Nous prolongeons
nos affections et nos haines au delà de notre propre durée
(Préoccupations continues que nous avons de ce qui peut advenir,
après notre mort, des choses auxquelles nous nous intéressons
pendant la vie; dans quelle mesure nous devons aux rois notre
obéissance et notre estime; du soin de nos funérailles).
I
Ch. 4. —Comme l'ame descharge les passions sur les obiects faux,
quand les vrais luy deffaillent.—L'âme exerce ses passions sur des
objets auxquels elle s'attaque sans raison, quand ceux, cause de
son délire, échappent à son action.
I
Ch. 5. —Si le chef d'vne place assiégée doit sortir pour
parlementer.—Le commandant d'une place assiégée doit-il sortir de
sa place pour parlementer? (Sur la bonne foi et la loyauté à la
guerre; du danger que court le commandant d'une place assiégée, en
sortant pour parlementer).
I
Ch. 6. —L'heure des Parlements dangereuse.—Le temps durant lequel
on parlemente, est un moment dangereux (Pendant qu'on traite des
conditions d'une capitulation, il faut être sur ses gardes et
redoubler de vigilance).
I
Ch. 7. —Que l'intention iuge nos actions.—Nos actions sont à
apprécier d'après nos intentions (Nos obligations s'étendent au
delà de la
I
mort). Ch. 8. —De l'oisiueté. I Ch. 9. —Des menteurs.—(Sur la
mémoire et le mensonge). I Ch. 10. —Du parler prompt ou tardif.—De
ceux prompts à parler de prime
saut et de ceux auxquels un certain temps est nécessaire pour s'y
préparer (Sur l'éloquence).
I
Ch. 11. —Des prognostications.—Des pronostics (Sur l'astrologie et
la prédiction de l'avenir).
I
Ch. 12. —De la constance.—(Du courage et de ses limites). I Ch. 13.
—Cérémonie de l'entreueue des Rois.—Cérémonial dans les
entrevues des rois (Sur la civilité, en particulier dans les
visites des souverains).
I
Ch. 14. —On est puny pour s'opiniastrer à vne place sans raison.—On
est punissable, quand on s'opiniâtre à défendre une place au delà
de ce qui est raisonnable.
I
Ch. 15. —De la punition de la couardise.—Punition à infliger aux
lâches. I Ch. 16. —Vn traict de quelques Ambassadeurs.—Façon de
faire de quelques
ambassadeurs (De l'obéissance à ses supérieurs; utilité de se
renfermer dans ses aptitudes).
I
Ch. 17. —De la peur. I Ch. 18. —Qu'il ne faut iuger de nostre heur
qu'apres la mort.—Ce n'est
qu'après la mort, qu'on peut apprécier si, durant la vie, on a été
heureux ou malheureux (Sur l'inconstance de la fortune).
I
Ch. 19. —Que philosopher c'est apprendre à mourir. I Ch. 20. —De la
force de l'imagination.—(Des esprits forts). I Ch. 21. —Le profit
de l'vn est dommage de l'autre.—Ce qui est profit pour
l'un est dommage pour l'autre (Impossibilité de concilier les
intérêts de tous).
I
Ch. 22. —De la coustume et de ne changer aysément une loy
receue.—Des coutumes et de la circonspection à apporter dans les
modifications à faire subir aux lois en vigueur (De la force de
l'habitude; inconvénients de l'instabilité des lois).
I
Ch. 23. —Diuers euenemens de mesme conseil.—Une même ligne de
conduite peut aboutir à des résultats dissemblables (Sur la
clémence; part du hasard dans les événements humains).
I
Ch. 24. —Du pedantisme (ou faux savoir). I Ch. 25. —De
l'institution des enfans.—De l'éducation des enfants. I Ch. 26.
—C'est folie de rapporter le vray et le faux à nostre
suffisance.—C'est
folie de juger du vrai et du faux avec notre seule raison (Degré de
croyance qu'on peut accorder aux récits extraordinaires).
I
Ch. 27. —De l'amitié.—(Éloge d'Étienne de la Boëtie). I
Ch. 28. —Vint neuf sonnets d'Estienne de la Boetie.
Ch. 29. —De la moderation.—(De la modération dans l'exercice même
de la vertu et les jouissances des plaisirs licites).
I
Ch. 30. —Des Cannibales.—(Sur l'état des hommes vivant en dehors de
la civilisation).
I
Ch. 31. —Qu'il faut sobrement se mesler de iuger des ordonnances
diuines.— Il faut beaucoup de circonspection, quand on se mêle
d'émettre un jugement sur les décrets de la Providence.
I
Ch. 32. —De fuir les voluptez, au prix de la vie.—Les voluptés sont
à fuir, même au prix de la vie.
I
Ch. 33. —La fortune se rencontre souuent au train de la raison.—La
fortune marche souvent de pair avec la raison (Part de la fortune
dans les événements humains).
I
Ch. 34. —D'vn defaut de nos polices.—Une lacune de notre
administration. I Ch. 35. —De l'vsage de se vestir.—(Sur l'usage
des vêtements et la force de
l'habitude). I
Ch. 36. —Du ieune Caton.—Sur Caton le jeune ou d'Utique (Intérêts
de nature à porter à des actes de vertu).
I
Ch. 37. —Comme nous pleurons et rions d'vne mesme
chose.—(Sentiments opposés qui nous portent à pleurer et à rire
d'une même chose).
I
Ch. 38. —De la solitude. I Ch. 39. —Considération sur
Cicéron.—(Qualités qui conviennent à un
homme du monde.) I
Ch. 40. —Que le goust des biens et des maux despend en bonne partie
de l'opinion que nous en auons.—Le bien et le mal qui nous arrivent
ne sont souvent tels que par l'idée que nous nous en faisons.
I
Ch. 41. —De ne communiquer sa gloire.—L'homme n'est pas porté à
abandonner à d'autres la gloire qu'il a acquise.
I
Ch. 42. —De l'inegalité qui est entre nous.—(Inégalités résultant
des conditions de l'ordre social, différences entre les qualités de
chacun; des soucis de la royauté).
I
Ch. 43. —Des loix somptuaires.—(Danger des innovations dans un
état). I Ch. 44. —Du dormir.—(Sur la tranquillité d'âme dans les
circonstances
graves). I
Ch. 45. —De la battaille de Dreux.—(Sur la conduite d'un général
dans une bataille).
I
Ch. 46. —Des noms.—(De leur influence dans la vie). I Ch. 47. —De
l'incertitude de nostre iugement.—(Sur l'art de la guerre; part
de
la fortune dans les événements). I
Ch. 48. —Des destriers.—Des chevaux d'armes (Sur l'équitation et
l'art de la I
guerre). Ch. 49. —Des coustumes anciennes.—Des coutumes des
anciens. I Ch. 50. —De Democritus et Heraclitus.—(De l'usage à
faire des diverses
qualités de l'esprit). I
Ch. 51. —De la vanité des parolles. I Ch. 52. —De la parsimonie des
anciens. I Ch. 53. —D'vn mot de Cæsar.—(Du souverain bien; des
désirs insatiables de
l'homme). I
Ch. 54. —Des vaines subtilitez.—Inanité de certaines subtilités. I
Ch. 55. —Des senteurs.—Des odeurs. I Ch. 56. —Des prieres. I Ch.
57. —De l'aage.—(De la jeunesse, de la vieillesse; sur l'époque de
la
maturité de l'esprit). I
LIVRE DEUXIEME Ch. 1. —De l'inconstance de nos actions.—(Variations
dans le caractère et la
conduite chez un même homme). I
Ch. 2. —De l'iurongnerie.—(De l'ivrognerie et de l'enthousiasme). I
Ch. 3. —Coustume de l'Isle de Cea.—(Sur le suicide). I Ch. 4. —A
demain les affaires.—(Sur l'exactitude à apporter dans le
maniement des affaires). I
Ch. 5. —De la conscience.—(De la bonne conscience; sur le remords,
la torture).
I
Ch. 6. —De l'exercitation.—De l'exercice (Sur le moyen de se
familiariser avec la mort; sur la nécessité de se connaître).
I
Ch. 7. —Des recompenses d'honneur.—Des récompenses honorifiques. II
Ch. 8. —De l'affection des peres aux enfants.—(Conduite à tenir à
leur
égard; situation de fortune à leur donner; affection que nous
portons aux productions de notre esprit).
II
Ch. 9. —Des armes des Parthes. II Ch. 10. —Des liures.—(Jugement
porté sur quelques auteurs de toutes
époques). II
Ch. 11. —De la cruauté.—(La difficulté est inhérente à la pratique
de la vertu).
II
Ch. 12. —Apologie de Raimond de Sebonde.—(Sur les fondements de la
foi chrétienne; l'instinct des animaux; les sectes philosophiques
des anciens; la Divinité; l'âme humaine; l'incertitude des
connaissances de l'homme, celle de ses sens; tout soumettre à
l'examen de la raison conduit à bien des erreurs, notamment dans
les questions de religion).
II
Ch. 13. —De iuger de la mort d'autruy.—(Réserve à apporter, quand
nous II
jugeons de la mort d'autrui; sur le suicide). Ch. 14. —Comme nostre
esprit s'empesche soy-mesme.—(Par sa faiblesse,
l'esprit humain se crée à lui-même bien des difficultés). II
Ch. 15. —Que nostre desir s'accroist par la malaisance.—(Nos désirs
s'accroissent par la difficulté de les satisfaire).
II
Ch. 16. —De la gloire. II Ch. 17. —De la presumption.—(Opinion de
Montaigne sur lui-même;
quelques appréciations sur les autres). II
Ch. 18. —Du dementir.—Du fait de donner ou recevoir des démentis
(Sur le mensonge, le point d'honneur).
II
Ch. 19. —De la liberté de conscience.—(Du zèle pour la religion;
apologie de l'empereur Julien).
II
Ch. 20. —Nous ne goustons rien de pur.—(Mélange constant du bien et
du mal).
II
Ch. 21. —Contre la faineantise.—(Considérations sur le but de la
vie; activité nécessaire à un souverain).
II
Ch. 22. —Des postes. II Ch. 23. —Des mauuais moyens employez à
bonne fin. II Ch. 24. —De la grandeur Romaine. II Ch. 25. —De ne
contrefaire le malade.—(De la force de l'imagination). II Ch. 26.
—Des poulces. II Ch. 27. —Couardise mere de cruauté.—La
poltronnerie est mère de la
cruauté (Du duel; des sévices exercés sur les suppliciés après leur
mort).
II
Ch. 28. —Toutes choses ont leur saison.—Chaque chose en son temps
(Sur la vieillesse).
II
Ch. 29. —De la vertu. II Ch. 30. —D'vn enfant monstrueux. II Ch.
31. —De la colere. II Ch. 32. —Deffence de Seneque et de Plutarque.
II Ch. 33. —L'Histoire de Spurina.—(Le rôle essentiel de l'âme est
de maîtriser
les passions; particularités afférentes à Jules César). II
Ch. 34. —Obseruations sur les moyens de faire la guerre de Iulius
Cæsar. II Ch. 35. —De trois bonnes femmes.—(Sur le mariage et
l'affection conjugale). II Ch. 36. —Des plus excellents
hommes.—(Sur Homère, Alexandre et
Epaminondas). III
Ch. 37. —De la ressemblance des enfants aux peres.—(Sur les maux de
la vieillesse, sur la médecine).
III
LIVRE TROISIEME
Ch. 1. —De l'vtile et de l'honneste. III Ch. 2. —Du repentir. III
Ch. 3. —De trois commerces.—(De la société des hommes, des femmes
et de
celle des livres). III
Ch. 4. —De la diuersion. III
Ch. 5. —Sur des Vers de Virgile.—(De l'amour, de la jalousie; en
ces matières, les reproches que s'adressent réciproquement les deux
sexes se valent).
III
Ch. 6. —Des coches.—(Meilleur emploi à faire, par un roi, de ses
richesses; sur le peu d'étendue des connaissances humaines).
III
Ch. 7. —De l'incommodité de la grandeur. III Ch. 8. —Sur l'art de
conferer.—(La conversation forme le caractère, apprend
à supporter la contradiction; difficulté de juger à bon escient, de
discerner chez un auteur ce qui lui appartient en propre).
III
Ch. 9. —De la vanité.—(Danger des changements dans le gouvernement
d'un état; des voyages; des soins du ménage).
III
Ch. 10. —De mesnager sa volonté.—Il faut contenir sa volonté
(Réserve à apporter dans les services qu'on est tenté de rendre à
autrui).
III
Ch. 11. —Des boyteux.—(Tendance de l'esprit humain pour le
merveilleux). III Ch. 12. —De la physionomie.—(Combien mieux que
tous les enseignements
de la philosophie, la nature nous porte à la résignation).
III
Ch. 13. —De l'expérience.—(Sur l'obscurité et le peu d'équité des
lois; l'incertitude de la médecine; le régime convenant le mieux à
la santé; le meilleur usage de la vie, des plaisirs; sur la
doctrine d'Épicure).
III
ANNEXE.
QUI EN FONT L'OBJET.
Des deux nombres entre parenthèses, le premier en chiffres romains
marque le livre; le second en chiffres arabes, le chapitre; celui,
en chiffres romains, qui suit en dehors de la parenthèse, indique
le volume:
Actions (De l'inconstance de nos),—(II, 1), I. Administration
publique (Lacune que présente notre),—(I, 34), I. Affaires (Sur
l'exactitude à apporter dans le maniement des affaires),—(II, 4),
I. Affection conjugale (Sur l'),—(II, 35), II. Age (De l'),—(I,
57), I. Aide mutuelle que les hommes se doivent,—(I, 34), I.
Alexandre le Grand (Sur),—(II, 34), II. Ambassadeurs (Sur certains
actes de quelques),—(I, 16), I. Ame (De l'),—(II, 12), II. — (Son
rôle essentiel est de maîtriser nos passions),—(II, 33), II. Amitié
(De l'),—(I, 27), I. Amour (Sur l'),—(III, 5), III. Animaux
(Instinct des),—(II, 12), II. Aptitudes (De l'utilité de se
renfermer dans ses),—(I, 16), I. Armes (Des) des Parthes,—(II, 9),
II. Astrologie (Sur l') et la prédiction de l'avenir,—(I, 11), I.
Auteurs (Jugements portés sur quelques auteurs de toutes
époques),—(II, 10), II. — (Difficulté d'apprécier ce qui leur
appartient en propre),—(III, 8), III. Avarice (Sur l'),—(I, 40),
I.
Bien (Du) et du mal, leur mélange constant en toutes choses,—(II,
20), II. — (Sur le souverain),—(I, 53), I. Biens (Les) et les maux
ne sont souvent tels que par l'opinion que nous en avons,—(I,
40),
I. Boiteux (Des),—(III, 11), III.
Caractère (Sur les variations dans le) chez un même homme,—(II, 1),
I. Caton le jeune ou d'Utique,—(I, 36), I. Céa (Coutume de l'île
de),—(II, 3), I.
César (Particularités afférentes à),—(II, 33), II. — (Observations
sur la manière de faire la guerre de),—(II, 34), II. — (A propos
d'un mot de),—(I, 53), I. Choses (Toutes) ont leur saison,—(II,
28), II. Cicéron (Considérations sur),—(I, 39), I. Civilisation
(Sur l'état des hommes vivant en dehors de la),—(I, 30), I.
Civilité (Sur la), en particulier dans les visites de
souverains,—(I, 13), I. Clémence (Sur la),—(I, 23), I. Coches
(Des),—(III, 6), III. Colère (De la),—(II, 31), II. Commerces (Des
trois): les hommes, les femmes et les livres,—(III, 3), III.
Commisération, moyens divers de l'obtenir de ses ennemis,—(I, 1),
I. Conduite (Sur les variations dans la) chez un même homme,—(II,
1), I. Connaissances humaines (Incertitude des),—(II, 12), II. —
(Sur le peu d'étendue des),—(III, 6), III. Conscience (De la),—(II,
5), I. — (De la bonne),—(II, 5), I. Contradiction. Il faut
s'appliquer à savoir la supporter,—(III, 8), III. Conversation (Sur
l'art de la),—(III, 8), III. Couardise (La), mère de la
cruauté,—(II, 11), II. Courage (Sur le véritable) et ses
limites,—(I, 12), I. Coutumes. Circonspection à apporter dans les
modifications qu'on veut y introduire,—(I,
22), I. Coutumes (Des) des anciens,—(I, 49), I. Cruauté (De
la),—(II, 11), II.
Démentis (Des),—(II, 18), II. Démocrite (Sur) et Héraclite,—(I,
50), I. Désirs insatiables de l'homme,—(I, 53), I. — (Nos)
s'accroissent par la difficulté de les satisfaire,—(II, 15), II.
Destriers (Des) ou chevaux d'armes,—(I, 48), I. Diversion (De
la),—(III, 4), III. Divinité (De la),—(II, 12), II. Dormir
(Du),—(I, 44), I. Douleur (Sur la),—(I, 40), I. Dreux (De la
bataille de),—(I, 45), I. Duel (Du),—(II, 27), II.
Éducation des enfants (Sur l'),—(I, 25), I. Éloquence (Sur l'),—(I,
10), I.
Enfant monstrueux (Au sujet d'un),—(II, 30), II. Enfants (De
l'affection des pères pour leurs),—(II, 8), II. — (Rapports des
pères avec leurs),—(II, 8), II. — (Situation de fortune à leur
donner),—(II, 8), II. — (Sur la ressemblance des) aux pères,—(II,
37), III. Enthousiasme (Sur l'),—(II, 2), I. Epaminondas
(Sur),—(II, 36), II. Épicure (Sur la doctrine d'),—(III, 13), III.
Équitation (Sur l'),—(I, 48), I. Esprit (Affection que nous portons
aux productions de notre),—(II, 8), II. — (De l'usage à faire des
facultés de l'),—(I, 50), I. — (Sur l'époque de la maturité de
l'),—(I, 57), I. Esprit humain; par sa faiblesse, il est souvent un
obstacle à lui-même,—(II, 14), II. Événements (Part du hasard dans
les),—(I, 23), I. — résultats opposés de déterminations
semblables,—(I, 33), I. Exercice (De l'),—(II, 6), I. Expérience
(De l'),—(III, 13), III.
Fainéantise (Sur la),—(I, 8), I. — (Contre la),—(II, 21), II. Faux
(Du vrai et du), difficulté d'en juger,—(I, 26), I. Femmes (Trois
bonnes),—(II, 35), II. Fin (Des mauvais moyens employés à
bonne),—(II, 23), II. Foi chrétienne (Sur les fondements de
la),—(II, 12), II. Fortune (Sur l'inconstance de la),—(I, 18; 33),
I. — (Part de la) dans les événements,—(I, 47), I. Fréquentation
(Sur la) des hommes,—(III, 3), III. — (Sur la) des femmes,—(III,
3), III. Funérailles (Du soin de nos),—(I, 3), I.
Général (Sur la conduite d'un) dans une bataille,—(I, 45), I.
Gloire, souci que l'on a de faire qu'elle ne soit pas partagée par
autrui,—(I, 41), I. — (De la),—(II, 16), II. Gouvernement d'un état
(Danger des changements dans le),—(III, 9), III. Grandeur (De
l'incommodité de la),—(III, 7), III. Guerre (Sur la bonne foi et la
loyauté à la),—(I, 5), I. — (Sur l'art de la),—(I, 47; 48), I. —
(Sur la manière de César de faire la),—(II, 34), II.
Habitude (Sur la force de l'),—(I, 22; 35), I.
Hasard (Part du) dans les événements,—(I, 23), I. — résultats
opposés de déterminations semblables,—(I, 33), I. Héraclite (Sur)
et Démocrite,—(I, 50), I. Homère (Sur),—(II, 36), III. Homme du
monde (Qualités convenables à un),—(I, 39), I. Hommes (Différence
entre les qualités des),—(I, 42), I. — (Des plus excellents),—(II,
36), III. Honnête (De l') et de l'utile,—(III, 1), III. Honneur
(Sur le point d'),—(II, 18), II.
Imagination (De la force de l'), des esprits forts,—(I, 20), I. —
(De la force de l'),—(II, 25), II. Inégalités existant chez les
hommes du fait des conditions de l'état social,—(I, 42), I.
Innovations (Danger des) dans un état,—(I, 43), I. Intérêts
particuliers de chacun, impossibilité de les concilier,—(I, 51), I.
Ivrognerie (De l'),—(II, 2), I.
Jalousie (Sur la),—(III, 5), III. Jeunesse (Sur la),—(I, 57), I.
Jugement (Incertitude de notre),—(I, 47), I. Julien (Apologie de
l'empereur),—(II, 19), II.
La Boëtie (Éloge de),—(I, 27), I. Lâcheté (Sur la),—(I, 15), I.
Lecteur (Au),—(»), I. Lecture (Sur la),—(III, 3), III. Liberté de
conscience (De la),—(II, 19), II. Libre arbitre (Sur le),—(II, 14),
II. Livres (Des),—(II, 10), II. Lois, inconvénients de leur
instabilité,—(I, 22), I. — (Obscurité et peu d'équité des),—(III,
13), III. — somptuaires (Des),—(I, 43), I. Luxe (Sur le),—(I, 43),
I.
Mal (Du bien et du), leur mélange constant,—(II, 20), II. Malade
(De ne contrefaire le),—(II, 25), II. Mariage (Sur le),—(II, 35),
II. Maux (Les biens et les) ne sont souvent tels que par l'opinion
que nous en avons,—(I, 40),
I. Médecine (Sur la),—(II, 37), III.
— (Sur l'incertitude de la),—(III, 13), III. Mémoire (Sur la) et le
mensonge,—(I, 9), I. Ménage (Sur les soins du),—(III, 9), III.
Mensonge (Sur le),—(II, 18), II. Menteurs (Des),—(I, 9), I.
Merveilleux (Tendance de l'esprit humain pour le),—(III, 11), III.
Modération (De la) dans l'exercice même de la vertu et les
jouissances des plaisirs licites,
—(I, 29), I. Montaigne (Opinion de) sur lui-même,—(II, 17), II.
Mort (Sur nos obligations au delà de la mort),—(I, 7), I. — (Ce
n'est qu'après notre) qu'on peut juger du degré de félicité que
nous avons eu
durant notre vie,—(I, 28), I. — (La) est-elle un bien ou un
mal?—(I, 40), I. — (Sur le moyen de se familiariser avec la),—(II,
6), I. — d'autrui (Réserve à apporter quand nous jugeons de
la),—(II, 13), I. Moyens (Des mauvais) employés à bonne fin,—(II,
23), II.
Noms (Des), de leur influence dans la vie,—(I, 46), I.
Obéissance (De l') à ses supérieurs,—(I, 46), I. Oisiveté (Sur
l'),—(I, 8), I;—(II, 21), II.
Parcimonie (De la) des anciens,—(I, 52), I. Parlementer (Du danger
que court le commandant d'une place assiégée, en sortant
pour),
—(I, 5), I. — est toujours un moment dangereux pour une place
assiégée,—(I, 6), I. Paroles (De la vanité des),—(I, 51), I.
Pédantisme (Sur le), ou faux savoir,—(I, 24), I. Peur (De la),—(I,
17), I. Philosopher, c'est apprendre à mourir,—(I, 19), I.
Philosophiques (Sectes) des anciens,—(II, 12), III. Physionomie (De
la),—(III, 12), III. Place de guerre, danger pour le commandant
d'une place assiégée d'en sortir pour
parlementer,—(I, 5), I. — le moment où l'on traite de la
capitulation d'une place assiégée est toujours un
moment dangereux,—(I, 6), I. — Sur trop d'opiniâtreté dans la
défense d'une place assiégée,—(I, 14), I. Plaisirs (Sur le meilleur
usage des),—(III, 13), III. Plutarque (Défense de Sénèque et
de),—(II, 32), II. Postes (Des),—(II, 22), II.
Pouces (Des),—(II, 26), II. Prédiction de l'avenir (Sur la) et
l'astrologie,—(I, 11), I. Préoccupations (Sur les) de ce qui peut
survenir après nous, en ce qui touche ce qui nous
intéresse notre vie durant,—(I, 3), I. Présomption (De la),—(II,
17), II. Prières (Des),—(I, 56), I. Providence (Sur la) et ses
desseins,—(I, 31), I. Pur (Nous ne goûtons rien de),—(II, 20),
II.
Raison (Tout soumettre à l'examen de la) conduit à bien des
erreurs,—(II, 12), II. Récits extraordinaires (Sur le peu de
croyance qu'on peut accorder aux),—(I, 26), I. Récompenses
honorifiques (Des),—(II, 7), II. Régime (Sur le) qui convient le
mieux à la santé,—(III, 13), III. Religion (Erreurs auxquelles
conduit le libre examen dans les questions de),—(II, 12), II. — (Du
zèle pour la),—(II, 19), II. Raimond de Sebonde (Apologie de),—(II,
12), II. Remords (Sur le),—(II, 5), I. Repentir (Du),—(III, 2),
III. Résignation; la nature nous y porte, mieux que tous les
enseignements philosophiques,—
(III, 12), II. Roi; du meilleur emploi à faire de ses
richesses,—(III, 6), III. Rois; dans quelle mesure nous leur devons
notre obéissance et notre affection,—(I, 3), I. Romaine (De la
grandeur),—(II, 24), II. Royauté (Sur les soucis de la),—(I, 42),
I.
Se connaître (Sur la nécessité de bien),—(II, 6), I. Sénèque
(Défense de Plutarque et de),—(II, 32), II. Sens (Incertitude des)
de l'homme,—(II, 12), II. Senteurs (Des) ou odeurs,—(I, 55), I.
Sentiments opposés qui nous portent à pleurer et à rire tout à la
fois d'une même chose,
—(I, 37), I. Services (Réserve à apporter dans les) qu'on rend à
autrui,—(III, 10), III. Société (Sur la manière d'être en),—(III,
8), III. Solitude (De la),—(I, 38), I. Sonnets (Vingt-neuf) de la
Boétie,—(I, 28), I. Souverain (Activité nécessaire à un),—(II, 21),
II. Spurina (Histoire de),—(II, 33), II. Subtilités (Des
vaines),—(I, 54), I. Suicide (Sur le),—(II, 3), I;—(II, 13), II.
Suppliciés; des sévices exercés sur eux après leur mort,—(II, 27),
II.
Torture (Sur la),—(II, 5), I. Tranquillité d'âme (Sur la) dans les
circonstances graves,—(I, 44), I. Tristesse (De la),—(I, 2),
I.
Utile (De l'honnête et de l'),—(III, 1), III.
Vanité (De la),—(II, 17), II;—(III, 9), III. Vertu (Intérêts de
nature à porter à des actes de),—(I, 36), I. — (La difficulté est
inhérente à la pratique de la),—(II, 11), II. — (De la),—(II, 29),
II. Vêtements (Sur l'usage des),—(I, 35), I. Vie (Considérations
sur le but de la),—(II, 21), II. — (Sur le meilleur usage de
la),—(III, 13), III. Vieillesse (Sur la),—(I, 57), I;—(II, 26), II.
— (Sur les maux de la),—(II, 37), III. Virgile (Sur des vers
de),—(III, 5), III. Volonté (Il faut ménager sa),—(III, 10), III.
Voluptés à fuir, même au prix de la vie,—(I, 32), I. Voyages (Sur
les),—(III, 9), III. Vrai (Du) et du faux, difficulté d'en
juger,—(I, 26), I.
ESSAIS DE
AV LECTEVR. (TRADUCTION : L'AUTEUR AU LECTEUR)
C'est icy vn Liure de bonne foy, Lecteur. Il t'aduertit dés
l'entree, que ie ne m'y suis proposé aucune fin, que domestique et
priuee: ie n'y ay eu nulle consideration de ton seruice, ny de ma
gloire: mes forces ne sont pas capables d'vn tel dessein. Ie l'ay
voué à la commodité particuliere de mes parens et amis: à ce que
m'ayans perdu (ce qu'ils ont à faire bien tost) ils y puissent
retrouuer aucuns traicts de mes conditions et humeurs, et que par
ce moyen ils nourrissent plus entiere et plus vifue la connoissance
qu'ils ont eu de moy. Si c'eust esté pour rechercher la faueur du
monde, ie me fusse mieus paré et me presanterois en vne marche
estudiee. Ie veux qu'on m'y voye en ma façon simple, naturelle et
ordinaire, sans contantion et artifice: car c'est moy que ie peins.
Mes defauts s'y liront au vif et ma forme naifue, autant que la
reuerence publique me l'a permis. Que si i'eusse esté entre ces
nations qu'on dit viure encore souz la douce liberté des premieres
loix de nature, ie t'asseure que ie m'y fusse tres-volontiers peint
tout entier, et tout nud. Ainsi, Lecteur, ie suis moy-mesme la
matiere de mon liure, ce n'est pas raison que tu employes ton
loisir en vn subiect si friuole et si vain. A Dieu donq. De
Montaigne, ce premier de mars, mille cinq cens quattre vins.
Nota.—Ce texte a été collationné sur l'exemplaire de l'édition de
1595 (éditée à Paris, à cette date, par Abel Langelier),
appartenant à la Bibliothèque nationale, no 15 de la collection
Payen.—En ce qui concerne spécialement l'avis au lecteur ci-dessus,
se reporter aux Notes, I, 14, 1, AV LECTEVR.
LIVRE PREMIER.
CHAPITRE I. (TRADUCTION LIV. I, CH. I.) Par diuers moyens on arrive
à pareille fin.
LA plus commune façon d'amollir les cœurs de ceux qu'on a offencez,
lors qu'ayans la vengeance en main, ils nous tiennent à leur mercy,
c'est de les esmouuoir par submission, à commiseration et à pitié:
toutesfois la brauerie, la constance, et la resolution, moyens tous
contraires, ont quelquesfois seruy à ce mesme effect. Edouard
Prince de Galles, celuy qui regenta si long temps nostre Guienne:
personnage duquel les conditions et la fortune ont beaucoup de
notables parties de grandeur; ayant esté bien fort offencé par les
Limosins, et prenant leur ville par force, ne peut estre arresté
par les cris du peuple, et des femmes, et enfans abandonnez à la
boucherie, luy criants mercy, et se iettans à ses pieds: iusqu'à ce
que passant tousiours outre dans la ville, il apperçeut trois
Gentilshommes François, qui d'vne hardiesse incroyable soustenoient
seuls l'effort de son armee victorieuse. La consideration et le
respect d'vne si notable vertu, reboucha premierement la pointe de
sa cholere: et commença par ces trois, à faire misericorde à tous
les autres habitans de la ville. Scanderberch, Prince de l'Epire,
suyuant vn soldat des siens pour le tuer, et ce soldat ayant essayé
par toute espece d'humilité et de supplication de l'appaiser, se
resolut à toute extremité de l'attendre l'espee au poing: cette
sienne resolution arresta sus bout la furie de son maistre, qui
pour luy auoir veu prendre vn si honorable party, le reçeut en
grace. Cet exemple pourra souffrir autre interpretation de ceux,
qui n'auront leu la prodigieuse force et vaillance de ce Prince là.
L'Empereur Conrad troisiesme, ayant assiegé Guelphe Duc de
Bauieres, ne voulut condescendre à plus douces conditions, quelques
viles et lasches satisfactions qu'on luy offrist, que de permettre
seulement aux gentils-femmes qui estoient assiegees auec le Duc, de
sortir leur honneur sauue, à pied, auec ce qu'elles pourroient
emporter sur elles. Elles d'vn cœur magnanime, s'aduiserent de
charger sur leurs espaules leurs maris, leurs enfans, et le Duc
mesme. L'Empereur print si grand plaisir à voir la gentillesse de
leur courage, qu'il en pleura d'aise, et amortit toute cette
aigreur d'inimitié mortelle et capitale qu'il auoit portee contre
ce Duc: et dés lors en auant traita humainement luy et les
siens.
L'vn et l'autre de ces deux moyens m'emporteroit aysement: car i'ay
vne merueilleuse lascheté vers la misericorde et mansuetude: tant y
a, qu'à mon aduis, ie serois pour me rendre plus naturellement à la
compassion, qu'à l'estimation. Si est la pitié
passion vitieuse aux Stoiques: ils veulent qu'on secoure les
affligez, mais non pas qu'on flechisse et compatisse auec eux. Or
ces exemples me semblent plus à propos, d'autant qu'on voit ces
ames assaillies et essayees par ces deux moyens, en soustenir l'vn
sans s'esbranler, et courber sous l'autre. Il se peut dire, que de
rompre son cœur à la commiseration, c'est l'effet de la facilité,
debonnaireté, et mollesse: d'où il aduient que les natures plus
foibles, comme celles des femmes, des enfans, et du vulgaire, y
sont plus subiettes: mais ayant eu à desdaing les larmes et les
pleurs, de se rendre à la seule reuerence de la saincte image de la
vertu, que c'est l'effect d'vne ame forte et imployable, ayant en
affection et en honneur vne vigueur masle, et obstinee. Toutesfois
és ames moins genereuses, l'estonnement et l'admiration peuuent
faire naistre vn pareil effect: tesmoin le peuple Thebain, lequel
ayant mis en Iustice d'accusation capitale, ses Capitaines, pour
auoir continué leur charge outre le temps qui leur auoit esté
prescript et preordonné, absolut à toute peine Pelopidas, qui
plioit sous le faix de telles obiections, et n'employoit à se
garantir que requestes et supplications: et au contraire
Epaminondas, qui vint à raconter magnifiquement les choses par luy
faites, et à les reprocher au peuple d'vne façon fiere et
arrogante, il n'eut pas le cœur de prendre seulement les balotes en
main, et se departit: l'assemblee louant grandement la hautesse du
courage de ce personnage. Dionysius le vieil, apres des longueurs
et difficultés extremes, ayant prins la ville de Rege, et en icelle
le Capitaine Phyton, grand homme de bien, qui l'auoit si
obstinéement defendue, voulut en tirer vn tragique exemple de
vengeance. Il luy dict premierement, comment le iour auant, il
auoit faict noyer son fils, et tous ceux de sa parenté. A quoy
Phyton respondit seulement, qu'ils en estoient d'vn iour plus
heureux que luy. Apres il le fit despouiller, et saisir à des
Bourreaux, et le trainer par la ville, en le fouëttant tres
ignominieusement et cruellement: et en outre le chargeant de
felonnes parolles et contumelieuses. Mais il eut le courage
tousiours constant, sans se perdre. Et d'vn visage ferme, alloit au
contraire ramenteuant à haute voix, l'honorable et glorieuse cause
de sa mort, pour n'auoir voulu rendre son païs entre les mains d'vn
tyran: le menaçant d'vne prochaine punition des dieux. Dionysius,
lisant dans les yeux de la commune de son armee, qu'au lieu de
s'animer des brauades de cet ennemy vaincu, au mespris de leur
chef, et de son triomphe, elle alloit s'amollissant par
l'estonnement d'vne si rare vertu, et marchandoit de se mutiner, et
mesmes d'arracher Phyton d'entre les mains de ses sergens, feit
cesser ce martyre: et à cachettes l'enuoya noyer en la mer.
Certes
c'est vn subiect merueilleusement vain, diuers, et ondoyant, que
l'homme: il est malaisé d'y fonder iugement constant et vniforme.
Voyla Pompeius qui pardonna à toute la ville des Mamertins, contre
laquelle il estoit fort animé, en consideration de la vertu et
magnanimité du citoyen Zenon, qui se chargeoit seul de la faute
publique, et ne requeroit autre grace que d'en porter seul la
peine. Et l'hoste de Sylla, ayant vsé en la ville de Peruse de
semblable vertu, n'y gaigna rien, ny pour soy, ny pour les
autres.
Et directement contre mes premiers exemples, le plus hardy des
hommes et si gratieux aux vaincus Alexandre, forçant apres beaucoup
de grandes difficultez la ville de Gaza, rencontra Betis qui y
commandoit, de la valeur duquel il auoit, pendant ce siege, senty
des preuues merueilleuses, lors seul, abandonné des siens, ses
armes despecees, tout couuert de sang et de playes, combatant
encores au milieu de plusieurs Macedoniens, qui le chamailloient de
toutes parts: et luy dit, tout piqué d'vne si chere victoire: car
entre autres dommages, il auoit receu deux fresches blessures sur
sa personne: Tu ne mourras pas comme tu as voulu, Betis: fais estat
qu'il te faut souffrir toutes les sortes de tourmens qui se
pourront inuenter contre un captif. L'autre, d'vne mine non
seulement asseuree, mais rogue et altiere, se tint sans mot dire à
ces menaces. Lors Alexandre voyant l'obstination à se taire: A il
flechy vn genouil? luy est-il eschappé quelque voix suppliante?
Vrayement ie vainqueray ce silence: et si ie n'en puis arracher
parole, i'en arracheray au moins du gemissement. Et tournant sa
cholere en rage, commanda qu'on luy perçast les talons, et le fit
ainsi trainer tout vif, deschirer et desmembrer au cul d'vne
charrette. Seroit-ce que la force de courage luy fust si naturelle
et commune, que pour ne l'admirer point, il la respectast moins? ou
qu'il l'estimast si proprement sienne, qu'en cette hauteur il ne
peust souffrir de la veoir en vn autre, sans le despit d'vne
passion enuieuse? ou que l'impetuosité naturelle de sa cholere fust
incapable d'opposition? De vray, si elle eust receu bride, il est à
croire, qu'en la prinse et desolation de la ville de Thebes elle
l'eust receue: à veoir cruellement mettre au fil de l'espee tant de
vaillans hommes, perdus, et n'ayans plus moyen de defence publique.
Car il en fut tué bien six mille, desquels nul ne fut veu ny
fuiant, ny demandant mercy: au rebours cerchans, qui çà, qui là,
par les rues, à affronter les ennemis victorieux: les prouoquans à
les faire mourir d'vne mort honorable. Nul ne fut veu, qui
n'essaiast en son dernier souspir, de se venger encores: et à tout
les armes du desespoir consoler sa mort en la mort de quelque
ennemy. Si ne trouua l'affliction de leur vertu aucune pitié: et
ne
suffit la longueur d'vn iour à assouuir sa vengeance. Ce carnage
dura iusques à la derniere goute de sang espandable: et ne
s'arresta qu'aux personnes desarmées, vieillards, femmes et
enfants, pour en tirer trente mille esclaues.
CHAPITRE II. (TRADUCTION LIV. I, CH. II.) De la tristesse.
IE suis des plus exempts de cette passion, et ne l'ayme ny
l'estime: quoy que le monde ayt entrepris, comme à prix faict, de
l'honorer de faueur particuliere. Ils en habillent la sagesse, la
vertu, la conscience. Sot et vilain ornement. Les Italiens ont plus
sortablement baptisé de son nom la malignité. Car c'est vne qualité
tousiours nuisible, tousiours folle: et comme tousiours couarde et
basse, les Stoïciens en defendent le sentiment à leurs sages. Mais
le conte dit que Psammenitus Roy d'Ægypte, ayant esté deffait et
pris par Cambysez Roy de Perse, voyant passer deuant luy sa fille
prisonniere habillee en seruante, qu'on enuoyoit puiser de l'eau,
tous ses amis pleurans et lamentans autour de luy, se tint coy sans
mot dire, les yeux fichez en terre: et voyant encore tantost qu'on
menoit son fils à la mort, se maintint en cette mesme contenance:
mais qu'ayant apperçeu vn de ses domestiques conduit entre les
captifs, il se mit à battre sa teste, et mener vn dueil extreme.
Cecy se pourroit apparier à ce qu'on vid dernierement d'vn Prince
des nostres, qui ayant ouy à Trente, où il estoit, nouuelles de la
mort de son frere aisné, mais vn frere en qui consistoit l'appuy et
l'honneur de toute sa maison, et bien tost apres d'vn puisné, sa
seconde esperance, et ayant soustenu ces deux charges d'vne
constance exemplaire, comme quelques iours apres vn de ses gens
vint à mourir, il se laissa emporter à ce dernier accident; et
quitant sa resolution, s'abandonna au dueil et aux regrets; en
maniere qu'aucuns en prindrene argument, qu'il n'auoit esté touché
au vif que de cette derniere secousse: mais à la verité ce fut,
qu'estant d'ailleurs plein et comblé de tristesse, la moindre
sur-charge brisa les barrieres de la patience. Il s'en pourroit,
di-ie, autant iuger de nostre histoire, n'estoit qu'elle adiouste,
que Cambyses s'enquerant à Psammenitus, pourquoy ne s'estant esmeu
au malheur de son filz et de sa fille, il portoit si impatiemment
celuy de ses amis: C'est, respondit-il, que ce seul dernier
desplaisir se peut signifier par larmes, les deux premiers
surpassans de bien loin tout moyen de se pouuoir exprimer. A
l'auenture reuiendroit à ce propos l'inuention de cet ancien
peintre, lequel ayant à representer au sacrifice de Iphigenia le
dueil des assistans, selon les degrez de l'interest que chacun
apportoit à la mort de cette belle fille innocente, ayant espuisé
les derniers efforts de son art, quand ce vint au pere de la
vierge, il le peignit le visage couuert, comme
si nulle contenance ne pouuoit rapporter ce degré de dueil. Voyla
pourquoy les Poëtes feignent cette miserable mere Niobé, ayant
perdu premierement sept filz, et puis de suite autant de filles,
sur-chargee de pertes, auoir esté en fin transmuee en rocher,
diriguisse malis:
pour exprimer cette morne, muette et sourde stupidité, qui nous
transsit, lors que les accidens nous accablent surpassans nostre
portee. De vray, l'effort d'vn desplaisir, pour estre extreme, doit
estonner toute l'ame, et luy empescher la liberté de ses actions:
comme il nous aduient à la chaude alarme d'vne bien mauuaise
nouuelle, de nous sentir saisis, transis, et comme perclus de tous
mouuemens: de façon que l'ame se relaschant apres aux larmes et aux
plaintes, semble se desprendre, se desmeller, et se mettre plus au
large, et à son aise.
Et via vix tandem voci laxata dolore est.
En la guerre que le Roy Ferdinand mena contre la veufue du Roy Iean
de Hongrie, autour de Bude, vn gendarme fut particulierement
remerqué de chacun, pour auoir excessiuement bien faict de sa
personne, en certaine meslee: et incognu, hautement loué, et plaint
y estant demeuré: mais de nul tant que de Raiscïac Seigneur
Allemand, esprins d'vne si rare vertu: le corps estant rapporté,
cetuicy d'vne commune curiosité, s'approcha pour voir qui c'estoit:
et les armes ostees au trespassé, il reconut son fils. Cela
augmenta la compassion aux assistans: luy seul, sans rien dire,
sans siller les yeux, se tint debout, contemplant fixement le corps
de son fils: iusques à ce que la vehemence de la tristesse, aiant
accablé ses esprits vitaux, le porta roide mort par terre.
Chi puo dir com' egli arde è in picciol fuoco,
disent les amoureux, qui veulent representer vne passion
insupportable.
misero quod omnes Eripit sensu mihi. Nam simul te Lesbia aspexi,
nihil est superîm
Quod loquar amens. Lingua sed torpet, tenuis sub artus Flamma
dimanat, sonitu suopte
Tinniunt aures, gemina teguntur Lumina nocte.
Aussi n'est ce pas en la viue, et plus cuysante chaleur de l'accés,
que nous sommes propres à desployer nos plaintes et nos
persuasions: l'ame est lors aggrauee de profondes pensees, et le
corps abbatu et languissant d'amour: et de là s'engendre par fois
la defaillance fortuite, qui surprent les amoureux si hors de
saison; et cette glace qui les saisit par la force d'vne ardeur
extreme, au giron mesme de la iouïssance. Toutes passions qui se
laissent gouster, et digerer, ne sont que mediocres,
Curæ leues loquuntur, ingentes stupent.
La surprise d'un plaisir inesperé nous estonne de mesme.
Vt me conspexit venientem, et Troïa circum Arma amens vidit, magnis
exterrita monstris, Diriguit visu in medio, calor ossa reliquit,
Labitur, et longo vix tandem tempore fatur.
Outre la femme Romaine, qui mourut surprise d'aise de voir son fils
reuenu de la routte de Cannes: Sophocles et Denis le Tyran, qui
trespasserent d'aise: et Talua qui mourut en Corsegue, lisant les
nouuelles des honneurs que le Senat de Rome luy auoit decernez;
nous tenons en nostre siecle, que le Pape Leon dixiesme ayant esté
aduerty de la prinse de Milan, qu'il auoit extremement souhaittee,
entra en tel excez de ioye, que la fieure l'en print, et en mourut.
Et pour vn plus notable tesmoignage de l'imbecillité humaine, il a
esté remerqué par les anciens, que Diodorus le Dialecticien mourut
sur le champ, espris d'vne extreme passion de honte, pour en son
escole, et en public, ne se pouuoir desuelopper d'vn argument qu'on
luy auoit faict. Ie suis peu en prise de ces violentes passions:
i'ay l'apprehension naturellement dure; et l'encrouste et espessis
tous les iours par discours.
CHAPITRE III. (TRADUCTION LIV. I, CH. III.) Nos affections
s'emportent au delà de nous.
CEVX qui accusent les hommes d'aller tousiours beant apres les
choses futures, et nous apprennent à nous saisir des biens presens,
et nous rassoir en ceux-là, comme n'ayants aucune prise sur ce qui
est à venir, voire assez moins que nous n'auons sur ce qui est
passé, touchent la plus commune des humaines erreurs: s'ils osent
appeller erreur, chose à quoy nature mesme nous achemine pour le
seruice de la continuation de son ouurage, nous imprimant, comme
assez d'autres, cette imagination fausse, plus ialouse de nostre
action, que de nostre science. Nous ne sommes iamais chez nous,
nous sommes tousiours au delà. La crainte, le desir, l'esperance,
nous eslancent vers l'aduenir: et nous desrobent le sentiment et la
consideration de ce qui est, pour nous amuser à ce qui sera, voire
quand nous ne serons plus. Calamitosus est animus futuri anxius. Ce
grand precepte est souuent allegué en Platon, Fay ton faict, et te
congnoy. Chascun de ces deux membres enueloppe generallement tout
nostre deuoir: et semblablement enueloppe son compagnon. Qui auroit
à faire son faict, verroit que sa premiere leçon, c'est cognoistre
ce qu'il est, et ce qui luy est propre. Et qui se cognoist, ne
prend plus l'estranger faict pour le sien: s'ayme, et se cultiue
auant toute autre chose: refuse les occupations superflues, et les
pensees, et propositions inutiles. Comme la folie quand on luy
octroyera ce qu'elle desire, ne sera pas contente: aussi est la
sagesse contente de ce qui est present, ne se desplait iamais de
soy. Epicurus dispense son sage de la preuoyance et soucy de
l'aduenir. Entre les loix qui regardent les trespassez, celle icy
me semble autant solide, qui oblige les actions des Princes à estre
examinees apres leur mort: ils sont compagnons, sinon maistres des
loix: ce que la Iustice n'a peu sur leurs testes, c'est raison
qu'elle l'ayt sur leur reputation, et biens de leurs successeurs:
choses que souuent nous preferons à la vie. C'est vne vsance qui
apporte des commoditez singulieres aux nations où elle est
obseruee, et desirable à tous bons Princes: qui ont à se plaindre
de ce, qu'on traitte la memoire des meschants comme la leur. Nous
deuons la subiection et obeïssance egalement à tous Rois: car elle
regarde leur office: mais l'estimation, non plus que l'affection,
nous ne la deuons qu'à leur vertu. Donnons à l'ordre politique de
les souffrir patiemment, indignes: de celer leurs vices: d'aider de
nostre recommandation leurs actions indifferentes, pendant que leur
auctorité a besoin de nostre appuy. Mais
nostre commerce finy, ce n'est pas raison de refuser à la Iustice,
et à nostre liberté, l'expression de noz vrays ressentiments: et
nommément de refuser aux bons subiects, la gloire d'auoir
reueremment et fidellement serui vn maistre, les imperfections
duquel leur estoient si bien cognues: frustrant la posterité d'vn
si vtile exemple. Et ceux, qui, par respect de quelque obligation
priuee espousent iniquement la memoire d'vn Prince mesloüable, font
iustice particuliere aux despends de la Iustice publique. Titus
Liuius dict vray, que le langage des hommes nourris sous la
Royauté, est tousiours plein de vaines ostentations et faux
tesmoignages: chascun esleuant indifferemment son Roy, à l'extreme
ligne de valeur et grandeur souueraine. On peult reprouuer la
magnanimité de ces deux soldats, qui respondirent à Neron, à sa
barbe, l'vn enquis de luy, pourquoy il luy vouloit mal: Ie t'aimoy
quand tu le valois: mais despuis que tu és deuenu parricide,
boutefeu, basteleur, cochier, ie te hay, comme tu merites. L'autre,
pourquoy il le vouloit tuer; Par ce que ie ne trouue autre remede à
tes continuels malefices. Mais les publics et vniuersels
tesmoignages, qui apres sa mort ont esté rendus, et le seront à
tout iamais, à luy, et à tous meschans comme luy, de ses
tiranniques et vilains deportements, qui de sain entendement les
peut reprouuer? Il me desplaist, qu'en vne si saincte police que la
Lacedemonienne, se fust meslée vne si feinte ceremonie à la mort
des Roys. Tous les confederez et voysins, et tous les Ilotes,
hommes, femmes, pesle-mesle, se descoupoient le front, pour
tesmoignage de deuil: et disoient en leurs cris et lamentations,
Que celuy la, quel qu'il eust esté, estoit le meilleur Roy de tous
les leurs: attribuants au reng, le los qui appartenoit au merite;
et, qui appartient au premier merite, au postreme et dernier reng.
Aristote, qui remue toutes choses, s'enquiert sur le mot de Solon,
Que nul auant mourir ne peut estre dict heureux, Si celuy la mesme,
qui a vescu, et qui est mort à souhait, peut estre dict, heureux,
si sa renommee va mal, si sa posterité est miserable. Pendant que
nous nous remuons, nous nous portons par preoccupation où il nous
plaist: mais estant hors de l'estre, nous n'auons aucune
communication auec ce qui est. Et seroit meilleur de dire à Solon,
que iamais homme n'est donc heureux, puis qu'il ne l'est qu'apres
qu'il n'est plus.
quisquam Vix radicitus è vita se tollit, et eiicit: Sed facit esse
sui quiddam super inscius ipse, Nec remouet satis à proiecto
corpore sese, et Vindicat.
Bertrand du Glesquin mourut au siege du Chasteau de Rancon, pres du
Puy en Auuergne: les assiegez s'estans rendus apres, furent obligez
de porter les clefs de la place sur le corps du trespassé.
Barthelemy d'Aluiane, General de l'armee des Venitiens, estant mort
au seruice de leurs guerres en la Bresse, et son corps ayant esté
rapporté à Venise par le Veronois, terre ennemie; la pluspart de
ceux de l'armee estoient d'aduis, qu'on demandast sauf-conduit pour
le passage à ceux de Veronne: mais Theodore Triuulce y contredit;
et choisit plustost de le passer par viue force, au hazard du
combat: N'estant conuenable, disoit-il, que celuy qui en sa vie
n'auoit iamais eu peur de ses ennemis, estant mort fist
demonstration de les craindre. De vray, en chose voisine, par les
loix Grecques, celuy qui demandoit à l'ennemy vn corps pour
l'inhumer, renonçoit à la victoire, et ne lui estoit plus loisible
d'en dresser trophee: à celuy qui en estoit requis, c'estoit tiltre
de gain. Ainsi perdit Nicias l'auantage qu'il auoit nettement
gaigné sur les Corinthiens: et au rebours, Agesilaus asseura celuy
qui luy estoit bien doubteusement acquis sur les Bœotiens. Ces
traits se pourroient trouuer estranges, s'il n'estoit receu de tout
temps, non seulement d'estendre le soing de nous, au delà cette
vie, mais encore de croire, que bien souuent les faueurs celestes
nous accompaignent au tombeau, et continuent à nos reliques. Dequoy
il y a tant d'exemples anciens, laissant à part les nostres, qu'il
n'est besoing que ie m'y estende. Edouard premier Roy d'Angleterre,
ayant essayé aux longues guerres d'entre luy et Robert Roy
d'Escosse, combien sa presence donnoit d'aduantage à ses affaires,
rapportant tousiours la victoire de ce qu'il entreprenoit en
personne; mourant, obligea son fils par solennel serment, à ce
qu'estant trespassé, il fist bouillir son corps pour desprendre sa
chair d'auec les os, laquelle il fit enterrer: et quant aux os,
qu'il les reseruast pour les porter auec luy, et en son armee,
toutes les fois qu'il luy aduiendroit d'auoir guerre contre les
Escossois: comme si la destinee auoit fatalement attaché la
victoire à ses membres. Iean Zischa, qui troubla la Boheme pour la
deffence des erreurs de VViclef, voulut qu'on l'escorchast apres sa
mort, et de sa peau qu'on fist vn tabourin à porter à la guerre
contre ses ennemis: estimant que cela ayderoit à continuer les
aduantages qu'il auoit eus aux guerres, par luy conduictes contre
eux. Certains Indiens portoient ainsin au combat contre les
Espaignols, les ossemens d'vn de leurs Capitaines, en consideration
de l'heur qu'il auoit eu en viuant. Et d'autres peuples en ce mesme
monde, trainent à la guerre les corps des vaillans hommes, qui sont
morts en leurs batailles, pour leur seruir de bonne fortune et
d'encouragement. Les premiers exemples ne reseruent au tombeau, que
la reputation
acquise par leurs actions passees: mais ceux-cy y veulent encore
mesler la puissance d'agir. Le faict du Capitaine Bayard est de
meilleure composition, lequel se sentant blessé à mort d'vne
harquebusade dans le corps, conseillé de se retirer de la meslee,
respondit qu'il ne commenceroit point sur sa fin à tourner le dos à
l'ennemy: et ayant combatu autant qu'il eut de force, se sentant
defaillir, et eschapper du cheual, commanda à son maistre d'hostel,
de le coucher au pied d'vn arbre: mais que ce fust en façon qu'il
mourust le visage tourné vers l'ennemy: comme il fit. Il me faut
adiouster cet autre exemple aussi remarquable pour cette
consideration, que nul des precedens. L'Empereur Maximilian
bisayeul du Roy Philippes, qui est à present, estoit Prince doué de
tout plein de grandes qualitez, et entre autres d'vne beauté de
corps singuliere: mais parmy ces humeurs, il auoit ceste cy bien
contraire à celle des Princes, qui pour despescher les plus
importants affaires, font leur throsne de leur chaire percee: c'est
qu'il n'eut iamais valet de chambre, si priué, à qui il permist de
le voir en sa garderobbe: il se desroboit pour tomber de l'eau,
aussi religieux qu'vne pucelle à ne descouurir ny à Medecin ny à
qui que ce fust les parties qu'on a accoustumé de tenir cachees.
Moy qui ay la bouche si effrontée, suis pourtant par complexion
touché de cette honte: si ce n'est à vne grande suasion de la
necessité ou de la volupté, ie ne communique gueres aux yeux de
personne, les membres et actions, que nostre coustume ordonne estre
couuertes: i'y souffre plus de contrainte que ie n'estime bien
seant à vn homme, et sur tout à vn homme de ma profession: mais luy
en vint à telle superstition, qu'il ordonna par parolles expresses
de son testament, qu'on luy attachast des calessons, quand il
seroit mort. Il deuoit adiouster par codicille, que celuy qui les
luy monteroit eust les yeux bandez. L'ordonnance que Cyrus faict à
ses enfans, que ny eux, ny autre, ne voye et touche son corps,
apres que l'ame en sera separee: ie l'attribue à quelque sienne
deuotion: car et son Historien et luy, entre leurs grandes
qualitez, ont semé par tout le cours de leur vie, vn singulier soin
et reuerence à la religion. Ce conte me despleut, qu'vn grand me
fit d'vn mien allié, homme assez cogneu et en paix et en guerre.
C'est que mourant bien vieil en sa cour, tourmenté de douleurs
extremes de la pierre, il amusa toutes ses heures dernieres auec vn
soing vehement, à disposer l'honneur et la ceremonie de son
enterrement: et somma toute la noblesse qui le visitoit, de luy
donner parolle d'assister à son conuoy. A ce Prince mesme, qui le
vid sur ces derniers traits, il fit vne instante supplication que
sa maison fust commandee de s'y trouuer; employant plusieurs
exemples et raisons, à prouuer que c'estoit chose qui appartenoit à
vn homme de sa sorte: et sembla
expirer content ayant retiré cette promesse, et ordonné à son gré
la distribution, et ordre de sa montre. Ie n'ay guere veu de vanité
si perseuerante. Cette autre curiosité contraire, en laquelle ie
n'ay point aussi faute d'exemple domestique, me semble germaine à
ceste-cy: d'aller se soignant et passionnant à ce dernier poinct, à
regler son conuoy, à quelque particuliere et inusitee parsimonie, à
vn seruiteur et vne lanterne. Ie voy louer cett'humeur, et
l'ordonnance de Marcus Æmylius Lepidus, qui deffendit à ses
heritiers d'employer pour luy les ceremonies qu'on auoit accoustumé
en telles choses. Est-ce encore temperance et frugalité, d'euiter
la despence et la volupté, desquelles l'vsage et la cognoissance
nous est imperceptible? Voila vne aisee reformation et de peu de
coust. S'il estoit besoin d'en ordonner, ie seroy d'aduis, qu'en
celle là, comme en toutes actions de la vie, chascun en rapportast
la regle, au degré de sa fortune. Et le Philosophe Lycon prescrit
sagement à ses amis, de mettre son corps où ils aduiseront pour le
mieux: et quant aux funerailles, de les faire ny superflues ny
mechaniques. Ie lairrois purement la coustume ordonner de cette
ceremonie, et m'en remettray à la discretion des premiers à qui ie
tomberay en charge. Totus hic locus est contemnendus in nobis, non
negligendus in nostris. Et est sainctement dict à vn sainct:
Curatio funeris, conditio sepulturæ, pompa exequiarum, magis sunt
viuorum solatia, quàm subsidia mortuorum. Pourtant Socrates à
Criton, qui sur l'heure de sa fin luy demande, comment il veut
estre enterré: Comme vous voudrez, respond-il. Si i'auois à m'en
empescher plus auant, ie trouuerois plus galand, d'imiter ceux qui
entreprennent viuans et respirans, iouyr de l'ordre et honneur de
leur sepulture: et qui se plaisent de voir en marbre leur morte
contenance. Heureux qui sachent resiouyr et gratifier leur sens par
l'insensibilité, et viure de leur mort! A peu, que ie n'entre en
haine irreconciliable contre toute domination populaire: quoy
qu'elle me semble la plus naturelle et equitable: quand il me
souuient de cette inhumaine iniustice du peuple Athenien: de faire
mourir sans remission, et sans les vouloir seulement ouïr en leurs
defenses, ces braues Capitaines, venants de gaigner contre les
Lacedemoniens la bataille naualle pres les Isles Arginenses: la
plus contestee, la plus forte bataille, que les Grecs aient onques
donnee en mer de leurs forces: par ce qu'apres la victoire, ils
auoient suiuy les occasions que la loy de la guerre leur
presentoit, plustost que de s'arrester à recueillir et inhumer
leurs morts. Et rend cette execution plus odieuse, le faict de
Diomedon. Cettuy cy est l'vn des condamnez, homme de notable vertu,
et militaire et politique: lequel se tirant auant pour parler,
apres auoir ouy l'arrest de leur condemnation, et trouuant
seulement lors temps de paisible audience, au lieu de s'en seruir
au
bien de sa cause, et à descouurir l'euidente iniquité d'vne si
cruelle conclusion, ne representa qu'vn soin de la conseruation de
ses iuges: priant les Dieux de tourner ce iugement à leur bien: et
à fin que, par faute de rendre les vœux que luy et ses compagnons
auoient voué, en recognoissance d'vne si illustre fortune, ils
n'attirassent l'ire des Dieux sur eux, les aduertissant quels vœux
c'estoient. Et sans dire autre chose, et sans marchander,
s'achemina de ce pas courageusement au supplice. La fortune
quelques annees apres les punit de mesme pain souppe. Car Chabrias
Capitaine general de leur armee de mer, ayant eu le dessus du
combat contre Pollis Admiral de Sparte, en l'isle de Naxe, perdit
le fruict tout net et content de sa victoire, tres-important à
leurs affaires, pour n'encourir le malheur de cet exemple, et pour
ne perdre peu de corps morts de ses amis, qui flottoyent en mer,
laissa voguer en sauueté vn monde d'ennemis viuants, qui depuis
leur feirent bien acheter cette importune superstition.
Quæris, quo iaceas, post obitum, loco? Quo non nata iacent.
Cet autre redonne le sentiment du repos, à vn corps sans ame,
Neque sepulcrum, quo recipiat, habeat portum corporis: Vbi, remissa
humana vita, corpus requiescat à malis.
Tout ainsi que nature nous faict voir, que plusieurs choses mortes
ont encore des relations occultes à la vie. Le vin s'altere aux
caues, selon aucunes mutations des saisons de sa vigne. Et la chair
de venaison change d'estat aux saloirs et de goust, selon les loix
de la chair viue, à ce qu'on dit.
CHAPITRE IIII. (TRADUCTION LIV. I, CH. IV.) Comme l'ame descharge
ses passions sur des obiects
faux, quand les vrais luy defaillent.
VN Gentil-homme des nostres merueilleusement subiect à la goutte,
estant pressé par les Medecins de laisser du tout l'vsage des
viandes salees, auoit accoustumé de respondre plaisamment, que sur
les efforts et tourments du mal, il vouloit auoir à qui s'en
prendre; et que s'escriant et maudissant tantost le ceruelat,
tantost la langue de bœuf et le iambon, il s'en sentoit d'autant
allegé.
Mais en bon escient, comme le bras estant haussé pour frapper, il
nous deult si le coup ne rencontre, et qu'il aille au vent: aussi
que pour rendre vne veuë plaisante, il ne faut pas qu'elle soit
perduë et escartee dans le vague de l'air, ains qu'elle ayt butte
pour la soustenir à raisonnable distance.
Ventus vt amittit vires, nisi robore densæ Occurrant siluæ spatio
diffusus inani.
De mesme il semble que l'ame esbranlee et esmeuë se perde en
soy-mesme, si on ne luy donne prinse: et faut tousiours luy fournir
d'obiect où elle s'abutte et agisse. Plutarque dit à propos de ceux
qui s'affectionnent aux guenons et petits chiens, que la partie
amoureuse qui est en nous, à faute de prise legitime, plustost que
de demeurer en vain, s'en forge ainsin vne faulce et friuole. Et
nous voyons que l'ame en ses passions se pipe plustost elle mesme,
se dressant vn faux subiect et fantastique, voire contre sa propre
creance, que de n'agir contre quelque chose. Ainsin emporte les
bestes leur rage à s'attaquer à la pierre et au fer, qui les a
blessees: et à se venger à belles dents sur soy-mesmes du mal
qu'elles sentent.
Pannonis haud aliter post ictum sæuior vrsa Cui iaculum parua Lybis
amentauit habena, Se rotat in vulnus, telumque irata receptum
Impetit, et secum fugientem circuit hastam.
Quelles causes n'inuentons nous des malheurs qui nous aduiennent? à
quoy ne nous prenons nous à tort ou à droit, pour auoir où nous
escrimer? Ce ne sont pas ces tresses blondes, que tu deschires, ny
la blancheur de cette poictrine, que despitée tu bats si
cruellement, qui ont perdu d'vn malheureux plomb ce frere bien
aymé: prens t'en ailleurs. Liuius parlant de l'armee Romaine en
Espaigne, apres la perte des deux freres ses grands Capitaines,
Flere omnes repente, et offensare capita: c'est vn vsage commun. Et
le Philosophe Bion, de ce Roy, qui de dueil s'arrachoit le poil,
fut plaisant, Cetuy-cy pense-il que la pelade soulage le dueil? Qui
n'a
veu mascher et engloutir les cartes, se gorger d'vne bale de dez,
pour auoir où se venger de la perte de son argent? Xerxes foita la
mer, et escriuit vn cartel de deffi au mont Athos: et Cyrus amusa
toute vne armee plusieurs iours à se venger de la riuiere de
Gyndus, pour la peur qu'il auoit eu en la passant: et Caligula
ruina vne tresbelle maison, pour le plaisir que sa mere y auoit
eu.
Le peuple disoit en ma ieunesse, qu'vn Roy de noz voysins, ayant
receu de Dieu vne bastonade, iura de s'en venger: ordonnant que de
dix ans on ne le priast, ny parlast de luy, ny autant qu'il estoit
en son auctorité, qu'on ne creust en luy. Par où on vouloit peindre
non tant la sottise, que la gloire naturelle à la nation, dequoy
estoit le compte. Ce sont vices tousiours conioincts: mais telles
actions tiennent, à la verité, vn peu plus encore d'outrecuidance,
que de bestise. Augustus Cesar ayant esté battu de la tempeste sur
mer, se print à deffier le Dieu Neptunus, et en la pompe des ieux
Circenses fist oster son image du reng où elle estoit parmy les
autres Dieux, pour se venger de luy. Enquoy il est encore moins
excusable, que les precedens, et moins qu'il ne fut depuis, lors
qu'ayant perdu vne bataille sous Quintilius Varus en Allemaigne, il
alloit de colere et de desespoir, choquant sa teste contre la
muraille, en s'escriant, Varus rens moy mes soldats: car ceux la
surpassent toute follie, d'autant que l'impieté y est ioincte, qui
s'en adressent à Dieu mesmes, ou à la fortune, comme si elle auoit
des oreilles subiectes à nostre batterie. A l'exemple des Thraces,
qui, quand il tonne ou esclaire, se mettent à tirer contre le ciel
d'vne vengeance Titanienne, pour renger Dieu à raison, à coups de
fleche. Or, comme dit cet ancien Poëte chez Plutarque,
Point ne se faut courroucer aux affaires. Il ne leur chaut de
toutes nos choleres.
Mais nous ne dirons iamais assez d'iniures au desreglement de
nostre esprit.
CHAPITRE V. (TRADUCTION LIV. I, CH. V.) Si le chef d'vne place
assiegee, doit sortir
pour parlementer.
LVCIVS Marcius Legat des Romains, en la guerre contre Perseus Roy
de Macedoine, voulant g